Sophie Binet (CGT), Jacques Toubon (ancien Défenseur des droits) : pourquoi avoir signé le texte d'appel à manifester le 21 janvier ? Salut.
Bienvenue sur Mediapart. La loi Darmanin sur l'immigration, inspirée de certaines propositions
historiques de l'extrême droite, a été votée le 19 décembre. Elle n'est pas encore promulguée. Le Conseil constitutionnel
doit d'abord se prononcer. Cette loi, nous l'avons dit,
nous l'avons écrit sur Mediapart, c'est un basculement majeur, dénoncé par des pans entiers
aujourd'hui de la société civile. Cette société civile,
elle est là ce soir, sur le plateau de Mediapart,
avec des invités exceptionnels. C'est « À l'air libre »,
l'émission d'actualité de Mediapart. On s'en souvient, en décembre, la loi immigration votée
par l'Assemblée nationale a provoqué un séisme politique,
une crise au gouvernement et parmi les troupes macronistes,
mais surtout un choc moral, car plusieurs de ses dispositions
ont été inspirées par la droite dure
et l'extrême droite. Cette loi,
elle a d'ailleurs été votée par le Rassemblement national. Le Conseil constitutionnel
doit se prononcer le 25 janvier. Il est probable que
certains éléments de cette loi seront censurés. Elle sera ensuite promulguée
par le président de la République. Depuis ce vote, en tout cas,
la société civile se mobilise. Dimanche dernier, 14 janvier, 400 collectifs de sans-papiers
et leurs soutiens, des syndicats,
des partis politiques, ont marché contre la loi immigration
partout en France, comme David Perrotin,
qui a suivi la manifestation à Paris
et l'a racontée sur Mediapart. Ils ont dénoncé, je cite,
une « loi scélérate, un texte xénophobe et dangereux ». Vous aussi, qui êtes là
avec nous aujourd'hui, vous vous mobilisez
contre ce texte. Sophie Binet, secrétaire générale
de la CGT, bonsoir. - Bonsoir.
- Jacques Toubon, bonsoir. Bonsoir. Vous êtes
l'ancien Défenseur des droits. Il y a 20 ans, peut-être,
voir ensemble la secrétaire générale de la CGT
et Jacques Toubon contre une loi sur l'immigration, sur le même plateau,
ça n'aurait pas été évident. Jacques Toubon,
vous avez été ministre de la Culture et de la Justice
d'un gouvernement de droite entre 1993 et 1997. Vous êtes là, tous les deux, ce soir parce que vous êtes,
tous les deux, cosignataires, comme Alice Zeniter et Edwy Plenel,
le président de Mediapart, qui nous rejoindront
dans un instant, de « L'appel des 201 »,
publié conjointement sur Mediapart et L'Humanité
le 7 janvier. Un texte
où de nombreuses personnalités appellent solennellement
le président de la République à ne pas promulguer
la loi immigration, qui a été votée donc en décembre. C'est un front uni qui mêle
des personnalités de divers horizons. Je vais citer certaines
de ces personnalités qui signent, en réalité, en engageant aussi évidemment
leurs organisations. Tous les dirigeants des organisations syndicales :
la CGT, la CFDT, l'Unsa, FSU, Solidaires, les présidents d'ATD Quart Monde,
de la Cimade, d'Emmaüs France, du Secours catholique,
de France terre d'asile, le Front uni des immigrations
et des quartiers populaires, Toumi Djaïdja, co-initiateur
de la Marche pour l'égalité de 1983, le président du Conseil économique,
social et environnemental, Thierry Beaudet, les responsables
de la Ligue des droits de l'homme, de SOS Racisme,
du Syndicat de la magistrature, du Syndicat des avocats de France,
des dirigeants politiques des principaux partis de gauche
et de nombreuses personnalités du monde des idées et de la culture,
comme Didier Fassin, Pierre Arditi, Swann Arlaud, Josiane Balasko,
Marina Foïs, Alice Diop. Il y en a beaucoup d'autres. Ce texte, c'est aussi un appel,
Sophie Binet, à manifester
ce dimanche 21 janvier. Dans ce texte,
qui est assez court, vous écrivez :
« C'est un tournant dangereux dans l'histoire
de notre République, un texte rédigé sous la dictée
des marchands de haine, qui rêvent d'imposer
à la France leur projet
de préférence nationale. » Pourquoi avoir signé ce texte,
Sophie Binet ? En fait, ce texte,
il est inédit dans son périmètre,
parce qu'il y a aussi des responsables politiques
de droite qui en sont signataires, des députés Renaissance, etc., à l'image de la gravité
de la situation. La gravité de la situation,
elle se mesure sur deux aspects. D'abord, le contenu même
du projet de loi, qui est en rupture
avec nos principes républicains sur un certain nombre
de points concrets : la remise en cause du droit du sol,
qui date de 1789, l'introduction d'un concept
de préférence nationale, qui est en rupture
avec l'héritage notamment du Conseil national
de la Résistance de 1945, la mise en place d'un arbitraire
pour les préfectures et pour les employeurs
qui auraient les pleins pouvoirs sur les titres de séjour
pour les étrangers. Donc tout ça,
c'est des ruptures. Puis, ce texte,
il est aussi une rupture politique, à l'image des basculements
qui sont à l'œuvre dans le monde. On assiste dans le monde entier
à une extrême droite qui est en train d'arriver
au pouvoir. Ça vient de se produire
en Argentine, mais je pourrais faire
la liste des pays. Elle est longue. À chaque fois que
l'extrême droite arrive au pouvoir, c'est sur la base d'une alliance
droite-extrême droite, sous le haut patronage du capital. En France,
il s'appelle Vincent Bolloré et il subventionne très cher,
d'ailleurs, pour organiser
l'hégémonie culturelle sur des chaînes télé et radio
et sur les réseaux sociaux. C'est comme ça
qu'ils arrivent au pouvoir. Le 19 décembre dernier,
avec le vote de cette loi, c'est ce basculement
qui a eu lieu en France. Donc, notre appel, en fait,
il vise à dire deux choses. Il vise d'abord à dire
que cette loi, elle ne doit pas entrer
en application, elle ne doit pas être promulguée. Puis, il vise aussi à rappeler
que notre République, notamment en 1945,
dans le cadre de reconstructions suite à la barbarie nazie,
elle s'est construite sur un barrage et des digues
vis-à-vis de l'extrême droite, qui là sont définitivement tombées
avec l'adoption de ce texte. C'est très grave
et c'est pour ça que le 21 janvier, il faut qu'on soit le plus nombreux
et nombreuses possible - dans toute la France.
- Jacques Toubon, Sophie Binet nous parle
d'une rupture majeure sur un certain nombre de points, à la fois des mesures
et des principes. Est-ce que vous êtes d'accord
avec ça ? Oui. Si je suis mobilisé contre ce texte
depuis l'automne dernier, c'est parce qu'effectivement,
il manifeste une... Il marque une rupture quand il est sorti du Sénat. Puis, ce qui a été depuis voté
à l'Assemblée, qui a été, en gros, repris
du texte du Sénat, marque une rupture avec nos principes fondamentaux. Le principe fondamental
qui est en cause, c'est qu'il n'y a pas
de nationalité, il n'y a pas de différence entre les nationaux
et les étrangers, les Français
et ceux qui ne le sont pas, en matière de sécurité sociale,
en matière de droits sociaux. C'est le principe
qui a été posé quand on a fait la Sécurité sociale,
justement, avant la guerre, mais surtout à partir de 1945. Si vous lisez l'article 1er de l'ordonnance
du 4 octobre 1945, fondatrice de la Sécurité sociale, vous n'y voyez
aucune considération qui permet de dire
qu'un national et un étranger ont, vis-à-vis de ce nouveau régime et notamment vis-à-vis
des prestations sociales, une situation différente. C'est le cas avec ce texte,
évidemment. On introduit la nationalité. On l'introduit, tout simplement,
parce que... De manière très concrète, je prends deux dispositions. Pour l'accès aux aides au logement, au lieu de pouvoir y accéder
au bout de trois mois, vous pourrez y accéder
au bout de cinq ans, ce qui veut dire très clairement que si vous prenez quelqu'un
qui n'est pas français, il faut qu'il se mette, si j'ose dire,
à devenir français. Il faut cinq ans
pour qu'il devienne, sinon français, en tout cas,
"comme un Français", et à ce moment-là,
on lui donne l'aide au logement. Pour les allocations familiales, le système actuel,
c'est au bout de deux ans et demi. Là, on passe à cinq ans. Donc, si vous voulez,
ce que je dis, et ce que dit Sophie Binet, c'est que cette introduction
de la préférence nationale dans la Sécurité sociale,
qui est à l'encontre de tous nos principes
constitutionnels, fondamentaux, depuis donc la Constitution de 46 et l'ordonnance du 4 octobre 1945, ce n'est pas
une pétition de principe. C'est ce qui est écrit
dans le texte, et les dispositions
les unes derrière les autres, mais celles notamment
que j'ai citées, montrent bien qu'on introduit
cette préférence nationale. Donc, on a
une vraie rupture fondamentale. On ne discute pas ici et on ne s'oppose pas à des dispositions techniques. D'ailleurs, ce texte comporte
un certain nombre de dispositions qui ne sont pas mal et qui sont même,
pour certaines, positives, mais en revanche,
son état d'esprit, c'est effectivement de considérer que pour les droits sociaux, il doit y avoir une différence
entre nationaux et étrangers, et ça, c'est totalement contraire
à nos principes et c'est contraire, en plus,
aux principes qui sont fixés, par exemple, par la Convention européenne
des droits de l'homme. Ce n'est pas seulement la France. Pour revenir à Sophie Binet, c'est aussi une revendication
de longue date de l'extrême droite. Oui, bien entendu.
La préférence nationale, c'est l'extrême droite
qui l'a inventée et qui la propose. Elle le faisait déjà lorsque l'extrême droite
était incarnée non pas par Marine Le Pen, la fille, mais par Jean-Marie, le père,
il y a 30 ans ou 35 ans. L' Aide Médicale d'Etat (AME) toujours menacée Il y a d'autres mesures dans l'air. Hier, à l'Assemblée nationale,
pour sa première prise de parole en tant que Premier ministre
devant les députés, Gabriel Attal s'est engagé à réformer l'aide médicale d'État, comme Élisabeth Borne,
son prédécesseur, s'était engagée à le faire
auprès de Gérard Larcher, le président des sénateurs LR. L'aide médicale d'État permet
l'accès aux soins des sans-papiers. Et là, on parle de quelque chose qui est connexe
au texte sur l'immigration. C'est une loi qui arriverait
donc probablement. Oui, c'est évidemment
un problème humanitaire en rupture avec notre tradition. Il y a d'ailleurs de nombreux
soignants et soignantes qui sont signataires
de notre « Appel des 201 », parce qu'ils et elles
sont profondément choqués par cette remise en cause. Et puis, c'est aussi une aberration
en matière de santé publique. Le fait de permettre
à toutes et tous de se soigner, quels que soient nos revenus, c'est le meilleur moyen
de se protéger toutes et tous. Nos destins sont liés,
on l'a vu pendant le Covid. Pour éradiquer une épidémie, il faut
que tout le monde puisse se soigner. Si on laisse des personnes
exclues des soins, on va avoir le retour
des grandes épidémies que justement la Sécurité sociale
a permis d'éradiquer. Donc, c'est un non-sens
à tout point de vue. L'aide médicale d'État, qui n'est pas réclamée
par la moitié des ayants droit. Ceux qui pourraient la réclamer
ne la réclament pas. Tout à fait.
On ferait mieux de travailler sur le non-accès aux droits, en matière de RSA comme en
matière d'aide médicale d'État. Et l'enjeu financier. L'enjeu financier est dérisoire. L'AME, aujourd'hui, c'est 1,5 %. 1,5 % des dépenses. Donc franchement,
ça n'est rien du tout. Je vais vous montrer bientôt
un extrait, mais d'abord une question
pour vous, Jacques Toubon. L'actuelle Défenseur des droits,
Claire Hédon, qui vous a succédé, L'actuelle Défenseure des droits, Claire Hédon, a émis plusieurs avis sur cette loi qu'elle qualifie "d'atteinte grave aux droits fondamentaux des étrangers". Quelles sont les dispositions particulièrement problématiques ? a rendu plusieurs avis sur cette loi
au cours de l'année 2023, qu'elle qualifie, je cite,
« d'atteinte grave aux droits fondamentaux
des étrangers. » C'est encore une autre question
à côté de la question de la préférence nationale
que vous évoquiez. C'est une question complexe, les droits fondamentaux
des étrangers, il y a beaucoup de dispositions,
mais dites-nous par exemple une disposition ou plusieurs qui sont particulièrement
problématiques. Je dirais que... D'abord, Claire Hédon, la Défenseur des droits
d'aujourd'hui, dit vraiment ce que j'aurais dit
si j'étais dans sa position, encore. Bien entendu,
elle a parfaitement raison. Je voudrais prendre, simplement, pour répondre
à votre question, une ou deux dispositions. Il y a un amendement... Dans le texte,
il y a une disposition qui est notamment intéressante parce qu'elle résulte
d'un amendement qu'a fait voter un sénateur
Front national, monsieur Stéphane Ravier. Sénateur de Marseille. Qui est un rare sénateur
Front national, et il a fait voter ce texte. C'est la fin
de l'acquisition automatique de la nationalité française
à la majorité pour les enfants nés en France
de parents étrangers, ce qu'on appelle le droit du sol.
Voilà. Et c'est dans le texte
venu du Sénat, ça a été repris par l'Assemblée, et c'est un amendement
Front national. Donc, si j'ose dire,
c'est signé, on voit bien. Mais je prendrai aussi
une autre disposition, qui est... Plus précisément sénateur
Reconquête, Stéphane Ravier, le parti d'Éric Zemmour,
mais c'est l'extrême droite. Oui, oui, extrême droite.
Pas Front national, pardon. Ce n'est pas Front national,
c'est Reconquête, c'est-à-dire extrême droite. Et vous avez... Parce que l'intégration,
c'est également très important. L'intégration des étrangers. Vous avez dans le texte ce que tous les spécialistes
ont bien vu et bien qualifié, une inversion entre l'accès
au titre de séjour et l'intégration. Auparavant, vous aviez
une carte de résident de 10 ans, c'est-à-dire extrêmement stable, qui était faite
pour une meilleure intégration. Vous étiez sûr, pendant 10 ans,
de ne pas avoir de problème pour vivre en France,
séjourner, travailler. Et c'était comme ça,
c'était la voie de l'intégration. Aujourd'hui, ce titre exceptionnel, carte de 10 ans, il va être au contraire délivré,
dans le texte tel que nous l'avons, en récompense
d'une intégration effectuée, d'une intégration réussie. Et donc... Et donc ce n'est plus,
ce n'est plus la... C'est la sanction,
en quelque sorte, d'une intégration, d'un alignement
ou d'une assimilation sur la société française, mais ça n'est plus
ce qui était auparavant, c'est-à-dire un instrument,
un outil de l'intégration. Et on voit bien donc que,
en gros, vous vous débrouillez, si vous réussissez, vous aurez
le titre au bout de 10 ans et pas, comme c'était avant, on vous alloue ce titre
et ce titre est pour vous un moyen, un outil
pour l'intégration. Et ça montre comment
la conception de cette loi est complètement à l'opposé
de ce qu'elle était non seulement sur l'entrée,
le séjour, les frontières, etc., mais aussi sur l'intégration. Et peut-être même
de la vie concrète des gens. Sur Mediapart, le soir du vote
de la loi, le 19 décembre, "Cette loi ne va pas diminuer le nombre d'étrangers en France, mais elle va les précariser, organiser le désordre social, et va compliquer les parcours d'intégration", Sophie Binet. nous avons reçu
cinq personnes étrangères. Elles étaient sur notre plateau. Ils nous ont dit : « Cette loi,
c'est une fabrique à sans-papiers. » On va écouter le témoignage
de Dramane Sawadogo. C'est un rescapé de l'Ocean Viking,
le bateau de SOS Méditerranée qui porte secours
aux exilés dans la mer, et Gaudilene Martins,
auxiliaire de vie menacée d'une obligation
de quitter le territoire français, qu'elle ne comprend pas du tout. Sophie Binet,
comment vous réagissez ? OQTF, tout le monde sait
ce que c'est ? Obligation de quitter
le territoire français. C'est ça. Ce qui est intéressant,
c'est que là, il et elle rappellent plein d'évidences et les mensonges
sur lesquels prospère cette loi. Personne ne vient en France
pour bénéficier des aides sociales, - qui sont loin d'être magnifiques.
- C'est le fameux appel d'air. Voilà, qui n'existe pas. Ça, c'est la rhétorique
de l'extrême droite. Cette loi ne va pas diminuer
le nombre d'étrangers en France. Par contre,
elle va les précariser, elle va organiser
le désordre social. Elle va compliquer considérablement
les parcours d'intégration, parce que quand tous les six mois,
on est obligé de refaire une démarche pour le renouvellement
de son titre de séjour, on ne peut pas avoir le temps
d'apprendre le français, etc... Et elle va donner les pleins
pouvoirs aux employeurs qui, quand des salariés...
Parce qu'ils sont là, les travailleurs
et les travailleuses étrangers. En Île-de-France,
il y a 25 % des emplois qui sont occupés
par des étrangers. Les aides à domicile, par exemple,
c'est 60 % d'étrangères. On voit bien que le pays
ne pourrait pas tourner sans des étrangers
et des étrangères. Les chantiers des Jeux Olympiques,
par exemple. Voilà, on pourrait multiplier
les exemples. On ne pourrait pas faire tourner
nos hôpitaux, qui tournent
grâce à des médecins étrangers. Et aujourd'hui, il y en a 2000
qu'on refuse de titulariser et qui ne savent pas si
dans un mois ou deux mois, ils pourront encore travailler, parce qu'on leur a mis
des obstacles administratifs. Et les hôpitaux
ne savent pas tourner sans eux. Donc, quand on ne leur donne pas
accès à des titres de séjour, c'est les pleins pouvoirs
aux employeurs, qui peuvent tranquillement
ne pas leur payer leurs heures sup, ne pas les déclarer ou leur imposer
des conditions de travail indignes. Et le résultat, c'est quoi ?
Ça s'appelle du dumping social, ça tire les droits
de tous les salariés vers le bas. C'est pour ça que cette loi,
elle nous concerne toutes et tous. D'abord parce que
dans notre entourage, on a toutes et tous des étrangers,
des étrangères. Au travail,
dans nos connaissances, etc... Il y a aussi des personnes
qui sont d'origine étrangère et qui sont concernées, parce que la remise en cause
du droit du sol pour les enfants, eux, ils sont français mais on remet
en cause leur droit à être français, et puis cette loi,
elle nous concerne toutes et tous parce qu'elle déshonore la France.
C'est une tache sur notre honneur au niveau national,
au niveau international. C'est faire comme si les Françaises
et les Français étaient xénophobes, racistes, avec, comment dire, des préjugés tels que ceux
qui ont entouré le débat sur la loi asile et immigration.
C'est pour ça que c'est important qu'on soit nombreux et nombreuses
dans la rue dimanche prochain. C'est pour dire que la France,
c'est pas ça. La France, c'est la solidarité, la France, c'est la liberté,
l'égalité, la fraternité. Il faut qu'on soit nombreux
et nombreuses dans la rue pour dire le refus de la loi, dire aussi, par rapport
à toutes celles et ceux qui ont vécu
comme une violence inouïe les débats depuis six mois
qu'on subit, avec ce torrent de haine, qu'on ne partage pas
ce point de vue. Donc, c'est un message de solidarité à destination
de tout notre entourage. Et puis, c'est dire
notre détermination à faire barrage aux idées rances
du Rassemblement national, que ces idées-là
ne sont pas majoritaires en France. Jacques Toubon,
une question. Pendant ce temps-là, Alice Zeniter
et Edwy Plenel vont nous rejoindre. Jacques Toubon, que voulez-vous dire à la droite où vous avez exercé votre carrière politique ? Ils vont venir s'installer
pendant que vous répondez. Jacques Toubon, la loi votée, vous l'avez dit,
elle s'inspire en grande partie de la version du Sénat,
qui est dominé par la droite. Qu'est-ce que vous avez envie
de dire, vous, à cette droite, où vous avez exercé
votre carrière politique ? J'ai envie de lui dire
qu'elle ne prend pas la question de l'immigration de la manière
dont il faudrait la prendre. La question de l'immigration
est prise... J'emploierai une expression
qui peut être prise à la fois au sens figuré
et au sens matériel. Elle est considérée
« à corps défendant ». C'est-à-dire,
c'est comme si l'immigration était une sorte de... De réalité, d'animal,
de personne qui menace notre pays, qui menace d'entrer,
puis, une fois entrée, menace notre pays et que,
vis-à-vis de l'immigration, la seule attitude
que l'on peut avoir, c'est une sorte d'attitude réflexe consistant à dire :
« Il faut m'en protéger. » Or, c'est exactement le contraire... Et moi, je m'occupe de ça
depuis 20 ans, je peux en parler, mais beaucoup d'autres aussi, c'est exactement le contraire
de l'histoire de la France. La France a été construite
depuis le XVIIe siècle, en tout cas depuis concrètement
le milieu du XIXe siècle, a été construite par les personnes
qui sont venues de l'étranger, qui n'étaient pas françaises et qui ont fait des Français
et la France. Et cette réalité-là, elle est encore naturellement
à l'œuvre aujourd'hui. Est-ce que la politique
va prendre une attitude absurde consistant à dire :
« Je nie cette réalité, je fais des lois
qui nient cette réalité » ? Ça va donner quoi ? Eh bien, ça va laisser,
comme tout à l'heure, Sophie Binet l'a très bien expliqué,
ça va faire des laissés-pour-compte, ça va faire des ruptures, ça va faire des personnes
en situation irrégulière. Mais la réalité même, c'est-à-dire un pays
qui aujourd'hui, comme dans les années 50 et 60,
dans les années 30, dans les années
de la fin du XIXe siècle, on a quand même fait
à cette époque des lois, en 1889, en 1927, qui ont organisé cette immigration
qui a construit la France. Et nous avons refait la même chose
après la Deuxième Guerre mondiale. Donc c'est ça qui, moi,
en tant que politique, en quelque sorte, sans aucune idée
d'opinion d'un côté ou de l'autre, je me dis : « Si les politiques
d'aujourd'hui sont assez naïfs ou assez idéologues
pour nier la réalité, la France va en prendre
plein la tronche », si je peux ainsi le dire,
« dans les années qui viennent. » Alice Zeniter, vous nous avez rejoints.
Aussi Edwy Plenel, président et cofondateur
de Mediapart. Alice Zeniter (écrivaine), pourquoi avoir signé cet appel ? Alice Zeniter, vous êtes écrivaine,
réalisatrice, metteuse en scène. On connaît notamment
votre formidable roman « L'Art de perdre »,
prix Goncourt des lycéens 2017, autour de la mémoire
de la guerre d'Algérie, où il est aussi question,
évidemment, de ces parcours
entre l'Algérie et la France. Vous aussi,
vous avez signé cet appel. Pourquoi ? Je crois que c'était important
pour moi de dire que la solidarité, elle, ne connaît pas
de préférence nationale, que cette représentation qui est beaucoup véhiculée
dans le débat autour de la loi, que le pays serait formé
de deux sphères qui ne communiquent pas, qu'il y aurait d'un côté
les Français et de l'autre côté les étrangers
et qu'appauvrir les étrangers, les attaquer dans des aspects
multiples de leur vie quotidienne, la santé, le logement,
le regroupement familial, appauvrir cette sphère-là,
ça enrichirait l'autre, c'est quelque chose
qui n'est pas vrai et que le devoir de solidarité,
justement, il s'exerce envers
toutes les vies fragiles et cette loi,
elle fragilise cette sphère des personnes étrangères en France, qui est présentée comme profitant
à nos dépens des aides multiples. Et du coup,
c'était dire cette chose-là, et c'était la dire avec d'autant
plus de véhémence, peut-être, que la rhétorique qui a été déployée par Élisabeth Borne
et par Gérald Darmanin, c'était d'un côté de dire :
« Les Français veulent cette loi », et du côté de Gérald Darmanin,
de dire : « Il faut protéger les Français. » Comme si les personnes étrangères
en France étaient vues par celles qui ont
la nationalité française comme une menace,
comme un danger. Or, ce que Sophie Binet a rappelé,
en fait, ces deux sphères, elles communiquent en permanence.
Les personnes étrangères, en France, c'est nos amis, c'est nos voisins,
c'est nos collègues, c'est nos amants et amantes, c'est les gens qu'on voit
tous les jours. Et pour celles et ceux
qui se diraient : « Non, moi, je ne connais pas
de personnes étrangères, je n'ai pas de liens si intimes
avec ces personnes-là », eh bien, c'est vos aides-soignantes, c'est celles et ceux qui s'occupent
des gens dans les EHPAD, c'est les caissières, c'est les gens
qu'on a applaudis à 20h et à qui on a donné un minuscule
quart d'heure d'héroïsme. Les étrangers ne sont pas étrangers. Exactement.
Ça n'existe pas, les étrangers. Il n'y a pas une sorte
de ville souterraine dans un monde cyberpunk, dans les égouts,
où ces gens vivraient, en sortant uniquement pour aller
attraper un documentaire de la CAF. Il faut arrêter d'imaginer que c'est comme ça
que s'organise le tissu social. Vraiment, il y a cette chose... Du coup, ça m'évoque
ce vers de John Donne : « Aucun homme n'est une île », et chaque fois que la mer
attaque un promontoire, c'est l'entièreté du continent
qui en est diminué. Qui sonne le glas. Et c'est la fin. « Ne demande pas
pour qui sonne le glas, il sonne pour toi.»
Donc, chaque fois qu'on attaque des personnes étrangères ou autres, en fait, on devrait se dire :
« Quel est l'appauvrissement global qui est proposé comme projet
de société ? Je le refuse. » Pourquoi est-il important que Mediapart s'associe à cet appel en le publiant dans les colonnes du Club de Mediapart ? Edwy, Mediapart a publié ce texte
sur « Le Club » de Mediapart. Texte publié aussi dans L'Humanité,
avec tous les signataires, que vous représentez,
d'une certaine façon, aujourd'hui. Pourquoi c'était naturel
que Mediapart s'associe, à travers toi, finalement,
à cet appel ? Oui, et même, nous appelons ce soir,
dans cette émission, à rejoindre
cette formidable initiative et à être très présents
le 21 janvier. Le symbole de Jacques Toubon,
de Sophie Binet, montre bien que cela rassemble
des femmes, des hommes, sur le fait que l'essentiel
est en jeu. Ceux qui critiquent
notre discours ici disent : « C'est de la bien-pensance,
c'est de l'irréalisme, c'est des gens qui ont un bon cœur mais qui ne connaissent pas
la réalité. » C'est pas vrai. Le réel, il est de notre côté. Jacques Toubon l'a très bien dit
sur ce qu'est la France, ce qu'est notre peuple, mais plus,
qu'est-ce qui nous rassemble ? On a des divergences sur tel ou tel
moment, tel ou tel vote. Nous sommes tous les enfants
d'une proclamation qui est celle
de l'égalité naturelle. C'est la France qui l'a fait
en 1789. C'est la Déclaration universelle
qui la reprend avec un compagnon du général
de Gaulle, René Cassin, en 1948. Nous naissons libres et égaux
en droits, sans distinction d'origine, de condition,
d'apparence, de croyance, de sexe, de genre. On sait bien
que c'est une proclamation qui bouscule
des réalités d'injustices. Cette proclamation
de l'égalité naturelle, c'est ça qui est notre digue
face à l'extrême droite, dans toutes ses différences
et ses diversités. L'extrême droite, qui peut avoir
même des écrivains talentueux, c'est le camp de l'inégalité
naturelle sous toutes ses formes. C'est ceux qui pensent,
et il y en a partout, dans d'autres pays, qui pensent
qu'il y a des civilisations, des origines, des croyances,
des religions, des apparences
supérieures à d'autres. Comment,
après leur immense défaite mondiale face à la réalité
de ce que ça a produit, un crime incommensurable,
le génocide, la Shoah, c'est cet engrenage
qui a produit cela, après leur défaite,
comment ils vont revenir ? Ils reviennent par cette ancienne... Les plus vieux ici,
c'est Jacques Toubon et moi. Nous savons que
dès les années 60-70, l'extrême droite,
quel était son registre ? « 1 million de chômeurs,
1 million d'immigrés. » C'est la brèche. Donc, il ne s'agit pas
que des immigrés, il s'agit de nous tous. On commence à dire
« préférence nationale », « des ayants droit
et des sans droit », sur le thème on cherche
le bouc-émissaire, c'est l'étranger,
et on fait cette distinction. Mais à partir du moment
où on fait cette distinction, on ouvre une brèche. Et regardez bien
ce que signifie cette brèche dans la réalité
de nos pays et d'autres, parce que nous avons vécu
cette histoire. Il vient d'y avoir, en Allemagne
- nous l'avons publié -, les révélations
sur l'extrême droite allemande qui a fait une petite réunion
à Potsdam « Comment on va faire
la remigration ? » « Comment on va en chasser
1 million, 2 millions ? » Regardez dans les extrêmes droites
d'autres pays - hélas,
l'origine protège de rien -, quand vous entendez l'extrême droite
israélienne qui dit : « Il faut les chasser,
les Palestiniens. » Mais rappelons-nous notre histoire. Et Jacques Toubon connaît ça. C'est un bon ministre
des Affaires étrangères de la IIIe République, il s'appelait Georges Bonnet,
un radical socialiste. À la fin de 1938, il reçoit le ministre
des Affaires étrangères nazi, Ribbentrop. Les nazis demandent
que l'allogène du moment - c'est le juif -
ne soit pas là. Donc, Jean Zay et Georges Mandel
sont exclus du repas officiel parce que juifs. Mais ils le reçoivent. Et là, ils ont une discussion
qu'Hannah Arendt a racontée. Georges Mandel,
qui n'a rien fait... Il a voté
les pleins pouvoirs à Pétain, mais il n'a rien fait
d'effroyable après, et il va être réélu
après la Deuxième Guerre mondiale, mourir dans son lit. Mandel dit : « Oui,
je suis d'accord avec vous, « monsieur le ministre nazi. » Bonnet, oui, pardon,
pas Mandel. Mandel et Jean Zay
ont été assassinés par la Milice française. et il dit : « Je suis d'accord,
il y en a trop. » Il parlait des juifs
d'Europe centrale venus des shtetls,
qui étaient dans les ateliers, etc. « Il y en a trop.
Alors, j'ai une solution : on est un grand empire,
on a un territoire vide. On peut les recevoir.
Madagascar ! On va les chasser
à Madagascar. » Et tout le monde l'a oublié, mais avant de passer
à la solution finale industrielle. l'Allemagne nazie examine
très sérieusement un plan Madagascar. Donc quand on entend parler,
aujourd'hui, on diffuse l'idée
que le problème, c'est l'immigré, que le problème, c'est l'étranger, que le problème,
il faut les précariser pour pouvoir les mettre dehors
et ainsi de suite, on commence à instiller
une machine infernale - infernale ! -
et par laquelle nos droits, en clair, le principe d'égalité,
qui nous permet d'avoir des droits sociaux,
des droits des femmes, des droits des discriminés,
des droits des minorités, des droits démocratiques, etc.,
vont être détricotés. C'est pour ça,
c'est un sursaut. Nous sommes dans un moment
où, quelque part, je l'ai écrit dans Mediapart, il y a un passage
de quantité en qualité, comme dans la dialectique
d'Hegel. Il y a eu toutes sortes de mesures,
parfois peu sympathiques, mais là, tout d'un coup,
il y a une cristallisation, et en effet, comme le dit l'appel
de Sophie Binet et Jacques Toubon, c'est les paroles de haine
qui ont fait ce texte de loi. Mais faut bien voir que tout... - Je vous donnerai la parole après.
- ...ce que dit Edwy Plenel, ça se résume simplement
dans ce que j'ai dit, par exemple, quand j'ai lancé la création du Musée national
de l'histoire de l'immigration : il faut écarter de tout raisonnement politique, naturellement, de tout
système institutionnel, etc., l'expression « eux et nous ». Si vous commencez à dire
« il y a eux et nous », vous avez mis le doigt
dans le système qui emportera tout le reste. Il faut récuser « eux et nous »,
il n'y a pas « eux et nous ». Il y a 8,5 milliards de personnes,
hommes, femmes, qui sont sur la Terre, aujourd'hui,
il n'y a pas « eux et nous ». Et c'est le nœud
de cette affaire. Il n'y a pas « eux et nous »,
Sophie Binet, ça, j'imagine que la syndicaliste
y est sensible ? Oui, tout à fait, parce qu'en fait,
ce à quoi on assiste, c'est la nouvelle alliance entre le néolibéralisme
et l'extrême droite. Pourquoi est-ce que Vincent Bolloré
investit sur cette alliance-là ? Parce que ça arrange le capital. Quand on met en opposition les travailleurs
et les travailleuses entre les étrangers, les Français,
les immigrés, les Français, sachant que les immigrés
sont français aussi et qu'on crée des ruptures
qui n'existent pas, qui est-ce qui est bien tranquille ?
C'est le patron, qui se frotte les mains, puisque, derrière,
les oppositions sont ailleurs. Et donc, c'est à cette stratégie
à laquelle on assiste. Le sens du 21 janvier, c'est un peu
« La rose et le réséda », en fait. Notre appel et le but
de toutes ces manifestations, c'est de dire « quand le blé
est sous la grêle, fou qui fait le délicat. » Et donc là,
le blé est sous la grêle parce que nos démocraties
sont en danger, du fait
de cette nouvelle alliance entre l'ultralibéralisme
et l'extrême droite, et donc il faut qu'on se rassemble
sur l'essentiel. Pourquoi est-ce qu'il y a
cette alliance-là aussi ? Parce qu'il y a une lucidité inédite sur le danger
de ces politiques néolibérales, qu'on a vue avec la mobilisation
contre la réforme des retraites. Et donc, en face, il y a une volonté
de passer en force, et du coup
la démocratie devient un problème. D'où cette alliance
avec des forces antidémocratiques. C'est ça qui explique
le contexte du moment et c'est pour ça qu'il faut
qu'on soit le plus nombreux et nombreuses possible,
le 21 janvier prochain. Donc, sur 21janvier.fr, vous retrouverez
toutes les informations sur les manifestations
du 21 janvier. On en a déjà recensé 100. Si jamais il n'y en a pas
près de chez vous, par exemple,
s'il n'y en a pas à Guingamp, eh bien, vous pouvez toujours
en organiser une. Et donc, vous avez la possibilité,
sur le site 21janvier.fr, d'annoncer des manifs,
des rassemblements, des initiatives. En fait, il faut se dire
que le 21 janvier, c'est nous toutes et tous
qui le ferons, en fait. C'est une initiative citoyenne. Le but, c'est que chacune et chacun,
le 21 janvier, puisse dire qu'on ne se retrouve pas
dans cette loi, qu'on ne se retrouve pas
dans ces discours de haine et que le 21 janvier,
ça soit la première étape de la construction
d'une alternative. On est dans une année
qui va être forte en commémorations parce qu'on fête les 80 ans du Conseil national
de la Résistance. La Résistance en France,
ça a été fort, parce que c'était
une double résistance. C'était une résistance
à l'occupant nazi et c'était aussi une résistance
au régime de Vichy, avec la nécessité
de construire une alternative, d'où le programme
du Conseil national de la Résistance qui a donné lieu à la plus importante séquence
de réformes en France et à la plus importante vague
de conquêtes sociales. Et donc, on voit que le pire
n'est jamais certain et que l'avenir dépend de chacune
et chacun d'entre nous. Rien n'est jamais écrit d'avance, et ce qui va se passer
le 21 janvier, - ça va compter fort pour la suite.
- Alice Zeniter, sur cet imaginaire dont on parlait un peu,
« la rose et le réséda » A propos de cet imaginaire de la menace sous-entendu par cette loi, quelle graine politique sommes-nous en train de planter ? et l'imaginaire, finalement, qui est sous-tendu
par cette loi immigration, donc qui naît à l'extrême droite,
à droite aussi, et qui est capté par, finalement,
le gouvernement actuel dont les députés
en grande majorité votent cette loi, qu'est-ce que ça nous dit ? Et surtout quelles graines
on plante, justement, pour... Là, Sophie Binet parle de victoires syndicales
et politiques, mais quelles graines - je sais pas
politiques, poétiques - on plante
pour supplanter cet imaginaire-là, et cette idée que, voilà,
il y a une menace qui vient, et qu'il faudrait se protéger
absolument contre cette menace ? Je crois
que c'est toujours important de réclamer et de récupérer
son droit à la parole et au fait de raconter
autrement les histoires, de dire que, par exemple,
les trajectoires migratoires, et c'est
ce que vous avez montré aussi dans l'émission
dont on a vu quelques extraits, mais c'est des choses qui sont toujours
entièrement tronquées quand on les aborde
du côté français et pas uniquement
dans la vie politique. Ça a aussi été le cas
dans la vie littéraire. C'est quelque chose contre lequel j'ai essayé d'écrire
« L'art de perdre ». On regarde uniquement
le pays d'arrivée, et encore une fois, comme si les gens se matérialisaient
sur nos côtes dans le but
de profiter de nos privilèges, parce que ça nous fait du bien de nous raconter désirables,
follement désirables, de se dire
« tout le monde veut cette vie-là », et c'est insupportable
de se dire que non, en fait, parfois,
les gens échouent ici comme une arrivée aléatoire
de l'exil, et parfois en voulant
repartir ailleurs, d'ailleurs, c'est un cas
qui arrive assez souvent. Et donc, de redire
que cette trajectoire migratoire, elle commence quelque part. D'abord, elle commence
par une émigration. elle commence par une vie,
en fait, et cette vie,
elle a une culture, elle a des manières de faire. Elle est aussi dotée
d'une intelligence et d'une capacité
d'adaptation extrême qu'on réduit complètement
dans l'analyse de « Est ce que cette personne
s'intègre ou pas ? » sans voir qu'en fait
une trajectoire migratoire, c'est une odyssée qui mobilise
des talents assez fous et à laquelle on devrait,
la plupart du temps, tirer nos chapeaux.
Enfin, moi, je sais que je le fais à mon père
et à mes grands-parents pour le saut qui a été fait
et la manière dont la vie a changé et eux se sont adaptés
suffisamment rapidement pour pouvoir m'élever
comme ils l'ont fait, - sans que tout ait l'air bizarre.
- Ouais. Et donc, raconter cette histoire-là
de cette manière-là, redire que nous sommes
le même tissu social, qu'en fait, ça n'existe pas,
les « étrangers », à part dans une rhétorique
d'extrême droite. Et dire aussi dire aussi,
puisque c'est vrai que le langage, c'est toujours un peu
mon point d'obsession, ce que ça peut créer
comme décalage. Dire aussi
qu'on n'acceptera pas le discours politique
qui nous a aussi été servi autour de cette loi,
du méchant avec les méchants et du gentil avec les gentils, qui est un abîme en fait, pour moi, dans lequel le politique disparaît
et la justice disparaît. C'était les mots
de Gérald Darmanin. Absolument.
En fait, à partir du moment où on emploie ces termes
qui, à la rigueur, peuvent qualifier
une intrigue de dessin animé, mais pas...
Mais réellement ! - Mais pas la vie en commun.
- C'est de l'essentialisation. - Absolument !
- Vous êtes gentils, vous êtes pas gentils... Mais à la surface de la Terre, il n'y a pas des gentils
et des pas gentils ! Quand on commence
à essentialiser les gens, collectivement
ou individuellement, on est parti
dans toutes les politiques de génocide,
éventuellement. - Voilà.
- Bien sûr. Tout à fait. Voilà. - Pardon !
- Donc, nous refusons... Voilà, Jacques et moi,
nous refusons totalement ces termes et l'essentialisation
un peu bête qui va avec et qu'on essaye
de nous faire passer... C'est Dumas qui dit ça,
dans « Les trois mousquetaires », il utilise une expression
que j'aime bien, qui est « le gros bon sens ». On essaye de nous faire croire
que ce serait du gros bon sens, les méchants avec les méchants
et les gentils avec les gentils. Jacques a raison, en fait,
c'est du fascisme et c'est le début d'une politique
absolument terrifiante. Et dimanche, on va marcher
pour dire qu'on n'en veut pas. Mathieu, tu as la réponse
à ta question dans ce dialogue. Nous sommes en quête
d'un imaginaire qui nous élève, qui nous relève,
et Sophie Binet y a bien appelé, parce que les exemples
qui ont été donnés, je voudrais souligner ça, sur la santé,
sur le droit au logement, on aurait pu parler des enfants,
des mineurs, justement... En fait, c'est l'exemple même
de « Vous voyez comment on détricote l'universalité
des droits ? » Parce que proclamer
l'universalité des droits, c'est dire,
oui, il y a un droit de l'enfance, indépendamment de la nationalité. L'enfance,
elle a le droit d'être protégée. Il y a un droit à la santé,
et les médecins le savent dans le serment
qui est le leur de soigner, et indépendamment
de la nationalité. Donc, on commence à faire tomber... Le droit à la vie privée familiale, qui est reconnu,
qui est un des majeurs, article 8
de la Convention européenne. Et on commence à habituer,
dans ce gros bon sens, à faire tomber
l'idée de l'universel. C'est-à-dire, l'universel,
c'est de l'universalisable, c'est-à-dire
« est-ce que je partage ? » Et on commence, en effet,
à être dans l'essentialisation : « Moi, j'ai droit à des droits auxquels toi,
tu n'auras pas droit. » Et on commence à entrer là-dedans. Et c'est terrible. Et je voudrais juste ajouter à ça : celles et ceux qui seront
à Paris ce week-end, s'ils viennent d'ailleurs
que de Paris pour aller au rassemblement
de dimanche, qu'ils fassent un tour le samedi, parce qu'on le doit aussi
à Jacques Toubon, au formidable Musée
de l'histoire de l'immigration, dont la nouvelle exposition
permanente... Moi, j'aurais envie d'enfermer
tous les parlementaires, sénateurs et députés,
pendant une semaine dans ce lieu
à la Porte Dorée. Tout y est.
Tout y est expliqué, formidablement bien,
avec des guides formidables, avec des chiffres
et des statistiques, une histoire, une rigueur... C'est le lieu.
Il faut aller là. Passez un petit peu
d'éducation populaire et d'éducation permanente, et vous comprendrez
que ce que vous défendez, - c'est pas la France.
- Sophie Binet, donc 21janvier.fr. C'est le site Internet
sur cet appel. Oui, tout à fait.
Donc à Paris, le rendez-vous sera à 14 h,
place des Droits-de-l'Homme - donc, c'est le Trocadéro - et on finira
à la place de la Concorde. Le parcours parle de lui-même
sur le sens de la journée, et je crois
que dans le moment... Il faut un peu parler des immigrés
dans les beaux quartiers, pour dire les choses
comme elles sont. C'est ça,
et là, en l'occurrence, actuellement, on organise
500 grévistes sans-papiers qui sont en grève
depuis la mi-octobre pour obtenir une régularisation parce qu'ils rentrent
dans tous les critères, et donc,
au bout de 3 jours grève, tous les employeurs ont donné
les attestations de travail. Mais là, depuis trois mois, c'est le ministère de l'Intérieur
qui bloque. Et donc, nos 500 camarades seront
dans la manifestation à Paris, et on a de nombreux collectifs
de sans-papiers ailleurs en France, notamment dans la Marne, 60 travailleuses et travailleurs
sans-papiers qu'on a aidés
à monter un procès contre des procédures
d'esclavagisme dans le secteur agricole, dans le Nord également. Bref, je pourrais multiplier
les exemples. Mais dans ce moment compliqué, une des choses qui rassemble,
c'est le travail. Au travail, en fait,
on se mélange toutes et tous. On se pose pas la question
de savoir quelle est notre religion, notre origine, etc. Par notre attachement au travail... Et puis, on se rassemble aussi
dans les luttes, et donc, ça,
c'est vraiment important. Et puis, pour sortir
de ces difficultés, on a besoin
d'avoir des perspectives collectives et des perspectives sociales
collectives. C'est pas pour rien
que le programme du Conseil national
de la Résistance, il fixe des horizons sociaux et notamment la question
de la Sécurité sociale. C'est parce que,
pour faire barrage au fascisme, il y a besoin de se rassembler
sur des droits rassembleurs, et notamment
des droits sociaux. - Les causes communes.
- Les causes communes. Mot de la fin, Jacques Toubon. Il faut sortir de cette phase, que je qualifierais de défensive
ou de réactive. Et ce qu'il faudrait,
c'est que, puisque nous avons
un nouveau Premier ministre, que ce nouveau Premier ministre
est jeune, ça, c'est une réalité... Il a dit
qu'il allait réformer l'AME. On ne sait pas dans quel sens. ...qu'il semble être
plutôt « moderne ». Voilà, pourquoi
est-ce qu'il ne prendrait pas, Il se grandirait beaucoup,
je crois, à le faire, ce texte, dire au président
de la République : « Tu sais ? Je crois
que ce ne serait pas une bonne idée que tu le promulgues. Il vaudrait mieux
ne pas le promulguer. Il faudrait qu'on reprenne
cette affaire maintenant, nous,
la nouvelle équipe Attal, et qu'on reprenne
cette nouvelle affaire à travers une conception
d'une politique d'immigration et pas un texte
comme il y en a eu 20 depuis je sais pas
combien de temps. Donc une politique d'immigration, une réorganisation, parce qu'il y en a besoin, du droit des étrangers, et ça, notamment,
le Conseil d'État a fait des réflexions là-dessus
qui sont essentielles. Il y a, sur le droit des étrangers,
en gros, 11 ou 12 textes
qu'il faut empiler pour savoir quelle est la situation
et le droit, tout ça. Donc, appel à la non-promulgation
par le gouvernement ? À partir de ce moment-là, je dis que ce serait l'occasion
pour ce gouvernement, pour ces hommes
et ces femmes politiques, qui se présentent
comme différents ou nouveaux, eh bien, de faire quelque chose qui romprait, effectivement,
avec les errements anciens. Comme on ne va pas placer
tous nos espoirs dans le nouveau gouvernement
de Gabriel Attal, j'aimerais redire
que, peut-être, si on manifeste, on a plus de chance
que d'arriver à la non-promulgation. Dans la manifestation de dimanche,
c'est ça qu'il faut demander. L'histoire retiendra,
sur Mediapart, l'appel de Jacques Toubon
à Gabriel Attal et à Emmanuel Macron. Merci à vous d'être venus
sur ce plateau. Merci à vous de nous suivre.
Cette émission, elle est en accès libre,
vous le savez, donc, si vous aimez ces émissions,
si vous voulez soutenir Mediapart, abonnez-vous.
À très vite sur Mediapart.
Salut bienvenue sur mediaaps il y a la politique en france les jos les élections américaines en novembre avec le retour possible de donald trump le climat qui continue de dérailler mais dans cette actualité nous ne pouvons pas nous ne devons pas oublier ce qui se passe à gaza gaza bombardé continuement... Read more
Salut. bienvenue
sur mediapart. c'est un séisme
depuis le mois de juillet. 24 femmes, à ce stade,
font état de violences sexuelles infligées
par l'abbé pierre, la figure de la lutte
contre l'exclusion en france, longtemps personnalité
préférée des français, la plupart majeures
au moment des faits rapportés,... Read more
Introduction et présentation des invité·es salut.
bienvenue sur mediapart. ils sont des milliers,
des dizaines de milliers peut-être, qui se sont mobilisés comme jamais
après l'annonce de la dissolution, bien souvent en dehors des partis,
souvent pour la première fois. le nfp est arrivé en tête
des... Read more
Salut.
bienvenue sur mediapart. ça fait neuf jours
que le nouveau front populaire est arrivé en tête des élections
législatives anticipées, neuf jours pendant lesquels
les dirigeants de la gauche n'ont pas réussi
à se mettre d'accord sur un nom pour matignon,
ni sur un gouvernement, alors qu'emmanuel... Read more
Et ben alors gaby qu'est-ce qu'ils viennent de balancer sur toi mdiapart mais ils te foutent jamais la paix sérieux mais ouais mais heureusement vous me dirait que pendant la révolution française on a aboli les privilèges bah ouais vous savez ah ça ira ça ira les aristos à la lanterne je sais pas quoi... Read more
La faute à qui ? bonsoir, sophie binet. - bonsoir.
- vous êtes secrétaire générale de la cgt, qui a appelé
à voter pour le nfp, qui a énormément mobilisé
de son côté avec d'autres. on est 5 jours après le second tour.
il n'y a toujours pas de gouvernement.
la faute à qui ? eh bien d'abord à emmanuel... Read more
Salut.
bienvenue sur mediapart. après les législatives,
c'est l'heure du bilan. bilan politique, bien sûr,
mais aussi bilan médiatique et on peut dire
qu'il n'est pas fameux. banalisation du rn
au nom de la « neutralité », pilonnage contre la gauche
sur nombre d'antennes, gauche finalement arrivée
en... Read more
Le vol 370 d'asia airlines reste probablement le
plus grand mystère de l'aviation de l'histoire il y a plus de 10 ans un vol a quité la malaisie
en direction de pékin en chine malheureusement le voyage a été tragiquement interrompu car
l'avion aurait apparemment sombré dans la mer entraînant... Read more
La députée rn christine engrand épinglé pour avoir utilisé son enveloppe à des fins personnelles christine engrand député rn du pas de calais sous le feu des critiques pour ses dépenses des frais personnels inclu une pension pour chien et un abonnement à un site de rencontre miap révèle des détournements... Read more
Well there are more questions than answers at the stage about the arrest of dv and to shed some light on this story i'm pleased to be joined on the program now by dr melanie garon she works on cyber policy at the tony blair institute for global change and at university college london good afternoon... Read more
If you don't like surprises but love staying informed then buckle up for the latest twist in trump's arlington visit former president donald trump's recent visit to arlington national cemetery has stirred up a storm maggie haberman a prominent political analyst has uncovered new details that deepen... Read more