« Elle déshonore la France » : dimanche 21 janvier, une marche contre la loi immigration

Published: Jan 17, 2024 Duration: 00:46:31 Category: News & Politics

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Sophie Binet (CGT), Jacques Toubon (ancien Défenseur des droits) : pourquoi avoir signé le texte d'appel à manifester le 21 janvier ? Salut. Bienvenue sur Mediapart. La loi Darmanin sur l'immigration, inspirée de certaines propositions historiques de l'extrême droite, a été votée le 19 décembre. Elle n'est pas encore promulguée. Le Conseil constitutionnel doit d'abord se prononcer. Cette loi, nous l'avons dit, nous l'avons écrit sur Mediapart, c'est un basculement majeur, dénoncé par des pans entiers aujourd'hui de la société civile. Cette société civile, elle est là ce soir, sur le plateau de Mediapart, avec des invités exceptionnels. C'est « À l'air libre », l'émission d'actualité de Mediapart. On s'en souvient, en décembre, la loi immigration votée par l'Assemblée nationale a provoqué un séisme politique, une crise au gouvernement et parmi les troupes macronistes, mais surtout un choc moral, car plusieurs de ses dispositions ont été inspirées par la droite dure et l'extrême droite. Cette loi, elle a d'ailleurs été votée par le Rassemblement national. Le Conseil constitutionnel doit se prononcer le 25 janvier. Il est probable que certains éléments de cette loi seront censurés. Elle sera ensuite promulguée par le président de la République. Depuis ce vote, en tout cas, la société civile se mobilise. Dimanche dernier, 14 janvier, 400 collectifs de sans-papiers et leurs soutiens, des syndicats, des partis politiques, ont marché contre la loi immigration partout en France, comme David Perrotin, qui a suivi la manifestation à Paris et l'a racontée sur Mediapart. Ils ont dénoncé, je cite, une « loi scélérate, un texte xénophobe et dangereux ». Vous aussi, qui êtes là avec nous aujourd'hui, vous vous mobilisez contre ce texte. Sophie Binet, secrétaire générale de la CGT, bonsoir. - Bonsoir. - Jacques Toubon, bonsoir. Bonsoir. Vous êtes l'ancien Défenseur des droits. Il y a 20 ans, peut-être, voir ensemble la secrétaire générale de la CGT et Jacques Toubon contre une loi sur l'immigration, sur le même plateau, ça n'aurait pas été évident. Jacques Toubon, vous avez été ministre de la Culture et de la Justice d'un gouvernement de droite entre 1993 et 1997. Vous êtes là, tous les deux, ce soir parce que vous êtes, tous les deux, cosignataires, comme Alice Zeniter et Edwy Plenel, le président de Mediapart, qui nous rejoindront dans un instant, de « L'appel des 201 », publié conjointement sur Mediapart et L'Humanité le 7 janvier. Un texte où de nombreuses personnalités appellent solennellement le président de la République à ne pas promulguer la loi immigration, qui a été votée donc en décembre. C'est un front uni qui mêle des personnalités de divers horizons. Je vais citer certaines de ces personnalités qui signent, en réalité, en engageant aussi évidemment leurs organisations. Tous les dirigeants des organisations syndicales : la CGT, la CFDT, l'Unsa, FSU, Solidaires, les présidents d'ATD Quart Monde, de la Cimade, d'Emmaüs France, du Secours catholique, de France terre d'asile, le Front uni des immigrations et des quartiers populaires, Toumi Djaïdja, co-initiateur de la Marche pour l'égalité de 1983, le président du Conseil économique, social et environnemental, Thierry Beaudet, les responsables de la Ligue des droits de l'homme, de SOS Racisme, du Syndicat de la magistrature, du Syndicat des avocats de France, des dirigeants politiques des principaux partis de gauche et de nombreuses personnalités du monde des idées et de la culture, comme Didier Fassin, Pierre Arditi, Swann Arlaud, Josiane Balasko, Marina Foïs, Alice Diop. Il y en a beaucoup d'autres. Ce texte, c'est aussi un appel, Sophie Binet, à manifester ce dimanche 21 janvier. Dans ce texte, qui est assez court, vous écrivez : « C'est un tournant dangereux dans l'histoire de notre République, un texte rédigé sous la dictée des marchands de haine, qui rêvent d'imposer à la France leur projet de préférence nationale. » Pourquoi avoir signé ce texte, Sophie Binet ? En fait, ce texte, il est inédit dans son périmètre, parce qu'il y a aussi des responsables politiques de droite qui en sont signataires, des députés Renaissance, etc., à l'image de la gravité de la situation. La gravité de la situation, elle se mesure sur deux aspects. D'abord, le contenu même du projet de loi, qui est en rupture avec nos principes républicains sur un certain nombre de points concrets : la remise en cause du droit du sol, qui date de 1789, l'introduction d'un concept de préférence nationale, qui est en rupture avec l'héritage notamment du Conseil national de la Résistance de 1945, la mise en place d'un arbitraire pour les préfectures et pour les employeurs qui auraient les pleins pouvoirs sur les titres de séjour pour les étrangers. Donc tout ça, c'est des ruptures. Puis, ce texte, il est aussi une rupture politique, à l'image des basculements qui sont à l'œuvre dans le monde. On assiste dans le monde entier à une extrême droite qui est en train d'arriver au pouvoir. Ça vient de se produire en Argentine, mais je pourrais faire la liste des pays. Elle est longue. À chaque fois que l'extrême droite arrive au pouvoir, c'est sur la base d'une alliance droite-extrême droite, sous le haut patronage du capital. En France, il s'appelle Vincent Bolloré et il subventionne très cher, d'ailleurs, pour organiser l'hégémonie culturelle sur des chaînes télé et radio et sur les réseaux sociaux. C'est comme ça qu'ils arrivent au pouvoir. Le 19 décembre dernier, avec le vote de cette loi, c'est ce basculement qui a eu lieu en France. Donc, notre appel, en fait, il vise à dire deux choses. Il vise d'abord à dire que cette loi, elle ne doit pas entrer en application, elle ne doit pas être promulguée. Puis, il vise aussi à rappeler que notre République, notamment en 1945, dans le cadre de reconstructions suite à la barbarie nazie, elle s'est construite sur un barrage et des digues vis-à-vis de l'extrême droite, qui là sont définitivement tombées avec l'adoption de ce texte. C'est très grave et c'est pour ça que le 21 janvier, il faut qu'on soit le plus nombreux et nombreuses possible - dans toute la France. - Jacques Toubon, Sophie Binet nous parle d'une rupture majeure sur un certain nombre de points, à la fois des mesures et des principes. Est-ce que vous êtes d'accord avec ça ? Oui. Si je suis mobilisé contre ce texte depuis l'automne dernier, c'est parce qu'effectivement, il manifeste une... Il marque une rupture quand il est sorti du Sénat. Puis, ce qui a été depuis voté à l'Assemblée, qui a été, en gros, repris du texte du Sénat, marque une rupture avec nos principes fondamentaux. Le principe fondamental qui est en cause, c'est qu'il n'y a pas de nationalité, il n'y a pas de différence entre les nationaux et les étrangers, les Français et ceux qui ne le sont pas, en matière de sécurité sociale, en matière de droits sociaux. C'est le principe qui a été posé quand on a fait la Sécurité sociale, justement, avant la guerre, mais surtout à partir de 1945. Si vous lisez l'article 1er de l'ordonnance du 4 octobre 1945, fondatrice de la Sécurité sociale, vous n'y voyez aucune considération qui permet de dire qu'un national et un étranger ont, vis-à-vis de ce nouveau régime et notamment vis-à-vis des prestations sociales, une situation différente. C'est le cas avec ce texte, évidemment. On introduit la nationalité. On l'introduit, tout simplement, parce que... De manière très concrète, je prends deux dispositions. Pour l'accès aux aides au logement, au lieu de pouvoir y accéder au bout de trois mois, vous pourrez y accéder au bout de cinq ans, ce qui veut dire très clairement que si vous prenez quelqu'un qui n'est pas français, il faut qu'il se mette, si j'ose dire, à devenir français. Il faut cinq ans pour qu'il devienne, sinon français, en tout cas, "comme un Français", et à ce moment-là, on lui donne l'aide au logement. Pour les allocations familiales, le système actuel, c'est au bout de deux ans et demi. Là, on passe à cinq ans. Donc, si vous voulez, ce que je dis, et ce que dit Sophie Binet, c'est que cette introduction de la préférence nationale dans la Sécurité sociale, qui est à l'encontre de tous nos principes constitutionnels, fondamentaux, depuis donc la Constitution de 46 et l'ordonnance du 4 octobre 1945, ce n'est pas une pétition de principe. C'est ce qui est écrit dans le texte, et les dispositions les unes derrière les autres, mais celles notamment que j'ai citées, montrent bien qu'on introduit cette préférence nationale. Donc, on a une vraie rupture fondamentale. On ne discute pas ici et on ne s'oppose pas à des dispositions techniques. D'ailleurs, ce texte comporte un certain nombre de dispositions qui ne sont pas mal et qui sont même, pour certaines, positives, mais en revanche, son état d'esprit, c'est effectivement de considérer que pour les droits sociaux, il doit y avoir une différence entre nationaux et étrangers, et ça, c'est totalement contraire à nos principes et c'est contraire, en plus, aux principes qui sont fixés, par exemple, par la Convention européenne des droits de l'homme. Ce n'est pas seulement la France. Pour revenir à Sophie Binet, c'est aussi une revendication de longue date de l'extrême droite. Oui, bien entendu. La préférence nationale, c'est l'extrême droite qui l'a inventée et qui la propose. Elle le faisait déjà lorsque l'extrême droite était incarnée non pas par Marine Le Pen, la fille, mais par Jean-Marie, le père, il y a 30 ans ou 35 ans. L' Aide Médicale d'Etat (AME) toujours menacée Il y a d'autres mesures dans l'air. Hier, à l'Assemblée nationale, pour sa première prise de parole en tant que Premier ministre devant les députés, Gabriel Attal s'est engagé à réformer l'aide médicale d'État, comme Élisabeth Borne, son prédécesseur, s'était engagée à le faire auprès de Gérard Larcher, le président des sénateurs LR. L'aide médicale d'État permet l'accès aux soins des sans-papiers. Et là, on parle de quelque chose qui est connexe au texte sur l'immigration. C'est une loi qui arriverait donc probablement. Oui, c'est évidemment un problème humanitaire en rupture avec notre tradition. Il y a d'ailleurs de nombreux soignants et soignantes qui sont signataires de notre « Appel des 201 », parce qu'ils et elles sont profondément choqués par cette remise en cause. Et puis, c'est aussi une aberration en matière de santé publique. Le fait de permettre à toutes et tous de se soigner, quels que soient nos revenus, c'est le meilleur moyen de se protéger toutes et tous. Nos destins sont liés, on l'a vu pendant le Covid. Pour éradiquer une épidémie, il faut que tout le monde puisse se soigner. Si on laisse des personnes exclues des soins, on va avoir le retour des grandes épidémies que justement la Sécurité sociale a permis d'éradiquer. Donc, c'est un non-sens à tout point de vue. L'aide médicale d'État, qui n'est pas réclamée par la moitié des ayants droit. Ceux qui pourraient la réclamer ne la réclament pas. Tout à fait. On ferait mieux de travailler sur le non-accès aux droits, en matière de RSA comme en matière d'aide médicale d'État. Et l'enjeu financier. L'enjeu financier est dérisoire. L'AME, aujourd'hui, c'est 1,5 %. 1,5 % des dépenses. Donc franchement, ça n'est rien du tout. Je vais vous montrer bientôt un extrait, mais d'abord une question pour vous, Jacques Toubon. L'actuelle Défenseur des droits, Claire Hédon, qui vous a succédé, L'actuelle Défenseure des droits, Claire Hédon, a émis plusieurs avis sur cette loi qu'elle qualifie "d'atteinte grave aux droits fondamentaux des étrangers". Quelles sont les dispositions particulièrement problématiques ? a rendu plusieurs avis sur cette loi au cours de l'année 2023, qu'elle qualifie, je cite, « d'atteinte grave aux droits fondamentaux des étrangers. » C'est encore une autre question à côté de la question de la préférence nationale que vous évoquiez. C'est une question complexe, les droits fondamentaux des étrangers, il y a beaucoup de dispositions, mais dites-nous par exemple une disposition ou plusieurs qui sont particulièrement problématiques. Je dirais que... D'abord, Claire Hédon, la Défenseur des droits d'aujourd'hui, dit vraiment ce que j'aurais dit si j'étais dans sa position, encore. Bien entendu, elle a parfaitement raison. Je voudrais prendre, simplement, pour répondre à votre question, une ou deux dispositions. Il y a un amendement... Dans le texte, il y a une disposition qui est notamment intéressante parce qu'elle résulte d'un amendement qu'a fait voter un sénateur Front national, monsieur Stéphane Ravier. Sénateur de Marseille. Qui est un rare sénateur Front national, et il a fait voter ce texte. C'est la fin de l'acquisition automatique de la nationalité française à la majorité pour les enfants nés en France de parents étrangers, ce qu'on appelle le droit du sol. Voilà. Et c'est dans le texte venu du Sénat, ça a été repris par l'Assemblée, et c'est un amendement Front national. Donc, si j'ose dire, c'est signé, on voit bien. Mais je prendrai aussi une autre disposition, qui est... Plus précisément sénateur Reconquête, Stéphane Ravier, le parti d'Éric Zemmour, mais c'est l'extrême droite. Oui, oui, extrême droite. Pas Front national, pardon. Ce n'est pas Front national, c'est Reconquête, c'est-à-dire extrême droite. Et vous avez... Parce que l'intégration, c'est également très important. L'intégration des étrangers. Vous avez dans le texte ce que tous les spécialistes ont bien vu et bien qualifié, une inversion entre l'accès au titre de séjour et l'intégration. Auparavant, vous aviez une carte de résident de 10 ans, c'est-à-dire extrêmement stable, qui était faite pour une meilleure intégration. Vous étiez sûr, pendant 10 ans, de ne pas avoir de problème pour vivre en France, séjourner, travailler. Et c'était comme ça, c'était la voie de l'intégration. Aujourd'hui, ce titre exceptionnel, carte de 10 ans, il va être au contraire délivré, dans le texte tel que nous l'avons, en récompense d'une intégration effectuée, d'une intégration réussie. Et donc... Et donc ce n'est plus, ce n'est plus la... C'est la sanction, en quelque sorte, d'une intégration, d'un alignement ou d'une assimilation sur la société française, mais ça n'est plus ce qui était auparavant, c'est-à-dire un instrument, un outil de l'intégration. Et on voit bien donc que, en gros, vous vous débrouillez, si vous réussissez, vous aurez le titre au bout de 10 ans et pas, comme c'était avant, on vous alloue ce titre et ce titre est pour vous un moyen, un outil pour l'intégration. Et ça montre comment la conception de cette loi est complètement à l'opposé de ce qu'elle était non seulement sur l'entrée, le séjour, les frontières, etc., mais aussi sur l'intégration. Et peut-être même de la vie concrète des gens. Sur Mediapart, le soir du vote de la loi, le 19 décembre, "Cette loi ne va pas diminuer le nombre d'étrangers en France, mais elle va les précariser, organiser le désordre social, et va compliquer les parcours d'intégration", Sophie Binet. nous avons reçu cinq personnes étrangères. Elles étaient sur notre plateau. Ils nous ont dit : « Cette loi, c'est une fabrique à sans-papiers. » On va écouter le témoignage de Dramane Sawadogo. C'est un rescapé de l'Ocean Viking, le bateau de SOS Méditerranée qui porte secours aux exilés dans la mer, et Gaudilene Martins, auxiliaire de vie menacée d'une obligation de quitter le territoire français, qu'elle ne comprend pas du tout. Sophie Binet, comment vous réagissez ? OQTF, tout le monde sait ce que c'est ? Obligation de quitter le territoire français. C'est ça. Ce qui est intéressant, c'est que là, il et elle rappellent plein d'évidences et les mensonges sur lesquels prospère cette loi. Personne ne vient en France pour bénéficier des aides sociales, - qui sont loin d'être magnifiques. - C'est le fameux appel d'air. Voilà, qui n'existe pas. Ça, c'est la rhétorique de l'extrême droite. Cette loi ne va pas diminuer le nombre d'étrangers en France. Par contre, elle va les précariser, elle va organiser le désordre social. Elle va compliquer considérablement les parcours d'intégration, parce que quand tous les six mois, on est obligé de refaire une démarche pour le renouvellement de son titre de séjour, on ne peut pas avoir le temps d'apprendre le français, etc... Et elle va donner les pleins pouvoirs aux employeurs qui, quand des salariés... Parce qu'ils sont là, les travailleurs et les travailleuses étrangers. En Île-de-France, il y a 25 % des emplois qui sont occupés par des étrangers. Les aides à domicile, par exemple, c'est 60 % d'étrangères. On voit bien que le pays ne pourrait pas tourner sans des étrangers et des étrangères. Les chantiers des Jeux Olympiques, par exemple. Voilà, on pourrait multiplier les exemples. On ne pourrait pas faire tourner nos hôpitaux, qui tournent grâce à des médecins étrangers. Et aujourd'hui, il y en a 2000 qu'on refuse de titulariser et qui ne savent pas si dans un mois ou deux mois, ils pourront encore travailler, parce qu'on leur a mis des obstacles administratifs. Et les hôpitaux ne savent pas tourner sans eux. Donc, quand on ne leur donne pas accès à des titres de séjour, c'est les pleins pouvoirs aux employeurs, qui peuvent tranquillement ne pas leur payer leurs heures sup, ne pas les déclarer ou leur imposer des conditions de travail indignes. Et le résultat, c'est quoi ? Ça s'appelle du dumping social, ça tire les droits de tous les salariés vers le bas. C'est pour ça que cette loi, elle nous concerne toutes et tous. D'abord parce que dans notre entourage, on a toutes et tous des étrangers, des étrangères. Au travail, dans nos connaissances, etc... Il y a aussi des personnes qui sont d'origine étrangère et qui sont concernées, parce que la remise en cause du droit du sol pour les enfants, eux, ils sont français mais on remet en cause leur droit à être français, et puis cette loi, elle nous concerne toutes et tous parce qu'elle déshonore la France. C'est une tache sur notre honneur au niveau national, au niveau international. C'est faire comme si les Françaises et les Français étaient xénophobes, racistes, avec, comment dire, des préjugés tels que ceux qui ont entouré le débat sur la loi asile et immigration. C'est pour ça que c'est important qu'on soit nombreux et nombreuses dans la rue dimanche prochain. C'est pour dire que la France, c'est pas ça. La France, c'est la solidarité, la France, c'est la liberté, l'égalité, la fraternité. Il faut qu'on soit nombreux et nombreuses dans la rue pour dire le refus de la loi, dire aussi, par rapport à toutes celles et ceux qui ont vécu comme une violence inouïe les débats depuis six mois qu'on subit, avec ce torrent de haine, qu'on ne partage pas ce point de vue. Donc, c'est un message de solidarité à destination de tout notre entourage. Et puis, c'est dire notre détermination à faire barrage aux idées rances du Rassemblement national, que ces idées-là ne sont pas majoritaires en France. Jacques Toubon, une question. Pendant ce temps-là, Alice Zeniter et Edwy Plenel vont nous rejoindre. Jacques Toubon, que voulez-vous dire à la droite où vous avez exercé votre carrière politique ? Ils vont venir s'installer pendant que vous répondez. Jacques Toubon, la loi votée, vous l'avez dit, elle s'inspire en grande partie de la version du Sénat, qui est dominé par la droite. Qu'est-ce que vous avez envie de dire, vous, à cette droite, où vous avez exercé votre carrière politique ? J'ai envie de lui dire qu'elle ne prend pas la question de l'immigration de la manière dont il faudrait la prendre. La question de l'immigration est prise... J'emploierai une expression qui peut être prise à la fois au sens figuré et au sens matériel. Elle est considérée « à corps défendant ». C'est-à-dire, c'est comme si l'immigration était une sorte de... De réalité, d'animal, de personne qui menace notre pays, qui menace d'entrer, puis, une fois entrée, menace notre pays et que, vis-à-vis de l'immigration, la seule attitude que l'on peut avoir, c'est une sorte d'attitude réflexe consistant à dire : « Il faut m'en protéger. » Or, c'est exactement le contraire... Et moi, je m'occupe de ça depuis 20 ans, je peux en parler, mais beaucoup d'autres aussi, c'est exactement le contraire de l'histoire de la France. La France a été construite depuis le XVIIe siècle, en tout cas depuis concrètement le milieu du XIXe siècle, a été construite par les personnes qui sont venues de l'étranger, qui n'étaient pas françaises et qui ont fait des Français et la France. Et cette réalité-là, elle est encore naturellement à l'œuvre aujourd'hui. Est-ce que la politique va prendre une attitude absurde consistant à dire : « Je nie cette réalité, je fais des lois qui nient cette réalité » ? Ça va donner quoi ? Eh bien, ça va laisser, comme tout à l'heure, Sophie Binet l'a très bien expliqué, ça va faire des laissés-pour-compte, ça va faire des ruptures, ça va faire des personnes en situation irrégulière. Mais la réalité même, c'est-à-dire un pays qui aujourd'hui, comme dans les années 50 et 60, dans les années 30, dans les années de la fin du XIXe siècle, on a quand même fait à cette époque des lois, en 1889, en 1927, qui ont organisé cette immigration qui a construit la France. Et nous avons refait la même chose après la Deuxième Guerre mondiale. Donc c'est ça qui, moi, en tant que politique, en quelque sorte, sans aucune idée d'opinion d'un côté ou de l'autre, je me dis : « Si les politiques d'aujourd'hui sont assez naïfs ou assez idéologues pour nier la réalité, la France va en prendre plein la tronche », si je peux ainsi le dire, « dans les années qui viennent. » Alice Zeniter, vous nous avez rejoints. Aussi Edwy Plenel, président et cofondateur de Mediapart. Alice Zeniter (écrivaine), pourquoi avoir signé cet appel ? Alice Zeniter, vous êtes écrivaine, réalisatrice, metteuse en scène. On connaît notamment votre formidable roman « L'Art de perdre », prix Goncourt des lycéens 2017, autour de la mémoire de la guerre d'Algérie, où il est aussi question, évidemment, de ces parcours entre l'Algérie et la France. Vous aussi, vous avez signé cet appel. Pourquoi ? Je crois que c'était important pour moi de dire que la solidarité, elle, ne connaît pas de préférence nationale, que cette représentation qui est beaucoup véhiculée dans le débat autour de la loi, que le pays serait formé de deux sphères qui ne communiquent pas, qu'il y aurait d'un côté les Français et de l'autre côté les étrangers et qu'appauvrir les étrangers, les attaquer dans des aspects multiples de leur vie quotidienne, la santé, le logement, le regroupement familial, appauvrir cette sphère-là, ça enrichirait l'autre, c'est quelque chose qui n'est pas vrai et que le devoir de solidarité, justement, il s'exerce envers toutes les vies fragiles et cette loi, elle fragilise cette sphère des personnes étrangères en France, qui est présentée comme profitant à nos dépens des aides multiples. Et du coup, c'était dire cette chose-là, et c'était la dire avec d'autant plus de véhémence, peut-être, que la rhétorique qui a été déployée par Élisabeth Borne et par Gérald Darmanin, c'était d'un côté de dire : « Les Français veulent cette loi », et du côté de Gérald Darmanin, de dire : « Il faut protéger les Français. » Comme si les personnes étrangères en France étaient vues par celles qui ont la nationalité française comme une menace, comme un danger. Or, ce que Sophie Binet a rappelé, en fait, ces deux sphères, elles communiquent en permanence. Les personnes étrangères, en France, c'est nos amis, c'est nos voisins, c'est nos collègues, c'est nos amants et amantes, c'est les gens qu'on voit tous les jours. Et pour celles et ceux qui se diraient : « Non, moi, je ne connais pas de personnes étrangères, je n'ai pas de liens si intimes avec ces personnes-là », eh bien, c'est vos aides-soignantes, c'est celles et ceux qui s'occupent des gens dans les EHPAD, c'est les caissières, c'est les gens qu'on a applaudis à 20h et à qui on a donné un minuscule quart d'heure d'héroïsme. Les étrangers ne sont pas étrangers. Exactement. Ça n'existe pas, les étrangers. Il n'y a pas une sorte de ville souterraine dans un monde cyberpunk, dans les égouts, où ces gens vivraient, en sortant uniquement pour aller attraper un documentaire de la CAF. Il faut arrêter d'imaginer que c'est comme ça que s'organise le tissu social. Vraiment, il y a cette chose... Du coup, ça m'évoque ce vers de John Donne : « Aucun homme n'est une île », et chaque fois que la mer attaque un promontoire, c'est l'entièreté du continent qui en est diminué. Qui sonne le glas. Et c'est la fin. « Ne demande pas pour qui sonne le glas, il sonne pour toi.» Donc, chaque fois qu'on attaque des personnes étrangères ou autres, en fait, on devrait se dire : « Quel est l'appauvrissement global qui est proposé comme projet de société ? Je le refuse. » Pourquoi est-il important que Mediapart s'associe à cet appel en le publiant dans les colonnes du Club de Mediapart ? Edwy, Mediapart a publié ce texte sur « Le Club » de Mediapart. Texte publié aussi dans L'Humanité, avec tous les signataires, que vous représentez, d'une certaine façon, aujourd'hui. Pourquoi c'était naturel que Mediapart s'associe, à travers toi, finalement, à cet appel ? Oui, et même, nous appelons ce soir, dans cette émission, à rejoindre cette formidable initiative et à être très présents le 21 janvier. Le symbole de Jacques Toubon, de Sophie Binet, montre bien que cela rassemble des femmes, des hommes, sur le fait que l'essentiel est en jeu. Ceux qui critiquent notre discours ici disent : « C'est de la bien-pensance, c'est de l'irréalisme, c'est des gens qui ont un bon cœur mais qui ne connaissent pas la réalité. » C'est pas vrai. Le réel, il est de notre côté. Jacques Toubon l'a très bien dit sur ce qu'est la France, ce qu'est notre peuple, mais plus, qu'est-ce qui nous rassemble ? On a des divergences sur tel ou tel moment, tel ou tel vote. Nous sommes tous les enfants d'une proclamation qui est celle de l'égalité naturelle. C'est la France qui l'a fait en 1789. C'est la Déclaration universelle qui la reprend avec un compagnon du général de Gaulle, René Cassin, en 1948. Nous naissons libres et égaux en droits, sans distinction d'origine, de condition, d'apparence, de croyance, de sexe, de genre. On sait bien que c'est une proclamation qui bouscule des réalités d'injustices. Cette proclamation de l'égalité naturelle, c'est ça qui est notre digue face à l'extrême droite, dans toutes ses différences et ses diversités. L'extrême droite, qui peut avoir même des écrivains talentueux, c'est le camp de l'inégalité naturelle sous toutes ses formes. C'est ceux qui pensent, et il y en a partout, dans d'autres pays, qui pensent qu'il y a des civilisations, des origines, des croyances, des religions, des apparences supérieures à d'autres. Comment, après leur immense défaite mondiale face à la réalité de ce que ça a produit, un crime incommensurable, le génocide, la Shoah, c'est cet engrenage qui a produit cela, après leur défaite, comment ils vont revenir ? Ils reviennent par cette ancienne... Les plus vieux ici, c'est Jacques Toubon et moi. Nous savons que dès les années 60-70, l'extrême droite, quel était son registre ? « 1 million de chômeurs, 1 million d'immigrés. » C'est la brèche. Donc, il ne s'agit pas que des immigrés, il s'agit de nous tous. On commence à dire « préférence nationale », « des ayants droit et des sans droit », sur le thème on cherche le bouc-émissaire, c'est l'étranger, et on fait cette distinction. Mais à partir du moment où on fait cette distinction, on ouvre une brèche. Et regardez bien ce que signifie cette brèche dans la réalité de nos pays et d'autres, parce que nous avons vécu cette histoire. Il vient d'y avoir, en Allemagne - nous l'avons publié -, les révélations sur l'extrême droite allemande qui a fait une petite réunion à Potsdam « Comment on va faire la remigration ? » « Comment on va en chasser 1 million, 2 millions ? » Regardez dans les extrêmes droites d'autres pays - hélas, l'origine protège de rien -, quand vous entendez l'extrême droite israélienne qui dit : « Il faut les chasser, les Palestiniens. » Mais rappelons-nous notre histoire. Et Jacques Toubon connaît ça. C'est un bon ministre des Affaires étrangères de la IIIe République, il s'appelait Georges Bonnet, un radical socialiste. À la fin de 1938, il reçoit le ministre des Affaires étrangères nazi, Ribbentrop. Les nazis demandent que l'allogène du moment - c'est le juif - ne soit pas là. Donc, Jean Zay et Georges Mandel sont exclus du repas officiel parce que juifs. Mais ils le reçoivent. Et là, ils ont une discussion qu'Hannah Arendt a racontée. Georges Mandel, qui n'a rien fait... Il a voté les pleins pouvoirs à Pétain, mais il n'a rien fait d'effroyable après, et il va être réélu après la Deuxième Guerre mondiale, mourir dans son lit. Mandel dit : « Oui, je suis d'accord avec vous, « monsieur le ministre nazi. » Bonnet, oui, pardon, pas Mandel. Mandel et Jean Zay ont été assassinés par la Milice française. et il dit : « Je suis d'accord, il y en a trop. » Il parlait des juifs d'Europe centrale venus des shtetls, qui étaient dans les ateliers, etc. « Il y en a trop. Alors, j'ai une solution : on est un grand empire, on a un territoire vide. On peut les recevoir. Madagascar ! On va les chasser à Madagascar. » Et tout le monde l'a oublié, mais avant de passer à la solution finale industrielle. l'Allemagne nazie examine très sérieusement un plan Madagascar. Donc quand on entend parler, aujourd'hui, on diffuse l'idée que le problème, c'est l'immigré, que le problème, c'est l'étranger, que le problème, il faut les précariser pour pouvoir les mettre dehors et ainsi de suite, on commence à instiller une machine infernale - infernale ! - et par laquelle nos droits, en clair, le principe d'égalité, qui nous permet d'avoir des droits sociaux, des droits des femmes, des droits des discriminés, des droits des minorités, des droits démocratiques, etc., vont être détricotés. C'est pour ça, c'est un sursaut. Nous sommes dans un moment où, quelque part, je l'ai écrit dans Mediapart, il y a un passage de quantité en qualité, comme dans la dialectique d'Hegel. Il y a eu toutes sortes de mesures, parfois peu sympathiques, mais là, tout d'un coup, il y a une cristallisation, et en effet, comme le dit l'appel de Sophie Binet et Jacques Toubon, c'est les paroles de haine qui ont fait ce texte de loi. Mais faut bien voir que tout... - Je vous donnerai la parole après. - ...ce que dit Edwy Plenel, ça se résume simplement dans ce que j'ai dit, par exemple, quand j'ai lancé la création du Musée national de l'histoire de l'immigration : il faut écarter de tout raisonnement politique, naturellement, de tout système institutionnel, etc., l'expression « eux et nous ». Si vous commencez à dire « il y a eux et nous », vous avez mis le doigt dans le système qui emportera tout le reste. Il faut récuser « eux et nous », il n'y a pas « eux et nous ». Il y a 8,5 milliards de personnes, hommes, femmes, qui sont sur la Terre, aujourd'hui, il n'y a pas « eux et nous ». Et c'est le nœud de cette affaire. Il n'y a pas « eux et nous », Sophie Binet, ça, j'imagine que la syndicaliste y est sensible ? Oui, tout à fait, parce qu'en fait, ce à quoi on assiste, c'est la nouvelle alliance entre le néolibéralisme et l'extrême droite. Pourquoi est-ce que Vincent Bolloré investit sur cette alliance-là ? Parce que ça arrange le capital. Quand on met en opposition les travailleurs et les travailleuses entre les étrangers, les Français, les immigrés, les Français, sachant que les immigrés sont français aussi et qu'on crée des ruptures qui n'existent pas, qui est-ce qui est bien tranquille ? C'est le patron, qui se frotte les mains, puisque, derrière, les oppositions sont ailleurs. Et donc, c'est à cette stratégie à laquelle on assiste. Le sens du 21 janvier, c'est un peu « La rose et le réséda », en fait. Notre appel et le but de toutes ces manifestations, c'est de dire « quand le blé est sous la grêle, fou qui fait le délicat. » Et donc là, le blé est sous la grêle parce que nos démocraties sont en danger, du fait de cette nouvelle alliance entre l'ultralibéralisme et l'extrême droite, et donc il faut qu'on se rassemble sur l'essentiel. Pourquoi est-ce qu'il y a cette alliance-là aussi ? Parce qu'il y a une lucidité inédite sur le danger de ces politiques néolibérales, qu'on a vue avec la mobilisation contre la réforme des retraites. Et donc, en face, il y a une volonté de passer en force, et du coup la démocratie devient un problème. D'où cette alliance avec des forces antidémocratiques. C'est ça qui explique le contexte du moment et c'est pour ça qu'il faut qu'on soit le plus nombreux et nombreuses possible, le 21 janvier prochain. Donc, sur 21janvier.fr, vous retrouverez toutes les informations sur les manifestations du 21 janvier. On en a déjà recensé 100. Si jamais il n'y en a pas près de chez vous, par exemple, s'il n'y en a pas à Guingamp, eh bien, vous pouvez toujours en organiser une. Et donc, vous avez la possibilité, sur le site 21janvier.fr, d'annoncer des manifs, des rassemblements, des initiatives. En fait, il faut se dire que le 21 janvier, c'est nous toutes et tous qui le ferons, en fait. C'est une initiative citoyenne. Le but, c'est que chacune et chacun, le 21 janvier, puisse dire qu'on ne se retrouve pas dans cette loi, qu'on ne se retrouve pas dans ces discours de haine et que le 21 janvier, ça soit la première étape de la construction d'une alternative. On est dans une année qui va être forte en commémorations parce qu'on fête les 80 ans du Conseil national de la Résistance. La Résistance en France, ça a été fort, parce que c'était une double résistance. C'était une résistance à l'occupant nazi et c'était aussi une résistance au régime de Vichy, avec la nécessité de construire une alternative, d'où le programme du Conseil national de la Résistance qui a donné lieu à la plus importante séquence de réformes en France et à la plus importante vague de conquêtes sociales. Et donc, on voit que le pire n'est jamais certain et que l'avenir dépend de chacune et chacun d'entre nous. Rien n'est jamais écrit d'avance, et ce qui va se passer le 21 janvier, - ça va compter fort pour la suite. - Alice Zeniter, sur cet imaginaire dont on parlait un peu, « la rose et le réséda » A propos de cet imaginaire de la menace sous-entendu par cette loi, quelle graine politique sommes-nous en train de planter ? et l'imaginaire, finalement, qui est sous-tendu par cette loi immigration, donc qui naît à l'extrême droite, à droite aussi, et qui est capté par, finalement, le gouvernement actuel dont les députés en grande majorité votent cette loi, qu'est-ce que ça nous dit ? Et surtout quelles graines on plante, justement, pour... Là, Sophie Binet parle de victoires syndicales et politiques, mais quelles graines - je sais pas politiques, poétiques - on plante pour supplanter cet imaginaire-là, et cette idée que, voilà, il y a une menace qui vient, et qu'il faudrait se protéger absolument contre cette menace ? Je crois que c'est toujours important de réclamer et de récupérer son droit à la parole et au fait de raconter autrement les histoires, de dire que, par exemple, les trajectoires migratoires, et c'est ce que vous avez montré aussi dans l'émission dont on a vu quelques extraits, mais c'est des choses qui sont toujours entièrement tronquées quand on les aborde du côté français et pas uniquement dans la vie politique. Ça a aussi été le cas dans la vie littéraire. C'est quelque chose contre lequel j'ai essayé d'écrire « L'art de perdre ». On regarde uniquement le pays d'arrivée, et encore une fois, comme si les gens se matérialisaient sur nos côtes dans le but de profiter de nos privilèges, parce que ça nous fait du bien de nous raconter désirables, follement désirables, de se dire « tout le monde veut cette vie-là », et c'est insupportable de se dire que non, en fait, parfois, les gens échouent ici comme une arrivée aléatoire de l'exil, et parfois en voulant repartir ailleurs, d'ailleurs, c'est un cas qui arrive assez souvent. Et donc, de redire que cette trajectoire migratoire, elle commence quelque part. D'abord, elle commence par une émigration. elle commence par une vie, en fait, et cette vie, elle a une culture, elle a des manières de faire. Elle est aussi dotée d'une intelligence et d'une capacité d'adaptation extrême qu'on réduit complètement dans l'analyse de « Est ce que cette personne s'intègre ou pas ? » sans voir qu'en fait une trajectoire migratoire, c'est une odyssée qui mobilise des talents assez fous et à laquelle on devrait, la plupart du temps, tirer nos chapeaux. Enfin, moi, je sais que je le fais à mon père et à mes grands-parents pour le saut qui a été fait et la manière dont la vie a changé et eux se sont adaptés suffisamment rapidement pour pouvoir m'élever comme ils l'ont fait, - sans que tout ait l'air bizarre. - Ouais. Et donc, raconter cette histoire-là de cette manière-là, redire que nous sommes le même tissu social, qu'en fait, ça n'existe pas, les « étrangers », à part dans une rhétorique d'extrême droite. Et dire aussi dire aussi, puisque c'est vrai que le langage, c'est toujours un peu mon point d'obsession, ce que ça peut créer comme décalage. Dire aussi qu'on n'acceptera pas le discours politique qui nous a aussi été servi autour de cette loi, du méchant avec les méchants et du gentil avec les gentils, qui est un abîme en fait, pour moi, dans lequel le politique disparaît et la justice disparaît. C'était les mots de Gérald Darmanin. Absolument. En fait, à partir du moment où on emploie ces termes qui, à la rigueur, peuvent qualifier une intrigue de dessin animé, mais pas... Mais réellement ! - Mais pas la vie en commun. - C'est de l'essentialisation. - Absolument ! - Vous êtes gentils, vous êtes pas gentils... Mais à la surface de la Terre, il n'y a pas des gentils et des pas gentils ! Quand on commence à essentialiser les gens, collectivement ou individuellement, on est parti dans toutes les politiques de génocide, éventuellement. - Voilà. - Bien sûr. Tout à fait. Voilà. - Pardon ! - Donc, nous refusons... Voilà, Jacques et moi, nous refusons totalement ces termes et l'essentialisation un peu bête qui va avec et qu'on essaye de nous faire passer... C'est Dumas qui dit ça, dans « Les trois mousquetaires », il utilise une expression que j'aime bien, qui est « le gros bon sens ». On essaye de nous faire croire que ce serait du gros bon sens, les méchants avec les méchants et les gentils avec les gentils. Jacques a raison, en fait, c'est du fascisme et c'est le début d'une politique absolument terrifiante. Et dimanche, on va marcher pour dire qu'on n'en veut pas. Mathieu, tu as la réponse à ta question dans ce dialogue. Nous sommes en quête d'un imaginaire qui nous élève, qui nous relève, et Sophie Binet y a bien appelé, parce que les exemples qui ont été donnés, je voudrais souligner ça, sur la santé, sur le droit au logement, on aurait pu parler des enfants, des mineurs, justement... En fait, c'est l'exemple même de « Vous voyez comment on détricote l'universalité des droits ? » Parce que proclamer l'universalité des droits, c'est dire, oui, il y a un droit de l'enfance, indépendamment de la nationalité. L'enfance, elle a le droit d'être protégée. Il y a un droit à la santé, et les médecins le savent dans le serment qui est le leur de soigner, et indépendamment de la nationalité. Donc, on commence à faire tomber... Le droit à la vie privée familiale, qui est reconnu, qui est un des majeurs, article 8 de la Convention européenne. Et on commence à habituer, dans ce gros bon sens, à faire tomber l'idée de l'universel. C'est-à-dire, l'universel, c'est de l'universalisable, c'est-à-dire « est-ce que je partage ? » Et on commence, en effet, à être dans l'essentialisation : « Moi, j'ai droit à des droits auxquels toi, tu n'auras pas droit. » Et on commence à entrer là-dedans. Et c'est terrible. Et je voudrais juste ajouter à ça : celles et ceux qui seront à Paris ce week-end, s'ils viennent d'ailleurs que de Paris pour aller au rassemblement de dimanche, qu'ils fassent un tour le samedi, parce qu'on le doit aussi à Jacques Toubon, au formidable Musée de l'histoire de l'immigration, dont la nouvelle exposition permanente... Moi, j'aurais envie d'enfermer tous les parlementaires, sénateurs et députés, pendant une semaine dans ce lieu à la Porte Dorée. Tout y est. Tout y est expliqué, formidablement bien, avec des guides formidables, avec des chiffres et des statistiques, une histoire, une rigueur... C'est le lieu. Il faut aller là. Passez un petit peu d'éducation populaire et d'éducation permanente, et vous comprendrez que ce que vous défendez, - c'est pas la France. - Sophie Binet, donc 21janvier.fr. C'est le site Internet sur cet appel. Oui, tout à fait. Donc à Paris, le rendez-vous sera à 14 h, place des Droits-de-l'Homme - donc, c'est le Trocadéro - et on finira à la place de la Concorde. Le parcours parle de lui-même sur le sens de la journée, et je crois que dans le moment... Il faut un peu parler des immigrés dans les beaux quartiers, pour dire les choses comme elles sont. C'est ça, et là, en l'occurrence, actuellement, on organise 500 grévistes sans-papiers qui sont en grève depuis la mi-octobre pour obtenir une régularisation parce qu'ils rentrent dans tous les critères, et donc, au bout de 3 jours grève, tous les employeurs ont donné les attestations de travail. Mais là, depuis trois mois, c'est le ministère de l'Intérieur qui bloque. Et donc, nos 500 camarades seront dans la manifestation à Paris, et on a de nombreux collectifs de sans-papiers ailleurs en France, notamment dans la Marne, 60 travailleuses et travailleurs sans-papiers qu'on a aidés à monter un procès contre des procédures d'esclavagisme dans le secteur agricole, dans le Nord également. Bref, je pourrais multiplier les exemples. Mais dans ce moment compliqué, une des choses qui rassemble, c'est le travail. Au travail, en fait, on se mélange toutes et tous. On se pose pas la question de savoir quelle est notre religion, notre origine, etc. Par notre attachement au travail... Et puis, on se rassemble aussi dans les luttes, et donc, ça, c'est vraiment important. Et puis, pour sortir de ces difficultés, on a besoin d'avoir des perspectives collectives et des perspectives sociales collectives. C'est pas pour rien que le programme du Conseil national de la Résistance, il fixe des horizons sociaux et notamment la question de la Sécurité sociale. C'est parce que, pour faire barrage au fascisme, il y a besoin de se rassembler sur des droits rassembleurs, et notamment des droits sociaux. - Les causes communes. - Les causes communes. Mot de la fin, Jacques Toubon. Il faut sortir de cette phase, que je qualifierais de défensive ou de réactive. Et ce qu'il faudrait, c'est que, puisque nous avons un nouveau Premier ministre, que ce nouveau Premier ministre est jeune, ça, c'est une réalité... Il a dit qu'il allait réformer l'AME. On ne sait pas dans quel sens. ...qu'il semble être plutôt « moderne ». Voilà, pourquoi est-ce qu'il ne prendrait pas, Il se grandirait beaucoup, je crois, à le faire, ce texte, dire au président de la République : « Tu sais ? Je crois que ce ne serait pas une bonne idée que tu le promulgues. Il vaudrait mieux ne pas le promulguer. Il faudrait qu'on reprenne cette affaire maintenant, nous, la nouvelle équipe Attal, et qu'on reprenne cette nouvelle affaire à travers une conception d'une politique d'immigration et pas un texte comme il y en a eu 20 depuis je sais pas combien de temps. Donc une politique d'immigration, une réorganisation, parce qu'il y en a besoin, du droit des étrangers, et ça, notamment, le Conseil d'État a fait des réflexions là-dessus qui sont essentielles. Il y a, sur le droit des étrangers, en gros, 11 ou 12 textes qu'il faut empiler pour savoir quelle est la situation et le droit, tout ça. Donc, appel à la non-promulgation par le gouvernement ? À partir de ce moment-là, je dis que ce serait l'occasion pour ce gouvernement, pour ces hommes et ces femmes politiques, qui se présentent comme différents ou nouveaux, eh bien, de faire quelque chose qui romprait, effectivement, avec les errements anciens. Comme on ne va pas placer tous nos espoirs dans le nouveau gouvernement de Gabriel Attal, j'aimerais redire que, peut-être, si on manifeste, on a plus de chance que d'arriver à la non-promulgation. Dans la manifestation de dimanche, c'est ça qu'il faut demander. L'histoire retiendra, sur Mediapart, l'appel de Jacques Toubon à Gabriel Attal et à Emmanuel Macron. Merci à vous d'être venus sur ce plateau. Merci à vous de nous suivre. Cette émission, elle est en accès libre, vous le savez, donc, si vous aimez ces émissions, si vous voulez soutenir Mediapart, abonnez-vous. À très vite sur Mediapart.

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