Violences urbaines et violences systémiques - WEPP Marseille 2023

Published: Nov 09, 2023 Duration: 01:00:38 Category: News & Politics

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Violences urbaines et violences systémiques Nous sommes ici pour parler des violences urbaines et systémiques. Depuis les années 80, on voit une recrudescence de toutes les violences urbaines. Et le 15 octobre 1983, demain c'est l'anniversaire d'ailleurs, une marche est partie de Marseille et qui est arrivée à Paris en rassemblant plus de 100 000 personnes. Et par la suite, les choses ne se sont pas forcément améliorées. On en parlera, je te donnerai la parole Philippe pour que tu nous fasses un petit peu un tour de ces événements un petit peu et de cette histoire. Pourquoi du point de vue du journaliste, de l'écrivain, on s'en retrouve là ? Et assez récemment, on voit que les choses ne sont pas forcément, ne vont pas forcément dans l'amélioration. On a tous vu les événements récents, notamment avec Naël. Donc ma première question est pour vous, Philippe. Donc pour vous, d'où viennent, quelle est finalement l'origine de ce sentiment de recrudescence d'émotions urbaines et de violence ? Est-ce que c'est une problématique systémique ? C'est une problématique d'injustice sociale ou est-ce que c'est un enjeu politique ? La relation police-population Bonjour déjà. Et en fait, la relation population police a toujours été compliquée, puisque par définition, la police est au contact de la population à la fois pour la défendre, mais aussi pour la défendre contre elle-même. Parfois, enfin en tout cas, c'est le sentiment policier qui fait que de toute façon, il y a toujours eu des accrochages, parce qu'on dit qu'il y a une recrudescence depuis les années 80, mais ceux, et j'étais loin d'être né, ceux qui ont connu mai 68 ont déjà connu une police qui était répressive. Donc c'est quelque chose qui va et qui vient. C'est régulier. Mais si je fais l'historien récent, on va dire là-dessus, c'est au moment où il y a Sarkozy que la police va à nouveau changer de mode de fonctionnement. Alors pas du tout comme on s'y attend. Sarkozy qui à coup de menton disait "on arrête la police de proximité" et qui allait mettre du karcher partout. La réalité, c'est qu'il a abîmé la police. Il a abîmé la police en termes d'effectifs. Sa RGPP, qui était le fait de ne pas remplacer les gens qui partent à la retraite, a laminé les services publics et particulièrement la police. Donc sous Sarkozy, les effectifs de police ont fondu, mais vraiment de manière très rapide et très importante. En plus, avec une compensation qui était la politique du chiffre, qui existait déjà avant. Il n'a pas inventé la politique du chiffre. Elle arrive dans les années 90 et sous Sarkozy, ça devient le seul objectif pour les BAC, par exemple, les Brigades d'Anticriminalité. On disait faire du crâne, faire du crâne, c'est ramener des chiffres, ramener des gens, faire du crâne ou quoi, des cadavres. Mais en fait, cadavres symboliques, heureusement, enfin pour la plupart quand même. Mais en tout cas, il fallait faire du chiffre. Ce qui a amené à la crise dite de la BAC Nord, où il y a eu les ripoux. Alors, on n'a pas pris les bons ripoux parce que les ripoux, ils étaient avant et ce qu'on a attrapé, ce n'était pas des ripoux, mais c'était une guerre de police qui fait qu'on a attrapé des gens et qu'il y a eu toute cette purification, soi-disant, de la BAC Nord. Pendant un moment, il n'y avait plus de BAC Nord, puis à nouveau une BAC Nord. Il faut savoir que la BAC, ça n'est dans les années 90, c'est une spécificité française. C'est quand on considère que la police n'est pas là pour faire de la prévention à l'anglaise, c'est à dire on met des tenues fluorescentes, on est vu. Et donc, on espère que l'action ne va pas avoir lieu, que le délit ne va pas avoir lieu. C'est une police qui, au contraire, attend que le délit ait lieu ou en tout cas qui essaye d'être concomitant avec le délit, donc qui essaye de faire du flagrant délit. Et donc, ça peut avoir ses bons côtés, si je pense en policier, mais ça a beaucoup de mauvais côtés aussi. Vous regarderez tous les écussons des BAC de France, ce sont des animaux de proie, quasiment toujours un lion, un aigle, un tigre. Et ils appellent ça prélever, c'est à dire que c'est le langage biologique. C'est à dire quand ils vont dans une cité prendre des minots, ils vont prélever. Et moi qui ai fait de la bio, on prélevait aussi dans la forêt. Et donc, il y a ce langage là. Et ça, c'est lié au crâne, à ramener du crâne. Et donc, on va prélever qui ? Les faciles. Comme je dis, quand ils me disent, quand les flics se vantent de faire 1800 interpellations par an de dealers à Marseille, je dis non, vous attrapez les petits gros et ceux qui ne courent pas vite. Vous n'attrapez pas des dealers. Des dealers, c'est une cinquantaine de mecs à Marseille, ils en attrapent. Mais là, c'est une autre police qui attrape les dealers, c'est la police d'enquête. Et ça, la police d'enquête, c'est la PJ, c'est Clémenceau qui met ça en place. Vous connaissez tous l'inspecteur Pujol à la télé. Et donc, ça, c'est la police judiciaire, elle qui est une police d'enquête, qui n'est pas une police qui est souvent perçue comme violente, même si jusque dans les années 80, les gardes à vue à la police judiciaire étaient compliquées. Ça a évolué. Maintenant, elles sont filmées. Il y a des avocats. Il y a plus, il y a rarement des violences en garde à vue dans la police judiciaire. Mais après, il y a la police qui est celle qui nous intéresse plus aujourd'hui, celle du maintien de l'ordre. Celle du maintien de l'ordre, c'est celle des manifs, si vous voulez. Donc, c'est principalement les CRS. Les CRS, les CRS, telles compagnies républicaines de sécurité, naissent pendant la guerre d'Algérie. Le modèle, c'est le modèle algérien, c'est-à-dire comment, en pleine guerre contre un ennemi qui est perçu comme terroriste, on peut avoir un modèle militaire pour lutter contre. Et ce modèle n'a pas arrêté d'évoluer, de s'organiser jusqu'à la Bravem aujourd'hui, qui est à la fois fortement armée et en même temps très mobile. Ils mélangent les deux catégories. Quand Sarkozy, il fait du mal à la police. D'un seul coup, on est une police, si je prends Marseille, où il nous manque au moins 400 policiers, au moins 400 policiers juste pour l'enquête et l'ordre public. Il en manque en fait, il y en a 2 500 sur les Bouches-du-Rhône, il y en a 20 000 rien que pour Paris. C'est ça le rapport, sachant que les Bouches-du-Rhône, c'est quand même un peu plus grand que Paris. C'était en 2012. François Hollande va arriver, lui, paradoxalement, alors qu'il est de gauche, qu'il n'est pas perçu comme quelqu'un de sécuritaire, va être au contraire celui qui, par des mécanismes d'adjoint de sécurité, les ADS, c'est-à-dire des gens qui n'ont pas de diplôme parce que la formation de policier est trop longue, on va faire rentrer des ADS qui vont rapidement devenir policiers. Mais ils sont très peu formés. C'est-à-dire on prend des gars qui sont des agents de sécu et ils deviennent policiers avec, en théorie, moins de droits, en réalité, on est tellement démuni sur le terrain qu'ils ont un chef d'équipe qui, lui, est un policier policier, et eux, et après, il y a deux adjoints de sécurité qui n'ont pas les droits, mais que c'est toujours celui qui les accompagne qui les endosse. Donc, au final, c'est des policiers mal formés. Et donc, on en arrive ensuite, je fais très vite, en 2015, où il y a les attentats, notamment Charlie Hebdo, et là, d'un seul coup, on va basculer dans quelque chose d'un peu plus sécuritaire. Ça va déjà commencer en 2001. Ça monte, tout ça. En 2015, là, on passe à quelque chose de plus puissant. Et toute la lutte antiterroriste, finalement, finit par être de l'ordre public. C'est-à-dire l'antiterrorisme est devenu l'ordre public. Donc, dans la méthode, dans la doctrine policière, ça va favoriser les plus virulents. On n'est pas encore violents, on est virulents. Et la doctrine policière, sur 5, 6, 7 ans, va faire monter petit à petit à la surface les policiers efficaces dans cette doctrine, c'est-à-dire des policiers violents et des policiers, parfois, racistes pour le terrain. Alors, moi, je ne suis pas de ceux qui disent que la police est raciste. Je suis de ceux qui disent que la doctrine fait remonter les policiers racistes. Il y a le racisme au sein de la police. J'ai été fédéracié 11 ans, moi, donc j'ai fréquenté pendant 11 ans les policiers tous les jours à l'évêché. Ce n'est pas massivement raciste. Il y a peut-être un racisme un peu plus élevé, quand même, que dans la population, si on regarde les votes. Mais il faut se rappeler que le syndicat qui gagne, c'est l'unité police, c'est la force ouvrière. Donc, la force ouvrière, c'est une gauche. Bon, voilà, c'est Marseille, mais ça reste quand même... Ce n'est pas l'extrême droite. Et le deuxième syndicat, c'est Alliance, très, très à droite, et qui s'exprime beaucoup à la télé. C'est ça qui fait illusion. Ils s'expriment beaucoup à la télé parce qu'en fait, dès qu'un journaliste a besoin qu'un policier parle, il prend un syndicaliste et celui qui a donné sa carte et qui est appelé, c'est celui d'Alliance qui va faire une déclaration de choc. Pour la télé, c'est parfait. Donc, c'est pour ça qu'ils sont très présents, mais ils ne sont pas si présents que ça au niveau syndical. Ça reste l'unité police, les principaux. Cependant, la doctrine policière fait remonter racisme et violence. Et donc, c'est là que petit à petit, on se retrouve avec, depuis tous ces moments où la police allait mal, et aujourd'hui, elle a été renforcée particulièrement depuis 2015, on se retrouve avec une doctrine policière violente, agressive, particulièrement dans le maintien de l'ordre, donc dans les manifs. -Merci. Oui, donc là, on a un peu une vision de comment est-ce que la police, comment est-ce que l'ordre public a été abîmé récemment, ces toutes dernières années ? Maintenant, il y a aussi ce lien qu'on a vu dans la table ronde précédente, entre tout ce qui est justice sociale et justice et ordre. Donc, Samia, vous êtes... Donc, un peu, vous travaillez dans le milieu associatif, vous avez un point de vue qui est très société civile. Est-ce que pour vous, finalement, plus de justice sociale permet aussi de réduire ce besoin un petit peu de police et d'ordre public et de répression ? -Bonjour à tous. Merci au Parti pirate pour cette initiative. Et bravo à la table ronde précédente, qui m'a porté beaucoup de frustration. Finalement, j'aurais bien participé à cette table ronde aussi. Non, non, c'était extrêmement intéressant dans la façon dont ça, justement, interroge ce rapport assez... Vous avez donné des exemples très concrets, mais aussi, vous avez abordé vraiment le rapport ontologique qu'on peut avoir à l'enfermement, à la violence sur les corps. C'est quelque chose... Enfin, vraiment, c'est quelque chose à laquelle je suis très sensible, parce que moi, je travaille plutôt sur une violence qui est une violence non seulement systémique, mais une violence qui a encore beaucoup de mal à se défendre, enfin, dont la société a beaucoup de mal à se défendre, c'est la question des discriminations et du racisme. Alors, la police est-elle raciste ? En tout cas, pour moi, il y a une chose qui fait aucun doute, c'est que des violences policières et des violences racistes, il y en a. Et c'est celle-là qui m'intéresse en particulier, parce que, ben oui, tu l'évoquais, on va célébrer les 40 ans de la marche pour l'égalité contre le racisme. Qu'est-ce qui a suscité, finalement, cet événement, qui reste d'ailleurs assez invisibilisé dans l'histoire nationale et locale, bien que l'événement soit parti de Marseille ? C'est précisément que la reconnaissance de la question du racisme, et notamment du racisme dans les institutions en général, dont la police fait partie, on pourrait évoquer l'école, on pourrait évoquer d'autres institutions, est assez mal perçue, assez mal, finalement, connue dans notre société. C'est une violence qui est à la fois une violence qui produit des morts, et des morts qui n'ont pas tous le même profil sociologique. Parce qu'il y a 40 ans, c'était Toumi Djeja qui prenait une balle dans le ventre en bas de sa tour. Et puis après, il y a eu tous les autres, de Malik Ousekine à Zineb Redouane. On peut voir des faits divers, comme on peut voir des répliques d'une histoire de la violence et d'une histoire du racisme. Moi, je défends qu'il s'agisse là bien d'une histoire de la violence et d'une histoire du racisme en France et de France. Un racisme qui est bien sûr lié au fait que dans nos sociétés, on nous rabâche depuis notre plus jeune âge que les races n'existent pas. Comme si le fait de déterminer qu'il n'y a pas de race, ça évacuait d'une certaine manière la question du racisme. Alors même s'il n'y a pas de race biologique, il y a des races sociales. Il y a des constructions sociales de la race. On le voit et on est complètement soumis à ça, notamment sur le plan médiatique, quand on évoque l'origine réelle ou supposée d'un criminel ou d'un délinquant lorsqu'il est d'origine maghrébine, africaine, en tout cas non caucasien. De la même façon qu'on va l'évoquer là, dans le drame que nous connaissons, dans le meurtre, l'assassinat de cet enseignant. C'est une question très importante pour arriver à prendre en considération cette violence qui s'exprime de cette façon-là, parce que c'est un héritage, c'est une violence héritée, c'est une violence qu'on peut décider dans une société d'entretenir ou pas. La façon dont on s'en défend, c'est la façon dont on va prendre en compte la question des discriminations, et notamment des discriminations raciales. Quand je dis que c'est un leg, c'est un leg bien sûr, que tu l'évoquais Philippe, qui est aussi lié à l'histoire d'une institution qui est la police, et plus largement l'armée, qui est très liée à notre histoire coloniale, qui est liée à notre histoire impérialiste, et qui continue de nourrir d'une certaine manière des visions stéréotypées, des visions complètement biaisées des citoyens, dans leur diversité. Donc à Ancrage, qu'est-ce qu'on propose ? On propose d'abord de valoriser cette histoire, c'est-à-dire de comprendre pourquoi en 1973 à Marseille, un groupuscule finalement va poser une bombe au consul algérien à Marseille. Qui sont-ils ? Qui sont ces personnes ? Est-ce que ce sont juste d'anciens membres actifs de l'OAS ? Est-ce qu'ils ont ou pas un lien avec le SDEC, donc avec les services français ? Ça c'est vraiment un élément très important pour nous, parce que ça permet de construire vraiment dans le long terme cette compréhension de la violence, et de ce qu'il y a finalement, ce qui est à l'origine de cette violence. C'est aussi bien sûr faire l'histoire des ratonnades, et le contexte actuel nous montre que des ratonnades, il peut y en avoir en pied de quartier, en pied de cité, mais il y a aussi toutes ces ratonnades internationales que subissent des peuples qui sont assignés au silence. Et maintenant c'est nous qui sommes en tant que citoyens français parfois assignés au silence, quand on souhaite soutenir l'autodétermination des peuples, quand on souhaite défendre finalement la lutte contre le racisme. Donc on voit bien qu'il y a un terme qui a été utilisé tout à l'heure, que j'ai trouvé très intéressant, la pleurabilité. C'est un terme aussi qui m'intéresse beaucoup. La façon dont on peut défendre une position de victime, dont on peut reconnaître, sans être dans la victimisation, mais reconnaître la dimension victimaire de certaines situations de violence, qui sont souvent rendues invisibles ou injustifiées par des arguments qui sont, ce que vous évoquiez tout à l'heure pour la prison, ils payent leur peine, enfin ils payent leur... Donc c'est réglé, ils doivent faire de la prison, et c'est la seule solution, la seule alternative qu'on peut proposer à ces personnes incarcérées. Dans la question des discriminations, aujourd'hui, il faut comprendre qu'en France, ça reste un droit subversif. Alors on a le défenseur des droits, on a des sites qui accompagnent des victimes, mais les discriminations sont encore très très peu prises en compte par notre justice. Et une façon de soutenir, parce que je ne voudrais pas être trop longue, une façon de soutenir cette action-là, c'est de reconnaître les actions de groupe et c'est de soutenir le contentieux. Aujourd'hui, de ce point de vue-là, ce n'est pas encore suffisamment le cas, et donc toutes ces situations de discrimination qu'on peut connaître et rencontrer ne sont pas réellement traitées sur le plan de la justice. Merci, Samia. Donc après un petit peu ce tour de situation, comment est-ce que la police a été dégradée, comment est-ce que la société civile le vit, notamment dans les discriminations, dans le racisme ? Ici, on essaie aussi de construire, pas seulement de parler de ce qui s'est passé, mais aussi essayer de construire une vision politique, d'apporter une réponse à ces constats-là. Alors, Jean-Christian, vous avez travaillé de nombreuses années, notamment autour de la prévention, de la prévention dans les collectivités locales. Pour vous, quelle est une réponse qui peut être adéquate à cette situation, un petit peu, au moins de sentiments de violence croissante, mais aussi de dégradation de police, de constats de racisme ou de discrimination quotidienne, et de violence quotidienne un petit peu dans nos villes, mais aussi à des niveaux plus élevés, on va dire, au niveau de l'État, ou voire au niveau de l'Europe. La République qui a failli ? Oui, bonjour. En effet, je suis plutôt un enfant de 68, j'ai ce privilège, donc j'ai aussi cette ancienneté, cette expérience et l'évolution de tous ces enjeux, particulièrement sur la ville de Marseille. La question du thème, elle ressemble à... En tout cas, certains la poseraient comme ça, comme l'histoire de l'œuf et de la poule. Pour ce qui me concerne, sur mes convictions, c'est bien la République qui a failli. C'est la violence urbaine, en effet, et le produit de l'injustice sociale, même si c'est un peu trop caricatural, mais quand même, même si les deux violences n'ont pas de légitimité, c'est bien la République qui a failli. Voilà pour planter le décor, mais d'autres posent la question autrement. Sur mon expérience personnelle, j'ai commencé comme éducateur de rue à Lacaillol. Pour les non-marseillais, Lacaillol, c'est à 200 mètres des Beaumet, ce qui induit de vivre dans un bidonville. À cette époque-là, pour les jeunes, c'était d'être construit, de se construire une jeunesse avec une délinquance qui était endogène, qui n'était pas... Il n'y avait pas de manifestation de violence urbaine, mais il y avait quand même beaucoup de violence, et notamment, la violence policière existait déjà, puisque les jeunes dont j'avais la charge ne sortaient pas de l'évêché. L'évêché, encore une fois, pour les non-marseillais, c'est l'endroit où les garde à vue s'opèrent. Et ils étaient quasi systématiquement tabassés et rentraient sur le quartier. Et à l'époque, évidemment, il n'y avait pas de réseaux sociaux, ça n'était pas connu, mais ça existait déjà. Et puis, il y a eu toute cette période de violence raciste à Marseille. À la Cahiole, encore, il y a eu un attentat du Front National en 1983. La gauche venait d'arriver au pouvoir. C'était Gaston Defer qui était ministre de l'Intérieur. Donc, là aussi, des enjeux sociétaux considérables et politiques aussi considérables. À cette même période, c'est pour ça qu'on peut dater les violences urbaines, en tout cas, pour ce qui concerne la période récente, avec les événements de Vénissieux, pour ceux qui ont un peu l'histoire de Vénissieux et de Vaud-en-Velin. Donc, je plante aussi le décor politique. Gaston Defer, ministre de l'Intérieur, il était aussi maire de Marseille encore à l'époque. Et avec un monsieur que je considère comme le père de la prévention de la délinquance et de la sécurité, c'est Gilbert Bonnemaison. Il a conçu les conseils communaux de prévention de la délinquance qui sont devenus, après, plus tard, les conseils locaux de sécurité et de prévention de la délinquance. Donc, les politiques publiques de prévention et de sécurité se construisent avec la gauche, avec ce triptyque théorique de prévention, de solidarité et de répression. Donc, c'était une approche globale. La gauche, quand même, a inventé, même en Europe, puisque c'était un modèle qui était dupliqué, en tout cas qui a intéressé les autres collectivités, s'est construit sur ce triptyque solidarité, prévention et répression et sécurité. Donc, en fait, les acteurs des collectivités, principalement la municipalité de Marseille, pour ce qui nous concerne ici, la collectivité a construit le CLSPD. Alors, moi, j'ai été recruté, après avoir été éducateur de rue, j'ai été recruté par la ville de Marseille en 89 pour mettre en place ce conseil communal de prévention de la délinquance qui a une vocation, qui en soi, en tout cas en théorie, a une vocation à se rapprocher, à être une instance de citoyenneté, donc de participation. Ce sont les institutions qui participent, mais on avait à l'époque mis en place des conseils de prévention de la délinquance décentralisés sur chaque mérite secteur. Et on travaillait avec le Parquet, avec l'administration pénitentiaire, avec la protection judiciaire de la jeunesse et avec tout le secteur associatif. On a fait des choses, notamment pour revenir au débat précédent avec l'administration pénitentiaire, puisque à cette époque-là, on a créé des chantiers extérieurs de détenus, c'est-à-dire que les sortants de prison, les fins de peine étaient mises, sortaient de la prison et avaient une expérience de travail salarié pour ne pas qu'il y ait une sortie sèche. Donc c'était une forme de prévention de la récidive. Il y avait à l'intérieur de la prison, ce qui a été évoqué tout à l'heure, un certain nombre d'activités culturelles, sportives, etc. Mais il y avait aussi déjà à l'époque l'intérêt de travailler avec l'administration pénitentiaire en milieu ouvert et la protection judiciaire en milieu ouvert, c'est-à-dire de prévenir là aussi la délinquance avant qu'elle ne se produise, notamment en direction des jeunes et des mineurs. Sur la question des violences urbaines à Marseille et dans ce cadre-là, j'ai en mémoire, c'est un exemple, comme quoi les politiques publiques peuvent être efficaces. L'assassinat du jeune Comorien sur la Savine, là aussi par les couleurs d'affiches du Front National, il faut se souvenir quand même, à chaque fois il faut se faire des piqûres de rappel pour savoir qui est le Front National, parce que c'est ça, le FN, même s'il s'est amendé depuis, en tout cas en parole. La police a-t-elle été abîmée ? Donc les couleurs d'affiches, bref, et c'est avec l'instance policière, avec l'instance judiciaire du parquet de Marseille qu'on a prévenu les violences urbaines qui ne manquaient pas de bouger, de commencer à s'organiser sur les quartiers nord de Marseille. Donc c'est avec mon service à l'époque, puisque j'étais responsable du service à la ville de Marseille, qu'on a pu mettre en place ce dispositif qui a permis d'échanger, d'être au contact des jeunes. Pour revenir sur la police, oui, malheureusement, elle a beaucoup évolué. Moi aussi, je date avec Sarkozy, cette fracture, et la police en effet a été abîmée. C'est une police de prédation, de cow-boy, c'est une police... Alors, quand je disais que la République a failli, quand on met des jeunes sur un quartier qui déjà vivent le racisme et l'exclusion sociale, on met des hommes immatures, violents, immatures, et souvent avec un niveau culturel peu élevé quand même, en tout cas, quand ils sont dans le collectif de l'intervention, ça provoque forcément des drames. Et là, c'est absolument terrible, parce que les jeunes ne peuvent pas... Un jeune délinquant qui a produit des actes délinquants ne peut s'en sortir que s'il y a des rencontres. L'exemple de tout à l'heure nous l'a montré. C'est avec des rencontres, s'il rencontre un éducateur, un enseignant, un travailleur social. Il y a, à mon avis, trop de policiers à Marseille par rapport au nombre d'éducateurs. Moi, j'avais l'habitude de dire à mes collègues que pour trouver des solutions sur les quartiers, il faut saturer l'espace public d'intervenants sociaux. Il faut aider les associations. La prison, ça n'a pas été dit tout à l'heure, mais un détenu, c'est entre 40 000 et 80 000 euros par an. Ça coûte ça, un détenu. Pour qu'il y ait un poste fixe de police nationale, on avait compté à une époque, il fallait sept policiers pour remplir un intervenant de la police, avec les congés, pour que le poste soit complet 24 heures sur 24, 7 jours sur 7. Il fallait 7 à 8 policiers pour que le poste soit couvert. Et on abandonne, d'une certaine manière, le travail social. La Politive de la Ville est là pour ça, mais elle aussi a été abîmée, abandonnée, elle n'a pas été bien gérée. Mais les collectivités ont une responsabilité. C'est à la Ville de Marseille, je vous regarde, vous les élus de Marseille, de prendre en charge cette question et de travailler, encore une fois, sur les bases de ce que j'évoquais, du concept de Gilbert Bonnemaison, prévention, sécurité, solidarité. Et ça, c'est aux collectivités de le faire et d'avoir la volonté politique d'associer tous les acteurs de ce système. - Merci, Jean-Christian. Ce qu'on peut retenir, je trouve, c'est que, en fait, les outils, beaucoup d'outils existent déjà et demandent juste à être finalement retravaillés et déployés. Ce n'est peut-être pas non plus la peine d'essayer de tout réinventer comme si on avait eu l'illumination, finalement. Et dans le triptyque dont vous parliez, effectivement, on a vu que la police a été abîmée, que la prévention elle-même a été abîmée, en particulier dans certains départements, comme les Bouges-du-Rhône, où on en a particulièrement besoin. Mais aussi, ce que je retiens un petit peu, c'est l'image qu'on se fait dans la situation de violence, de violence urbaine, et le rôle un petit peu de la communication, du journalisme qu'il y a autour de ça. Vous l'aviez évoqué, dès qu'on veut entendre parler la police sur un sujet, on ne prend pas le syndicat majoritaire, mais on prend celui qui parle le plus fort, j'ai envie de dire, et très souvent, malheureusement, ceux qui parlent le plus fort ne sont pas forcément ceux qui tiennent la parole la plus raisonnée. Alors, d'après vous, quel rôle peut jouer, justement, dans cet apaisement de société, tout cet univers de communication autour des livres, de la culture, mais surtout des médias, des médias de télévisé, des médias d'information, on voit se développer énormément des médias qui, j'ai envie de dire, tendent à vouloir attiser de l'émotionnel, et l'émotionnel, en soi, dans l'information, c'est un petit peu contre-productif, ça fait une culture de la peur. - Mais à partir des années 90, il y a eu les gratuits qui sont arrivés, vous vous rappelez, Direct+, tous ces journaux gratuits sortis de métro, Les médias payants et là, ça a été le début de la fin pour les médias payants. Les Odimat ont baissé considérablement parce que le gratuit est venu, donc c'était avant Internet, avant l'avènement d'Internet. Ensuite, Internet a pris la suite, et la stratégie des grands médias, des grands journaux, ça a été de mettre l'info gratuite sur Internet, donc on a habitué les gens à ce que l'info soit gratuite. Quand ils ont fait marche arrière, vers 2008, 2009, 2010, par là, ils ont vu que c'était trop tard. Pour les gens, c'est gratuit. Et les gens qui veulent bien payer pour de l'info, ils sont ultra minoritaires, mais vraiment, c'est presque personne, on n'arrive même pas à imaginer qu'on puisse payer pour une info. Or, faire de l'information, c'est très coûteux, particulièrement de l'information de proximité. Si je prends les deux journaux marseillais, La Marseillaise et La Provence, La Marseillaise, qui était un journal d'hyper proximité, au fur et à mesure que ça s'est érodé, ils ont lâché la proximité. Ils ont lâché, par exemple, le Foot Amateur, qui était quelque chose d'étrélu, où chaque lundi, tu avais les résultats de chaque petit championnat. Ça, ça a disparu. Ce sont des choses très importantes, qui ont l'air des détails, qui sont très importantes. La Marseillaise a lâché la proximité avec tout le milieu associatif de l'ensemble des quartiers, mais parce qu'il n'y a pas les moyens de le faire. Et La Provence, de son côté, a aussi, même s'ils en faisaient un peu moins, ils ne faisaient pas cette proximité-là, ils en faisaient une autre, ils en faisaient beaucoup, eux aussi, la proximité a lâché. Donc, quel est le moyen pour essayer d'avoir un Audimat ? Et là, le financement, ça ne va pas être les gens, ça va être la pub. Les gens, ça devient un produit. Les gens vont te permettre d'avoir de la pub. Ça va être le seul modèle possible. Il y a de très rares exceptions, comme Mediapart, mais Mediapart ne peut pas y en avoir deux, puisqu'il y en a déjà un, et qui prend déjà tout le marché des gens qui veulent bien payer. Donc, s'il y a un deuxième Mediapart, c'est déjà foutu, ce n'est pas possible. On ne peut pas dire, allons sur ce modèle, c'est inenvisageable. Et donc, la seule solution, c'est d'aller dans l'émotion, dans le spectacle. En plus, les télés continues sont arrivées, donc là, il faut combler. Vous voyez, avec l'attentat d'Arras, là, il rame, quoi, parce qu'une fois qu'on a donné quatre infos, après, il faut sans arrêt, il faut revenir. Donc, les seuls moyens de maintenir les gens devant la télé ou faire qu'ils reviennent, c'est l'émotion. Donc, aller sur les grands moments de joie, les grands moments de peine, les grands de peur, voilà, toutes les passions tristes de l'être humain sont réunies dans la télé continue, dans ce truc-là. Les journalistes eux-mêmes, à titre individuel, ne sont pas fautifs. On va en trouver un ou deux. Moi, je ne considère pas les speak-reen célèbres de la télé comme des journalistes. Pour moi, les Pascal Praud, tout ça, c'est des speak-reen, ce n'est pas autre chose. Donc, quand je parle de journaliste, je parle des vrais, ceux qui vont chercher de l'info, parce qu'on mélange tout. On mélange un présentateur et un journaliste. Donc, les vrais journalistes, l'immense majorité des 75 000 journalistes français, peut-être 74 000 journalistes, sont dans une envie de faire de la réelle info et sont obligés de temps en temps de faire de l'info-spectacle, sont obligés d'avoir des titres aguichérants. Moi, quand j'étais à La Marseillaise, comme à La Marseillaise, c'est toujours la galère, on fait toujours plein de trucs en même temps. Je faisais à la fois la culture, tout ce qui était hip-hop et rock, je faisais l'effet d'hiver et je faisais la mise en ligne le matin des articles sur le site de La Marseillaise. Je faisais des expériences, c'était mon côté, ma formation scientifique qui revenait, et je changeais les titres de mes propres articles pour voir lesquels avaient cliqué le plus. Dès que je mettais de la Kalachnikov, des femmes nues, des viols en plein jour, des trucs de ce genre, je multipliais par 1 000 ou 2 000 le nombre de clics. C'était incomparable. Donc, La Marseillaise ne cherchait pas ça, surtout à l'époque, elle ne cherchait pas à être sur le web. Mais aujourd'hui, la logique, ça va être immédiatement de mettre en plein jour, en plein centre-ville, alors qu'il est 19h et que c'est au fin fond des quartiers Nord. Mais ce n'est pas grave, on va dire plein centre-ville. On écrit des choses qui sont en semi-faux. Et donc, c'est vrai que cette émotion-là, comment contrer ce truc-là, je ne sais pas. Je ne le sais pas, parce que les journalistes, la titre individuel, ils essayent de le faire, mais le média derrière, quand tu ne maîtrises pas ton titre, le titre, ça va être quelqu'un d'autre qui va le faire. Par ailleurs, la télé, c'est encore pire. La télé, tu ne maîtrises quasiment rien. Tu arrives avec des infos, quelqu'un va faire autre chose, puis autre chose. Tu n'as pas de maîtrise. Tu as une maîtrise sur des livres, c'est pour ça que je fais des livres. Tu as une maîtrise sur des documentaires, et c'est une maîtrise relative, parce que tu es dans de la négociation perpétuelle. Sur des livres, il y a très peu de négo qui arrive, à part tout ce qui est légal. Et donc, moi, j'ai eu l'opportunité, la possibilité de me retirer du quotidien. Je ne veux plus en faire, moi. Vous voyez, je ne pige nulle part, alors que je pourrais, en fait, ça ne m'intéresse pas, et de pouvoir faire ça. Mais le journaliste, il est confronté à ça. Puis après, je me mets dans la peau du fait diversier. J'ai été fait diversier, donc tu es au contact permanent avec la police et les voyous. Tu as vraiment les deux clans. La police, quand tu es le matin, et qu'ils te font le compte-rendu de ce qui s'est passé la veille, le jargon, déjà, ils te posent les bases. C'est-à-dire qu'on attrape des individus de type NA, nord-africain, de type négroïde, des Noirs, de type asiatique, et de type caucasien. Ce sont les quatre types possibles. Alors, ils font attention, avant, ils ricanaient. Allez, on a encore des NA. Bon, alors, c'est des clients à nous. Ça veut dire que c'est des NA. Ça, ils ont arrêté, parce qu'ils ont compris Les journalistes que quand on est chargé de com', on fait un peu gaffe à ce genre de blagues. Ils les font entre eux, mais devant les journalistes, un peu moins. Et puis, les jeunes journalistes, ils sont moins tolérants sur ce genre de phrases. Je dois avouer que moi, je suis vieil époque, et que quand on me faisait des grosses blagues, j'étais un fait diversier qui voulait avoir des infos, et je les laissais tranquilles sur leurs blagues. Je n'avais pas un combat où je voulais faire de mes flics des gauchistes. Je m'en foutais complètement. J'étais un journaliste qui était là. Je n'étais pas là pour les convaincre. Donc, je laissais passer. Les jeunes journalistes, ils ne laissent plus passer. Donc, ils l'ont compris. Il faut faire attention. Donc, il y a quand même une nouvelle manière de faire du journalisme qui a des bons côtés aussi. Et donc, ils font tout ça. Et après, moi, je leur faisais remarquer quand même, parce que tu as une proximité avec les gens que tu vois tous les jours. Je disais quand même, stigmatisation à mort. Vous ne chopez que les Arabes, quoi. Grosso modo, c'est du ciblage. C'est du ciblage. Je dis, mais si on va dans le huitième, que je cible tous les Blancs, vous allez augmenter considérablement le trafic de stups chez les Blancs. Parce qu'on va bien en trouver deux ou trois contre les Rots. On le sait, la bête de la cocaïne, pardon. Parce qu'on sait que là-bas, il y a des trafics qui sont faits par des réseaux dits de Blancs, caucasiens, si vous voulez. Et ils ont rigolé, en fait. Parce qu'en effet, la demande, c'est de ramener du crâne. C'est ramener des chiffres. Un petit peu moins depuis Hollande. Ce n'est pas revenu en force, quand même, ça. Mais ça existe toujours. Donc, si on veut ramener du chiffre, il faut choper les minots. Et les minots, c'est plus facile. C'est ce que je disais. Les petits, gros, et ceux qui ne courent pas vite. Donc, on va choper ceux qui sont dans les pourtours du trafic de stups. Et il y a un sociotype à ça. Il y a un sociotype que tu le sois ou pas. Il y a une sorte de sociotype aux trafiquants. Mais après, je finis là-dessus. J'ai une dernière difficulté, les policiers. C'est qu'aujourd'hui, attraper un chouf, on ne peut rien en faire, en fait. C'est-à-dire, d'un point de vue judiciaire, un chouf, il a le droit d'être assis sur une chaise et ne rien foutre de la journée, au niveau légal. Il n'a pas de produit sur lui. Il crie juste quand il y a la police qui arrive. Ce n'est pas illégal. Et quand on l'attrape, en fait, il ne court plus. Les choufs, c'est fini. Il reste assis maintenant. On les attrape. Tu as du produit. Moi, je n'ai rien. Je ne fais rien. Tu as de l'argent. Moi, je n'ai rien. Je ne fais rien. Et donc, il faut trouver un moyen de l'emporter, le petit. Ils en ont marre de ces gamins qui les narguent un petit peu. Ils ont raison. Il y a un combat de coques, un peu, les poulets, les gamins et les petits coques. Ils en ont marre. Ils essaient d'obtenir des outrages. Il y a des moyens très simples. Tu fais une clé de bras en tirant les cheveux. Tu fais des petites insultes aux mères. Je ne vais pas les dire. J'ai cité, moi. J'ai vu ça. Il finit par y avoir un outrage. Et là, boum, c'est bon. On lui a mis une ligne. Outrage, rébellion, outrage, rébellion. Il y en a qui vont jusqu'à pousser l'outrage et rébellion histoire de gagner un petit peu d'argent au tribunal. Les flics, ils peuvent faire ça. Ça peut arriver. Ce n'est pas massif. Mais il y en a qui sont spécialistes. D'ailleurs, la hiérarchie commence à voir que quand tel agent a en permanence des primes, comme ça, pour lui, c'est des primes, ils se disent, lui, quand même, il est problématique. Ils essayent de le recevoir, tout ça. Mais quand... Par contre, c'est systématique d'essayer de mettre une ligne de plus au casier. Parce qu'il faut savoir que les mineurs, on dit qu'ils ne vont pas en prison. C'est complètement faux. Ils ne vont pas en prison, mais ils accumulent dans le casier judiciaire des lignes. Et quand ils ont 16 ans, ça commence à se compliquer. Mais alors 18 ans, là, du jour au lendemain, ils vont payer pour la totalité de ce qu'ils ont fait. C'est-à-dire que c'est juste qu'on retarde la peine. Et c'est logique. C'est pour laisser le temps d'avoir de l'éducatif sur le gamin. Et ça marche. Ça marche beaucoup. Et le but d'un policier qui veut se faire les N.A. des quartiers Nord, c'est de lui mettre un max de lignes. Et donc, il va trouver des techniques pour le faire se rebeller. Et donc, ça fait monter la relation police-jeunesse compliquée. Il y a quelques flics, quand même, qui sont dans l'apaisement et quelques flics qui sont dans la discussion. J'en ai vu aussi et j'en connais. Ils sont minoritaires aujourd'hui. Ils étaient majoritaires dans les années 90. Ils essaient un petit peu d'apaiser les tensions. Il y a notamment une unité à Marseille qui s'appelle l'UPU, l'Unité de Prévention Urbaine, qui est la seule UPU qui a été conservée. Quand Sarkozy a dit, ici, on ne joue pas au foot, il était à Toulouse, il a dissous les UPU. Sauf que les UPU, ce sont des unités de police qui rentrent sans armes, en milieu ouvert, c'est-à-dire en disant "je suis flic", et qui rentrent dans une unité, qui font de l'information dans les deux sens. Ils font de l'information, qu'ils sortent pour les services, et ils font de l'information auprès de la population. Par exemple, quand il y a un minot qui va glisser, il se tourne soit vers l'associative, soit la PJJ, soit les confrères, si vraiment il est déjà, d'autres unités de police, pour agir sur ces jeunes. Ça, ça marche très bien. Ils sont 10 à Marseille. 10 avec les maladies, ils sont 5 sur le terrain. Donc, en fait, il faudra avoir, là, pour le coup des UPU, il faudra avoir 110, 120. Ils savaient tellement que c'était important à Marseille qu'on avait ordre, nous, journalistes, de ne pas parler de l'UPU marseillaise sous Sarko et un petit peu sous Hollande, parce qu'officiellement, elle avait été dissoute, et à Marseille, ils l'avaient maintenue. Donc, il y avait une conscience de l'importance de cette unité. Et aujourd'hui, ils sont toujours à si peu nombre, mais ils sont dans la relation entre la société civile, la justice et la police. Le rôle de la République Voilà une police qui est intéressante. -Oui. Merci. Donc, on l'a vu, Jean-Christian, vous l'avez souligné, on le voit encore aujourd'hui, on a le questionnement du rôle de la République. La République a failli, mais quel doit être le rôle aujourd'hui de la République pour sortir un petit peu de ce cercle ? Parce qu'on le voit, c'est un petit peu un cercle, on dégrade la relation avec les habitants, la relation police-habitant. Donc, les habitants, ça crée de l'injustice, ça crée de la violence, donc il y a encore plus, etc. Ce sont tous des cercles vicieux. Mais aujourd'hui, si on veut que la République retrouve cette place-là de protection des habitants, mais de protection de manière globale, pas seulement contre eux, comme ça avait été dit en introduction. Pour vous, Samia, quel doit être le juste milieu, le juste rôle ? On a des outils comme l'école, on a l'outil comme le tissu associatif, on a les différents échelons, on a l'éducation, on a la culture. Donc, imaginons qu'aujourd'hui, on veuille mettre un plan en marche pour vous, quelles seraient vraiment les premières choses à faire ? Lutter contre le racisme, lutter pour la solidarité, etc. Je pense que tu l'as très bien dit, je pense que le fameux triptyque "Solidarité, prévention, répression", c'est quelque chose qu'on n'a pas fait mieux depuis. C'est-à-dire qu'on ne va pas réinventer le fil à couper le beurre. Mais je pense qu'au-delà de ça, donc la question des moyens, c'est une question fondamentale, plus de police, parce que la sécurité publique, on ne va pas la laisser au Front national. La sécurité publique, c'est un droit de n'importe quel citoyen de ce pays. Et moi, quand j'ai intégré le Conseil national des villes, la première chose que j'ai faite, c'est que j'ai parlé de la situation des femmes dans les quartiers populaires. Parce que les femmes dans les quartiers populaires, elles vivent et elles subissent la violence extérieure, mais aussi la violence endogène qui est extrêmement forte. Aujourd'hui, on est quand même un des territoires où la prostitution des mineurs est en train d'exposer. Littéralement, elle est corrélée à la question du trafic de stupéfiants. Et donc là, c'est pareil. On a très peu, tout le monde s'est beaucoup ému de ce film, "Chez Razad". Moi, c'est un film qui m'a mis très en colère, parce que, et en même temps, qui avait le mérite, c'est vrai, de montrer des réalités qui sont encore aussi très invisibilisées. Il y a les jeunes filles des quartiers, il y a aussi les jeunes migrantes qui sont enfermées dans des tours entières dans nos quartiers et qui subissent des viols à répétition sous drogue et sous cacheton. Moi, ce qui m'intéresse, c'est de savoir ce qu'on fait pour ces personnes-là. C'est ce qu'on fait pour les familles monoparentales qui viennent une fois de plus d'être criminalisées sur la question... Moi, je parle plutôt de révolte que d'émeute, parce que les émeutes urbaines, c'est pas la même chose que les révoltes. Les révoltes, elles sont mobilisées du fait de cette injustice sociale à répétition. Alors moi, je suis sociologue de formation. C'est vraiment la pire des disciplines aujourd'hui quand on veut parler de ces questions-là, parce que je vous rappelle quand même qu'on a eu un certain nombre de responsables politiques qui disaient qu'on expliquait, c'était justifié. C'est super grave. C'est-à-dire qu'on criminalise ces populations des quartiers populaires, on criminalise les chercheurs qui travaillent sur ces quartiers, des quartiers populaires, on criminalise les acteurs associatifs qui peuvent être justement des intermédiaires utiles en matière d'éducation populaire, parce que c'est un terme qu'on n'a pas trop utilisé jusqu'à présent, mais on est en train de parler d'éducation populaire. On pourrait rajouter une chose sur la formation, parce que la formation de tous ces corps constitués, des institutions, de l'éducation nationale, de la police sur ces quartiers, sur l'histoire de ces quartiers, sur comment se sont construites aussi ces identités narratives, pas quartier par quartier, c'est quelque chose que fait très bien Philippe Pujol en tant qu'auteur, mais que nous faisons aussi en tant qu'acteur associatif, que nous portons, que nous défendons, parce que cette identité narrative, c'est ce qui fait cohésion sociale avec celle de la ville et du territoire. Et finalement, la mauvaise réputation de Marseille, elle était liée il y a quelques années à sa place, on va dire liée au grand banditisme, aujourd'hui elle est complètement submergée par cette identité narrative autour du trafic de stupéfiants. Et moi, en tout cas, ma conviction, c'est qu'on doit aussi bien agir du point de vue politique sur la question des moyens de renforcer toutes ces actions importantes de prévention et donc de soutien de la vie associative, mais on doit aussi défendre un contre-discours sur cette mauvaise réputation de la ville. C'est extrêmement important, ça veut dire quoi ? Finalement, c'est réhumaniser les habitants de ces quartiers qui sont stigmatisés de façon incroyable. Quand ce n'est pas l'islam, c'est le trafic de stupes, quand ce n'est pas le trafic de stupes, c'est le mari violent. L'objectif, ce n'est pas de nier qu'il y ait des violences, et notamment des violences intrafamiliales, on sait qu'elles représentent majoritairement les violences qui sont vécues, notamment dans ces quartiers. Il y a une violence endogène qui est très forte, mais on doit travailler sur les narratives qui sont celles des quartiers populaires, parce que c'est ce qui permet de les réhumaniser, parce qu'aujourd'hui, vraiment, on est enfermé dans des narratives qui sont celles des chaînes d'info en continu, je ne parle pas de nous ici, mais je parle des Français en général, et des élus, et des responsables politiques qui vont remobiliser ces narratives qui sont extrêmement graves. Donc, on a le sentiment qu'aujourd'hui, toutes ces constructions sociales, ces représentations des quartiers, etc., de la population carcérale, vous l'évoquiez tout à l'heure, c'est vrai aussi, c'est des étrangers. Et l'étranger, c'est aussi bien le migrant qui a traversé la Méditerranée, qui a survécu, que le jeune de quartier, qui n'a jamais vieilli, le jeune de quartier est éternellement jeune, donc il n'y a pas de parents, il n'y a pas de grands-parents, il n'y a rien dans les quartiers, il n'y a que des jeunes. Voilà. Vraiment, le qualificatif de jeune, là, il croise... Et puis il y a un jeune, c'est vrai. Il croise tous les... Et ce que j'ai envie de dire, c'est qu'on voit les résistances qu'il y a aujourd'hui quand on essaie, et quand l'État aussi essaie d'intervenir, parce qu'il faut... Effectivement, tout n'est pas binaire. Et d'ailleurs, peut-être que le plus important, c'est d'arriver à apporter de l'ambivalence sur ces questions, qui sont des questions sensibles, qu'on ne peut pas traiter chez Pascal Praud, qu'il faut traiter avec nuance, qu'il faut traiter dans la durée. L'enjeu, c'est d'apporter de l'ambivalence et de la complexité, là où on aurait envie d'avoir une approche binaire, parce que, voilà, c'est ou répression ou prévention. C'est l'image des femmes, des familles monoparentales. Je vous rappelle aussi, c'est des familles qui coûtent cher, qui profitent de la CAF, qui mentent. Il y a vraiment tout ce langage, ce vocabulaire sur les familles des quartiers populaires, qui est quand même omniprésent dans notre discours, dans notre espace public. Et ça, on y rajoute maintenant les femmes boîlées, etc. Donc la menace terroriste, je pense que vraiment arriver à apporter un contre-discours sur ces questions sociales, qui sont des questions hyper importantes, c'est indispensable. Je pense qu'on aura de moins en moins l'occasion de le faire, parce que, de la même manière qu'on a, peut-être, abîmé la police, vraiment massacré l'éducation populaire, j'assume de le dire, on est aussi en train, aujourd'hui, de contester, vraiment, de façon très importante, l'action des chercheurs en sciences sociales. On est en train de stigmatiser le rôle des acteurs associatifs, qui seraient budgétivores, clientélères, etc. Et c'est très préoccupant, je dirais, pour la bonne santé de notre démocratie. Culture et image [Applaudissements] Merci. C'est très intéressant et très important, parce que, finalement, les deux sont liés. Il y a une question de culture et d'image, qu'on reflète beaucoup au travers des médias, beaucoup par les patientistes, comme vous l'avez dit, et qui en résulte sur des stéréotypes qui sont renforcés, qui sont réduits aussi. Les stéréotypes sont, comme vous le disiez, il n'y a plus qu'un jeune de cité. On a l'impression, et on a une image de plus en plus, qui est toujours un petit peu la même, l'usage du mot "émeute" plutôt que "révolte", le choix des mots, parce que "émeute", ça va vraiment loin. On dépasse un petit peu le côté justifié. Une révolte, il y a quelque chose, il y a une raison de se révolter, alors qu'un émeutier, c'est quelqu'un qui est là juste pour casser, en quelque sorte. Donc il y a effectivement un travail de fond à faire sur l'image et la communication autour de ça. Est-ce que, Jean-Christian, vous qui avez connu un petit peu cette histoire de la politique, cette histoire de la gauche, où il fut un temps où on avait justement ce triptyque et où la gauche pouvait prononcer le mot "répression" sans être... sans être... comment dire... se sentir mis à défaut ? Aujourd'hui, on laisse beaucoup ces mots à l'extrême droite et à la droite, finalement, et on se retrouve en défaut. Pour vous, sur cette façon-là, cette façon de communiquer, comment est-ce que ce processus est arrivé ? Comment est-ce qu'il y a eu cette dérive où la gauche n'osait plus parler justement de sécurité ? Le mot "sécurité" est totalement banni, mais surtout de prévention, de solidarité, etc. Et une fois qu'on a levé, on va dire, ces tabous-là, quelles seraient un petit peu les premières actions du point de vue de l'administration ? La façon de se mettre en marche ? Vous avez évoqué, saturé, l'espace public d'éducateurs ou de médiateurs. Quel serait le process à mettre en place, j'ai envie de dire, sachant que, effectivement, si on avait des budgets et des moyens infinis, on pourrait tout de suite mettre tout en place, puisque tout a été construit. Mais par quoi doit-on commencer du point de vue, on va dire, d'administration et efficacité ? Madame, Administration et efficacité je pose la question, je fais un peu de provocation, mais je prends l'exemple de la ville de Marseille, que je connais mieux. J'encourage les élus à aller observer à quoi sert une police municipale. Les problématiques de Marseille sont, malheureusement, trop connues. Et en face de ça, la ville de Marseille met en place une police municipale, avec des effectifs qui ont encore grossi sous votre mandat. Donc, je commencerai par là, je ferai un diagnostic, quand même, des problèmes qui sont posés, et qu'est-ce qu'on met en face ? Quels sont nos prérogatives ? Quelle est la mission de la ville ? Quelles sont les missions des collectivités ? Parce qu'il ne s'agit pas que de la ville, il s'agit de la métropole. Les moyens existent, les moyens sont même importants, mais il faut faire des choix politiques, des choix budgétaires. Ils existent à la région. Quand j'étais en responsabilité, on formait plus de 350 jeunes de la PJJ par an. Donc, on était dans le cadre d'un objectif de prévention de la récidive. Je pense qu'il faut mobiliser tous les moyens qui existent des collectivités locales et construire une politique, et piloter cette politique. C'est une politique publique, la prévention de la délinquance et de la sécurité. Il ne faut absolument pas laisser cet enjeu à la police nationale, parce qu'on a l'impression, du thème qu'on a à couvrir, que le système, c'est la police nationale. Mais comme disait l'autre, la République, c'est nous. On a l'impression qu'on est des dieux grecs qui regardent la société évoluer, et on regarde le deal, et on compte les morts, mais c'est tout. Qu'est-ce qu'on fait ? Comme s'il y avait une fatalité. Il n'y a pas de fatalité. La République doit être forte. J'aimais bien cette phrase, je crois qu'elle est de Régis Debray, qui disait que la démocratie, c'est ce qu'il reste de la République quand on a éteint les lumières. Vous avez sûrement connu cette phrase, mais elle me plaît bien, parce que j'ai l'impression que la pénombre arrive dans notre République. Il est temps de changer les ampoules, quand même. Et il y a... La France n'est pas démunie. On a inventé un système, on a mis en place des systèmes, mais il faut qu'on se batte, il faut que les associations reprennent leur rôle de militants, et les partis politiques creulaient. Malheureusement, la gauche, c'était la question, la gauche a cédé aux sirènes de la sécurité, on a tartiné les villes, des villes qui n'en avaient pas besoin de vidéosurveillance, mais c'est une absurdité sans nom. Absurdité, ça coûte un pognon fou. La ville de Marseille n'a pas échappé à ça. Les élus ont cédé, ils ont abandonné ce qu'ils savaient faire, ce que leur conviction leur commandait de faire, ce que leurs citoyens, qui les avaient élus, leur commandaient de faire, mais ça a été abandonné, au profit d'un magnifique, pour ceux qui veulent le visiter, - C'est le CSU ? - Oui, bien sûr, de vidéosurveillance, je ne sais pas combien il y a de policiers municipaux, 24h/24, qui surveillent la ville de Marseille, ça sert à quoi ? Ça sert peut-être le procureur de la République pour interpeller à posteriori. - C'est un peu tard, après. - C'est souvent tard, mais quid de la prévention ? Qu'est-ce qu'on fait avant ? Qu'est-ce qu'on fait du travail social ? C'est ça qui est important. Si on écoute la police nationale, on est dans l'angélisme, parce qu'on a créé des policiers prédateurs, comme je disais tout à l'heure, mais les policiers des années 90, c'était la police de proximité, enfin, c'était un peu plus la police de proximité, on avait quand même des ministres de l'Intérieur qui comprenaient quelque chose, il y a eu un chevènement, mais avant lui, il y a eu, peu importe, un grand ministre de l'Intérieur. - Le Jost. - Exactement. Donc, il y avait de quoi faire. A un niveau national, qui demande des réponses, les réponses sont à construire. Si on donne des réponses construites, avec des enjeux, des stratégies politiques, on doit pouvoir y arriver. Ce n'est pas possible qu'on laisse aller la nature. Ce n'est pas possible. - Il y a des moyens à trouver à l'Europe aussi. Une ville comme Marseille, elle peut chercher des moyens à l'Europe. - Il y a des moyens à trouver à l'Europe, effectivement, en fonction des politiques qu'on veut, Conclusion et de la politique européenne qu'on veut mener, finalement. J'ai un peu envie de dire que, pour vous, finalement, la première réponse à avoir, et la grande priorité, c'est un peu le courage politique. Parce que si on suit un petit peu le fil, on a une médiatisation qui dérive, ensuite, une culture de la peur et des passions tristes et de stéréotypage qui arrivent. Une attente de biaiser de la sécurité, à laquelle certains élus finissent par céder. La sécurité se dégrade, et on se retrouve encore une fois dans un cercle vicieux, où l'espace public n'est plus un espace démocratique, dans le sens où la mauvaise information entraîne les mauvaises décisions. Je vous propose de faire une phrase de conclusion, parce qu'on arrive au bout de cette table ronde. Je sais qu'on a énormément de choses à dire. Donc, Philippe, je vous en prie. J'ai écrit deux livres, qui s'appellent "La fabrique du monstre" et "La chute du monstre". J'entends par le monstre toutes les malfaçons de la République, tout ce qui dysfonctionne dans notre République et qui permet des radicalisations, qui fait qu'on a des radicalisations religieuses, on a des radicalisations politiques, avec l'extrême droite, on a des radicalisations policières, ce qu'on vient un peu de raconter, on a toute une série de radicalisations, dont par exemple aussi de coupées courtes, au travail des chercheurs, au travail des associations, il y a toute une série de radicalisations qui n'ont pour moi qu'une seule origine. Donc, moi, j'ai appelé ça le monstre, rappelons ça une maladie. Dans ce cas-là, si c'est une maladie grave, les policiers ne sont que des infirmiers. C'est-à-dire que c'est très important, quand on a une maladie grave, il faut quelqu'un pour penser les plaies, il faut quelqu'un pour soigner, il faut quelqu'un pour intervenir. Donc la police, ce ne sont que des infirmiers. C'est déjà beaucoup. Il en faut, il en faut suffisamment, déformés, etc. La réponse ne peut être que politique. L'associatif, pour moi, ça va être plutôt tout le paramédical, tout ce qu'il y a autour. Ça va être tout ce qui va toucher les ostéopathes, les kinés, tout ça, ça va être quelque chose qui va apporter un bien-être, un mieux-être, en tout cas, pour le malade. Mais la seule solution pour travailler sur la maladie, c'est de faire des recherches sur cette maladie, et ensuite, c'est de trouver des solutions qui seront uniquement politiques et qui vont être plein de curseurs. Ça va être évidemment économique, parce qu'on parle tout le temps de chômage derrière, et qui vont être des questions de lutte oppresseurs-opprimés. Parce que moi, je suis, pour la vision à l'ancienne, pour moi, on est toujours dans l'oppresseur-opprimé. Après, il n'y a pas les mêmes oppresseurs que par le passé, peut-être, grosso modo, les mêmes oppresseurs-opprimés. Il y a une segmentation des opprimés qui, moi, me pose problème, parce que chacun mène son combat tout seul, et que pour moi, c'est un gros souci. Pour moi, il n'y a qu'un seul combat, il n'y en a pas plusieurs, même si chacun peut avoir son expérience et ses arguments, mais pour moi, il y a un seul combat. Donc, si je vais jusqu'au bout de cette métaphore du monstre, il faut lutter contre le monstre en étant multicritère. Alors, évidemment, saturer les quartiers du monde médico-social, ça veut dire, donc, des médiateurs, c'est très important, mais ça ne suffira pas. Il va falloir avoir une action. Maintenant, les trafics de stup ont pris la main. Il va falloir avoir un courage d'aller vers une légalisation, on va dire aller à une dépénalisation. Comme ça, on ne rentre dans aucun débat, c'est-à-dire dépénalisation. Est-ce qu'on le fait à la portugaise, à l'espagnol, à l'anglaise, à l'italien ? En gros, tous les pays d'Europe dépénalisent, sauf la France. Donc, on est obligés d'y aller. Ça ne va pas résoudre le problème, mais ça va améliorer une situation qui va permettre ensuite de faire de la prévention au niveau de la santé, au niveau de toutes sortes de critères qui font que ça va pouvoir aller vers du mieux. Je suis en train d'écrire un livre, actuellement, ça sera mon dernier sur ce sujet, qui raconte grosso modo, elle vient de faire le plan du livre, un peu de prostitution, un peu de... En gros, les baffants des baffants de ce que génère l'abandon des quartiers à Marseille et surtout cette économie de la misère qui est la seule économie qui, aujourd'hui, existe à Marseille, c'est-à-dire que cette pauvreté et cette misère est un business énorme pour beaucoup de monde. Et ça sera ça, le sujet. Merci. Donc, Samia, une phrase de conclusion ? Ça va être compliqué de conclure, mais disons que ce que je voudrais, moi, dire, c'est que la violence, elle peut être, on l'a vu, directe, indirecte, vraiment profonde, ancienne, récente, émergente, elle est multiforme, et la réponse, c'est une réponse, vous l'avez dit, c'est une réponse par l'approche globale et par la politique. Moi, j'en suis intimement convaincue. Juste dire rapidement que l'annulation de ce comité interministériel des villes qui devait se tenir le 9 octobre, c'est pas un bon message. C'est un message plutôt qui donne le ton d'une... Pas d'un renoncement, mais d'une procrastination sur la question des quartiers populaires davantage qu'une volonté politique. Ça, c'est quelque chose qui me préoccupe beaucoup. Moi, j'ai décidé, il y a quelques mois, de quitter les quartiers nord parce que j'en avais marre d'être maltraitée. Je pense qu'on est très maltraités dans la vie associative et la vie associative compte beaucoup de femmes, je tiens à le dire. L'essentiel de l'emploi associatif, ce sont des femmes. C'est vraiment important que, pour le coup, on prenne soin de nous et qu'on arrête de dire "prenez soin de vous", mais qu'on prenne soin de nous, parce que prendre soin de nous, c'est prendre soin, effectivement, de cette idée qu'on se fait de la République. Si on ne veut pas que ça reste une promesse ou une incantation, on a intérêt à se mobiliser tous. On n'est pas si nombreux que ça, et pas si nombreuses que ça, à se sentir soutenues dans ces émarches associatives. - Merci. Merci, Samia. Et Jean-Christian, une phrase de conclusion, même si vous l'avez quand même bien amenée, tout à l'heure. - Oui, c'est vrai qu'on n'a pas assez parlé de ce qui occupe les villes aujourd'hui, la gangrène du deal. Et que c'est peut-être par là qu'il faut tordre le bras. En effet, il faut aller vers une dépénélisation, même une régularisation de cette... Je crois que ça occupe 80% du travail des flics aujourd'hui. C'est énorme. Et pour quoi faire ? C'est vraiment vider la mer à la petite cuillère. Mais tout de suite derrière, ça sera l'occasion de mettre du travail social, au sens large. Tout de suite derrière, parce que les réseaux s'organiseront sur autre chose. Autrement, la conclusion, oui, il y a du boulot. Je pense quand même qu'au plan politique, sur cette question-là, les jours qui viennent, les mois qui viennent sont assez sombres. Je ne veux pas être devin. Et que... Raison de plus pour que le travail militant ait la conscience, notamment du Parti pirate, bien sûr, mais qui, en l'occurrence, ne doit pas être trop intelligent et déconnecté de la réalité du terrain. Il faut mettre les pieds dans le cambouis. Mais bon, je ne vous fais pas le dessin. Je n'ai pas de leçon à donner avec qui que ce soit. Bon courage, en tout cas. - Ça reste quand même un bon point, le fait de rester dans le concret et sur le terrain, avoir un petit peu de la réalité. Merci beaucoup. Merci à vous. Merci aux intervenants.

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