qui est particulièrement isolé. Ce livre est somptueux. Il raconte bien à quel point
un lieu peut nous forger. Applaudissements. - A.Trapenard: "La Grande
Librairie" a fait sa rentrée. Autour de moi, 5 romanciers:
A.Zeniter, M.de Kerangal, J.Ferrari, M.Bonnefoy et S.Dulude. M.de Kerangal va nous donner envie
de visiter Le Havre sous la pluie en plein mois de novembre. C'est une ville d'une richesse
inouïe. C'est la ville où se déroule
"Jour de ressac" le titre de ce dernier livre. Qu'est-ce qui vous lie
si intimement à cette ville, qui apparaissait déjà dans "Réparer
les vivants"? - M.de Kerangal: Je pense
que j'écris pour avoir l'occasion de revenir au Havre. C'est la ville où j'ai grandi. Je n'y suis pas née. Ce n'est pas le berceau. Ce n'est pas la ville généalogique,
mais c'est une ville où j'ai passé mon enfance et mon adolescence. J'ai toujours le sentiment
qu'elle est un peu chez moi. Chez moi, c'est le lieu d'où
on part. - A.Trapenard: "Je grandis
dans une ville qui ne ressemble pas aux autres, une ville
dont je perçois déjà l'étrangeté." Ca veut dire quoi? - M.de Kerangal: Le Havre
a un visage très étonnant. C'est une ville qui a été
entièrement détruite les 5 et 6 septembre 1944. Ca fera 80 ans demain que la ville
a été anéantie. C'était vraiment la ville
par terre. Elle a été entièrement reconstruite
sur une dizaine d'années selon les schémas d'A.Perret. On est comme dans un décor. C'est très homogène. On a l'impression d'être
dans une couche géologique unique. Cette espèce de sentiment... C'est une ville de béton
et de vent. Les rues sont des couloirs de vent. C'est un climat. Le Havre, c'est d'abord un climat,
une lumière. Tout cela permet de se lier. On se lie à un lieu par les sens,
par la lumière, par le climat, par la physionomie. Les gens qui venaient nous voir
enfant se demandaient où ils étaient. - A.Trapenard: Vous nous faites
vivre cette ville par des sensations, le toucher,
le parfum, le goût. J'ai l'impression que, pour vous,
sans lieu il n'y a pas d'écriture, que ça commence toujours
par un lieu. - M.de Kerangal: Pour écrire,
j'ai besoin d'ancrer, de situer la fiction... J'écris surtout des romans. J'ai besoin de les situer
dans un lieu. Le lieu est le moteur
de la fiction. C'est sur le plateau où se dressent
les personnages. J'avais envie d'offrir un plateau
à cette ville qui est toujours si importante pour moi. C'est d'ailleurs une ville
qui est devenue mon territoire d'écriture. J'ai commencé à l'instituer
comme tel une fois que j'en suis partie, aussi parce que c'est
une ville dont le passé avait disparu. C'est une ville très étrange. - M.Bonnefoy: A mes yeux, le vrai
territoire de M.de Kerangal, le vrai terreau fertile, n'est pas
tellement une géographie, mais une langue. Dans une dégustation à l'aveugle, si on coupait une phrase, immédiatement, je saurais
qu'elle est de toi. C'est quelque chose d'envoûtant
quand tu écris. Ca finit par constituer
un territoire sans avoir réellement besoin d'un même lieu. Le lieu devient universel. - A.Trapenard: Il y a une histoire,
dans ce livre. C'est l'histoire d'une femme
qui revient dans la ville où elle a passé son enfance, où elle n'a pas remis les pieds
depuis des lustres. Un officier de police judiciaire
la convoque au Havre pour identifier un corps,
celui d'un homme retrouvé sur une plage et sur lequel
on a découvert un ticket de cinéma sur lequel était griffonné
son numéro de téléphone. Elle n'y comprend rien. Elle va faire sa propre enquête
dans les rues humides du Havre. Ses souvenirs vont ressurgir
en même temps que la mémoire de cette ville. Le Havre est bien plus qu'un décor. C'est presque un personnage. Quel personnage de roman c'est,
Le Havre? - M.de Kerangal: C'est
un personnage qui appelle la rencontre. C'est un personnage
qui se dresse... Je parlais tout à l'heure
de cette histoire du béton. C'est un personnage dans la mesure
où c'est d'abord un imaginaire. C'est à la fois du lointain... Il y a ce double horizon: l'horizon
fluvial et l'horizon maritime. Il y a cette empreinte
sur le territoire. C'est un port. C'est le lieu de tous les trafics,
le trafic des marchandises, des êtres. C'est aussi un lieu
où se trafiquent des récits. Ce livre est entièrement fait
de récits. Cette femme qui marche
dans cette ville est captivée par les histoires. Elle est d'ailleurs doubleuse
au cinéma. Ce qui la passionne, c'est
de tendre l'oreille au récit. La question du récit... Toutes ces boîtes sont autant
de récits qui peuvent s'ouvrir. C'est la force de cette ville. Elle a son histoire, sa mémoire,
la guerre, mais elle a aussi ce rapport à la fiction. - A.Trapenard: Ces images du Havre
en ruines que vous évoquez, vous arrivez à les figer. Je lis une citation. "Les images d'archives se fondent
bientôt en une seule et même photographie. Ce champ de ruines qui figure
toute ville bombardée: Hambourg, Dresde, Groznyï,
Beyrouth, Gaza." Une multiplicité d'histoires
à partir d'une image. - M.de Kerangal: Quand j'écrivais
ce livre, j'écrivais sur les bombardements de la ville. J'avais envie d'être précise
sur la manière dont on bombarde une ville, c'est-à-dire comment
la mort tombe du ciel. Evidemment que ce geste d'écrire
produit immédiatement une forme de résonance et fait venir d'autres
bombardements qui viennent créer des échos. - A.Trapenard: Jusqu'à aujourd'hui. - M.de Kerangal: Les villes
d'aujourd'hui qui sont sans arrêt dans l'actualité. C'est étonnant comme la littérature
permet de capter, de dilater son motif. La guerre qui a anéanti Le Havre
a rallié d'autres conflits. - A.Trapenard: Je pense aussi
à l'Ukraine qui apparaît dans votre livre de façon explicite
à travers le parcours de 2 jeunes réfugiés qui cherchent
à rejoindre l'Angleterre. Que s'agissait-il de raconter? - M.de Kerangal: Il s'agissait
de raconter d'abord la façon dont les ports sont des lieux
de départ et de transit. Ces 2 filles échouent au Havre,
mais elles attendent un visa pour prendre un ferry et partir. Ces villes de bord de mer
sont des villes qui ne s'arrêtent pas. La narratrice le dit. On pense que c'est le terminus,
mais en fait, il y a la mer et ça continue. J'aimais bien ces 2 filles... Elles vont raconter leur histoire. Elles disent: "C'est
notre histoire." Qui a le droit de raconter
l'histoire? C'est une question
que je me posais. Je voulais qu'elles soient 2. Ca faisait écho à la narratrice
et Vanessa. - A.Trapenard: Ce qui est très fort
chez vous, c'est la façon dont Maylis imprime
des images immédiatement. Je pense à ce cadavre anonyme
que la police n'arrive pas à identifier. C'est le point de départ du livre. Cette image, à quoi fait-elle écho? - M.de Kerangal: Pour moi, un corps sur le rivage en bord
de mer fait immédiatement écho aux réfugiés et à la tragédie
contemporaine des migrations. C'est pour ça que c'est une image
contemporaine. Elle fait le lien entre l'actualité
et l'Antiquité. C'est aussi Ulysse qui échoue
sur un rivage. Il y a Pasolini qui passe
dans le livre. Il y a les plages, les littoraux. Les littoraux sont des zones
critiques. Ce sont des lieux interlopes, des lieux de collision,
de collusion, des lieux où le continent rencontre
la terre. Et des disparitions, aussi. Il se passe des choses. Ce sont des lieux de chocs
et de rencontres. Pour moi, un corps sur une plage,
ça dit tout cela. Or, il se trouve que la narratrice
est censée être concernée, reliée à cet homme
et qu'elle ne le reconnaît pas. Il prend à ce moment-là l'aspect
d'un fantôme. Ce qui me touchait
dans cette histoire d'homme à terre, c'est que Le Havre
avait été aussi un cadavre à terre en 1944. La ville métaphorisait... Elle était l'image miroir
de ce corps étendu. - A.Trapenard: S.Dulude,
en plus d'être primo-romancier, vous êtes éditeur. La langue de M.de Kerangal n'a pas
dû vous laisser indifférent. "Jour de ressac" est le titre. Qu'avez-vous pensé du livre? - S.Dulude: La narratrice
est habituée à avoir cette impression forte,
à occuper le corps des autres. On se rend compte à un certain
point que c'est une journée. Toutes ces histoires
qui se déplient, comme si la temporalité
de cette journée, qui tire l'histoire vers l'avant... Il y a une rencontre. Le lieu ultime de ce projet-là,
c'est peut-être le livre même. - M.de Kerangal: Qui se finit
dans une imprimerie. - S.Dulude: Tirer des vies
complètes en un instant. - A.Trapenard: Je vais vous montrer
une archive. On est comme ça. C'est G.Garcia Marquez, en 1999, dans un documentaire signé
Y.Billon. - A.Trapenard: "Un rythme
respiratoire qui ne doit pas se rompre sous peine
qu'il se réveille." Qu'est-ce que ça vous inspire? - M.de Kerangal: Ca m'inspire
la marge d'une phrase, la façon dont on va la ponctuer. - A.Trapenard: Comment faites-vous? - M.de Kerangal: Dans ce livre,
il y a l'histoire du ressac. Je voulais écrire les retours,
le retour de la vague, le retour des impressions, le retour
des fantômes... On est dans cette espèce de force
hypnotique dans cette phrase qui revient. - A.Trapenard: M.Bonnefoy? - M.Bonnefoy: Tous les livres
poussent sur d'autres livres, comme les fleurs poussent
sur d'autres fleurs. Il me semble que ça s'appelle
les épiphytes, quand un arbre pousse sur un autre arbre. Tous les livres poussent
sur d'autres livres. Ce que je trouve très beau
dans ce qu'elle dit, c'est qu'il s'agit de l'hypnose. C'est une bulle onirique
dans laquelle le lecteur plonge. Ca ne se fait pas
dans une illusion, mais essentiellement
dans un travail de charpente, d'orfèvre. On est sans cesse en train
de bricoler, de rafistoler. Tout est matière pour faire
une magie. C'est beau, comme paradoxe. - A.Trapenard: Si le lecteur doit
être hypnotisé, il ne doit pas être dans un état d'hypnose? Rassurez-nous. - M.de Kerangal: Il faut
être un peu... - A.Trapenard: Intéressant. - M.de Kerangal: Il faut
être au moins obsédé par son sujet. On s'autohypnose, quand on écrit. - A.Trapenard: Dans quel état
êtes-vous quand vous écrivez? - M.de Kerangal: Je suis assez
hypnotisée par ce que je fais. En tout cas, obsédée,
obsessionnelle.
Je retrouve une possibilité
de déployer ma voix sans me sentir illégitime. - a.trapenard: l'idée est d'écrire
un autre récit que les récits occidentaux qu'on pourrait lire? - a.zeniter: oui. si je m'étais dit que je
n'avais pas le droit de faire parler des kanaks, j'aurais produit
un récit qui aurait... Read more
Cet art de ne jamais céder
à la facilité. j'annonce la parution prochaine
de "edène", votre prochaine pièce de théâtre. irène, restez un peu avec nous. on va vous donner envie de lire. vous êtes une amie. c'est sur une autre terre insulaire
qu'on va se pencher avec vous, j.ferrari, dans "nord sentinelle".... Read more
- a.trapenard: "jour de ressac",
m.de kerangal. pour moi, c'est votre plus beau
livre. - m.de kerangal: merci. - a.trapenard: je les ai tous lus. on va poursuivre notre voyage
avec une autre ville qui se situe, pour nous, de l'autre côté
de l'océan atlantique: maracaibo, au venezuela. c'est une ville... Read more
- a.trapenard: "si on lisait à voix
haute". "la grande librairie" fait
sa rentrée, en direct et en public,
pour sa 17e saison. je voudrais vous présenter
un extraordinaire écrivain. vous savez à quel point
les nouveaux romans sont importants pour moi. j'ai envie de les porter
chaque semaine. ce 1er... Read more
À 20 ans j'ai appris la médecine être médecin ce n'est pas prescrit des médicaments mais regardeer les autres et tenter de comprendre leurs souffrances très tôt j'ai été en contact avec le drame la douleur et la mort et un jour j'ai eu besoin de partager je n'ai pas raconté directement ce que j'ai vécu... Read more
Bonjour à tous bonjour bruno cotr alors demain se dérouleront des élections législatives le premier tour que personne n'imaginait il y a encore un mois dans quel état d'esprit sont aujourd'hui les français il y a toujours beaucoup d'incompréhension d'abord sur cette dissolution c'est les premiers mots... Read more
Est grands reporter à france télévision et en 30 ans elle a couvert absolument tous les conflits partout sur la planète de la tchéie à l'irak en passant par l'afghanistan et l'ukraine dorothé olirque bonjourj bonjour dorothé vous avez le micro juste devant vous vous êtes aussi maman maman de deux grands... Read more
Parfois on me demande ce que je pense de la grande librairie jusqu'à récemment j'avais pas vraiment de réponse à cette question parce que bah c'est pas une émission qui m'intéresse spécialement en fait la grande librairie c'est vraiment une émission grand public coordonnée à l'actualité littéraire et... Read more
Sonia vous êtes un peu l'ambassadrice
de la boccia en france. on avait déjà eu le plaisir de vous croiser en 2013, c'était à
pont-à-mousson avec laurent luyat et cyril féraud. qu'est ce que vous pourriez dire à nos
téléspectateurs qui auraient envie de se lancer ? alors, déjà je dirais que quel... Read more
Bonjour et bienvenue dans les 4v jean-michel blanquer bonjour thomas so vous avez passé 5 ans au ministère de de l'éducation longévité record c'était pendant tout le premier quinquenat d'emmanuel macron et puis l'aventure politique s'est arrêté depuis vous n'aviez quasiment pas parlé aujourd'hui vous... Read more
Place à la culture dami vous recevez ce matin le comédien thomas joanet bonjour thomas joanet bonjour merci d'être là sur le plateau en direct on vous retrouve mardi soir sur france 3 dans un téléfilm un polar thriller redoutable on en parle dans quelques instants mais là d'un mot on est en direct il... Read more
[applaudissements] [musique] c'est l'heure les garçons se préparent méthodique farte leurs planches vérifie les attaches du liche passe des sous-vêtements spéciaux en polypropylène avant de revêtir les combinaisons en se contorsionnant sur le parking après quoi les bottillons la cagoule les gants et... Read more