Mobilisation permanente ! Quand la société s’organise

Published: Jul 10, 2024 Duration: 01:47:05 Category: News & Politics

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Introduction et présentation des invité·es Salut. Bienvenue sur Mediapart. Ils sont des milliers, des dizaines de milliers peut-être, qui se sont mobilisés comme jamais après l'annonce de la dissolution, bien souvent en dehors des partis, souvent pour la première fois. Le NFP est arrivé en tête des élections législatives. L'extrême droite n'est pas à Matignon. D'ailleurs, et c'est un problème, à cette heure, personne n'y est, à Matignon. Mais le Rassemblement national reste puissant. La gauche plafonne, elle, à 30 %. Une nouvelle dissolution pourrait avoir lieu dans un an sans parler de la présidentielle dans trois ans, en 2027. Comment entretenir le feu de la mobilisation ? S'engager hors des périodes électorales et de l'urgence ? Convaincre celles et ceux qui ne votent pas et ne veulent plus entendre parler de la gauche ? Comment continuer de faire pression sur des sujets essentiels comme les services publics ou la lutte contre les racismes ? Mobilisation permanente et l'urgence de continuer, on est en direct jusqu'à 20h30. Dans un instant, nous rejoindrons nos nombreux invités qui se sont engagés dans cette campagne, mais d'abord, notre première invitée. Bonsoir, Sophie Binet. Nous sommes dans une grande crise de régime, dans un moment inquiétant pour notre pays où l’extrême droite est toujours au porte du pouvoir, en embuscade. - Bonsoir. - Vous êtes secrétaire générale de la CGT, qui a appelé à voter pour le NFP, qui a énormément mobilisé de son côté avec d'autres. On est 5 jours après le second tour. Il n'y a toujours pas de gouvernement. La faute à qui ? Eh bien d'abord à Emmanuel Macron, ça, c'est sûr, puisqu'il vient de... reverser un bidon d'essence sur l'incendie du pays puisqu'on est dans une grave crise de régime au lieu de prendre acte du résultat des élections législatives, de féliciter tout le monde sur le fait qu'on ait empêché l'extrême droite de rentrer à Matignon - ça, il a oublié de s'en féliciter, visiblement, pour lui, c'est pas une victoire, ça - eh bien il envoie... Et de dire qu'il respectera les institutions, le vote des électrices et des électeurs et qu'il proposera Matignon aux forces qui sont arrivées en tête, eh bien au lieu de faire ça, il jette encore de l'huile sur le feu avec son courrier pour faire comme si on pouvait avoir un Premier ministre qui s'inscrive dans la continuité de sa politique économique et sociale. Or, ça, c'est juste impossible parce que c'est l'inverse du résultat des urnes. Donc le problème, c'est qu'on est dans un moment extrêmement inquiétant pour notre pays avec une vraie crise de régime, avec l'extrême droite qui, si nous avons gagné, une victoire incontestable, dimanche soir, forte, il faut capitaliser, il faut l'analyser, il faudra y revenir, elle est toujours aux portes du pouvoir, elle est à l'affût, elle est en embuscade. S'il n'y a pas une réussite collective très rapide, c'est l'extrême droite qui tirera les marrons du feu et les gens ne chercheront pas les responsabilités. Je veux aussi le dire, parce que ça joue dans tous les sens au sein de la gauche, à droite, au centre etc. Mais les électeurs n'iront pas dans le détail, ils vont tous se faire balayer par l'extrême droite si, là, il n'y a pas un nouveau gouvernement qui sort sur une politique de rupture à la politique économique et sociale d'Emmanuel Macron. Donc il y a une obligation de réussite pour tous les républicains et les républicaines, sinon, ils vont se faire balayer par l'extrême droite au prochain coup. Ce que vous nous dites ce soir, c'est qu'il y a aussi une obligation de réussite pour la gauche. Actuellement, la gauche, elle discute. Il n'y a pas de nom qui sort d'un chapeau, de proposition des forces de gauche pour un éventuel Premier ministre. On est à cinq jours des élections. Tout le monde nous dit « ça arrive », « c'est bientôt prêt »... On a l'impression que c'est quand même assez bloqué. Qu'est-ce que vous dites à ça ? Eh bien oui. Bon, c'est normal qu'il faille un peu de temps pour proposer le nom d'un Premier ministre et un gouvernement parce que c'est une question importante. On se souvient quand même qu'Emmanuel Macron, quand il avait fait son remaniement en janvier-février, il avait pris un mois pour faire son remaniement. Donc voilà, ça arrive à d'autres de mettre longtemps. Mais là, le problème, c'est qu'il faut vite qu'ils réussissent à se mettre d'accord sur le nom d'un ou une Première ministre qui doit rassembler au-delà du Nouveau Front populaire. C'est ça, l'enjeu, c'est que le ou la Première ministre doit pouvoir avoir la confiance de l'Assemblée nationale, parce que sinon, ils vont se prendre tout de suite une motion de censure. Le ou la Première ministre doit aussi rassembler le pays, apaiser le pays, parce que nous, ce qu'on constate sur les lieux de travail, c'est que le monde du travail est vraiment clivé avec beaucoup d'inquiétudes, beaucoup d'angoisse, beaucoup de peurs, et donc il y a besoin aussi d'avoir un gouvernement qui rassemble, mais qui rassemble, certainement pas sur la continuité de la politique d'Emmanuel Macron, qui rassemble sur du changement très fort, immédiat pour les salariés en commençant par l'abrogation de la réforme des retraites, par augmenter les salaires avec des mesures immédiates. Et le troisième point très important, c'est de l'argent dans les services publics parce que nos services publics, à commencer par les hôpitaux, les EHPAD, les universités, les organismes de recherche, n'en peuvent plus, sont totalement asphyxiés. Et donc il faut les financer et, pour les financer, il faut une politique de redistribution des richesses et il faut aller taxer les grandes entreprises et les plus riches pour donner de l'air à nos services publics. Voilà les points-clés sur lesquels il faut du changement et, là-dessus, évidemment, il ne faut pas tergiverser. Donc vous dites à ces forces de gauche : « Nous vous attendons pour cette politique de rupture dont vous parlez, mettez-vous d'accord rapidement. » Très, très, très rapidement. Il faut que demain, ils aient une proposition pour, derrière... Parce que d'abord, il faut qu'ils se mettent d'accord, eux, c'est évidemment une chose importante, mais derrière, il faut encore une fois rassembler le pays, rassembler l'Assemblée nationale, travailler à une trajectoire de gouvernement pour regarder... Il y a un programme, évidemment, il faut l'appliquer mais il ne peut pas être appliqué tel qu'il a été écrit parce que... Dans son intégralité. Jean-Luc Mélenchon a dit pourtant « tout le programme » mais ça ne sera peut-être pas possible au vu des équilibres. Tout le monde sait bien qu'un programme, pour être appliqué, il faut qu'il soit voté par le Parlement. Les deux points de rupture qu'il faut avec Emmanuel Macron, c'est d'abord la rupture en matière de politique économique et sociale et la rupture démocratique. - Donc là, il faut... - Vous dites : pas de décret, pas de 49.3 ? Des décrets, oui, il en faut toujours, mais il faut de la démocratie parlementaire, de la démocratie sociale et donc il faut que le gouvernement affirme des choses qui ne seront pas négociables et je pense que les points non négociables, c'est notamment les points que j'ai annoncés là, et il peut y en avoir d'autres mais notamment ces points-là. Pour la CGT, c'est ça. Eh oui ! Quand on regarde, c'est quand même les grosses demandes sociales, et l'intersyndicale a fait... On a publié aujourd'hui une déclaration de toutes les organisations syndicales avec ces exigences-là au centre en disant : quel que soit le gouvernement, il faut qu'il fasse ça parce que les travailleuses et des travailleurs attendent du changement, attendent des réponses à leurs problématiques et que s'il n'y a pas de réponse, là, encore une fois, c'est le Rassemblement national qui sortira gagnant et donc ça n'est pas possible d'avoir Bayrou ou je ne sais pas quelle autre combinaison qui s'inscrive dans la continuité de la politique d'Emmanuel Macron. Donc effectivement, il faut, très rapidement que la gauche fasse une proposition de gouvernement pour, derrière, pouvoir travailler un contrat de législature avec l'Assemblée nationale ou puisse travailler avec les organisations syndicales sur quelle place pour la négociation sociale, pour la démocratie sociale. Voilà les point sur lesquels il faut qu'on puisse travailler rapidement. Est-ce que c'est pas un peu inquiétant si la gauche n'arrive pas à se mettre d'accord sur un gouvernement, dans un contexte comme celui-ci, cinq jours après une élection, pour la suite des choses ? Ça va le devenir, oui. C'est pour ça, là, vraiment, j'appelle... Il y a une petite phrase, « la nuit porte conseil », donc c'est bien, là, on s'approche de la nuit. Donc il faut vraiment que la nuit porte conseil. Et ce que je veux vraiment dire, c'est que vu la gravité du moment, tout le monde a fait des choses incroyables, la CGT a fait des choses incroyables, ça faisait très longtemps qu'on ne s'était pas autant engagés sur les débats politiques du pays mais on l'a fait et je regrette certainement pas qu'on l'ait fait parce que l'heure, elle est extrêmement grave. Le Front populaire a fait des choses incroyables parce qu'ils ont réussi à se mettre d'accord sur 577 circonscriptions, un programme de gouvernement alors qu'ils étaient à couteaux tirés, en quatre jours. Les citoyennes et les citoyens ont fait des choses incroyables. Donc là, il faut continuer à faire des choses incroyables et, pour ça, il faut que chacun laisse de côté ses intérêts partisans, ses intérêts personnels. Il faut être capable de voir que là, c'est l'avenir du pays qui se joue. On est dans un moment de basculement. Là, il y avait un premier match avec l'extrême droite. On l'a gagné dans les urnes dimanche. Mais si là, le Front populaire n'est pas à la hauteur de la situation, les choses peuvent se renverser très, très vite. Si le Front populaire n'est même pas capable de proposer un gouvernement, une trajectoire, et cætera, rapidement, là, c'est sûr que tout ce qu'on a toutes et tous fait va tomber comme un château de cartes. Donc il faut vraiment que chacune et chacun y mette du sien pour trouver des solutions qui rassemblent. De nombreux responsables de différentes droites, LR ou macronistes, estiment, comme Gérard Larcher, président du Sénat, que le coup de force démocratique, ce n'est pas ce qui est en train de se passer - c'est-à-dire Emmanuel Macron qui ne veut pas nommer de Premier ministre du NFP, à condition qu'il y en ait un - mais c'est nommer un gouvernement du NFP, notamment en ciblant LFI, mais d'autres élus ciblent aussi des écologistes etc. Qu'est-ce que ça nous dit ? Est-ce que ça nous dit qu'une partie, finalement, de ce pays considère que la gauche n'est pas légitime à gouverner ? Non, mais ça nous dit tout simplement qu'il y a des rapports de force dans la société, c'est évident. Le premier rapport de force c'est l'extrême droite. Donc on a une menace fachiste en France qui n'a jamais été aussi forte depuis une éternité. Et le deuxième rapport de force qui est structurel, il s'appelle le capital et donc le capital, c'est le patronat, les forces de droite, qui veulent toujours plus de richesses pour les plus riches et donc, eux, ils sont en train de s'organiser pour empêcher qu'il y ait une autre politique économique et sociale. Et donc on est obligés de lutter contre ces deux forces en même temps. C'est pour ça que nous, il faut qu'on soit très forts puisque d'habitude c'est juste le capital contre le travail. Donc ça va. Là, il y a en plus l'extrême droite qui divise le monde du travail. C'est pour ça que l'extrême droite est le pire ennemi du monde du travail, parce qu'elle nous fracture entre nous et qu'elle ne nous permet pas de bien nous allier pour être forts face au patronat. Quand on accuse son collègue de travail, parce qu'il n'a pas la même religion ou la même couleur de peau, d'être le problème au lieu de s'en prendre ensemble au patron, on voit bien que celui qui est bien tranquille, c'est le patron. Donc, c'est ça la difficulté du moment. Et c'est pour ça qu'il faut vraiment qu'on soit très forts dans la période et très soudés dans la période pour réussir à dépasser cette crise de régime et ce danger fachiste qu'il y a dans notre pays. Ce matin, vos messages s'adressaient beaucoup à Emmanuel Macron chez LCI. Ce soir, vos messages s'adressent beaucoup au Nouveau Front populaire et à l'urgence de trouver une solution. Je sais qu'Emmanuel Macron ne regarde pas beaucoup Mediapart. En tout cas, j'ai l'impression... Peut-être qu'il regarde pendant qu'ils sont en train de discuter. La CGT cheminots appelle à un mouvement jeudi prochain, le 18 juillet, devant les préfectures et à Paris devant l'Assemblée nationale. Je crois que vous avez dit ce matin que vous iriez... Vous iriez ? Oui, tout à fait. Ce qui est génial, dans la période, c'est que c'est l'intelligence collective qui permet de dépasser ensemble ces énormes difficultés et cette intelligence collective, elle fonctionne d'en bas à partir de plein de mobilisations citoyennes. Et là, en fait, ce qui est super, c'est que dès que ce courrier d'Emmanuel Macron est arrivé, ça a mis une grande colère dans le pays et, tout de suite, des syndicats cheminots ont dit : il faut faire quelque chose le 18 - et donc ont lancé... - C'est le jour d'installation de l'Assemblée nationale, pour être concret. Exactement. Ce qui a été tout de suite repris par la Fédération des cheminots qui appelle à organiser des rassemblements devant les préfectures et devant l'Assemblée nationale. Et là, c'est en train de faire tache d'huile avec des fédérations, des syndicats... Il faut que ça soit plein de citoyennes et de citoyens qui se retrouvent le 18 juillet devant les préfectures, les sous-préfectures, l'Assemblée nationale, pour montrer qu'on ne se laissera pas voler la victoire de dimanche soir, qu'on veut du changement démocratique, et économique et social et que, malheureusement, on ne pourra pas passer à autre chose tant qu'on n'est pas rassurés sur le fait qu'il y a un gouvernement qui se met en place à partir du résultat des urnes, à savoir la force politique qui est arrivée en tête. Et donc, il faut vraiment que la mobilisation populaire et citoyenne, elle se maintienne, là, dans ce moment de grande difficulté. Donc, on a toutes et tous envie de passer à autre chose parce qu'on a besoin de vacances, on a besoin aussi de pouvoir se reposer, penser à autre chose, et cætera, parce que c'était hyper anxiogène. Mais il faut encore qu'on reste un petit peu mobilisés, là, pour surveiller ce qui va se passer et, collectivement, se mobiliser pour aider la gauche à pouvoir se transcender encore comme elle l'a déjà fait. Et puis mettre la pression à Emmanuel Macron pour lui dire que ça n'est pas possible qu'il continue à se comporter comme cela. Le gouvernement a renoncé à une nouvelle réforme de l'assurance chômage au soir du premier tour et a décidé aujourd'hui de prolonger les règles actuelles jusqu'au 30 septembre. Comment vous réagissez à ça ? C'était dans l'après-midi, il y a quelques heures. C'est une victoire. C'est la victoire des organisations syndicales. Et c'est très important, les victoires, de les fêter. Déjà parce que ça fait du bien. Et puis ensuite parce que ça s'appelle de la pédagogie des luttes. C'est parce qu'on sait qu'on peut gagner qu'on va se remobiliser la prochaine fois. Et là, c'était certainement pas gagné. Et donc là, les règles actuelles sont prolongées jusqu'à la fin septembre. Et c'est pour ça qu'on a besoin d'un nouveau gouvernement pour qu'on puisse travailler avec ce nouveau gouvernement sur : comment on fait pour écrire les règles suivantes. Donc évidemment que c'est une négociation qui doit avoir lieu entre les syndicats et le patronat, mais on veut certainement pas reprendre les négociations sur la base précédente, c'est-à-dire la lettre de cadrage que nous avait imposée Emmanuel Macron, qui imposait des économies budgétaires sur le dos des privés d'emploi et qui n'était pas juste. Donc on a besoin d'un nouveau gouvernement pour avoir une nouvelle lettre de cadrage, pour pouvoir reprendre la négociation sur d'autres bases et avoir un accord qui améliore la situation des privés d'emploi parce que le chômage et la précarité explosent, et donc il faut de meilleures allocations chômage. L'extrême droite, dernière question, est puissante. Dans le magazine Society qui vient de sortir, le sociologue spécialiste des classes populaires et du RN, Benoît Coquard, dit en substance : « Le RN, ce n'est pas un vote rebelle ou de colère. Il ne suffit pas de deux ou trois slogans ou un porte-à-porte tous les trois ans pour convaincre ces électeurs. C'est plus profond et c'était la force, dit-il, du syndicalisme : il proposait d'améliorer les conditions de vie. C'est comme ça qu'il gagnait les classes populaires. Et dans plein d'endroits de France, à cause de la désindustrialisation, il n'est plus présent. » Comment vous voyez votre rôle, dans les prochains mois ? Je suis tout à fait d'accord avec lui. Vraiment, le syndicalisme, c'était un rempart contre l'extrême droite et la progression de l'extrême droite, notamment dans les catégories ouvrières, elle s'explique par la déstructuration du travail et des collectifs de travail qui font que... eh bien, le taux de syndicalisation baisse. Voilà. Donc aujourd'hui, on est encore un rempart mais ce qu'il faut pour lutter contre l'extrême droite, c'est renforcer les organisations syndicales et donc se syndiquer. Ça, c'est très important, parce que le meilleur moyen de faire de faire reculer l'extrême droite, c'est de mener des luttes sociales ensemble. Ça, ça rassemble, quelle que soit la religion, l'origine, la nationalité. Pareil, le travail qu'on fait ensemble, ça rassemble. Donc le syndicalisme en soi est un rempart. Et donc nous, on a une responsabilité majeure d'être plus et mieux présents partout et de davantage lutter contre le racisme et l'antisémitisme, et je dis bien les deux, parce que dans la période à laquelle on a assisté avec le grand n'importe quoi, le brouillage idéologique généralisé, on a mis en opposition le racisme et l'antisémitisme. Ça, c'est une catastrophe ! On ne peut pas lutter contre l'antisémitisme sans lutter contre le racisme, mais on ne peut pas non plus lutter contre le racisme sans identifier cette forme particulière de racisme qu'est l'antisémitisme. Et c'est cette distinction qui a fait aussi un des leviers de progression de l'extrême droite. Et donc, dans cette déclaration de l'intersyndicale, on a décidé de faire une grande campagne intersyndicale sur tous les lieux de travail, tous les syndicats ensemble, sur la question du racisme et de l'antisémitisme, pour remettre les pendules à l'heure, pour interpeller le patronat, qui a de grosses responsabilités, et pour dire que le racisme, l'antisémitisme, ça n'est pas négociable, ça n'est pas des opinions qui peuvent varier en fonction des syndicats ou quoi. C'est un principe fondamental. Parce qu'on voit les cas de racisme exploser sur les lieux de travail, ces dernières semaines. C'est très préoccupant. Évidemment en soi, mais aussi parce que ça neutralise notre rapport de force. Si les oppositions, elles se font entre les travailleurs et les travailleuses, les patrons ont la paix, donc il faut qu'on travaille sur cette question-là en profondeur et, évidemment, qu'on fasse monter les mobilisations sociales parce que c'est ça qui rassemble et, surtout, qui permet d'avoir des avancées. Jamais l'extrême droite ne prospère dans les périodes de conquêtes sociales. L'extrême droite, elle progresse toujours dans les périodes de régression, de recul des droits. Donc c'est pour ça que, tout de suite, la CGT a dit le 10 juin « contre l'extrême droite, Front populaire », parce que le seul moyen de battre l'extrême droite quand on est à ce niveau-là, c'est d'avoir des perspectives sociales rassembleuses et des alternatives. On ne peut pas... La difficulté aussi qu'on a, les syndicats, ces derniers temps, c'est qu'on ne peut pas tout faire tout seuls. Nous, on lutte avec nos petits bras, on peut encore progresser. Évidemment, tout le monde a à balayer devant sa porte. Certains disent : il faudrait faire une grève générale. Il y a beaucoup d'appels à ça. Eh bien... Moi, j'adorerais avoir un bouton dans mon bureau sur lequel je puisse appuyer et qui déclenche une grève générale. Ça, vraiment, j'aimerais et je m'en servirais beaucoup parce que ça serait génial. Mais malheureusement, je n'ai pas ce bouton-là, ça ne peut pas marcher comme ça. Donc, pour gagner la grève et la grève générale, il faut avoir un taux de syndicalisation beaucoup plus élevé. En 1936, il y avait 5 millions de personnes qui étaient syndiquées à la CGT. Aujourd'hui, on a 600 000 syndiqués. C'est déjà très bien, on est une des plus grosses organisations de France, mais ce n'est pas suffisant pour pouvoir avoir des grèves assez importantes. Le bilan de la mobilisation retraites, c'est que le taux de syndicalisation est trop faible. Donc c'est ça qu'il faut faire changer. Et la grève, la mobilisation, ça se construit comme le 18, là, est en train de se construire, d'en bas, et c'est comme ça que les choses peuvent se construire. Donc toutes celles et ceux qui ont envie de faire la grève générale, commencez par vous syndiquer et, comme ça, par construire les choses avec vos collègues. C'est comme ça que ça marchera. Merci, Sophie Binet, d'être passée sur Mediapart. On entend votre message aux dirigeants du NFP, ce soir. On accueille maintenant nos invités. Caroline De Haas à propos de la mobilisation de la société civile : « Prenons aussi 5 minutes pour savourer ce qu’il s’est passé et se féliciter. […] Restez avec nous, continuons de nous mobiliser ! » Pendant qu'ils s'installent, réseaux sociaux, porte-à-porte, boucles WhatsApp, Telegram pour s'organiser, Convois de la Victoire partout en France, meetings... Depuis la dissolution, la mobilisation a été exceptionnelle. De quoi donner de l'espoir. Ça a payé. De quoi poser des questions, aussi, car si cette fois le pire a été évité, tout reste à construire. Bref, ce n'est que le début car quand la gauche a été au pouvoir, elle a souvent déçu et le RN grignote, élection après élection, des parties entières du pays, des classes populaires et moyennes. Comment ont-ils fait ? Comment vous mobiliser aussi ? Ce sera l'enjeu de notre premier plateau. Et, un peu plus tard, comment continuer sur la durée ? Pas juste dans l'urgence, en transformant vraiment la vie des gens. Cette émission a été possible grâce à la réserve citoyenne du Front populaire de Marseille, Victoires Populaires, Union Maintenant, les Convois de la Victoire, Circos Pivots, d'autres personnalités et organisations aussi. Tout le monde a travaillé en réseau, dans l'espace virtuel, sur le terrain. C'est peut-être d'ailleurs aussi ça qui a été décisif. Avec nous, Caroline De Haas, bonsoir. Militante féministe, vous étiez avec nous au soir du second tour. Vous avez créé pendant cette campagne une carte de France pour faciliter la mobilisation, piloté plusieurs initiatives sur les réseaux sociaux et sur le terrain, partout en France. Là encore, en coulisses, vous êtes avec votre ordinateur en train de taper partout. Vous allez nous raconter. Kevin Vacher, vous êtes activiste. Avec la Réserve citoyenne du Front populaire, vous avez organisé la mobilisation à Marseille, ville populaire mais aussi très riche à certains endroits, ville diverse où le RN est fort et depuis longtemps. Amal Bentounsi, bonsoir. Vous militez contre les violences policières. Vous avez été candidate NFP-LFI à Meaux, en Seine-et-Marne. Vous avez perdu de 2200 voix malgré une mobilisation très forte et notamment celle des Convois de la Victoire et de Circos Pivots, une organisation que vous représentez ce soir, Athénaïs Silly. « Circos Pivots » pour les « circonscriptions pivots », donc, où vous avez envoyé des volontaires, dans 48 circonscriptions où le vote serait très serré, et ça a plutôt marché, face au RN, - dans les trois-quarts des cas. - 76, mais c'est ça. Bon, c'était votre communiqué qui n'était pas très précis, mais du coup, ça a marché dans un certain nombre de cas. Caroline De Haas, quel bilan vous tirez de cette mobilisation et qu'est-ce que vous avez envie de dire, surtout, aux gens qui nous regardent ce soir ? On est d'accord, elle l'a dit, Sophie Binet, on est tous fatigués, mais le moment est important, aussi. Et il y a toute une énergie, là, qu'il faut essayer de conserver. D'abord, c'est marrant parce qu'on n'est pas tous fatigués, en fait. C'est-à-dire que, on en reparlait tout à l'heure, il y a vraiment un décalage entre les gens qui militent depuis longtemps, qui parfois ont fait les européennes, puis les législatives et, franchement, sont vraiment fatigués, et les personnes pour qui c'était le premier engagement. Et moi, le soir du second tour, j'étais dans un métro avec une personne qui avait fait la campagne pour la première fois et elle me dit : « Mais ça va s'arrêter, là ? Mais moi, j'ai envie de continuer ! » Elle n'était pas vraiment... Alors, fatiguée, oui, mais elle avait énormément d'énergie. Et moi, ce que j'ai vu pendant cette campagne, en fait, c'est deux campagnes. Il y a deux campagnes qui se sont rejointes. Il y a la campagne un peu traditionnelle, en fait, des partis politiques, et il y a la campagne de la société civile. Et cette campagne-là, elle est vraiment intéressante parce que, moi, je n'ai jamais vécu ça dans ma vie militante. C'était inédit, ce niveau de mobilisation. On a vraiment franchi un cap dans la mobilisation. Il y a toute une société civile qui s'est mise en mouvement et ça a vraiment créé comme une sorte d'école géante du militantisme. J'ai l'impression qu'on a débloqué très vite dans la mobilisation le sentiment d'illégitimité, ou « ouais, les partis ne sont pas parfaits, donc on ne va pas y aller », on a réussi à débloquer ça et, une fois qu'on a débloqué ça, on a débloqué aussi le sentiment d'illégitimité par rapport aux outils. Donc on a donné des outils, clé en main, qui ont permis aux gens d'aller s'engager. Il y a quand même des personnes... Je suis allée à Amiens faire la campagne, j'étais dans un train avec 25 personnes. Il y a des gens, c'était la première fois qu'ils faisaient une campagne militante. Ils ont frappé à des portes et parlé à des gens. Au début, ils étaient : « Je connais pas bien le programme, je suis pas très sûr. » On a donné des outils pour faire et donc on a donné du pouvoir aux gens, et en fait, ça a marché. On a réussi à gagner des voix par cette mobilisation inédite. Et moi, c'est ça aussi que j'ai envie de dire, ce soir, c'est que j'ai envie qu'on prenne cinq minutes pour savourer ce qui s'est passé : on a réussi à bouger l'histoire... Enfin, même moi, j'étais sûre que... Enfin, au début de la campagne, je pensais qu'ils allaient avoir la majorité absolue. À la fin de la campagne, je me disais : les fachos auront pas la majorité absolue, mais je pensais qu'ils allaient gagner. Et en fait, même moi, je pense que j'ai sous-estimé cette mobilisation citoyenne très importante. En tout cas, de nos comptes, on estime que c'est des dizaines de milliers de personnes qui ont basculé dans l'engagement politique pour la première fois. Et en effet, cette énergie, on va en avoir besoin parce que, comme dirait Marine Le Pen, la marée, elle monte, elle monte très fort et c'est pas seulement des barrages dont on va avoir besoin. Rokhaya Diallo parlait d'édifice. En fait, on va devoir bloquer cette marée et je pense même : être nous-mêmes, en fait, la marée qui monte pour, au final, prendre le pouvoir et changer la vie des gens. Très vite, concrètement, question pour... Là, qu'est-ce qu'on peut faire si on vous entend et qu'on se dit : « Ah oui, d'accord, OK ! Où ? » Où ? Alors il y a plein d'endroits, il y a plein d'initiatives qui sont en train d'émerger. Nous, on a lancé un site, c'est comme sur la carte, divisible, vous allez sur la carte où vous êtes allés très nombreux parce qu'il y a 400 000 personnes qui sont allées sur cette carte pour s'engager. Et vous avez un bouton « on continue », où vous pouvez laisser votre mail. Je sais que Victoires Populaires a organisé un Zoom lundi soir. En fait, dans toutes les initiatives qui se sont organisées, j'imagine qu'à Marseille, c'est pareil, il y a des choses qui sont proposées. J'ai envie de dire aux gens, c'est : « restez là », en fait, « restez avec nous ». On a mené une bataille incroyable. On n'a pas gagné mais on a fait bouger les lignes. La prochaine fois, on gagne en fait. Et si on veut gagner la prochaine fois, on a besoin de tout le monde. Certes, on peut se dire : « Jusqu'aux présidentielles, il y a deux ans et demi, trois ans, ça va ! » Euh, non. En fait, le Front national, le Rassemblement national, ça fait des dizaines d'années qu'il laboure. Nous, on a trois ans. Il faut qu'on soit très nombreux et très organisés si on veut faire basculer les choses. Il y aura peut-être une dissolution, en plus, dans un an. Kevin Vacher... Pardon. Je suis tombé de ma chaise. Même question, Kevin Vacher. Qu'est-ce que vous retirez de cette campagne ? Qu'est-ce que vous avez envie de dire aux gens qui regardent ? Marseille, c'est un territoire extrêmement compliqué, qui a des fortes inégalités. C'est l'un des territoires les plus inégalitaires de France, entre les territoires du sud, du centre et du nord, par exemple. C'est un territoire qui a un ancrage de l'extrême droite extrêmement profond. Dans les années 70, on avait le Comité des forces des Marseillais, on avait eu des vagues de meurtres d'Arabes en 1973, notamment un été meurtrier, le meurtre d'Ibrahim Ali en 1995. C'est un territoire qui a souvent subi l'extrême droite, qui l'a vu grimper, grimper, grimper, dans un contexte d'inégalités très fortes et aussi de désespérance politique. C'est un territoire qui ressort, dans les années 2000, d'une crise politique de la gauche et de la droite qui vraiment est une caricature de ce que la politique peut faire pour dégoûter les gens. Et pourtant, là, ce qui s'est passé, c'est qu'il y a un millier de personnes qui ont été actives en trois semaines, qui se sont organisées à l'initiative de quelques militants de collectifs citoyens et associations. Il faut savoir que Marseille, c'est un territoire aussi très dense en militantisme. Un militantisme très politisé, un militantisme qui assume face à cette absence de gauche, de politiques soutenables dans ces 20 dernières années, qui a assumé, dès le début des années 2010, de jouer une fonction politique sur le terrain social. Et donc, à cet appel un peu hasardeux, on va dire, comme on l'a fait, chacun et chacune de notre côté après la dissolution, il y a un millier de personnes qui se sont organisées, qui ont été accompagnées, qui se sont formées à aller faire de l'activisme électoral. Ça, je rejoins Caroline : c'est absolument extraordinaire de voir les gens se saisir de leur propre pouvoir. La 1re chose que j'ai envie de dire, c'est : « Continuez à vous saisir de ce pouvoir, n'attendez pas la subordination aux pouvoirs politiques ou aux consignes de quiconque. Faites mieux tout de suite, là, maintenant. » Les gens continuent à s'organiser. Ces gens sont allés remplir les tâches historiques que les partis politiques n'avaient pas réussi à faire ces dernières années. Ça s'est passé partout en France. La campagne a été débordée. Il y a eu un débordement politique de la société civile et des citoyens et des citoyennes. Puis concrètement, à Marseille, les gens sont allés dans une posture d'écoute, une posture d'humilité, discuter à la fois dans les territoires abstentionnistes, là où, dans le monde des quartiers populaires, les luttes sont devenues parfois très, très dures, ils sont venus en loyauté aux militants qui étaient présents sur place, en loyauté aux candidats qui avaient été désignés, et sont aussi allés écouter dans les territoires où le RN est extrêmement fort, on a trois circonscriptions qui sont au RN aujourd'hui, c'est un vrai défi à relever pour nous demain, les gens sont allés écouter en humilité. Moi, je me souviens de moments de tractage ou de porte-à-porte où des électeurs RN me disent : « Bon, je ne voterai pas pour vous, mais au moins, vous m'avez écouté, vous m'avez parlé sans condescendance. » Ça, c'est quand même quelque chose que la gauche aurait dû faire depuis un bon moment, d'aller parler sans condescendance à l'ensemble des classes populaires, d'affirmer une dignité antiraciste extrêmement importante dans les quartiers populaires, mais aussi d'aller dénouer et refaire société partout où c'est possible. C'est absolument extraordinaire ce qui s'est passé à Marseille et en effet, on est en train de continuer ce chemin, parce que, comme disait Caroline, nous, on est peut-être épuisés, mais hier, on avait encore une assemblée de la réserve citoyenne du Front populaire où il y avait 250 personnes qui sont venues et qui nous débordent, nous, les militants et militantes, et s'organisent par eux-mêmes pour faire un travail d'éducation populaire, pour ouvrir des lieux, pour créer des campagnes penser des campagnes antiracistes pour les services publics, pour le SMIC, qui organisent ça très concrètement. On vous joint comment ? Les Marseillais, les gens de la région... On nous joint sur les réseaux sociaux, un peu comme tout le monde, j'ai envie de dire. Ensuite, on s'organise dans des assemblées, on passe des moments, ça a été un des critères importants qui ont fait que la mobilisation a tenu, on a passé des moments de joie, avec les syndicats, avec les associations, des moments festifs, des moments de convivialité, qu'on a envie de répéter. Ça, ça projette le monde politique qu'on a envie de voir advenir demain. Amal Bentounsi, pareil, mobilisation importante pour vous, pour votre campagne, dans une circonscription, Meaux, Seine-et-Marne, en grande partie urbaine, mais aussi périurbaine et rurale. Longtemps d'ailleurs gouvernée avec un député de droite. Une semaine après, qu'est-ce qui a réussi, mais aussi manqué, selon vous, à 2200 voix près. Ce n'est pas beaucoup. C'est une grosse circo. Oui, il y a plusieurs facteurs. Ça a été une campagne extraordinaire pour la plupart des personnes qui m'ont accompagnée lors de cette campagne, que ce soient les militants, les syndicalistes, les travailleurs sociaux, les habitants des quartiers... Des gens qui sont venus aussi de l'extérieur. Des gens, des militants qui sont venus de l'extérieur, qui connaissaient mon combat national que je mène depuis quelques années, et ça a été vraiment extraordinaire. Donc, plusieurs facteurs. Oui, bien évidemment, la circo, une grosse circo, un découpage qui a été fait par la droite à l'époque, 54 communes, notamment des petites communes. La grosse surprise, c'est que dans la commune de Meaux, j'ai obtenu la majorité. 62,7 %. Donc ça, ça veut dire quelque chose. Ça veut dire que des personnes se sont reconnues à travers le combat que je porte pour la justice, pour la dignité, pour l'égalité. C'est une candidature un peu particulière, puisque je ne fais pas de la politique politicienne. Je suis issue du militantisme malgré moi, je fais de la politique malgré moi. Ils se sont reconnus dans ce combat et m'ont fait confiance, et je les remercie du fond du cœur parce que ça a été vraiment extraordinaire, - un accueil chaleureux... - Et vous n'arrêtez pas ? Non, je ne vais pas m'arrêter, puisqu'on m'a fait confiance et il faut continuer à travailler avec les électeurs qui m'ont élue à Meaux. Il va falloir être présent avec eux, organiser des choses pour l'avenir. Oui, on ne s'arrête pas là. Message envoyé à Jean-François Copé, homme politique présent dans cette ville. Athénaïs Silly, vous avez participé, vous, à plusieurs campagnes, ou coordonné plusieurs campagnes, François Ruffin dans la Somme, Sébastien Peytavie en Dordogne, Rachel Keke dans le Val de Marne. Qu'est-ce qui vous a frappée, vous ? Qu'est-ce que vous avez envie de dire aux gens qui nous regardent ce soir et se demandent si ça va continuer, ou si c'était juste dans l'urgence, contre l'extrême droite et puis tout ça retombe ? Peut-être pour refaire rapidement l'histoire de Circos Pivots, c'est l'histoire de 10 copains qui, le soir de la dissolution, se disent qu'il va falloir agir, et vite, parce qu'il y a une urgence. On a trois semaines pour faire campagne et donc, il va falloir s'auto-organiser. Suite à ça, on monte des groupes WhatsApp et on se dit qu'on va cibler des circos dans lesquelles c'est stratégique d'aller. Ça va se jouer à quelques voix. Il faut aller dans ces circos. On se dit : on crée 20 conversations WhatsApp, on les partage à nos amis, nos familles et puis d'ici demain, quelques jours, on aura une centaine de personnes prêtes à venir avec nous. En 24h, on était 2000, donc finalement, on est passés à 40 circos, puis 60 circos à la fin. Au début, on a surtout fait un travail de mise en relation avec les équipes de campagne locales. On amenait des convois de gens dans les circonscriptions stratégiques et avec les équipes de campagne, on les accompagnait, on les soutenait, on venait renforcer leur mobilisation, ce qui permettait de couvrir plus de quartiers. À la fin de la campagne, des directeurs et des directrices de campagne nous ont dit : « Grâce à vous, on est allés toquer à toutes les portes, on a parlé à tout le monde. » Une semaine avant le premier tour, on a répondu à l'appel de Caroline, qui disait : « Il va falloir unir toutes les forces. » On s'est dit : « Pendant cet entre-deux tours, on va envoyer les gens sur le terrain plusieurs jours. » C'est ce qu'on a appelé les vacances militantes, parce qu'on prenait en charge, grâce aux dons de personnes, le transport et l'hébergement, et les gens allaient ensuite dans les circonscriptions. On en a envoyé dans les Hautes-Alpes, dans les Hautes-Pyrénées, on en a envoyé en Bretagne, on a couvert 44 circonscriptions. Sur ces 44 circos, 23 ont gagné, parfois à quelques centaines de voix près. Je pense à Élise Leboucher qui a gagné face à Marie-Caroline Le Pen à 200 voix près. Peut-être juste remercier encore une fois ces 5000 personnes qui ont milité avec nous. On a été présents sur le terrain et ça a permis d'aller parler à beaucoup de gens, des gens à qui la gauche ne parlait plus forcément, ou en tout cas, pas directement au porte-à-porte. On a eu beaucoup de néo-militantes et néo-militants qu'on a formés tous les soirs à 21h sur des sessions Zoom, en prenant les formations de Lumir Lapray, qui disait : « Il faut aller écouter les gens, écouter leur peine et c'est aussi comme ça qu'on va recréer du dialogue avec eux. » Et par exemple, on a des militantes et des militants qui nous disaient qu'au début, ils arrivent avec leurs tracts NFP, les gens ne veulent pas leur parler, ils leur demandent comment ils vont, quels sont leurs problèmes et à la fin, ils disent : « Donnez quand même le tract, je vais réfléchir à ce que je vais - aller voter dimanche. » - Cette question de la discussion, de l'engagement, on va faire un petit tour avant que vous nous quittiez. Elle est très importante. Kevin, vous l'avez dit aussi, c'est vrai qu'on est de plus en plus dans des cercles, dans des bulles et là, vous parlez toutes et tous de la nécessité de les casser, ces bulles, d'une certaine façon, sans dire qu'on va forcément convaincre tous les électeurs, mais que c'est déjà la clé vers quelque chose. C'est un mouvement contradictoire parce qu'on est dans une société qui est socialement de plus en plus fragmentée. Ça, c'est une réalité et pourtant, on a depuis une quinzaine d'années, et merci au mouvement écologiste radical, merci aux féministes, merci au mouvement queer, au mouvement antiraciste, de nous avoir appris à sortir des anciennes postures qu'on peut nommer paternalistes, de la gauche, disons-le, et je pense que ce vent-là s'est insufflé à la fois chez ces gens qui se sont mobilisés aujourd'hui, qui ont participé au mouvement pour Gaza, pour les retraites, pour les gilets jaunes. au mouvement autour d'Assa Traoré, autour d'Amal. Toutes ces mobilisations-là, les gens se sont politisés à l'intérieur. Ce qui manquait, c'était un cadre, un cadre d'organisation, qui, en plus, n'est pas coincé dans ce qui coince les partis aujourd'hui, c'est-à-dire leur compétition permanente et qui n'ont pas d'autre intérêt que de gagner ce pays, de refaire société. C'est pour ça que les gens, facilement, que ce soit localement à Marseille ou pour vous avec Circos Pivots, massivement, sont allés vers l'extérieur. Ils n'avaient pas de bastions à construire, de petits intérêts particuliers. Ils sont allés avec cette posture d'humilité-là, cet apprentissage-là que les mouvements sociaux nous ont donné pour aller refaire société, je crois. Je ne sais pas comment vous voulez réagir à ça, mais il y a cette idée, souvent, qu'on lit, justement cette idée de bulle, mais aussi qu'on voit et qu'on entend, d'électeurs qui se disent : « La gauche, non merci, on a essayé et surtout, vous êtes un peu méprisants, en réalité. » Il y a cette image-là, quand même, qui est aussi due à plein de choses, mais peut-être aussi à un côté : « Nous avons raison, les autres, ils ont tort. » Comment vous voyez ça ? Alors moi, c'est vrai que j'ai vu vraiment des gens, comme tu le disais, très formés, c'est-à-dire que les militantes et les militants qui sont arrivés dans cette campagne sont des gens qui se sont construits ces dernières années dans les luttes citoyennes, féministes, antiracistes, contre les violences policières, écologiques, etc. Ça, c'était très important et en même temps, c'était des gens comme tout le monde, en fait. Quand ils frappaient aux portes, ils n'arrivaient pas avec l'intégralité du programme du Nouveau Front populaire, que d'ailleurs pas grand-monde n'a lu en entier, parce qu'il est sorti quand même très vite. Ils arrivaient avec juste leurs tripes, ce qui faisait qu'ils avaient, eux, envie de faire campagne et donc, ils rentraient dans une discussion d'égal à égal. L'autre élément que j'ai trouvé très fort dans cette campagne, en tout cas, moi, ça m'a permis de tenir, c'est que le militantisme, ça crée de la joie. Je trouve qu'en France, on a un petit sujet du rapport à la joie, c'est-à-dire qu'on a l'impression que la joie, c'est pas bien, c'est pas politique, c'est pas sérieux. Moi, je pense que la joie, c'est fondamental dans l'engagement militant et ça nous a permis de tenir pendant ces 3-4 semaines. Franchement, c'était dur. On imaginait qu'on allait avoir un Premier ministre d'extrême droite. C'était hyper violent, et puis il y a eu des violences racistes hyper importantes, donc c'est dur et le fait d'avoir de la joie, de la capacité de prendre en main sa vie, d'agir, c'est déterminant. Cette joie, je pense qu'il faut qu'on la garde. - Amal Bentounsi ? - Pour ma part, dans la circo de Seine-et-Marne, c'est vrai que moi, mon objectif premier, c'était d'aller chercher la voix des abstentionnistes. Il faut savoir que Meaux, c'est 55 000 habitants. La ville de Meaux, c'est 55 000 habitants. Le quartier de Beauval, Henri Dunant, c'est 25 000 habitants. Sur 9700 voix que j'ai obtenues, restent encore des personnes qui ne sont pas inscrites, qui ne votent pas. Mon objectif, c'est d'aller chercher la voix des sans-voix, de ceux qui n'y croient plus, en fait, en la politique, qui se disent que ça ne sert à rien. Quelque part, ma candidature a suscité un élan, un sursis, un sursaut d'espoir. Ça, ça a été révélateur. Il y a des gens qui m'ont dit qu'ils n'avaient jamais voté et qui votaient parce qu'en fait ils se reconnaissaient à travers, donc c'est aussi la question de la représentativité à se poser. Les candidats qu'on recrute aussi. On voit que la nouvelle Assemblée nationale, elle est pas paritaire du tout, elle est assez monochrome et que les choses ont même reculé, sur la parité, par rapport à d'autres Assemblées et en termes de classes sociales aussi, d'ailleurs. Et de représenter la diversité, ça, ça a été un sursaut et vraiment, ça a été la candidature de l'espoir. C'est comme ça qu'ils me l'ont formulé, et je suis bien contente d'avoir réussi à avoir suscité autant d'espoir. Et vraiment, les militants qui sont arrivés, comme dit monsieur Jean-François Copé, parce que c'est ce qu'il a utilisé comme termes, « une horde de cars est venue sur la ville... » C'était Athénaïs et ses amis ! Voilà, alors que c'est complètement faux, parce qu'ils sont venus en train. Voilà, ils sont écolos, quand même. Vous continuez à vous engager. Merci beaucoup à tous les trois. Athénaïs, juste pour vous contacter, pour contacter soit les Convois de la Victoire, soit Circos Pivots, j'imagine, pareil, Instagram. Ouais, on a eu beaucoup de personnes qui nous ont demandé comment on fait, qu'est-ce que c'est la suite. On est en train de réfléchir. Là, on a agi dans l'urgence. Il faut faire un travail de fond sur ces circonscriptions. Exactement. On réfléchit à comment on fait, est-ce qu'on devient le Tinder de l'engagement où on met en relation des personnes qui veulent s'engager et des gens qui ont besoin de militants ? On est en train de réfléchir et on reviendra vite - pour de nouvelles informations. - On veut bien à Meaux. Voilà, le message est passé. Merci à tous les trois. Caroline, vous restez avec moi pendant que nos trois autres invités vont arriver. J'ai une question pour vous, parce qu'on a vu Sophie Binet tout à l'heure. Dans le lien de sa discussion de tout à l'heure, il y a ces négociations du gouvernement qui traînent au niveau du NFP et de l'autre côté, la droite qui dit : « Il ne faut certainement pas un gouvernement du NFP » et Emmanuel Macron qui semble dans cette optique aussi. Qu'est-ce que vous avez envie de dire, ce soir, vous qui avez mobilisé avec beaucoup d'autres sur cet instant, à ces gens qui, pour certains, ne veulent pas d'un gouvernement NFP et d'autres qui sont vraiment en train de discuter - et ça prend du temps ? - Je suis hyper inquiète en fait, parce que j'ai l'impression qu'Emmanuel Macron ne se rend pas compte de ce qu'il est en train de faire et de l'impact que ça pourrait avoir de piétiner, comme ça, le vote. On a mené une campagne inédite. On s'est engagés comme jamais. Franchement... Enfin... Mes gosses se sont pas lavés pendant une semaine, parce que je vérifiais pas s'ils se lavaient, tellement on était à fond dans la campagne. Enfin, on était à fond. Il y a des gens qui ne mangeaient pas, ne dormaient pas. On a tout donné pour faire gagner la gauche, pour qu'elle arrive en tête. Elle n'a pas complètement gagné, mais elle est arrivée en tête, notamment grâce à nous. Si elle n'est pas foutue de se mettre d'accord cette nuit, on va avoir un problème. Il faut changer de gauche. Je sais pas quoi faire. C'est pas possible. Emmanuel Macron prend un risque majeur de fracasser la démocratie en piétinant notre vote. C'est très dangereux pour la suite. Et la gauche... Franchement, on se concentre, là. On a une nuit pour se mettre d'accord. Vous nous trouvez un chef du gouvernement. - Vous vous démerdez. - C'est là, maintenant ? Il faut qu'ils se bougent. Il faut qu'ils se décident. Donc, sérieusement, on n'a pas fait tout ce taf pendant quatre semaines pour que vous continuiez à vous embrouiller. - Ça, c'est pas possible. - Le message est clair, d'autant plus venant de quelqu'un qui a mobilisé, justement, comme vous tous, plutôt hors des partis. C'était une aide extérieure aux partis. Maintenant, c'est à eux de trouver les solutions. Nous ont rejoints, sur ce plateau, Comment les primo militants se sont-ils organisés ? trois nouveaux invités. Geoffrey Mariany, bonsoir. Vous êtes membre de Victoires Populaires. Vous avez travaillé, vous, sur les procurations. C'était votre premier vrai engagement dans une campagne, même si vous êtes plutôt proche des écologistes. En tout cas, dans une campagne, c'était la première fois. Elvire Duvelle-Charles, votre mobilisation à vous, c'était au téléphone, notamment et d'abord, d'ailleurs, auprès de vos amis, auprès des proches. C'est intéressant. Je pense que beaucoup de gens se reconnaîtront dans votre témoignage. On a tous envoyé des messages WhatsApp à nos amis et à notre famille. Aude Nyadanu, bonsoir. Vous avez organisé une énorme, énorme, énorme campagne de flyers. Des centaines de milliers de flyers ont été distribués partout en France. Vous les avez là. Vous allez nous les montrer. Ils disaient, d'un côté... Vous pouvez nous les montrer, nous dire... Voilà. « Qui vote quoi ? » On les a vus beaucoup sur les réseaux sociaux. - Vous les avez distribués. - Exactement. D'un côté, on a « Qui vote quoi ? », sur les dernières propositions de loi passées à l'Assemblée nationale, pour avoir vraiment la réalité des différents partis, quelles positions ils ont prises dans les mois qui précédaient les élections. « L'extrême droite au gouvernement, ça donne quoi ? » On a beaucoup entendu : « On n'a jamais essayé l'extrême droite. » D'autres pays ont essayé. Qu'est-ce que ça donne ? Voilà. C'était vraiment aussi des informations factuelles sur ces deux questions-là. Il y a eu 300 lieux en France où ils ont été distribués en trois semaines, si je ne me trompe pas. Oui, 300 diffusions de flyers ont été organisées. Des gens se sont mis ensemble et ont décidé de se donner rendez-vous dans un certain lieu, à une certaine heure, et, ensemble, d'aller diffuser ces flyers. On avait, nous, mis en place une plateforme qui permettait vraiment de rendre ça très simple, puisque les gens n'avaient qu'à cliquer sur une carte interactive, regarder près de chez eux si une diffusion était organisée et la rejoindre, ou créer eux-mêmes une diffusion. C'était hyper simple. Il fallait remplir trois cases et créer un groupe WhatsApp. En fait, on avait aussi un espace où on les aidait, où on avait des tutoriels. On a vraiment abaissé très bas la première marche à franchir pour pouvoir le faire. Donc 300 groupes se sont, comme ça, constitués et ont organisé des diffusions un peu partout - pendant cette campagne. - L'idée, c'est pas juste de dire : « Votez contre l'extrême droite. Votez Nouveau Front populaire. » C'est faire aussi de l'éducation populaire, donner des arguments factuels, en l'occurrence. Exactement. Personnellement, c'est la première fois que je participe à une campagne électorale. J'ai, à vrai dire, un peu peur de la politique politicienne. Je ne serais jamais allée toquer à la porte d'un parti. J'aurais jamais fait ça. Quand j'ai vu que c'était une initiative de la société civile qui était lancée par Caroline De Haas et Camille Étienne, je me suis dit : « Là, ça me parle. Là, je me sens, effectivement, d'aller informer les gens avec des faits. » Je me serais pas sentie d'aller montrer un flyer avec la tête d'une personne que je ne connais pas, un candidat pour être député. Déjà, il y avait cet élément. On vient pour vous informer. Là, je me sentais déjà plus à l'aise. Et puis, aussi, il y a eu un gros effort qui a été fait, de la part de pas mal de personnes qui sont passées sur ce plateau, pour nous légitimer, nous, les primo-militants. « OK, vous ne connaissez pas par cœur les programmes, vous n'avez jamais fait ça, mais vous pouvez y aller. » Je me suis retrouvée à organiser une diffusion de flyers pour la première fois un dimanche soir. J'ai rencontré des personnes qui s'étaient mises sur mon groupe WhatsApp, que je ne connaissais pas. Je leur ai dit : « Alors, j'ai jamais fait ça, mais j'ai regardé la vidéo de Lumir Lapray. Apparemment, il faut qu'on aille voir les gens. On leur tend le flyer. On leur demande ce qu'ils font dimanche. Selon ce qu'ils répondent, on parle de nous. Je connais pas tout le programme, mais c'est pas grave, on y va. » Voilà. Donc il y a vraiment eu ce... Ce déblocage-là. « Oh, bah c'est accessible. Je suis légitime. » En fait, ça a permis aussi, pour moi, personnellement, et pas mal de gens, de canaliser complètement toute la colère face à la situation, toute l'angoisse aussi : « Mais c'est la catastrophe... » Il y a vraiment ce côté où on transforme l'angoisse et la colère en joie militante. On se rassemble. On est heureux d'être là. Je repartais des diff' de flyers avec le sourire jusque-là, - malgré la situation. - Elvire Duvelle-Charles, c'est ça, probablement. On découvre les uns les autres qu'on a du pouvoir. On pense toujours qu'on n'en a pas, que c'est très compliqué. C'est ce que disait Caroline. On découvre qu'on en a, qu'on peut agir. On découvre qu'on peut agir. Ce qui était intéressant dans la campagne de Caroline, c'est que, en effet, on a vu plein de personnes militer pour la première fois. C'est assez... Alors, c'est enrichissant pour les militantes de... Toi, tu es encore plus vieille militante que moi. Tu allais dire « de longue date ». Pour les personnes qui militent depuis plus de 10 ans, comme Caroline et moi, c'est toujours... Comment dire ? C'est toujours... Ça fait des... Ça donne des forces, en fait, d'avoir le relais. Surtout, j'ai l'impression qu'il y a eu un manque de transmission de savoir militant, d'une part, mais, aussi, peut-être qu'on a un peu trop eu des réflexions politiques basées sur... le fait de voter pour... Enfin, partisanes. C'est-à-dire « telle candidate, tel candidat », sans donner vraiment des outils pédagogiques. Vous parliez d'éducation populaire. Elle est très importante, cette éducation. On a brandi le racisme et le fascisme comme étant la menace numéro 1 que représentait l'extrême droite, mais on a très peu d'éducation sur les questions racistes. C'est des questions qu'on a brandies comme un épouvantail, mais personne ne s'intéresse à ça. Quasiment aucun média, de la télé à... Au 20 heures, ces deux dernières semaines, on n'a pas entendu parler des deux gamins qui ont failli être noyés... Des deux gamins d'origine arabe qui ont failli être noyés par des quinquagénaires, etc. On comprend peu les questions racistes, donc, forcément, puisqu'on est une génération... Nous sommes des générations qui vivent beaucoup sur les réseaux sociaux. On a tendance à ne pas forcément vérifier les informations. Il y a des informations qui sont vérifiables en deux secondes, du type : « On peut faire des économies sur l'immigration. » Non. Il y a un rapport de l'OCDE qui dit qu'on ne fait pas d'économies sur l'immigration. Elle ne coûte rien. Elle rapporte presque un peu. Du coup, je pense qu'il y a un vrai travail à faire pour donner des outils pédagogiques d'éducation populaire pour se faire son propre avis. L'idée, c'est pas de convaincre d'aller voter pour un candidat ou pour un autre, mais d'avoir les outils de compréhension et de regard critique sur les programmes des candidats. Geoffrey, vous, c'était la procuration. Dit comme ça, c'est pas le truc le plus sexy, mais c'était super important, puisque période de vacances. Par ailleurs, plein de gens voulaient voter. C'était pas forcément simple. Il y a eu plus de 3,5 millions de procurations sur les deux tours, je crois. Racontez-nous un petit peu. Travail ingrat, j'imagine, mais nécessaire. Travail ingrat, oui, parce que beaucoup de temps et de bénévoles investis pour, au final, un chiffre de procurations qu'on a traitées pour le Nouveau Front populaire qui, au regard des 3,5 millions dont vous parliez à l'instant, était plus faible. - Quelques dizaines de milliers. - 35 000 mises en relation, mais ça a été des mises en relation pour des personnes qui n'avaient pas de solution simple et qui se sont retrouvées dans des situations très anxiogènes, au soir du 9 juin, de ne pas pouvoir voter, de voir l'extrême droite aux portes du pouvoir et de ne pas pouvoir de se retourner vers quelqu'un de la famille ou des proches qui pouvaient voter pour elles. Ouais, ça a été un petit travail de fourmi de trouver, pour ces 35 000 personnes, quelqu'un pour voter pour elles, proches d'elles géographiquement, qu'elles ne connaissaient pas. On a été 200 personnes à travailler sur le sujet - et ça a été une belle réussite. - Oui. Qu'est-ce qui, pour vous... Est-ce que, la réussite de tout ça, même si ça aurait pu être plus, on aurait pu avoir plus de temps... C'est ce que vous avez dit, Caroline. Est-ce que, pour vous... C'est quoi, le secret ? Qu'est-ce que les partis doivent apprendre de tout ça ? Qu'est-ce que les gens qui nous regardent peuvent apprendre de tout ça, d'une certaine façon, pour peut-être le faire aussi ? On a parlé de la joie, tout à l'heure. Est-ce que c'est, finalement, qu'il faut varier l'action de terrain ? Aussi de l'éducation populaire sur les réseaux sociaux. En fait, on ne fait plus des campagnes comme avant, mais on ne fait pas non plus que des campagnes sur TikTok, qui sont juste de la com, comme le fait le RN. C'est quoi, les enseignements, - pour vous, de tout ça ? - Pour moi, un des enseignements, c'est ce qui a été dit un peu ici. C'est-à-dire que c'est une des dernières chances. On a été cherché et on a mobilisé des personnes qui avaient perdu foi en la politique, qui ont arrêté de voter ou qui n'ont jamais voté. Vous avez vu beaucoup, beaucoup de cas. On l'a senti quand on a appelé les gens, quand on a fait le marché, quand on a été chercher nos cousins, nos cousines. On a eu ces discussions. Moi-même, je les comprends. À chaque élection, je me dis que c'est la dernière fois que je vote. Du coup, je pense que, là, ce qui peut être un peu rageant... On a quand même eu des années très dures. Je pense à l'affaire Nahel, l'été dernier. En fait, on a l'impression que les colères ne sont pas entendues et que, cette fois-ci, on nous dit : « Ta voix compte. Cette fois-ci, chaque voix compte. Ta voix compte. « Ta voix va compter. » On mobilise un électorat avec des arguments pour le séduire et, 48 heures plus tard, plus personne n'en parle. C'est ça, en fait, qui est rageant. Quand on arrive à faire un travail tel que le travail qui a été fait collectivement, ces trois dernières semaines, de mobiliser, de donner de l'espoir, d'apporter de la joie et de montrer qu'on peut le faire, si on s'arrête... Si, au final, c'est les politiques, les hommes et les femmes politiques qui nous déçoivent, - on ne peut plus rien pour eux. - C'est en train de se passer ? Ça se passe depuis toujours et c'est en train de se passer. Le maître mot, c'est de dire qu'on n'a pas besoin de les attendre pour continuer à se mobiliser et pour imposer notre agenda politique, imposer notre programme. On ne peut pas se permettre de relâcher la pression, parce que, à l'évidence, ils ne font pas le travail. Ça ne peut pas juste dépendre de Jean-Luc Mélenchon, - Olivier Faure, Marine Tondelier... - Non. Je vais être peut-être un peu déprimante, mais il y a des enjeux d'ego et de carrière qui vont bien au-delà de l'intérêt général du peuple. Il y a des calculs. Il y a une méconnaissance du terrain de la part de certains et certaines candidates, tous bords confondus. En fait, c'est tout à fait normal, étant donné l'agenda d'un député ou d'une députée, mais, par ailleurs, il faut que, nous, société civile, on arrive à faire remonter à la fois nos problématiques et des solutions concrètes qu'on a pensées, venant d'expériences empiriques - et pas juste théoriques. - Je pense que c'est important de se rendre compte de l'impact qu'on a avec peu de personnes. Ça demande du temps. Bien sûr, ça prend du temps. C'est du temps libre. En termes de coût, c'est rien, si ce n'est une volonté de s'engager. Sur les procurations, on était 200 personnes. On a aidé plus de 35 000 personnes. Au niveau de Victoires Populaires, au global, plus de 1 000 bénévoles ont appelé 270 000 personnes pour les sensibiliser sur l'importance de l'élection, leur rappeler d'aller voter, de porter une procuration. En fait, il faut vraiment voir qu'on est les meilleurs ambassadeurs. Les gens qui sont acteurs de ce militantisme, on est les meilleurs ambassadeurs pour convaincre d'autres gens. Plus on va parler à d'autres gens, plus on va convaincre nos amis de s'engager, plus on a de chances de toucher un grand nombre de personnes et d'avoir un vrai mouvement de fond. Ouais, et puis, moi... Après Aude. Vas-y, Aude. Je rebondis sur ce que tu as dit. On n'a pas beaucoup de temps. Une des clés, ça a été de proposer des actions qui pouvaient se faire en très peu de temps. Vous pouvez y passer cinq minutes. Vous pouvez y passer une heure. Vous pouvez y passer une journée. Tout ça, c'est valable et c'est important. Là aussi, ça a abaissé la barrière de se dire : « Je vais juste faire une diff', une fois, pendant une heure. C'est pas grave si j'ai pas le temps de faire autre chose. » Ça permet de passer le pas. Je trouve aussi qu'il y a eu une autre chose importante, dans la communauté pour la diffusion des flyers, qui était la bienveillance. On se sentait à l'aise. On se sentait en sécurité dans cet espace. Je parle au passé, mais je vais aussi parler au futur, parce qu'on va continuer à travailler sur les sujets d'information, d'éducation populaire... Sur l'information. On a fait des flyers qui informent. Il faut continuer à informer les gens dans la rue, si les médias traditionnels ne veulent pas le faire. Ça ne se passera pas juste sur les réseaux sociaux. C'est dans la rue aussi. Sur les réseaux sociaux, on est chacun dans sa bulle. C'est largement insuffisant. Les personnes qu'on a été voir dans la rue n'avaient pas du tout les mêmes informations que nous, donc c'était hyper important qu'on puisse amener l'information jusqu'à eux. Moi, je travaille dans la santé. On parle de « l'aller vers ». On va prendre la santé et elle va aller vers les gens dans le domaine de la santé. Là, il faut qu'on fasse de « l'aller vers » informationnel. Je pense qu'il y a vraiment un impact très fort aussi sur ce sujet-là. C'est important qu'on garde ces espaces bienveillants, où tout le monde se sent légitime, où tout le monde se sent accueilli et où chacun peut trouver sa place, même s'il a peu de temps, même s'il a peu de connaissances sur certains sujets. Mot de la fin, Caroline De Haas. Je voudrais revenir sur les partis. Moi, j'ai senti parfois, dans la campagne, qu'ils n'étaient pas toujours très, très contents qu'on arrive en masse. Parfois, ils étaient un peu surpris. J'ai reçu des messages. « Vous auriez pu nous prévenir ! 300 personnes sont arrivées sur la boucle. On n'était pas prêts. » J'étais là : « Sorry. Désolée. » Et puis, des fois, ils n'avaient pas trop envie qu'on arrive. Qu'est-ce que ça montre ? Ça montre que la société civile politique, quand elle s'organise, peut établir un rapport de force. Je ne pense pas que les partis politiques et les institutions vont changer gentiment. Ça ne va pas se passer gentiment. Alors, je ne dis pas que ça va se passer violemment, mais ça va se passer avec une confrontation, avec du rapport de force. Plus on sera nombreuses et nombreux, plus on aura du rapport de force. Aujourd'hui, au lendemain de l'élection, au lendemain du second tour, il y a 10 000 personnes qui nous ont rejoints sur la carte pour continuer l'aventure ensemble. Si on est 100 000 ou 200 000, ça change un peu la donne dans notre capacité à imposer aux partis politiques de s'intéresser aux sujets qui nous concernent et qui nous intéressent, de ne pas faire l'impasse, hors période électorale, sur les questions de racisme, par exemple, et de présenter des candidates et des candidats qui ressemblent à la société. Merci beaucoup à toutes et tous d'être passés par ce plateau. On va approfondir cette question : comment continuer ce travail ? Sur quoi vous n'allez pas lâcher la gauche, qu'elle soit au gouvernement ou pas dans quelques jours ? Parce que, derrière, ce sont d'autres élections à très haut danger, dans un contexte où la gauche a souvent déçu. Voilà. C'est le manège des invités. Encore de nouveaux invités. Je vous les présente, pendant qu'ils s'assoient. Elle s'assoit, Camille Marguin. « On se mobilise pour nous, pas pour vous » : les quartiers populaires, les minorités ne sont pas des cartes électorales uniquement au moment des élections pour sauver la France. Vous êtes responsable des opérations de mobilisation au sein de Victoires Populaires. On en a parlé avec Geoffrey. - Féris Barkat, bonsoir. - Bonsoir. Cofondateur de Banlieues Climat, vous avez mobilisé à fond à Strasbourg, ces dernières semaines. Blanche Sabbah, bonsoir. Vous êtes autrice de BD, activiste féministe. Votre mobilisation est passée, pas seulement, mais beaucoup par les réseaux sociaux. Émilie Serpossian, bonsoir. Activiste féministe, vous avez mobilisé à la campagne, près de Nantes, la campagne où le RN rafle souvent la mise, et vous ne vous y résignez pas avec beaucoup d'autres gens. Camille Marguin, on a parlé un peu de Victoires Populaires. Il a parlé, Geoffrey, de beaucoup, beaucoup d'actions, donc je propose qu'on n'y revienne pas vraiment, mais le cœur, c'était vraiment, pour vous, le vote, en fait. La question du vote est quand même assez centrale. On a découvert, tous, y compris dans nos entourages - j'imagine que, dans les campagnes, on le découvrait vraiment - que, les gens, des fois, ils ne votent pas, parce qu'ils sont déçus, parce qu'ils sont en colère contre les partis, contre les politiques, mais aussi parce que l'information sur le vote - est très mauvaise en France. - Tout à fait. Nous, notre cœur d'action, c'est de réunir les orphelins de la gauche. Le vote, c'est une partie. Je vais en parler. Victoires Populaires, c'est un mouvement citoyen qui a pour objectif de mettre en action les gens qui veulent voir arriver des idées de justice sociale et d'écologie au pouvoir. Du coup, on est un trait d'union entre la société civile et la politique. Un des enjeux, en effet, de notre travail, c'est cette question autour des procurations, comme le disait Geoffrey, et autour, plus généralement, de l'information autour des élections. On a beaucoup travaillé sur la question de la lutte contre la mal-inscription électorale. C'est un sujet assez peu connu. Là, on l'a re... Nous, on avait agi là-dessus en 2022. Là, on a redécouvert, pendant la campagne sur le terrain, des gens qui nous disent : « Là, j'ai peur. Comment je vote ? » « Comment ça ? Vous ne savez pas où est votre bureau de vote ? » « Non, je ne sais pas. » OK. Premier frein. Concrètement, sur le terrain, ça veut dire ouvrir son téléphone et aller vérifier le bureau de vote des personnes. Beaucoup de personnes ne savent pas où elles sont inscrites ou ne sont plus inscrites sur les listes électorales. Il y a 7,8 millions de personnes qui sont inscrites dans le mauvais bureau de vote. - On appelle ça la mal-inscription. - 8 millions de personnes ? 8 millions de personnes qui sont inscrites dans un autre bureau de vote que celui où ils vivent, et c'est 40 % des moins de 25 ans. Aujourd'hui, quand on nous dit : « Les jeunes ne votent pas... » Par erreur de l'administration ou parce qu'ils n'ont pas... Ils ont déménagé. Quand on déménage, c'est une procédure. Il faut soi-même aller - déclarer son déménagement. -En mairie. C'est bon à savoir. On peut le faire en ligne. Il n'y a pas besoin de se déplacer. Vous allez sur Internet. Vous mettez votre justificatif de domicile, votre carte d'identité, une attestation si vous êtes hébergé ou en coloc, et c'est fini. Ça prend cinq minutes. En fait, plein de gens ont réalisé, le jour ou la veille du vote, une semaine avant, qu'ils étaient mal inscrits. Ce qui s'est passé et ce qui est dramatique et scandaleux, c'est qu'il y a eu un décret d'Emmanuel Macron le dimanche soir. Il a annoncé la dissolution et, à minuit, on ne pouvait s'inscrire sur les listes électorales, ni changer son adresse de bureau de vote. Cette campagne a été carjackée. Elle a été... On nous a volé la campagne pour 8 millions d'électeurs mal inscrits, plus... 3 millions qui ne sont même pas inscrits. Ça fait 10 millions de personnes sur 48 millions dans le corps électoral. C'est énorme. C'est énorme. J'arrête avec mes chiffres, mais il y a quand même, parmi les mal-inscrits, 40 % des moins de 25 ans, 30 % des moins de 35 ans, donc l'abstention des jeunes s'explique en partie, grandement, par ça. Plein de sociologues l'ont démontré. Ça divise par trois les chances de se déplacer pour aller voter. C'est un frein administratif énorme. Il y avait ce premier point. Le deuxième qu'on nous a beaucoup demandé, qui est une non-information sur la question du droit électoral, c'est : « Est-ce que la carte électorale est obligatoire ? » On a fait énormément d'actions dans les quartiers populaires, auprès des jeunes, parce que ce sont deux populations qui s'abstiennent beaucoup, deux groupes sociaux - pardon - qui s'abstiennent beaucoup. Ils nous disent : « Je ne savais pas qu'il ne fallait pas la carte électorale. Je l'ai perdue. On me l'a pas envoyée. » En fait, il n'y a pas besoin de sa carte électorale pour aller voter. Ça, on l'a répété tous les jours sur le terrain. Vraiment, c'était presque - dramatique. - J'imagine que, du coup, rapidement, la suite pour vous, c'est de dire : « Là, il faut urgemment, dans cette période, faciliter les choses, faciliter l'information pour des millions de gens. » D'ailleurs, relancer peut-être ces processus d'inscription, - inscrire les gens au bon endroit. - Tout à fait. Déjà, il faut, en effet, faire de l'éducation populaire, expliquer aux gens comment s'inscrire, les accompagner. J'ai mené une expérimentation, l'année dernière, en décembre. On a tapé à 800 portes dans les quartiers populaires, - là où j'habite. - L'État ne le fait pas, ça. L'État ne fait pas et les mairies ne le font pas. En fait, c'est la responsabilité de personne. C'est le ministère de l'Intérieur qui est censé gérer ça. En fait, c'est un peu un vide juridique. Les mairies peuvent être accusées de faire ça pour remporter la mairie. Vous voyez ? - Personne ne le fait ? - Donc, personne ne le fait. Si les collectifs citoyens ne s'emparent pas du sujet... Donc, y a Victoires Populaires, y a l'ONG A Voté, il y a des gens qui le font, mais c'est un vrai sujet. En fait, il faut élargir le corps électoral. Statistiquement, quand on regarde les sondages, les Français ont envie de justice sociale, ils ont envie d'écologie, mais beaucoup ne s'expriment pas dans les urnes et ce n'est pas que de la colère. C'est parfois des freins administratifs. Oui, puis les sites en question sont quand même rédigés dans une langue très administrative qui n'aide pas à comprendre. Oui, il faut se connecter avec FranceConnect : il faut de l'accompagnement mais c'est légal d'accompagner les citoyens à faire cette démarche et les mairies peuvent le faire. Vous pouvez les renvoyer vers leur mairie. C'est important. Féris Barkat, vous avez mobilisé à Strasbourg et votre message, au début de la campagne, il y a une vidéo qui a tourné, c'était « on se mobilise pour nous, pas pour vous » parce que vous disiez : « On n'est pas des cartes électorales » on ne va pas nous chercher comme ça au moment des élections pour sauver la France, alors que le reste du temps, la France, elle ne nous sauve pas vraiment. Exactement, je pense que c'était un message qu'il fallait absolument qu'on fasse passer, mais ce qui m'a un peu désolé là-dedans, c'est qu'on était dans une forme de réaction permanente. On parlait de mobilisation, mais nous, on était en réaction, en réaction aux débats, aux actions qui n'étaient pas en accord avec ce qu'on voulait porter. On se retrouve dans un moment où, forcément, on est en réaction au RN. Bardella, il fait un discours : « les binationaux, les étrangers, machin. » Bien sûr, on va venir, on va faire une projection sur l'Assemblée nationale, on va projeter des chibanis, des tirailleurs, on va faire une action pour répondre au RN. Ça, c'est normal, vis-à-vis d'eux. Ce qui était moins normal, c'est qu'on soit en réaction vis-à-vis de nos propres alliés. C'est-à-dire qu'il y avait des gens avec qui on était censés mener la lutte qui viennent dire : « Ce serait bien que vous alliez voter. » Ils nous prenaient pour des cons : « Vous savez que si le RN passe, il va se passer ça. » Oui, on sait. Le racisme, on le vit tout le temps. Juste, vous allez le vivre avec nous. C'est le paternalisme dont parlait Kevin. C'est ça, un peu une logique néocoloniale : « Vous êtes au courant ? » Oui, c'est pour ça qu'on vote pas. Donc il y avait ce truc. À la base, on est venus dire : « Vous parlez de vote mais sans parler de misère sociale. » Ça marche pas. C'est pour ça qu'on a fait une vidéo, on est venus sur le terrain faire des trucs pour essayer de dire : on va mobiliser les jeunes sur le terrain en parlant de politisation et pas dans une forme de paternalisme en leur disant d'aller voter. Ça marche pas comme ça. Et donc, ce discours-là, on a essayé de l'avoir. C'était désolant de se dire qu'on doit être en réaction vis-à-vis de nos propres alliés. Il y a un autre exemple, c'est sur la mobilisation même des réseaux sociaux. On avait des Blancs qui, avec une manière de Blancs, parlaient à d'autres Blancs qui avaient déjà prévu de voter : « C'est trop bien, on est allés appeler à voter. » Mais frérot, tu as appelé à voter des gens qui étaient déjà convaincus, c'est pas... C'est les bulles dont on parlait. Ça tourne en rond. C'est ça. On est dans une situation où on était en train de délirer. On se disait : « À quel moment on voit les premiers concernés ? » Et, bien sûr, on peut s'enorgueillir d'avoir fait telle ou telle campagne, mais la finalité reste le terrain. Les réseaux sociaux, c'est un nouvel outil, mais parler aux gens, ça remplacera jamais rien du tout. Et donc, on s'est retrouvés à aller... Tu en parlais, il y a un groupe qui est parti en Allemagne et qui a rencontré Billel, qui est un jeune qui a vécu les attentats de 2020 à Hanau, en Allemagne, sur un militant d'extrême droite qui est venu et qui a fusillé huit personnes devant lui. Et donc, il y a ses potes qui sont littéralement morts. On s'est dit, au bout d'un moment, il faut qu'on visibilise ces récits un maximum, parce que c'est les premiers concernés. On est tous dans la même merde avec le RN, mais certains plus que d'autres. On peut pas faire comme si ça faisait 20 ans qu'ils avaient pas un discours, un discours, un discours. Pour essayer de le contrer, on essaie de mobiliser au mieux avec un collectif de jeunes sur Strasbourg. Blanche Sabbah, vous vous êtes beaucoup exprimée sur l'antiracisme dans cette campagne. Sur les antiracismes, en réalité, puisque, sur ce plateau y compris, vous avez pris la parole en tant que femme juive qui soutient le NFP. Vous disiez : « Il y a beaucoup d'efforts à faire à gauche pour penser l'antisémitisme, mais pour penser ensemble la lutte contre tous les racismes. » Quel écho ça fait, ce que dit Féris sur le fait d'entendre les voix des premiers concernés ? On parlait des partis, tout à l'heure, qui sont très, très loin de tout ça. Vous, qu'est-ce que vous avez tiré comme enseignement de cette campagne ? Moi, je rejoins complètement ce que vient de dire Féris. Je trouve que les premiers concernés n'ont pas beaucoup été entendus dans cette campagne, alors qu'on n'a fait que parler d'antisémitisme. « On parle tout le temps de nous, mais... » Voilà, c'est ma petite BD, je reviens là-dessus. C'est-à-dire que l'extrême droite, la gauche, mais même le président, le parti macroniste, etc, tournaient en boucle sur l'antisémitisme. Tout le monde en parlait, personne ne parlait aux juifs, et surtout, il y avait donc une instrumentalisation. Ça, il faut absolument le dénoncer. Que le RN instrumentalise la lutte contre l'antisémitisme, se revendique comme des défenseurs des juifs, c'est une aberration totale. On parle d'un parti qui a été cofondé par des collabos et des Waffen SS. Dans le registre de l'absurde, on est quand même vraiment très, très haut. Et on a vu que beaucoup des candidats, on l'a vu dans le deuxième tour, notamment grâce à Mediapart, mais d'autres médias aussi, que beaucoup de candidats... - Étaient néonazis ! - ...homophobes, antisémites. Tout à fait. Une librairie... Il a été élu, en plus, ce député-là, qui tenait une librairie négationniste. Enfin, je veux dire, c'est vraiment pas... Quand on dit « Oui, le RN, c'est des nazis », ce n'est pas un euphémisme, c'est vraiment des gens qui se revendiquent, qui vont à des réunions néonazies, qui ont des tatouages de croix gammée. On est sur ce registre-là. Et de l'autre côté, on avait notre camp politique, comme disait Féris aussi, qui ne parlait que de l'instrumentalisation, qui ne parlait pas, du coup, de l'antisémitisme qui existe, réel, et qui a un impact sur la vie des juifs et juives. Ils ne faisaient que dénoncer l'instrumentalisation. Il y avait une instrumentalisation de l'instrumentalisation, du coup. On passe notre temps à dire « Non, c'est pas nous, les antisémites, c'est vous », chacun se renvoie la balle, mais du coup, les juifs qui parlent d'eux et le quotidien des juifs, il est réellement impacté, en fait, par ces discours, et du coup... Voilà, ça, c'est pour, en gros, les « fautes » de notre camp politique, qui en fait se mobilise quand c'est un argument de campagne, quand c'est un enjeu électoral, mais qui ne fait pas le travail au quotidien pour parler aux communautés juives et pour faire des vraies politiques de sensibilisation, de formation à l'antiracisme, notamment la lutte contre l'antisémitisme. C'est parce que c'est un des points faibles de la gauche que la droite et l'extrême droite se sont engouffrées dedans. Ils ont pas essayé de se prétendre défenseurs des musulmans, ils ont pas essayé de se prétendre... Au contraire, toute leur campagne était sur la xénophobie, leur refus de la binationalité, etc. Ils se sont dit : « Bon, vas-y, on a été identifiés sur ce racisme-là, donc on va tout donner. Par contre, la gauche, elle est pas très solide sur la lutte contre l'antisémitisme, donc on va y aller à fond, on va donner tout ce qu'on a. » Et ça a fait beaucoup de mal. Ça a fait beaucoup de mal à cette campagne et ça a fait beaucoup de mal à la gauche. Les gens qui ont été le plus dans l'abnégation, dans le dialogue et dans, vraiment, « on s'engueulera plus tard », c'est les juifs de gauche. Qu'est-ce qu'ils ont pas eu comme force morale et psychologique, les juifs de gauche, pour justement dire : « OK, on va vraiment mettre en sourdine les désaccords qu'on a avec notre camp politique pour permettre au moins pire de passer et pour qu'on se retrouve pas avec des néonazis littéralement au gouvernement en tant que Premier ministre. » - Et... - Pardon. Non, enfin juste... Je voulais dire aussi qu'en fait, il y a une... Il faut recorréler les discours, la réalité matérielle et les actes. Et c'est-à-dire qu'en fait, il ne suffit pas de dire « je condamne fermement l'antisémitisme » pour que ça ait un effet performatif sur ce qui se passe réellement dans la vie des juifs et juives. Mais ça, ça vaut aussi très fortement pour la macronie et pour le fameux barrage à l'extrême droite. C'est-à-dire qu'en fait, pendant les sept années de barrage, de vote anti-extrême droite, l'extrême vote n'a fait qu'augmenter et les crimes antisémites n'ont fait qu'augmenter. C'est-à-dire qu'en fait, les droites ne sont pas du tout des protecteurs et des protectrices de la communauté juive parce qu'en fait, les actes antisémites ont explosé, mais explosé, ils ont rarement été aussi hauts. Je lisais juste avant d'entrer sur le plateau un rapport de la CNCDH. C'était affligeant. Les juifs, c'est une des plus petites minorités en France et ils concentrent plus de la moitié des actes racistes. C'est quand même hallucinant. Et en fait... Désolée, après, je termine. Non, pas de souci, c'est bien. Et en fait, du coup, dire « je condamne l'antisémitisme », c'est bien beau, mais ça n'est pas efficace. Il faut des mesures efficaces pour que la lutte contre l'antisémitisme ne se résume pas à des discours, ne se résume pas à des arguments de campagne et ait des conséquences concrètes sur le terrain, la baisse de l'antisémitisme. Et là, on est dans une explosion exponentielle. Féris Barkat, ça rejoint beaucoup de militants, en ce moment, qui disent justement : « Même si vous arrivez à former un gouvernement, le Nouveau Front populaire... » On verra dans quelles conditions. Ce n'est pas gagné, visiblement. « Là, en fait, faites mieux quand même et rapidement sur l'antiracisme... » Même seulement uniquement... Et le but, c'est de sauver la vie des gens et d'améliorer le quotidien de tout le monde. « Mais même y compris si vous voulez que la prochaine fois, on vote pour vous, en fait. » Là, ça va être compliqué. Il va falloir expliquer aux gens à qui on a demandé d'aller voter pourquoi il va rien se passer. Donc, là, bonne chance. Et en l'occurrence... C'est important de leur dire ça. Vous pouvez développer ça. Ben oui, je pense que là, s'il n'y a pas de changement... Parce que c'est l'Assemblée nationale, c'est des jeux politiques peut-être qu'on maîtrise pas totalement, mais en vérité, il ne va pas se passer grand-chose. Et cette mobilisation que nous, on a faite sur le terrain, elle a une forme de crédibilité quand on va voir les gens. Quand tu vas voir les gens, les yeux dans les yeux, que tu leur dis « va voter » et que le city, trois ans après, il a toujours pas été rénové, tu perds ta crédibilité. C'est pour ça que les éducateurs et ceux qui font les intermédiaires avec les quartiers populaires, ils ont du mal à être embarqués. Tu leur as déjà demandé il y a trois ans de faire barrage, comme si c'était des castors. Et maintenant, tu leur redemandes à nouveau. Ils te disent : « Mais attends, le jeune, il ne va pas voir le politique, il va venir me voir, moi. Il va me demander pourquoi je lui ai menti quand j'ai dit que cette chose allait être faite, que l'ascenseur allait être réparé, machin. » Donc, il y a une crédibilité qui est à reconquérir. Et puis, je pense que le deuxième aspect, c'est l'effacement dans l'espace public, dans l'espace médiatique. C'est-à-dire que là, on est à Mediapart. Il faut faire une enquête, Faites un truc, c'est votre métier. Mais comment ça se fait qu'il y a à ce point si peu de représentation ? Dimanche soir, BFM Alsace, ils m'appellent et me disent : « Ce serait bien que t'ailles en plateau parler des élections. » Je leur dis : « Ça n'a pas de sens. Votre plateau, c'est sur le vote. Je vais vous envoyer un jeune, Tourpal, réfugié politique qui vient de Tchétchénie. Il va venir vous expliquer son parcours à lui, son histoire à lui. » Si on veut contrer le récit de l'extrême droite, il faut proposer un récit alternatif... Qu'on voie les gens concernés. Les gens concernés, des gens, des réfugiés, ceux qui sont issus d'immigration, de 1re, 2e, 3e génération, mais qui vont raconter leurs parcours de vie. Mais vous imaginez même pas la galère que ça a été juste pour qu'ils acceptent. Donc, là, j'ai été confronté à me dire : « Comment on va réussir à changer le récit ? » Parce que, aujourd'hui, on voit qu'il y a un problème sur la criminalisation de l'immigration dangereuse, etc. Si on regarde les Italiens, dans les années 1890, ils étaient criminalisés de fou. On parlait des Italiens, on faisait des chasses aux Italiens, ceux qui avaient le couteau facile. Ils étaient vraiment criminalisés. Maintenant, les représentants politiques disent : « L'immigration italienne s'est bien intégrée, parce que c'était des catholiques. » On voit qu'il y a un changement dans le récit et que c'est l'islam, l'immigration aussi, la question de l'antisémitisme, ou des minorités de manière générale qui sont ciblés. Comment on fait un récit alternatif ? Juste en visibilisant ces personnes. Donnez-leur la parole, et après, ça va changer. Je donne la parole à Émilie, mais, pour poursuivre cette idée-là, quand vous voyez des responsables politiques qui n'arrivent pas à se mettre d'accord, de gauche, sur un gouvernement, 5 jours après tout ça, qu'est-ce que vous avez envie de leur dire, ce soir ? Moi, je ne tiens pas... J'en ai plus rien à foutre, s'ils se mettent d'accord ou pas. C'est pas mon problème. Mon problème, ce n'est pas qui se met d'accord avec qui. Le problème, c'est, concrètement, la crédibilité des acteurs de terrain, est-ce que la vie des gens change ? Ce n'est pas encore le cas. La question qu'il me reste, à moi, c'est : comment on visibilise un maximum ? Donc, c'est l'effacement dans l'espace public, quand on parle... Je me suis posé la question : nos parents, mon père, 25 ans dans la même usine, et je pense que les parents de 2e génération, c'est à peu près tous le cas, il y avait une forme de pudeur : on reste discret, on reste à notre place, on ne parle pas trop. Donc, on ne va pas trop nous donner la parole, mais on ne va pas forcément aller la chercher, car on ne va pas oser réussir à prendre une place qui... On est un peu conditionné à rester à notre place. J'ai l'impression que ce conditionnement commence à changer. Quand on regarde, je pense que la politisation des banlieusards parisiens et des banlieusards en province, c'est pas la même chose, mais, de manière générale, il y a une évolution. On a envie de s'émanciper, de prendre la parole. Il y a des assos de terrain qui font un travail incroyable. Je pense qu'il y a quelque chose qui commence à faire peur, dans la manière dont, nous, on prend la parole, et je pense que, même, que ce soit des alliés ou des ennemis, une peur qui s'installe en disant : « On n'a pas trop envie de les entendre, ces gens-là. » C'est ça qu'on refuse. Un des autres combats qui est le vôtre, Blanche, c'est le féminisme, et Émilie, vous aussi, sauf que vous ne l'exercez pas au même endroit, dans les mêmes cercles, d'une certaine façon. C'est intéressant, ce dialogue. C'est-à-dire que, Blanche, vous écrivez beaucoup, vous dessinez et vous parlez beaucoup de féminisme aussi sur les réseaux sociaux, et vous, Émilie, vous vivez à la campagne, une région où le RN est très fort, je l'ai dit, et vous avez une pratique féministe, en réalité, qui permet aussi de tisser des liens politiques. Est-ce que vous pouvez nous raconter ? On parlait avec Blanche, la dernière fois, sur un autre plateau, de « politique féministe ». Là, on parle de ce qui peut faire en sorte que, assez rapidement, ça change et que la gauche fasse évoluer ses pratiques. C'est aussi la discussion avec Féris. Oui, en effet, j'habite dans un milieu rural du nord de la Loire-Atlantique, dans une commune de 2000 habitants. Donc, voilà. Mais je n'y vis que depuis une quinzaine d'années, Donc, je viens parler du territoire rural dans lequel je me suis inscrite depuis 15 ans, mais il y a des ruralités comme il y a des quartiers : il n'y a pas une uniformité. Donc, en fait, oui, le féminisme rural est très inspirant, en ce moment, parce qu'il n'existait pas du tout il y a quelques années, et qu'aujourd'hui il est florissant, qu'il y a des collectifs qui émergent un peu partout, qui se mettent en réseau, qui fabriquent des outils pour faire de la culture politique et de l'éducation populaire dans nos campagnes, et aussi ouvrir des espaces d'entraide et d'appui aux femmes et aux minorités qui auraient besoin d'aide. Du coup, au jour d'aujourd'hui, ce sont des choses dont on s'inspire pour s'organiser, suite aux élections européennes et à tout ce qui se passe. Il y a eu, évidemment, par chez nous, plusieurs groupes WhatsApp incroyables, qui ont émergé en deux jours. Il ne se passait rien et d'un seul coup, hop, des groupes où il y a 600 personnes, avec un foisonnement d'idées et de choses à faire, - et ça a été un moyen... - Très loin de cette image de dire : « Il se passe rien en ruralité, et quand il se passe quelque chose, c'est que les gens votent massivement RN », quoi. Voilà, c'est ça. C'est ça. Moi, je suis vraiment heureuse qu'on puisse faire le parallèle entre ce qui se passe en ruralité et dans les quartiers populaires. J'ai grandi en quartier populaire, maintenant, je fais partie des ruralités. Ça fait un pont qui me touche particulièrement. Et aussi parce qu'on a des réalités qui se rejoignent, par rapport à la médiatisation et à la manière dont on parle de nous. La ruralité, on n'en parle jamais, ou alors sous une forme folklorique, ou, voilà, parce qu'on y vote RN. Donc, ce n'est pas une image qui est formidable et qui renvoie quand même un mépris des populations rurales très fort, qui, malheureusement, va se traduire pour un certain nombre de personnes - par un vote-sanction RN. - On a parlé de mépris, tout à l'heure, au début de ce plateau. Oui, tout à fait. C'est une réalité, et ce mépris, il n'est pas forcément conscientisé, mais il est réel et il est intériorisé. Il fait aussi qu'il empêche d'entrer dans l'action et d'entrer dans la revendication d'une vision peut-être différente, parce qu'une autre des caractéristiques de vivre en milieu rural, c'est qu'on n'a pas d'anonymat. Donc, en fait, on n'est pas méga-nombreux, on n'a pas énormément d'endroits dans lesquels on se croise et donc, on est visibles, on se rencontre, et dès qu'on déroge un peu de la norme ou des façons de faire un peu classiques, - ben voilà... - On s'expose. Voilà, on s'expose. Donc, il y a une vraie nécessité pour pouvoir le faire, d'être dans des espaces où on est en sécurité et, du coup, d'avoir des réseaux. Et ensuite, que ces réseaux grossissent. Donc, là, à l'occasion des élections, on a soutenu la campagne... On était tout un paquet de gens à avoir jamais milité, à ne pas être encartés, pas syndiqués, militants pour certains, pas du tout pour d'autres, à faire du porte-à-porte et quand c'est faire du porte-à-porte, c'est dans sa commune ou sa commune voisine, c'est des gens qu'on va revoir, qu'on va recroiser. Donc, c'est absolument nécessaire d'être accompagné, d'être à plusieurs et, aussi, de travailler sur le long terme comment on recrée du lien. Parce que 30 à 50 % de gens qui votent RN, dans mon territoire... Après le choc et la phase parano, où on regarde, on se dit : « C'est lui, c'est elle... » Voilà, ou ça met quand même un gros malaise, pour ne pas sombrer dans une mollesse apathique ou une grosse déprime, il a fallu faire, entrer dans l'action, qu'on ait de l'expérience ou pas d'expérience là-dedans. Du coup, ce qui est intéressant, c'est qu'il y a 3 grosses stratégies qui se dessinent. La première, c'est d'avoir des espaces pour prendre soin de nous et prendre soin des personnes en vulnérabilité, des personnes qui ne sont pas blanches, des personnes qui ne sont pas hétéros, des personnes qui ne sont pas françaises. Comment on fait, déjà, pour accueillir ce qui se passe et toute la violence qu'elles se prennent dans la face, par les médias et puis par les propos qui, maintenant, sont OK à la fête du village et dans le bourg, qui ne l'étaient pas il y a 10 ans, et comment on crée des espaces d'entraide très concrets quand il y a besoin d'hébergement, quand il y a besoin de transport, parce que c'est une grosse problématique aussi, chez nous, la mobilité. Moi, j'habite à quatre kilomètres du moindre commerce, des moindres choses, donc sans voiture, en vrai, dans le quotidien, c'est pas possible, - et avec le prix de l'essence... - Donc, on peut s'entraider. Voilà, absolument, s'entraider, et, donc, avec des plateformes et des espaces pour discuter. Vous allez peut-être développer, mais qu'est-ce que ça produit, ça ? C'est-à-dire, politiquement, qu'est-ce que ça produit qui peut nous intéresser, pour la discussion de ce soir, c'est-à-dire : comment on... On parlait de dialogue, tout à l'heure, on parlait de ce qui est bon à retenir, si, comme le disait Sophie Binet, des élus nous écoutent, ce soir, ou des gens qui militent, etc. Apparemment, ils sont dans un hôtel, en train de discuter, donc on ne sait pas, mais qu'est-ce que vous leur diriez pour, finalement, arrêter ce truc qui consiste à aller, à chaque élection, en urgence, taper aux portes et puis, le reste du temps, on a le sentiment que le travail n'est pas fait par les partis, en réalité, il est fait par d'autres. Tout à fait. Alors, je vais quand même terminer sur l'histoire des stratégies, le truc d'avoir des espaces pour prendre soin de nous, prendre de la force, y aller, se former, de cultiver le lien impératif avec nos voisins, les gens qu'on croise. On ne peut pas faire l'économie de dire : « Les gens qui votent RN, on ne va pas les côtoyer. » On ne peut pas, c'est nos voisins, avec qui on s'organise, quand il y a une inondation, quand il y a besoin. On compte sur eux, ils comptent sur nous. Donc, il y a un vrai travail aussi de comment on réinvestit les espaces qui existent déjà dans nos campagnes. Alors, l'association de parents d'élèves, la cantine solidaire... Enfin, que sais-je. C'est-à-dire que la politique, ça passe par le lien. Ça passe par le lien, pour ensuite pouvoir se parler vrai et se dire : « OK, en fait, toi, tu dis que tu votes RN, tu as le droit, tu fais ce que tu veux, mais voilà ce que ça me fait, voilà ce que ça fait à ma pote, avec qui on a fait du jardin toute la journée, la fois dernière, qui n'est pas française, voilà ce que ça a fait à mon pote qui est gay, et à ma copine qui es trans. » On rentre dans un espace de discussion. Voilà, parce que, aussi, on est dans un truc de respect, on se rencontre, on se connaît et on n'est pas à parler de trucs théoriques qui nous dépassent. Justement, c'est là que je reviens sur votre question de quoi dire aux partis politiques, mais j'ai envie de m'adresser aussi aux milieux militants, aux milieux intellectuels, qui, en fait, se désintéressent totalement de nous et ne s'adressent quasiment jamais à nous. C'est très important de nommer et de théoriser pour comprendre les systèmes de domination qui opèrent dans notre société. N'empêche que la manière dont c'est explicité ou c'est amené, c'est souvent avec des vocabulaires qui ne sont pas du tout de chez pas du tout accessibles à tout le monde. On est, je ne veux pas du tout dire que c'est comme ça en milieu rural et dresser un portrait qui est vraiment très caricatural, mais dans notre collectif féministe, les Mégères, qu'on mène depuis un petit bout de temps, il y en a plein parmi nous qui ne sont pas du tout à l'aise avec le fait de se taper des bouquins des gros bouquins, des essais, des gros articles ou d'écouter 12 000 podcasts, quoi. Donc, il y a aussi ce travail d'éducation populaire qu'on fait entre nous, et c'est là où les partis, les collectifs militants, les intellectuels, peut-être, pourraient faire un travail, au-delà de nommer et théoriser : comment on produit des outils d'éducation populaire où, nous, on peut s'emparer de ça et qu'on adapte à nos contextes. Blanche voulait réagir. Féris, après. - J'ai dit : « Les artistes. » - Et les artistes ! Bien sûr ! Parce que c'est un truc, c'est quelque chose, c'est un qualificatif qu'on donne souvent à la bande dessinée, d'avoir cette capacité de faire la jonction entre un contenu théorique un peu aride, un peu inaccessible et une manière de raconter qui le rend ludique et sympa pour des gens qui sont fâchés avec la lecture ou qui n'ont pas envie de se taper un pavé de socio de 500 pages, ce que je comprends totalement. Donc, je trouve que c'est un bon outil pour ça et je trouve que les réseaux sociaux, on les a pas mal décriés, aussi, pendant la campagne. Effectivement, c'est isolant, ça met dans une bulle, il y a des biais de confirmation qui sont nourris par l'algo, mais c'est aussi un formidable outil de vulgarisation et d'éduc pop. Je sais qu'il y a beaucoup, beaucoup de personnes qui ont appris du vocabulaire féministe, du vocabulaire, des concepts de socio. Maintenant, ça parle de transfuge de classe dans tous les sens. C'est pas du tout des choses qui existaient en dehors d'un petit sérail universitaire parisien, il y a quelques années, donc... Sur notre territoire, pour avoir accès à ça, il faut que tu sois connecté avec des personnes qui ont elles-mêmes une habitude de consommation de ça ou de lien avec ça. Du coup, ça veut dire qu'il faut sortir d'un entre-soi. C'est un peu la leçon de ce soir ! C'est ça ! Mais c'est une absolue nécessité. Féris, vous voulez réagir à cette conversation ? Je pense qu'une des portes d'entrée, aussi, pour faire commun... Parce qu'un truc que je me fais comme remarque, beaucoup, c'est : est-ce que moi, dans ma manière de mettre en mouvement, je n'alimente pas, quelque part, le nous-contre-eux ? Ces identités sociales qui vont nous opposer, que ce soit la ruralité, les gens qui votent extrême droite, ceux qui votent à gauche... Comment on fait pour recréer du commun ? Je ne sais pas si c'est forcément mon rôle et ma capacité à faire ça, parce que j'ai peut-être d'autres enjeux de représentation à tenir. Par contre, je me dis qu'il y a des portes d'entrée formidables, quand on prend des prétextes. Je donne un exemple : l'écologie. Quand on parle de Banlieues Climat, quand on va sur le terrain, je ne suis pas connu pour parler de vote ou quoi, à la base. À la base, on a fait Banlieues Climat, ça veut dire qu'on est là en train de parler des ours polaires qui sont en galère de Mister Freeze. C'est un peu ça, la caricature. En vrai de vrai, c'est parce qu'on fait un lien entre écologie et social : écologie-social, social-politique. Donc, on peut politiser plus facilement. « C'est le gars du climat ? Tu as quoi à nous dire ? » Et là, on peut parler de politique. Donc, il y a une politisation à travers la question de l'écologie, qui peut se faire. Je pense qu'il y a un pont qui peut se créer. Il y a un mois, on était sur une place à Strasbourg, il y a un jeune, il aime bien faire un peu l'intéressé. Il dit : « Il y a Féris Barkat, de Banlieues Climat, machin. » Il y a un couple de vieux qui s'arrête et qui dit : « C'est quoi ? Qu'est-ce que vous avez à nous raconter ? C'est quoi, Banlieues Climat ? » On commence à discuter de la question climatique. Et ce couple qui s'est arrêté, je ne sais pas ce qu'ils votent, mais je ne pense pas qu'ils se seraient arrêtés si j'étais venu en disant : « Les chibanis et les tirailleurs, on est chez nous. » Je ne pense pas que ce discours-là les aurait touchés. Ce discours-là, il est important. On a été les premiers à le porter, parce que c'était nécessaire de ne pas demander l'autorisation pour dire qu'on est chez nous, on connaît notre histoire. Mais d'un point de vue purement stratégique, si on veut créer du commun, je pense que prendre un prétexte comme l'écologie, ça a permis à des gens de venir créer une discussion. Et à la fin, je me suis dit : « Peut-être que je me trompe, mais ces gens-là, je ne pense pas, après la discussion qu'on a eue, qu'ils vont aller voter... » Peut-être qu'ils vont mettre tous les bulletins RN, il va voter Bardella, il est motivé de zinzin, mais moi, je pense pas. Je pense qu'après la discussion, il va se dire : « Il y a des points de comment ça peut être... » Je parle du climat, mais ça peut être la santé, les étoiles, ce que tu veux, mais il y a des trucs pour rassembler les gens. Elle est intéressante, cette discussion sur le commun et comment on recrée des liens comme ça. Oui, je voulais rebondir là-dessus, et notamment ce que tu disais, sur le côté : « on croise nos voisins », etc. En fait, pour moi aussi, un des grands apprentissages de cette campagne, mais aussi, ça fait quand même quelques années qu'on parle de cette conversation. Je sais que vous en avez parlé tout à l'heure. On n'est plus à distribuer des tonnes de tracts et puis « Votez pour nous, voilà, il faut le Smic à 1600, etc. » Là, en tout cas, nous, et c'est ce qui s'est passé aussi avec les autres initiatives qu'on a portées sur le terrain, pour nous, l'enjeu c'était de faire faire de la « politique », c'est pas un gros mot, à des citoyens ordinaires, qui ont besoin de se réapproprier leur environnement, qui ont besoin de défendre leur cause et qui avaient des conversations avec les voisins, avec les passants, avec la boulangère, etc. Cette conversation, la première chose c'est l'écoute, je vais citer Lumir Lapray, qui a beaucoup fait de formations chez nous, j'adore cette phrase : « On a deux oreilles et une bouche, il faut s'en servir dans ces proportions. » En fait, pour que les gens nous fassent confiance et recroient au commun, en fait, il faut leur dire : « Qu'est-ce qui est important, pour toi ? Qu'est-ce que tu changerais, demain ? » Franchement, sur le terrain, 80 % des gens nous disent : « Mais l'école ! L'hôpital ! Les services publics ! » Elle dit souvent que ça permet d'effacer, justement, le bruit médiatique ou les sujets qui sont sur les chaînes d'info. Exactement. Les gens ne vont pas, après, dire : « Oui, j'ai entendu, l'antisémitisme... » Il y en a aussi, ils vont dire : « Ce que j'ai envie de changer, c'est que je suis victime de racisme. » On l'entend et on est d'accord avec eux. Ça n'efface pas toutes ces questions, mais... Et à la campagne, je pense même qu'on peut se retrouver là-dessus. J'habite en quartier populaire, mais à la sortie de l'école publique, ben oui, on est tous d'accord. Du coup, j'embraye là-dessus. Une autre chose que je voulais dire, c'est que les femmes ont été très importantes dans cette campagne. Nous, on a eu 10 000 bénévoles, énormément de femmes. Énormément. Parce que la menace du Rassemblement national, et on sait très bien ce que ça veut dire pour le féminisme et pour nos droits. Mais franchement, ça a été un réveil, c'est une autre forme de militantisme, beaucoup plus à l'écoute. J'ai trouvé qu'il y avait quelque chose qui s'est passé pendant cette campagne, nous, en tout cas, qu'on va faire perdurer, qu'on va structurer pour la suite parce que le but n'est pas, et je rebondis sur ce que tu disais, les politiques, on dit qu'ils viennent une fois quand il y a des élections. Mais en fait, on n'y est plus. Nous, on n'y est pas, on n'est pas membres. Ils n'ont plus personne, ils nous le disent : « Rejoignez-nous. Ne nous regardez pas, rejoignez-nous. » Moi, je veux vraiment qu'on reste sur un... Il y a des choses à leur reprocher, ils ont des choses à nous reprocher, faisons un pas l'un vers l'autre, ils ont besoin de nous, on a besoin d'eux. Et là, on a besoin qu'ils se mettent d'accord. Ils ont besoin de temps. Écoutons-le, ça. Ils viennent de formations politiques tellement différentes, c'est déjà un miracle. Mais il y a aussi besoin de travail à partir de maintenant pour préparer aussi la suite et changer l'avis des gens. Ils sont bien partis pour le faire, mais ils ont besoin de nous. Un mot rapide, Blanche. Après, il faut qu'on passe au plateau suivant. Ouais. Moi, je vais apporter une toute petite dissonance sur ce dialogue qu'il faut renouer, y compris avec des gens qui parfois s'adressent à nous avec une très grande violence et assument de vouloir nous tuer ou nous expatrier, nous expulser. Je pense que c'est pas forcément aux minorités, qui sont les premières victimes de ces discours-là, de faire cet effort d'abnégation encore une fois, d'aller renouer du dialogue avec des personnes qui peuvent être extrêmement oppressantes. On recommande à nos électeurs de ne pas faire ça. S'il y a de la violence qui s'instaure, il faut partir. Dans le dialogue, ça peut aussi être une discussion. Une discussion, c'est proche de la dispute. Ça peut être aussi une discussion conflictuelle. Là, ce que vous venez de dire, c'est inacceptable et je veux bien discuter avec vous de pourquoi c'est inacceptable et on en parle, puisque ça me concerne. Mais... Je suis désolée, j'insiste un peu sur cette rediabolisation parce qu'on a beaucoup conseillé pendant cette campagne, aussi, aux personnes qui étaient les premières victimes du RN de les traiter comme si c'étaient des petites personnes perdues sans défense. C'est pas ce qu'on voulait dire. Je le sais bien et je ne vous accuse pas. Mais je trouve que c'est difficile à entendre et c'est surtout très difficile à mettre en place quand en face, on a des discours très violents et qu'on enlève la question du racisme et de l'antisémitisme du discours, alors que c'est la moelle épinière du discours de ceux qui appellent à voter pour eux. Merci beaucoup. On va avancer puisqu'on a encore d'autres invités qui vont venir s'installer. Merci à vous d'être passés par le studio. La lutte continue. Nous aurons ces discussions prolongées très vite sur Mediapart. Ils peuvent venir s'installer. Arnaud Bontemps, fondateur et co-porte-parole de Nos services publics Les questions autour du travail, des salaires et du service public sont les questions les plus importantes pour les Français, pourtant ces sujets ont été hacké par le RN. Agathe Le Berder, du collectif Nos retraites et de l'Ugict-CGT, la CGT des cadres, et Elliot Lepers, activiste. On va conclure avec vous. Rapidement, pour conclure, voilà, poursuivre aussi sur d'autres sujets, je voulais parler d'abord avec vous, Arnaud et Agathe. Vous luttez chaque jour pour des sujets majeurs : les services publics accessibles et pas privatisés, les retraites, pour vous, Agathe, plus largement, les questions autour du travail, des salaires. C'est hyper important pour les citoyens, Camille a dit : « C'est ce qui arrive en premier, ces sujets, qu'on soit en ville, dans l'hypercentre, dans les quartiers populaires des grandes villes, à la campagne, dans les zones périurbaines. » Ce sont ces sujets-là. Pourtant, c'est des sujets que le Rassemblement national a d'une certaine façon hackés, ces dernières années, avec succès, en réalité, même si quand on regarde de près leurs propositions, la réalité est moins rose, en tout cas, en façade, ça fait partie de leurs propositions principales. Beaucoup de gens, aussi, même s'il peut y avoir d'autres raisons, votent pour eux pour ça. Qu'est-ce qui a été raté ? Et surtout, qu'est-ce qu'on peut faire là, sachant qu'on a bien compris qu'il y avait urgence ? Donc du coup, comment vous répondez à ça ? En fait, c'est en effet un paradoxe. À la fois le Rassemblement national prospère sur le sentiment d'abandon qui est laissé après le recul des services publics. On le sait, et on l'a beaucoup vu dans cette campagne, c'est à mettre à son crédit. Son programme, en réalité, ne ferait qu'aggraver cette situation, définancer encore, aggraver le vide, le trou des caisses des services publics, et il nous présente la préférence nationale comme une solution en disant : « Si on enlève un étranger de la file d'attente de l'hôpital, ça irait mieux », tout en oubliant qu'en réalité, ce serait surtout enlever 1 médecin sur 10 qui est aujourd'hui né et diplômé à l'étranger. Donc, il y a eu un gros travail de pédagogie dans cette campagne et c'est à mettre à son crédit. Je pense qu'il y a aussi un deuxième point d'appui qu'on a construit dans le mois dernier. Parmi les 6 millions d'agents publics, il y en a une immense majorité d'entre eux qui se sont posé la question : « Qu'est ce qui se passerait si demain, le Rassemblement national arrivait au pouvoir ? » Ici, on dit : « Je désobéis, je fais pas les consignes. » En fait, je pense que ce questionnement-là, il a une prémisse : « Le projet du Rassemblement national est complètement contraire aux valeurs pour lesquelles je me suis engagé au quotidien. » Et surtout, ça crée un point d'appui, c'est une sorte de rééquilibrage au sein du cerveau de chaque fonctionnaire. Vous avez un hémisphère... Je comprends, mais ça ne nous dit pas comment la gauche réussit à dire : « Écoutez, franchement... » Et c'est peut-être la preuve par le gouvernement, ça nous ramène à la question de ce soir, de savoir s'il faut un gouvernement ou pas. Quoi qu'en pense Emmanuel Macron, leurs propres dynamiques pourraient être plus importantes. Mais la question, c'est de savoir comment la gauche réussit à convaincre que les services publics, ceux qui peuvent les réparer, c'est la gauche. On n'en a pas fait la preuve. Je crois qu'il y a un élément qu'il ne faut pas oublier, c'est que dans les 6 millions d'agents publics, il y en a pas mal qui ont voté pour le Rassemblement national. C'est une question qui a traversé les collectifs de travail, les salles des profs, les salles de soignants, de savoir ce qu'on pourrait faire et ce que ça changerait sur notre métier. C'est un point d'appui, ça. Parce que tout le monde s'est posé la question d'un point de vue extrêmement concret. Et toutes les personnes qui pouvaient peut-être vivre avec l'hypothèse très lointaine du Rassemblement national au pouvoir, même s'ils comprenaient que c'était un projet radical, c'est devenu concret. Et donc, ça a construit une place citoyenne dans notre métier beaucoup plus importante, qui précipite la création de collectifs de travail. On a parlé à nos collègues, on s'est organisés, il y a eu des afflux dans les collectifs, dans les syndicats, et je crois que c'est un point d'appui énorme que de pouvoir construire sur cette dynamique de la campagne non seulement une dynamique de décryptage, mais aussi une dynamique de construction de collectifs de travail, qui sont en l'occurrence construits sur le rejet du projet du Front national ou les questionnements autour des contradictions, et qu'il faut qu'on arrive à déplacer vers le projet des services publics parce que c'est un sacré projet de société de mettre en commun, de chacun selon ses moyens vers chacun selon ses besoins, extrêmement concret, incarné par des soignants, par des profs, par des travailleuses sociales. Et je crois qu'on a les prémisses sur lesquelles il faut qu'on continue à construire. Agathe Le Berder, vous avez ces dernières années développé un certain nombre d'objets, d'outils. Vous avez développé des outils très concrets quand il y a eu deux réformes des retraites, la retraite à points avortée d'Emmanuel Macron, enfin d' Édouard Philippe, abandonnée, et puis la réforme récente des retraites. À chaque fois, au sein du collectif, vous avez finalement matérialisé, créé un outil pour voir : « Vous nous annoncez une retraite mais voilà les conséquences concrètes pour telle ou telle personne, telle ou telle situation. » Ça, c'est une façon aussi, peut-être, de traduire très clairement les enjeux au-delà des discours politiques et de la bataille politique traditionnelle. Oui, c'était l'enjeu, c'était la mission de décryptage du collectif Nos retraites quand on a monté ce collectif en 2019, au moment de la première réforme, parce qu'elle était volontairement rendue incompréhensible par le gouvernement de l'époque, on n'avait même pas les vraies données puisqu'à l'époque, Jean-Paul Delevoye, qui menait le projet et a été débarqué parce qu'il avait lui-même des intérêts dans le secteur assurantiel, avait publié un rapport qui mentait sur les cas types. C'est-à-dire : « Quel va être l'effet concret de la réforme sur ma vie en tant que futur retraité ? » Et donc, on a été obligés de fournir des simulations alternatives pour expliquer aux gens quel allait être concrètement l'effet de cette réforme des retraites et expliquer aussi concrètement l'enjeu derrière. Et l'enjeu de la réforme, c'était la question du financement. On a vu que dans la campagne électorale, très vite, l'imposture sociale du Rassemblement national et de Bardella sur sa proposition de revenir sur la réforme des retraites Macron et de proposer la retraite à 60 ans, s'est fracassée sur la réalité de la nécessité de financer les retraites et donc de s'attaquer à ceux qui peuvent financer, y compris les entreprises, d'aller chercher l'argent, les milliards d'euros qui manquent. Là, il y a des choses qui ont été pour vous un peu gagnées de ce point de vue-là dans la campagne, sur la comparaison entre les deux programmes, NFP et Rassemblement national, sur cette question-là. Tout à fait. Très vite, on a vu Bardella dire : « Oui, en fait... Mais non, il y aura un audit financier », et on a vu que cette réalité du financement se posait de façon très claire dans cette campagne-là. Ce qui est intéressant, c'est que la campagne, la question des retraites, pardon, était aussi centrale très tôt dans la campagne, parce que les gens ne sont pas passés à autre chose. Il y a eu la mobilisation de 2023, mais aussi celle de 2019 et en fait, les deux se sont accumulées, la colère reste très forte, le sentiment d'injustice aussi, le sentiment de s'être fait voler deux ans de vie par la réforme des retraites Macron de façon totalement injuste pour faire des économies sur les finances publiques, parce que c'est bien de ça dont il s'est agi avec cette réforme des retraites, c'était de faire quelques dizaines de milliards d'économies qu'on redonnait par ailleurs aux entreprises sous forme de suppression d'impôts. L'idée, c'est de continuer cette bataille ? Tout à fait, et de remettre cette question des retraites au centre des débats. C'est ce qu'on a essayé de faire avec le collectif Nos retraites à l'époque, c'était de décrypter des choses qui sont volontairement rendues techniques par les gouvernements, mais aussi les discours économiques, et de rappeler le côté sensible des retraites. Les retraites, c'est de l'intime, c'est des histoires de famille. C'est comment aujourd'hui, ma grand-mère est autonome avec sa retraite, mes parents aussi et n'ont pas à dépendre de moi pour financer leurs vieux jours. Elliot Lepers, vous êtes activiste, graphiste, militant politique. A propos de la gauche qui n’est pas toujours audible, qui peut être méprisable et qui tend à être un vote urbain, des classes favorisées. Vous avez participé à la carte dont parlait Caroline De Haas pour déployer la mobilisation partout en France. Mais vous réfléchissez beaucoup en ce moment sur l'imaginaire de la gauche, la façon dont elle peut décevoir, parfois parler d'une façon qui n'est pas complètement audible ou entendable, parfois un peu méprisante, d'une certaine façon, pour beaucoup de Français, peut-être pour de mauvaises raisons, mais en tout cas, le c'est le cas, vous allez nous dire ce que vous en pensez. Et c'est vrai que par ailleurs, le vote de gauche, aujourd'hui, il tend de plus en plus, j'ai pas dit seulement, mais de plus en plus vers un vote urbain de classes sociales plus favorisées par rapport au passé. Du coup, comment on casse ça ? D'abord, quel est le constat, rapidement, et comment on casse ça ? La question, c'est : est-ce qu'on a un plafond de verre et est-ce qu'on est en mesure d'avoir une majorité si on atteint le second tour d'une élection présidentielle ? Parce que ça ne nous est pas arrivé depuis maintenant quelques mandats, quelques quinquennats. Est-ce qu'on est en mesure de gagner une présidentielle pour prendre le pouvoir ? Ça doit rester notre objectif. Avec aujourd'hui 30 % des voix, à peu près. Est-ce qu'on arrive à faire plus que ces 30, 32, 34 ? Et ce qu'on observe, c'est que les Français, quand on leur demande comment ils se sentent, ils sont épuisés de la situation politique, de la situation de l'information. Ils n'en peuvent plus. Et avec les mois qu'on vient de vivre, ça ne s'arrange pas. Et quand on regarde les discours après le premier tour des législatives, il n'y a que deux discours qui mentionnent l'apaisement et la réconciliation à 20h, c'est Bardella et Le Pen. Donc, comment est-ce qu'on arrive, nous, à redevenir une promesse, non seulement de transformation radicale, qu'on impose une vision parce que les enjeux sont radicaux et imposent qu'on ne doive pas modérer là-dessus, mais que cette transformation-là, elle amène à l'apaisement ? Qu'elle n'amène pas simplement au chaos, à la déstabilisation. Il faut qu'on arrive, peut-être pas à incarner l'ordre, qui est une valeur importante et qui n'est pas forcément celle de la culture de la gauche, mais peut-être la stabilité. Comment, en augmentant le Smic, non seulement on arrive à améliorer la vie de millions de personnes, mais on ne crée pas, parce que c'est ça aujourd'hui qui existe, une inquiétude de déstabilisation économique qui va nous conduire à un nouveau chaos ? Comment on arrive à faire les deux ? Je pense que ça, c'est effectivement la clé. Arnaud Bontemps, vous vouliez réagir. Tout à fait. Quand on entend « stabilité » ou quand j'entends Agathe parler de « décrypter le discours », il y a un sujet sur lequel c'est frappant, c'est les services publics. Qu'est-ce qui incarne le quotidien, la stabilité, un point de référence dans toutes les villes de ce pays ? C'est la mairie-école. Il y a les deux, d'un côté et de l'autre. Et juste en face, il y a la gare. Et potentiellement, à côté, il y a le cabinet du médecin. Et un peu plus loin, peut-être dans une ville un peu plus moyenne, il y a l'hôpital, plus proche, il y a La Poste, etc. Il y a une réalité matérielle des services publics dans le pays. Qui montre que l'État est là, qu' il y a une présence. Qui montrait. C'est clairement un recul depuis des années et c'est un enjeu assez massif, on l'a dit, qui nourrit le sentiment d'abandon, mais qui est une préoccupation très concrète des gens à laquelle ne répond pas le Rassemblement national et donc en fait, déplacer les questions que se posent les gens sur ce terrain-là, c'est gagner énormément de terrain. Nous, dans la campagne, on a monté un comparateur de programmes, mais qui partait de questions concrètes : « Est-ce que ça va faire revenir un médecin près de chez moi ? Est-ce qu'il y aura un prof devant la classe de mon enfant ? Est-ce que je pourrai louer un logement ? » C'est des questions hyper concrètes, c'est remettre la politique au niveau de la vie des gens. Ça a été constitué par plus de 120 000 personnes, ce comparateur, et c'est à la fois quelque chose de très concret sur lequel pas grand monde n'apporte de réponses. On a vu qu'il y avait plutôt deux grands choix dans cette campagne : ceux qui proposaient de remettre de l'argent dans les services publics et ceux qui proposaient de continuer à vider les caisses. D'abord, c'est un choix très clivant et ensuite, ça articule deux choses très importantes, à la fois un quotidien ancré dans la vie des gens, l'école, la santé, etc., et un horizon politique. C'est un projet, les services publics. C'est mettre en commun de l'argent pour répondre à des besoins d'intérêt général en dehors du marché, géré démocratiquement avec un principe d'égalité. Et c'est un projet qui est incarné, qui parle à des gens et qui, et j'insiste, parce que je pense que c'est un point important, y compris des trois années à venir, qui peut rassembler toute la société civile, Les activistes pour le climat, les syndicalistes du privé et du public... Enfin, on peut se rassembler autour d'éléments qui font projet, mais encore une fois, projet incarné, incarné par des personnes, incarné par des situations, et qui répond très concrètement aux problèmes de la population. Je sais pas qui veut réagir à ce qu'a dit Arnaud. - Vous avez pris des notes. - Oui. Non, sur la question des décryptages, parce qu'on en a fait aussi, et là, je prends ma casquette plus de CGT, des ingénieurs, cadres, techniciens, on en a fait sur la question des salaires. Elliot a parlé du Smic, mais une autre... En fait, la question des salaires est un peu ressortie dans le débat des législatives, mais beaucoup autour du Smic, et assez peu autour des autres niveaux de salaire. Or, c'est quand même un enjeu très important - pour des millions de salariés. - Si on augmente le Smic, il faut aussi, d'une certaine façon, augmenter l'échelle des salaires, faire des négociations dans les branches pour que ça augmente par ailleurs. C'est ça, et répondre au gros problème qu'ont vécu les salariés ces 3-4 dernières années, c'est le niveau d'inflation très fort qui a fait que les autres niveaux de salaire n'ont pas suivi. Alors que le Smic est indexé sur les prix, ce n'est pas le cas de tous les salaires. Ce qu'il faut, maintenant, pouvoir faire ressortir dans le débat, c'est la responsabilité des employeurs et du patronat, y compris organisé, dans cette situation que l'on connaît, avec un déclassement qui est très, très fort. Je voudrais insister, là, ce soir, sur une catégorie socioprofessionnelle du salariat dont on parle assez peu, qui sont les professions intermédiaires. On a beaucoup parlé des ouvriers, on parle très souvent des cadres, mais assez peu des professions intermédiaires, qui sont pourtant quasiment 25 % du salariat. Qui sont les professions intermédiaires ? C'est les techniciens, agents de maîtrise, les chefs de cuisine, chefs de chantier, mais aussi beaucoup de métiers du soin et du lien, type infirmières, enseignantes, assistantes sociales. C'est la catégorie socioprofessionnelle qui a le plus perdu en pouvoir d'achat ces dernières années, notamment à cause des politiques salariales qui sont menées. Donc il faut repolitiser tout ça aussi. La question du salaire, le fait que le salaire soit devenu totalement individualisé... À la CGT des ingénieurs, cadres, techniciens, on pose la question aux professions intermédiaires sur leur situation salariale. Il y en a la moitié qui nous disent qu'ils ont une part variable. Sauf que la part variable, ça ne permet pas, aujourd'hui, de maintenir son salaire avec le niveau d'inflation qu'on connaît. Et on a, juste pour finir, une offensive patronale organisée de déclassement de ces catégories socioprofessionnelles et de l'ensemble du salariat, avec un gros choc qu'il y a eu cette année, en 2024, dans un gros secteur de l'industrie, qui est la métallurgie, où on a entièrement modifié le système de classification des emplois qui conduit à un déclassement généralisé de ces professions-là. Elliot Lepers, peut-être le mot de la fin. On voit que là, il y a... Quelles sont les perspectives et urgences futures dans le temps imparti ? Déjà, notre conversation le prouve. Dans ce contexte, on ose presque se reposer des questions pour un horizon de gauche. C'est-à-dire qu'en fait, on se dit : « Voilà, là, il y a une victoire étrange, presque, mais victoire. » On ne sait même pas comment elle va se matérialiser... - Un répit. - Un répit, voilà, à la fois contre l'extrême droite, mais aussi le NFP qui arrive en tête. Maintenant, la question est plus compliquée. C'est-à-dire qu'est-ce qui se passe après ? On a l'impression qu'il y a une petite fenêtre où on peut reparler des salaires, du Smic, où c'est porté par une coalition, où on peut reparler des services publics, et peut-être se dire que ça peut évoluer. En même temps, on n'a pas tant de temps que ça, donc vous, comment vous vous voyez dans ce répit-là ? Les urgences, en fait, pour la gauche, si elle veut avancer assez vite dans les prochains mois ? Déjà, on peut tabler sur l'idée qu'on a un an, parce que dans un an, il y a de nouveau la possibilité d'une dissolution, donc tablons là-dessus. Qu'est-ce qu'on peut faire en un an ? On a beaucoup parlé luttes et batailles. Effectivement, ça va être très difficile parce qu'en plus, on voit qu'en face, les armes de nos opposants sont chaque année de plus en plus puissantes. On est ici, chez Mediapart, et on n'est pas ailleurs, et effectivement, le paysage médiatique nous rend la tâche de plus en plus difficile, mais il ne faut pas simplement parler de lutte, parce que quand on interroge, et c'est des chiffres de l'Adres, des chiffres d'agences publiques, il y a plus de 8 Français sur 10 qui sont pour encadrer les salaires, qui sont pour taxer les superprofits, qui sont pour augmenter le Smic de 200 euros, donc on a aussi une majorité de projets dans l'opinion qui est très forte. On ne doit pas simplement se penser en tant que minorité agissante qui devrait aller évangéliser des foules. Améliorer la vie de millions de Français, - on a un consensus. - C'est populaire, d'une certaine façon. Donc la question, c'est comment est-ce qu'on évite d'être moteur de rejet autant qu'on l'est aujourd'hui ? Parce qu'effectivement, aujourd'hui, on a des leaders, nos leaders principaux, qui sont parmi ceux qui génèrent le plus de rejet dans la société, mais c'est aussi une illusion d'optique. Quand on regarde en détail la population, on a souvent l'impression d'avoir une France qui est extrêmement polarisée - il faut regarder les travaux de Destin Commun pour ça - qui est extrêmement divisée entre deux blocs qui sont très antagonisés, mais quand on regarde en détail, c'est une illusion d'optique. Ce sont deux blocs qui sont, effectivement, ceux qui ont le plus la parole, ceux qu'on entend le plus à travers, notamment, des déformations algorithmiques, des déformations médiatiques, et qui nous font voir, plus que de raison, le clash et l'affrontement, mais il y a une majorité de la population, qui aspire simplement à une forme de réconciliation, d'apaisement et d'union collective. D'ailleurs, on a les JO, là, dans quelques semaines. Les JO, par exemple, les grands événements sportifs, à gauche, on a vu qu'on s'oppose massivement aux JO pour plein de raisons légitimes. On avait la Coupe du Monde de rugby, où on se souvient de la cérémonie d'ouverture qui avait été amplement critiquée par tous les commentateurs de gauche. Mais alors que quand on voit dans l'opinion, il y a une attente à ce qu'il y ait une forme de cohésion et de ferveur collective autour de ces moments-là. Donc je pense que c'est là-dedans qu'on peut s'interroger sur savoir comment est-ce qu'on arrive à refaire une société massive, majoritaire, où la gauche est centrale, où nos idées, notre transformation radicale de la société restent centrales et restent capables d'emmener toute la France ensemble, parce qu'effectivement, on l'a dit, et Sophie Binet l'a dit place de la République : « La liberté, c'est nous, l'égalité c'est nous, la fraternité c'est nous, la France, c'est nous. » Il faut notamment se réapproprier nos emblèmes, la République, pour que tout le monde puisse se rassembler derrière notre projet. - Merci beaucoup à tous les trois. - Merci. Merci beaucoup aux autres invités qui sont passés par cette émission. Cette émission, vous le savez, elle est en accès libre possible grâce à vos abonnements, donc si vous le pouvez, abonnez-vous, et je crois que vous avez compris la leçon de cette émission. Si vous le pouvez, engagez-vous, aussi. On n'a pas beaucoup de temps, voilà. À bientôt sur Mediapart.

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