Introduction et présentation des invité·es Salut.
Bienvenue sur Mediapart. Ils sont des milliers,
des dizaines de milliers peut-être, qui se sont mobilisés comme jamais
après l'annonce de la dissolution, bien souvent en dehors des partis,
souvent pour la première fois. Le NFP est arrivé en tête
des élections législatives. L'extrême droite
n'est pas à Matignon. D'ailleurs, et c'est un problème,
à cette heure, personne n'y est, à Matignon. Mais le Rassemblement national
reste puissant. La gauche plafonne, elle,
à 30 %. Une nouvelle dissolution pourrait
avoir lieu dans un an sans parler de la présidentielle
dans trois ans, en 2027. Comment entretenir le feu
de la mobilisation ? S'engager hors des périodes
électorales et de l'urgence ? Convaincre celles et ceux
qui ne votent pas et ne veulent plus entendre parler
de la gauche ? Comment continuer de faire pression
sur des sujets essentiels comme les services publics
ou la lutte contre les racismes ? Mobilisation permanente
et l'urgence de continuer, on est en direct
jusqu'à 20h30. Dans un instant, nous rejoindrons
nos nombreux invités qui se sont engagés
dans cette campagne, mais d'abord, notre première invitée.
Bonsoir, Sophie Binet. Nous sommes dans une grande crise de régime, dans un moment inquiétant pour notre pays où l’extrême droite est toujours au porte du pouvoir, en embuscade. - Bonsoir.
- Vous êtes secrétaire générale de la CGT, qui a appelé
à voter pour le NFP, qui a énormément mobilisé
de son côté avec d'autres. On est 5 jours après le second tour.
Il n'y a toujours pas de gouvernement.
La faute à qui ? Eh bien d'abord à Emmanuel Macron,
ça, c'est sûr, puisqu'il vient de... reverser un bidon d'essence
sur l'incendie du pays puisqu'on est
dans une grave crise de régime au lieu de prendre acte du résultat
des élections législatives, de féliciter tout le monde
sur le fait qu'on ait empêché
l'extrême droite de rentrer à Matignon
- ça, il a oublié de s'en féliciter, visiblement, pour lui,
c'est pas une victoire, ça - eh bien il envoie... Et de dire qu'il respectera
les institutions, le vote des électrices
et des électeurs et qu'il proposera Matignon aux forces
qui sont arrivées en tête, eh bien au lieu de faire ça, il jette encore de l'huile
sur le feu avec son courrier pour faire comme si on pouvait
avoir un Premier ministre qui s'inscrive dans la continuité de sa politique économique
et sociale. Or, ça, c'est juste impossible parce que c'est l'inverse
du résultat des urnes. Donc le problème,
c'est qu'on est dans un moment extrêmement inquiétant
pour notre pays avec une vraie crise de régime,
avec l'extrême droite qui, si nous avons gagné,
une victoire incontestable, dimanche soir, forte,
il faut capitaliser, il faut l'analyser,
il faudra y revenir, elle est toujours
aux portes du pouvoir, elle est à l'affût,
elle est en embuscade. S'il n'y a pas
une réussite collective très rapide, c'est l'extrême droite qui tirera
les marrons du feu et les gens ne chercheront pas
les responsabilités. Je veux aussi le dire, parce que
ça joue dans tous les sens au sein de la gauche,
à droite, au centre etc. Mais les électeurs
n'iront pas dans le détail, ils vont tous se faire balayer
par l'extrême droite si, là, il n'y a pas un nouveau gouvernement
qui sort sur une politique de rupture à la politique économique
et sociale d'Emmanuel Macron. Donc il y a une obligation
de réussite pour tous les républicains
et les républicaines, sinon, ils vont se faire balayer par
l'extrême droite au prochain coup. Ce que vous nous dites ce soir,
c'est qu'il y a aussi une obligation de réussite
pour la gauche. Actuellement, la gauche,
elle discute. Il n'y a pas de nom
qui sort d'un chapeau, de proposition des forces de gauche
pour un éventuel Premier ministre. On est à cinq jours des élections. Tout le monde nous dit
« ça arrive », « c'est bientôt prêt »...
On a l'impression que c'est quand même assez bloqué.
Qu'est-ce que vous dites à ça ? Eh bien oui. Bon, c'est normal
qu'il faille un peu de temps pour proposer le nom
d'un Premier ministre et un gouvernement parce que
c'est une question importante. On se souvient quand même
qu'Emmanuel Macron, quand il avait fait son remaniement
en janvier-février, il avait pris un mois pour faire
son remaniement. Donc voilà, ça arrive à d'autres
de mettre longtemps. Mais là, le problème,
c'est qu'il faut vite qu'ils réussissent
à se mettre d'accord sur le nom
d'un ou une Première ministre qui doit rassembler au-delà
du Nouveau Front populaire. C'est ça, l'enjeu, c'est que
le ou la Première ministre doit pouvoir avoir la confiance
de l'Assemblée nationale, parce que sinon, ils vont se prendre
tout de suite une motion de censure. Le ou la Première ministre
doit aussi rassembler le pays, apaiser le pays, parce que nous, ce qu'on constate
sur les lieux de travail, c'est que le monde du travail
est vraiment clivé avec beaucoup d'inquiétudes,
beaucoup d'angoisse, beaucoup de peurs,
et donc il y a besoin aussi d'avoir un gouvernement
qui rassemble, mais qui rassemble, certainement pas sur la continuité
de la politique d'Emmanuel Macron, qui rassemble sur du changement
très fort, immédiat pour les salariés
en commençant par l'abrogation
de la réforme des retraites, par augmenter les salaires
avec des mesures immédiates. Et le troisième point
très important, c'est de l'argent
dans les services publics parce que nos services publics,
à commencer par les hôpitaux, les EHPAD, les universités,
les organismes de recherche, n'en peuvent plus,
sont totalement asphyxiés. Et donc il faut les financer
et, pour les financer, il faut une politique
de redistribution des richesses et il faut aller taxer les grandes
entreprises et les plus riches pour donner de l'air
à nos services publics. Voilà les points-clés sur lesquels
il faut du changement et, là-dessus, évidemment,
il ne faut pas tergiverser. Donc vous dites à ces forces
de gauche : « Nous vous attendons pour cette politique de rupture
dont vous parlez, mettez-vous d'accord
rapidement. » Très, très, très rapidement. Il faut que demain, ils aient
une proposition pour, derrière... Parce que d'abord,
il faut qu'ils se mettent d'accord, eux, c'est évidemment une chose
importante, mais derrière, il faut encore une fois rassembler
le pays, rassembler l'Assemblée nationale, travailler à une trajectoire
de gouvernement pour regarder... Il y a un programme,
évidemment, il faut l'appliquer mais il ne peut pas être appliqué
tel qu'il a été écrit parce que... Dans son intégralité. Jean-Luc Mélenchon a dit pourtant
« tout le programme » mais ça ne sera peut-être pas
possible au vu des équilibres. Tout le monde sait bien
qu'un programme, pour être appliqué,
il faut qu'il soit voté par le Parlement. Les deux points de rupture
qu'il faut avec Emmanuel Macron, c'est d'abord la rupture en matière
de politique économique et sociale et la rupture démocratique. - Donc là, il faut...
- Vous dites : pas de décret, pas de 49.3 ? Des décrets, oui,
il en faut toujours, mais il faut
de la démocratie parlementaire, de la démocratie sociale
et donc il faut que le gouvernement affirme des choses
qui ne seront pas négociables et je pense
que les points non négociables, c'est notamment les points
que j'ai annoncés là, et il peut y en avoir d'autres
mais notamment ces points-là. Pour la CGT, c'est ça. Eh oui ! Quand on regarde,
c'est quand même les grosses demandes sociales,
et l'intersyndicale a fait... On a publié aujourd'hui
une déclaration de toutes les organisations
syndicales avec ces exigences-là
au centre en disant : quel que soit le gouvernement,
il faut qu'il fasse ça parce que les travailleuses
et des travailleurs attendent du changement,
attendent des réponses à leurs problématiques
et que s'il n'y a pas de réponse, là, encore une fois,
c'est le Rassemblement national qui sortira gagnant
et donc ça n'est pas possible d'avoir Bayrou ou je ne sais pas
quelle autre combinaison qui s'inscrive dans la continuité
de la politique d'Emmanuel Macron. Donc effectivement, il faut, très rapidement que la gauche fasse
une proposition de gouvernement pour, derrière, pouvoir travailler
un contrat de législature avec l'Assemblée nationale ou puisse travailler
avec les organisations syndicales sur quelle place
pour la négociation sociale, pour la démocratie sociale. Voilà les point sur lesquels il faut
qu'on puisse travailler rapidement. Est-ce que c'est pas un peu inquiétant si la gauche
n'arrive pas à se mettre d'accord sur un gouvernement,
dans un contexte comme celui-ci, cinq jours après une élection,
pour la suite des choses ? Ça va le devenir, oui. C'est pour ça,
là, vraiment, j'appelle... Il y a une petite phrase,
« la nuit porte conseil », donc c'est bien, là,
on s'approche de la nuit. Donc il faut vraiment
que la nuit porte conseil. Et ce que je veux vraiment dire,
c'est que vu la gravité du moment, tout le monde a fait
des choses incroyables, la CGT a fait des choses
incroyables, ça faisait très longtemps
qu'on ne s'était pas autant engagés sur les débats politiques du pays
mais on l'a fait et je regrette certainement pas qu'on l'ait fait parce que l'heure,
elle est extrêmement grave. Le Front populaire a fait
des choses incroyables parce qu'ils ont réussi à se mettre
d'accord sur 577 circonscriptions, un programme de gouvernement alors qu'ils étaient
à couteaux tirés, en quatre jours. Les citoyennes et les citoyens ont fait des choses incroyables. Donc là, il faut continuer à faire
des choses incroyables et, pour ça,
il faut que chacun laisse de côté ses intérêts partisans,
ses intérêts personnels. Il faut être capable de voir que là,
c'est l'avenir du pays qui se joue. On est dans un moment
de basculement. Là, il y avait un premier match
avec l'extrême droite. On l'a gagné dans les urnes
dimanche. Mais si là, le Front populaire
n'est pas à la hauteur de la situation, les choses peuvent
se renverser très, très vite. Si le Front populaire
n'est même pas capable de proposer un gouvernement, une trajectoire,
et cætera, rapidement, là, c'est sûr que tout ce qu'on a
toutes et tous fait va tomber comme un château
de cartes. Donc il faut vraiment que chacune
et chacun y mette du sien pour trouver des solutions
qui rassemblent. De nombreux responsables de différentes droites,
LR ou macronistes, estiment,
comme Gérard Larcher, président du Sénat,
que le coup de force démocratique, ce n'est pas ce qui est
en train de se passer - c'est-à-dire Emmanuel Macron
qui ne veut pas nommer de Premier ministre du NFP,
à condition qu'il y en ait un - mais c'est nommer
un gouvernement du NFP, notamment en ciblant LFI,
mais d'autres élus ciblent aussi des écologistes etc. Qu'est-ce que ça nous dit ? Est-ce que ça nous dit
qu'une partie, finalement, de ce pays considère que la gauche
n'est pas légitime à gouverner ? Non, mais ça nous dit
tout simplement qu'il y a des rapports de force
dans la société, c'est évident. Le premier rapport de force
c'est l'extrême droite. Donc on a une menace fachiste
en France qui n'a jamais été aussi
forte depuis une éternité. Et le deuxième rapport de force
qui est structurel, il s'appelle le capital et donc le capital, c'est
le patronat, les forces de droite, qui veulent toujours plus
de richesses pour les plus riches et donc, eux,
ils sont en train de s'organiser pour empêcher qu'il y ait une autre
politique économique et sociale. Et donc on est obligés
de lutter contre ces deux forces
en même temps. C'est pour ça que nous,
il faut qu'on soit très forts puisque d'habitude c'est juste
le capital contre le travail. Donc ça va. Là, il y a en plus l'extrême droite
qui divise le monde du travail. C'est pour ça que l'extrême droite
est le pire ennemi du monde du travail, parce qu'elle nous fracture
entre nous et qu'elle ne nous permet pas
de bien nous allier pour être forts face au patronat. Quand on accuse
son collègue de travail, parce qu'il n'a pas la même religion
ou la même couleur de peau, d'être le problème au lieu
de s'en prendre ensemble au patron, on voit bien que celui qui est
bien tranquille, c'est le patron. Donc, c'est ça la difficulté
du moment. Et c'est pour ça qu'il faut vraiment qu'on soit très forts
dans la période et très soudés dans la période
pour réussir à dépasser cette crise de régime et ce danger
fachiste qu'il y a dans notre pays. Ce matin, vos messages
s'adressaient beaucoup à Emmanuel Macron chez LCI.
Ce soir, vos messages s'adressent beaucoup
au Nouveau Front populaire et à l'urgence de trouver
une solution. Je sais qu'Emmanuel Macron ne regarde pas beaucoup Mediapart.
En tout cas, j'ai l'impression... Peut-être qu'il regarde pendant
qu'ils sont en train de discuter. La CGT cheminots appelle
à un mouvement jeudi prochain, le 18 juillet,
devant les préfectures et à Paris
devant l'Assemblée nationale. Je crois que vous avez dit ce matin
que vous iriez... Vous iriez ? Oui, tout à fait. Ce qui est génial, dans la période, c'est que
c'est l'intelligence collective qui permet de dépasser ensemble
ces énormes difficultés et cette intelligence collective,
elle fonctionne d'en bas à partir de plein
de mobilisations citoyennes. Et là, en fait, ce qui est super, c'est que dès que ce courrier
d'Emmanuel Macron est arrivé, ça a mis une grande colère dans le pays et, tout de suite, des syndicats cheminots ont dit :
il faut faire quelque chose le 18 - et donc ont lancé...
- C'est le jour d'installation de l'Assemblée nationale,
pour être concret. Exactement. Ce qui a été
tout de suite repris par la Fédération des cheminots
qui appelle à organiser des rassemblements
devant les préfectures et devant l'Assemblée nationale. Et là, c'est en train de faire
tache d'huile avec des fédérations,
des syndicats... Il faut que ça soit plein de citoyennes et de citoyens
qui se retrouvent le 18 juillet
devant les préfectures, les sous-préfectures,
l'Assemblée nationale, pour montrer
qu'on ne se laissera pas voler la victoire de dimanche soir, qu'on veut du changement
démocratique, et économique et social
et que, malheureusement, on ne pourra pas
passer à autre chose tant qu'on n'est pas rassurés sur le fait qu'il y a
un gouvernement qui se met en place
à partir du résultat des urnes, à savoir la force politique
qui est arrivée en tête. Et donc, il faut vraiment que la mobilisation populaire
et citoyenne, elle se maintienne, là, dans
ce moment de grande difficulté. Donc, on a toutes et tous envie
de passer à autre chose parce qu'on a besoin de vacances,
on a besoin aussi de pouvoir se reposer,
penser à autre chose, et cætera, parce que c'était hyper anxiogène. Mais il faut encore qu'on reste
un petit peu mobilisés, là, pour surveiller ce qui va se passer et, collectivement, se mobiliser
pour aider la gauche à pouvoir se transcender encore
comme elle l'a déjà fait. Et puis mettre la pression
à Emmanuel Macron pour lui dire
que ça n'est pas possible qu'il continue à se comporter
comme cela. Le gouvernement a renoncé
à une nouvelle réforme de l'assurance chômage
au soir du premier tour et a décidé aujourd'hui
de prolonger les règles actuelles jusqu'au 30 septembre.
Comment vous réagissez à ça ? C'était dans l'après-midi,
il y a quelques heures. C'est une victoire. C'est la victoire
des organisations syndicales. Et c'est très important,
les victoires, de les fêter. Déjà parce que ça fait du bien.
Et puis ensuite parce que ça s'appelle
de la pédagogie des luttes. C'est parce qu'on sait
qu'on peut gagner qu'on va se remobiliser
la prochaine fois. Et là,
c'était certainement pas gagné. Et donc là, les règles actuelles
sont prolongées jusqu'à la fin septembre. Et c'est pour ça qu'on a besoin
d'un nouveau gouvernement pour qu'on puisse travailler
avec ce nouveau gouvernement sur : comment on fait pour écrire les règles suivantes. Donc évidemment que c'est
une négociation qui doit avoir lieu entre les syndicats et le patronat,
mais on veut certainement pas reprendre les négociations
sur la base précédente, c'est-à-dire la lettre de cadrage que nous avait imposée
Emmanuel Macron, qui imposait des économies budgétaires
sur le dos des privés d'emploi et qui n'était pas juste. Donc on a besoin
d'un nouveau gouvernement pour avoir une nouvelle
lettre de cadrage, pour pouvoir reprendre
la négociation sur d'autres bases et avoir un accord qui améliore
la situation des privés d'emploi parce que le chômage
et la précarité explosent, et donc il faut de meilleures
allocations chômage. L'extrême droite, dernière question,
est puissante. Dans le magazine Society
qui vient de sortir, le sociologue spécialiste
des classes populaires et du RN, Benoît Coquard, dit en substance :
« Le RN, ce n'est pas un vote rebelle ou de colère. Il ne suffit pas
de deux ou trois slogans ou un porte-à-porte
tous les trois ans pour convaincre ces électeurs.
C'est plus profond et c'était la force, dit-il,
du syndicalisme : il proposait d'améliorer les conditions de vie.
C'est comme ça qu'il gagnait les classes populaires.
Et dans plein d'endroits de France, à cause de la désindustrialisation,
il n'est plus présent. » Comment vous voyez votre rôle,
dans les prochains mois ? Je suis tout à fait d'accord
avec lui. Vraiment, le syndicalisme, c'était un rempart
contre l'extrême droite et la progression
de l'extrême droite, notamment
dans les catégories ouvrières, elle s'explique
par la déstructuration du travail et des collectifs de travail
qui font que... eh bien, le taux
de syndicalisation baisse. Voilà. Donc aujourd'hui,
on est encore un rempart mais ce qu'il faut pour lutter
contre l'extrême droite, c'est renforcer les organisations syndicales
et donc se syndiquer. Ça, c'est très important,
parce que le meilleur moyen de faire de faire reculer
l'extrême droite, c'est de mener
des luttes sociales ensemble. Ça, ça rassemble,
quelle que soit la religion, l'origine, la nationalité. Pareil, le travail qu'on fait
ensemble, ça rassemble. Donc le syndicalisme en soi
est un rempart. Et donc nous,
on a une responsabilité majeure d'être plus et mieux présents
partout et de davantage lutter contre le racisme
et l'antisémitisme, et je dis bien les deux,
parce que dans la période à laquelle on a assisté
avec le grand n'importe quoi, le brouillage idéologique
généralisé, on a mis en opposition
le racisme et l'antisémitisme. Ça, c'est une catastrophe !
On ne peut pas lutter contre l'antisémitisme
sans lutter contre le racisme, mais on ne peut pas non plus
lutter contre le racisme sans identifier
cette forme particulière de racisme qu'est l'antisémitisme. Et c'est cette distinction
qui a fait aussi un des leviers de progression
de l'extrême droite. Et donc, dans cette déclaration
de l'intersyndicale, on a décidé de faire
une grande campagne intersyndicale sur tous les lieux de travail,
tous les syndicats ensemble, sur la question du racisme
et de l'antisémitisme, pour remettre
les pendules à l'heure, pour interpeller le patronat,
qui a de grosses responsabilités, et pour dire que le racisme,
l'antisémitisme, ça n'est pas négociable, ça n'est pas des opinions
qui peuvent varier en fonction des syndicats ou quoi.
C'est un principe fondamental. Parce qu'on voit les cas
de racisme exploser sur les lieux de travail,
ces dernières semaines. C'est très préoccupant.
Évidemment en soi, mais aussi parce que ça neutralise
notre rapport de force. Si les oppositions,
elles se font entre les travailleurs et les travailleuses,
les patrons ont la paix, donc il faut qu'on travaille
sur cette question-là en profondeur et, évidemment, qu'on fasse monter
les mobilisations sociales parce que c'est ça qui rassemble
et, surtout, qui permet d'avoir des avancées. Jamais l'extrême droite ne prospère dans les périodes
de conquêtes sociales. L'extrême droite,
elle progresse toujours dans les périodes de régression,
de recul des droits. Donc c'est pour ça que,
tout de suite, la CGT a dit le 10 juin « contre l'extrême droite,
Front populaire », parce que le seul moyen
de battre l'extrême droite quand on est à ce niveau-là, c'est d'avoir des perspectives
sociales rassembleuses et des alternatives.
On ne peut pas... La difficulté aussi qu'on a,
les syndicats, ces derniers temps, c'est qu'on ne peut pas
tout faire tout seuls. Nous, on lutte avec nos petits bras,
on peut encore progresser. Évidemment, tout le monde a
à balayer devant sa porte. Certains disent : il faudrait faire
une grève générale. Il y a beaucoup d'appels à ça. Eh bien... Moi, j'adorerais avoir
un bouton dans mon bureau sur lequel je puisse appuyer
et qui déclenche une grève générale. Ça, vraiment, j'aimerais et je m'en servirais beaucoup
parce que ça serait génial. Mais malheureusement,
je n'ai pas ce bouton-là, ça ne peut pas marcher
comme ça. Donc, pour gagner la grève
et la grève générale, il faut avoir un taux de syndicalisation
beaucoup plus élevé. En 1936, il y avait 5 millions
de personnes qui étaient syndiquées à la CGT. Aujourd'hui, on a 600 000 syndiqués.
C'est déjà très bien, on est une des plus grosses
organisations de France, mais ce n'est pas suffisant
pour pouvoir avoir des grèves assez importantes.
Le bilan de la mobilisation retraites, c'est que le taux
de syndicalisation est trop faible. Donc c'est ça
qu'il faut faire changer. Et la grève, la mobilisation,
ça se construit comme le 18, là, est en train
de se construire, d'en bas, et c'est comme ça que les choses peuvent
se construire. Donc toutes celles
et ceux qui ont envie de faire la grève générale,
commencez par vous syndiquer et, comme ça,
par construire les choses avec vos collègues.
C'est comme ça que ça marchera. Merci, Sophie Binet, d'être passée
sur Mediapart. On entend votre message
aux dirigeants du NFP, ce soir. On accueille maintenant
nos invités. Caroline De Haas à propos de la mobilisation de la société civile : « Prenons aussi 5 minutes pour savourer ce qu’il s’est passé et se féliciter. […] Restez avec nous, continuons de nous mobiliser ! » Pendant qu'ils s'installent,
réseaux sociaux, porte-à-porte, boucles WhatsApp,
Telegram pour s'organiser, Convois de la Victoire
partout en France, meetings... Depuis la dissolution,
la mobilisation a été exceptionnelle.
De quoi donner de l'espoir. Ça a payé.
De quoi poser des questions, aussi, car si cette fois
le pire a été évité, tout reste à construire.
Bref, ce n'est que le début car quand la gauche a été
au pouvoir, elle a souvent déçu et le RN grignote,
élection après élection, des parties entières du pays,
des classes populaires et moyennes. Comment ont-ils fait ?
Comment vous mobiliser aussi ? Ce sera l'enjeu
de notre premier plateau. Et, un peu plus tard, comment
continuer sur la durée ? Pas juste dans l'urgence, en transformant vraiment
la vie des gens. Cette émission a été possible
grâce à la réserve citoyenne du Front populaire de Marseille,
Victoires Populaires, Union Maintenant, les Convois
de la Victoire, Circos Pivots, d'autres personnalités
et organisations aussi. Tout le monde a travaillé
en réseau, dans l'espace virtuel,
sur le terrain. C'est peut-être d'ailleurs aussi ça
qui a été décisif. Avec nous,
Caroline De Haas, bonsoir. Militante féministe, vous étiez
avec nous au soir du second tour. Vous avez créé
pendant cette campagne une carte de France
pour faciliter la mobilisation, piloté plusieurs initiatives
sur les réseaux sociaux et sur le terrain,
partout en France. Là encore, en coulisses,
vous êtes avec votre ordinateur en train de taper partout.
Vous allez nous raconter. Kevin Vacher,
vous êtes activiste. Avec la Réserve citoyenne
du Front populaire, vous avez organisé la mobilisation
à Marseille, ville populaire mais aussi très riche
à certains endroits, ville diverse où le RN est fort
et depuis longtemps. Amal Bentounsi, bonsoir. Vous militez
contre les violences policières. Vous avez été candidate NFP-LFI à Meaux,
en Seine-et-Marne. Vous avez perdu de 2200 voix
malgré une mobilisation très forte et notamment celle des Convois
de la Victoire et de Circos Pivots,
une organisation que vous représentez ce soir,
Athénaïs Silly. « Circos Pivots » pour
les « circonscriptions pivots », donc, où vous avez envoyé
des volontaires, dans 48 circonscriptions
où le vote serait très serré, et ça a plutôt marché,
face au RN, - dans les trois-quarts des cas.
- 76, mais c'est ça. Bon, c'était votre communiqué
qui n'était pas très précis, mais du coup, ça a marché
dans un certain nombre de cas. Caroline De Haas, quel bilan
vous tirez de cette mobilisation et qu'est-ce que vous avez envie
de dire, surtout, aux gens qui nous regardent
ce soir ? On est d'accord, elle l'a dit,
Sophie Binet, on est tous fatigués,
mais le moment est important, aussi. Et il y a toute une énergie, là,
qu'il faut essayer de conserver. D'abord, c'est marrant parce qu'on
n'est pas tous fatigués, en fait. C'est-à-dire que,
on en reparlait tout à l'heure, il y a vraiment un décalage entre les gens qui militent
depuis longtemps, qui parfois ont fait
les européennes, puis les législatives et,
franchement, sont vraiment fatigués, et les personnes pour qui c'était
le premier engagement. Et moi, le soir du second tour,
j'étais dans un métro avec une personne qui avait fait
la campagne pour la première fois et elle me dit :
« Mais ça va s'arrêter, là ? Mais moi,
j'ai envie de continuer ! » Elle n'était pas vraiment...
Alors, fatiguée, oui, mais elle avait
énormément d'énergie. Et moi, ce que j'ai vu
pendant cette campagne, en fait, c'est deux campagnes. Il y a deux campagnes
qui se sont rejointes. Il y a la campagne
un peu traditionnelle, en fait, des partis politiques, et il y a
la campagne de la société civile. Et cette campagne-là,
elle est vraiment intéressante parce que, moi, je n'ai jamais
vécu ça dans ma vie militante. C'était inédit,
ce niveau de mobilisation. On a vraiment franchi un cap
dans la mobilisation. Il y a toute une société civile
qui s'est mise en mouvement et ça a vraiment créé comme une sorte d'école géante
du militantisme. J'ai l'impression qu'on a débloqué
très vite dans la mobilisation le sentiment d'illégitimité, ou « ouais, les partis
ne sont pas parfaits, donc on ne va pas y aller »,
on a réussi à débloquer ça
et, une fois qu'on a débloqué ça, on a débloqué aussi
le sentiment d'illégitimité par rapport aux outils. Donc on a donné des outils,
clé en main, qui ont permis aux gens
d'aller s'engager. Il y a quand même des personnes... Je suis allée à Amiens
faire la campagne, j'étais dans un train
avec 25 personnes. Il y a des gens,
c'était la première fois qu'ils faisaient
une campagne militante. Ils ont frappé à des portes
et parlé à des gens. Au début, ils étaient :
« Je connais pas bien le programme, je suis pas très sûr. »
On a donné des outils pour faire et donc on a donné du pouvoir
aux gens, et en fait, ça a marché. On a réussi à gagner des voix
par cette mobilisation inédite. Et moi, c'est ça aussi
que j'ai envie de dire, ce soir, c'est que j'ai envie
qu'on prenne cinq minutes pour savourer ce qui s'est passé : on a réussi à bouger l'histoire... Enfin, même moi,
j'étais sûre que... Enfin, au début de la campagne,
je pensais qu'ils allaient avoir la majorité absolue.
À la fin de la campagne, je me disais : les fachos
auront pas la majorité absolue, mais je pensais
qu'ils allaient gagner. Et en fait, même moi,
je pense que j'ai sous-estimé cette mobilisation citoyenne
très importante. En tout cas, de nos comptes, on estime que c'est
des dizaines de milliers de personnes qui ont basculé
dans l'engagement politique pour la première fois.
Et en effet, cette énergie, on va en avoir besoin parce que,
comme dirait Marine Le Pen, la marée, elle monte,
elle monte très fort et c'est pas seulement
des barrages dont on va avoir besoin. Rokhaya Diallo parlait d'édifice. En fait, on va devoir bloquer
cette marée et je pense même :
être nous-mêmes, en fait, la marée qui monte
pour, au final, prendre le pouvoir et changer
la vie des gens. Très vite, concrètement, question pour... Là, qu'est-ce qu'on peut faire
si on vous entend et qu'on se dit : « Ah oui, d'accord, OK ! Où ? » Où ? Alors il y a plein d'endroits, il y a plein d'initiatives
qui sont en train d'émerger. Nous, on a lancé un site, c'est comme sur la carte, divisible,
vous allez sur la carte où vous êtes allés très nombreux
parce qu'il y a 400 000 personnes qui sont allées sur cette carte
pour s'engager. Et vous avez un bouton
« on continue », où vous pouvez laisser votre mail.
Je sais que Victoires Populaires a organisé un Zoom lundi soir.
En fait, dans toutes les initiatives qui se sont organisées,
j'imagine qu'à Marseille, c'est pareil, il y a des choses
qui sont proposées. J'ai envie de dire aux gens, c'est : « restez là », en fait,
« restez avec nous ». On a mené
une bataille incroyable. On n'a pas gagné
mais on a fait bouger les lignes. La prochaine fois,
on gagne en fait. Et si on veut gagner
la prochaine fois, on a besoin de tout le monde. Certes, on peut se dire :
« Jusqu'aux présidentielles, il y a deux ans et demi,
trois ans, ça va ! »
Euh, non. En fait, le Front national,
le Rassemblement national, ça fait des dizaines d'années
qu'il laboure. Nous, on a trois ans. Il faut qu'on soit très nombreux
et très organisés si on veut faire basculer
les choses. Il y aura peut-être une dissolution,
en plus, dans un an. Kevin Vacher... Pardon.
Je suis tombé de ma chaise. Même question,
Kevin Vacher. Qu'est-ce que vous retirez
de cette campagne ? Qu'est-ce que vous avez envie
de dire aux gens qui regardent ? Marseille, c'est un territoire
extrêmement compliqué, qui a des fortes inégalités. C'est l'un des territoires
les plus inégalitaires de France, entre les territoires du sud,
du centre et du nord, par exemple. C'est un territoire qui a un ancrage
de l'extrême droite extrêmement profond.
Dans les années 70, on avait le Comité des forces
des Marseillais, on avait eu des vagues de meurtres
d'Arabes en 1973, notamment un été meurtrier,
le meurtre d'Ibrahim Ali en 1995. C'est un territoire
qui a souvent subi l'extrême droite, qui l'a vu grimper,
grimper, grimper, dans un contexte
d'inégalités très fortes et aussi de désespérance politique. C'est un territoire qui ressort,
dans les années 2000, d'une crise politique de la gauche
et de la droite qui vraiment est une caricature
de ce que la politique peut faire pour dégoûter les gens.
Et pourtant, là, ce qui s'est passé, c'est qu'il y a un millier
de personnes qui ont été actives en trois semaines, qui se sont
organisées à l'initiative de quelques militants de collectifs
citoyens et associations. Il faut savoir que Marseille,
c'est un territoire aussi très dense en militantisme.
Un militantisme très politisé, un militantisme qui assume
face à cette absence de gauche, de politiques soutenables
dans ces 20 dernières années, qui a assumé, dès le début
des années 2010, de jouer une fonction politique
sur le terrain social. Et donc, à cet appel
un peu hasardeux, on va dire, comme on l'a fait, chacun et chacune
de notre côté après la dissolution, il y a un millier de personnes
qui se sont organisées, qui ont été accompagnées, qui se sont formées à aller faire
de l'activisme électoral. Ça, je rejoins Caroline :
c'est absolument extraordinaire de voir les gens se saisir
de leur propre pouvoir. La 1re chose
que j'ai envie de dire, c'est : « Continuez à vous saisir
de ce pouvoir, n'attendez pas la subordination
aux pouvoirs politiques ou aux consignes de quiconque.
Faites mieux tout de suite, là, maintenant. »
Les gens continuent à s'organiser. Ces gens sont allés remplir
les tâches historiques que les partis politiques
n'avaient pas réussi à faire ces dernières années. Ça s'est passé partout en France.
La campagne a été débordée. Il y a eu un débordement politique
de la société civile et des citoyens et des citoyennes.
Puis concrètement, à Marseille, les gens sont allés
dans une posture d'écoute, une posture d'humilité,
discuter à la fois dans les territoires
abstentionnistes, là où, dans le monde
des quartiers populaires, les luttes sont devenues
parfois très, très dures, ils sont venus en loyauté
aux militants qui étaient présents sur place, en loyauté aux candidats
qui avaient été désignés, et sont aussi allés écouter
dans les territoires où le RN est extrêmement fort,
on a trois circonscriptions qui sont au RN aujourd'hui,
c'est un vrai défi à relever pour nous demain, les gens
sont allés écouter en humilité. Moi, je me souviens de moments
de tractage ou de porte-à-porte où des électeurs RN me disent :
« Bon, je ne voterai pas pour vous, mais au moins,
vous m'avez écouté, vous m'avez parlé
sans condescendance. » Ça, c'est quand même quelque chose
que la gauche aurait dû faire depuis un bon moment,
d'aller parler sans condescendance à l'ensemble des classes populaires,
d'affirmer une dignité antiraciste extrêmement importante
dans les quartiers populaires, mais aussi d'aller dénouer et refaire société
partout où c'est possible. C'est absolument extraordinaire
ce qui s'est passé à Marseille et en effet, on est en train
de continuer ce chemin, parce que, comme disait Caroline,
nous, on est peut-être épuisés, mais hier, on avait encore
une assemblée de la réserve citoyenne
du Front populaire où il y avait 250 personnes
qui sont venues et qui nous débordent, nous,
les militants et militantes, et s'organisent par eux-mêmes
pour faire un travail d'éducation populaire,
pour ouvrir des lieux, pour créer des campagnes
penser des campagnes antiracistes pour les services publics,
pour le SMIC, qui organisent ça
très concrètement. On vous joint comment ? Les Marseillais,
les gens de la région... On nous joint
sur les réseaux sociaux, un peu comme tout le monde,
j'ai envie de dire. Ensuite, on s'organise
dans des assemblées, on passe des moments,
ça a été un des critères importants qui ont fait que la mobilisation
a tenu, on a passé des moments de joie,
avec les syndicats, avec les associations,
des moments festifs, des moments de convivialité,
qu'on a envie de répéter. Ça, ça projette
le monde politique qu'on a envie de voir
advenir demain. Amal Bentounsi, pareil,
mobilisation importante pour vous, pour votre campagne,
dans une circonscription, Meaux, Seine-et-Marne,
en grande partie urbaine, mais aussi périurbaine et rurale.
Longtemps d'ailleurs gouvernée avec un député de droite. Une semaine après,
qu'est-ce qui a réussi, mais aussi manqué,
selon vous, à 2200 voix près. Ce n'est pas beaucoup.
C'est une grosse circo. Oui, il y a plusieurs facteurs. Ça a été
une campagne extraordinaire pour la plupart des personnes
qui m'ont accompagnée lors de cette campagne,
que ce soient les militants, les syndicalistes, les travailleurs sociaux,
les habitants des quartiers... Des gens qui sont venus aussi
de l'extérieur. Des gens, des militants
qui sont venus de l'extérieur, qui connaissaient
mon combat national que je mène
depuis quelques années, et ça a été
vraiment extraordinaire. Donc, plusieurs facteurs. Oui, bien évidemment,
la circo, une grosse circo, un découpage qui a été fait
par la droite à l'époque, 54 communes,
notamment des petites communes. La grosse surprise, c'est que
dans la commune de Meaux, j'ai obtenu la majorité. 62,7 %. Donc ça, ça veut dire
quelque chose. Ça veut dire que des personnes
se sont reconnues à travers le combat
que je porte pour la justice, pour la dignité, pour l'égalité. C'est une candidature
un peu particulière, puisque je ne fais pas
de la politique politicienne. Je suis issue
du militantisme malgré moi, je fais de la politique malgré moi. Ils se sont reconnus
dans ce combat et m'ont fait confiance, et je les remercie du fond du cœur parce que ça a été
vraiment extraordinaire, - un accueil chaleureux...
- Et vous n'arrêtez pas ? Non, je ne vais pas m'arrêter,
puisqu'on m'a fait confiance et il faut continuer
à travailler avec les électeurs qui m'ont élue à Meaux. Il va falloir
être présent avec eux, organiser des choses pour l'avenir. Oui, on ne s'arrête pas là. Message envoyé
à Jean-François Copé, homme politique
présent dans cette ville. Athénaïs Silly, vous avez participé, vous,
à plusieurs campagnes, ou coordonné
plusieurs campagnes, François Ruffin dans la Somme, Sébastien Peytavie en Dordogne, Rachel Keke dans le Val de Marne. Qu'est-ce qui vous a frappée, vous ? Qu'est-ce que vous avez envie
de dire aux gens qui nous regardent ce soir
et se demandent si ça va continuer, ou si c'était juste dans l'urgence,
contre l'extrême droite et puis tout ça retombe ? Peut-être pour refaire rapidement
l'histoire de Circos Pivots, c'est l'histoire de 10 copains
qui, le soir de la dissolution, se disent qu'il va falloir agir,
et vite, parce qu'il y a une urgence. On a trois semaines
pour faire campagne et donc, il va falloir
s'auto-organiser. Suite à ça, on monte
des groupes WhatsApp et on se dit qu'on va
cibler des circos dans lesquelles
c'est stratégique d'aller. Ça va se jouer à quelques voix.
Il faut aller dans ces circos. On se dit : on crée
20 conversations WhatsApp, on les partage
à nos amis, nos familles et puis d'ici demain,
quelques jours, on aura une centaine de personnes
prêtes à venir avec nous. En 24h, on était 2000, donc finalement,
on est passés à 40 circos, puis 60 circos à la fin. Au début, on a surtout fait
un travail de mise en relation avec les équipes
de campagne locales. On amenait
des convois de gens dans les circonscriptions
stratégiques et avec les équipes
de campagne, on les accompagnait,
on les soutenait, on venait renforcer
leur mobilisation, ce qui permettait
de couvrir plus de quartiers. À la fin de la campagne, des directeurs et des directrices
de campagne nous ont dit : « Grâce à vous, on est allés
toquer à toutes les portes, on a parlé à tout le monde. » Une semaine
avant le premier tour, on a répondu à l'appel
de Caroline, qui disait : « Il va falloir unir
toutes les forces. » On s'est dit :
« Pendant cet entre-deux tours, on va envoyer les gens
sur le terrain plusieurs jours. » C'est ce qu'on a appelé
les vacances militantes, parce qu'on prenait en charge,
grâce aux dons de personnes, le transport et l'hébergement, et les gens allaient ensuite
dans les circonscriptions. On en a envoyé
dans les Hautes-Alpes, dans les Hautes-Pyrénées,
on en a envoyé en Bretagne, on a couvert 44 circonscriptions. Sur ces 44 circos,
23 ont gagné, parfois à quelques centaines
de voix près. Je pense à Élise Leboucher
qui a gagné face à Marie-Caroline Le Pen
à 200 voix près. Peut-être juste remercier
encore une fois ces 5000 personnes
qui ont milité avec nous. On a été présents sur le terrain
et ça a permis d'aller parler à beaucoup de gens,
des gens à qui la gauche
ne parlait plus forcément, ou en tout cas,
pas directement au porte-à-porte. On a eu beaucoup
de néo-militantes et néo-militants qu'on a formés tous les soirs
à 21h sur des sessions Zoom, en prenant les formations
de Lumir Lapray, qui disait : « Il faut aller
écouter les gens, écouter leur peine et c'est aussi comme ça qu'on va
recréer du dialogue avec eux. » Et par exemple,
on a des militantes et des militants qui nous disaient qu'au début,
ils arrivent avec leurs tracts NFP, les gens ne veulent pas leur parler,
ils leur demandent comment ils vont, quels sont leurs problèmes
et à la fin, ils disent : « Donnez quand même le tract,
je vais réfléchir à ce que je vais - aller voter dimanche. »
- Cette question de la discussion, de l'engagement,
on va faire un petit tour avant que vous nous quittiez. Elle est très importante.
Kevin, vous l'avez dit aussi, c'est vrai qu'on est de plus en plus
dans des cercles, dans des bulles
et là, vous parlez toutes et tous de la nécessité de les casser,
ces bulles, d'une certaine façon,
sans dire qu'on va forcément convaincre tous les électeurs, mais que c'est déjà
la clé vers quelque chose. C'est un mouvement contradictoire
parce qu'on est dans une société qui est socialement
de plus en plus fragmentée. Ça, c'est une réalité et pourtant,
on a depuis une quinzaine d'années, et merci au mouvement
écologiste radical, merci aux féministes,
merci au mouvement queer, au mouvement antiraciste,
de nous avoir appris à sortir des anciennes postures
qu'on peut nommer paternalistes, de la gauche, disons-le,
et je pense que ce vent-là s'est insufflé à la fois
chez ces gens qui se sont mobilisés
aujourd'hui, qui ont participé
au mouvement pour Gaza, pour les retraites,
pour les gilets jaunes. au mouvement
autour d'Assa Traoré, autour d'Amal. Toutes ces mobilisations-là, les gens se sont politisés
à l'intérieur. Ce qui manquait, c'était un cadre,
un cadre d'organisation, qui, en plus, n'est pas coincé dans ce qui coince
les partis aujourd'hui, c'est-à-dire
leur compétition permanente et qui n'ont pas d'autre intérêt
que de gagner ce pays, de refaire société. C'est pour ça que les gens,
facilement, que ce soit localement à Marseille
ou pour vous avec Circos Pivots, massivement,
sont allés vers l'extérieur. Ils n'avaient pas de bastions
à construire, de petits intérêts particuliers.
Ils sont allés avec cette posture d'humilité-là,
cet apprentissage-là que les mouvements sociaux
nous ont donné pour aller refaire société,
je crois. Je ne sais pas comment vous voulez
réagir à ça, mais il y a cette idée,
souvent, qu'on lit, justement cette idée de bulle, mais aussi qu'on voit
et qu'on entend, d'électeurs qui se disent :
« La gauche, non merci, on a essayé
et surtout, vous êtes un peu méprisants, en réalité. »
Il y a cette image-là, quand même, qui est aussi due à plein de choses,
mais peut-être aussi à un côté : « Nous avons raison,
les autres, ils ont tort. » Comment vous voyez ça ? Alors moi, c'est vrai que j'ai vu
vraiment des gens, comme tu le disais, très formés,
c'est-à-dire que les militantes et les militants
qui sont arrivés dans cette campagne sont des gens qui se sont construits
ces dernières années dans les luttes citoyennes,
féministes, antiracistes, contre les violences policières,
écologiques, etc. Ça, c'était très important et en même temps,
c'était des gens comme tout le monde,
en fait. Quand ils frappaient aux portes,
ils n'arrivaient pas avec l'intégralité du programme
du Nouveau Front populaire, que d'ailleurs pas grand-monde
n'a lu en entier, parce qu'il est sorti
quand même très vite. Ils arrivaient
avec juste leurs tripes, ce qui faisait qu'ils avaient,
eux, envie de faire campagne et donc, ils rentraient
dans une discussion d'égal à égal. L'autre élément que j'ai trouvé
très fort dans cette campagne, en tout cas, moi,
ça m'a permis de tenir, c'est que le militantisme,
ça crée de la joie. Je trouve qu'en France,
on a un petit sujet du rapport à la joie,
c'est-à-dire qu'on a l'impression que la joie, c'est pas bien,
c'est pas politique, c'est pas sérieux.
Moi, je pense que la joie, c'est fondamental
dans l'engagement militant et ça nous a permis de tenir
pendant ces 3-4 semaines. Franchement, c'était dur.
On imaginait qu'on allait avoir un Premier ministre
d'extrême droite. C'était hyper violent,
et puis il y a eu des violences racistes
hyper importantes, donc c'est dur et le fait d'avoir de la joie,
de la capacité de prendre en main sa vie,
d'agir, c'est déterminant. Cette joie, je pense
qu'il faut qu'on la garde. - Amal Bentounsi ?
- Pour ma part, dans la circo de Seine-et-Marne, c'est vrai que moi,
mon objectif premier, c'était d'aller chercher
la voix des abstentionnistes. Il faut savoir que Meaux,
c'est 55 000 habitants. La ville de Meaux,
c'est 55 000 habitants. Le quartier de Beauval,
Henri Dunant, c'est 25 000 habitants. Sur 9700 voix que j'ai obtenues, restent encore des personnes
qui ne sont pas inscrites, qui ne votent pas. Mon objectif, c'est d'aller chercher
la voix des sans-voix, de ceux qui n'y croient plus,
en fait, en la politique, qui se disent
que ça ne sert à rien. Quelque part, ma candidature
a suscité un élan, un sursis, un sursaut d'espoir. Ça, ça a été révélateur. Il y a des gens qui m'ont dit
qu'ils n'avaient jamais voté et qui votaient parce qu'en fait
ils se reconnaissaient à travers, donc c'est aussi la question
de la représentativité à se poser. Les candidats qu'on recrute aussi. On voit
que la nouvelle Assemblée nationale, elle est pas paritaire du tout, elle est assez monochrome et que les choses
ont même reculé, sur la parité, par rapport
à d'autres Assemblées et en termes de classes sociales
aussi, d'ailleurs. Et de représenter la diversité,
ça, ça a été un sursaut et vraiment, ça a été
la candidature de l'espoir. C'est comme ça
qu'ils me l'ont formulé, et je suis bien contente d'avoir réussi
à avoir suscité autant d'espoir. Et vraiment, les militants
qui sont arrivés, comme dit
monsieur Jean-François Copé, parce que c'est ce qu'il a
utilisé comme termes, « une horde de cars
est venue sur la ville... » C'était Athénaïs et ses amis ! Voilà, alors que c'est
complètement faux, parce qu'ils sont venus en train. Voilà, ils sont écolos, quand même. Vous continuez à vous engager. Merci beaucoup
à tous les trois. Athénaïs,
juste pour vous contacter, pour contacter
soit les Convois de la Victoire, soit Circos Pivots,
j'imagine, pareil, Instagram. Ouais, on a eu beaucoup
de personnes qui nous ont demandé comment on fait,
qu'est-ce que c'est la suite. On est en train de réfléchir.
Là, on a agi dans l'urgence. Il faut faire un travail de fond
sur ces circonscriptions. Exactement.
On réfléchit à comment on fait, est-ce qu'on devient
le Tinder de l'engagement où on met en relation
des personnes qui veulent s'engager et des gens
qui ont besoin de militants ? On est en train de réfléchir
et on reviendra vite - pour de nouvelles informations.
- On veut bien à Meaux. Voilà, le message est passé. Merci à tous les trois.
Caroline, vous restez avec moi pendant que nos trois autres
invités vont arriver. J'ai une question pour vous, parce qu'on a vu
Sophie Binet tout à l'heure. Dans le lien de sa discussion
de tout à l'heure, il y a ces négociations
du gouvernement qui traînent au niveau du NFP et de l'autre côté,
la droite qui dit : « Il ne faut certainement pas
un gouvernement du NFP » et Emmanuel Macron qui semble
dans cette optique aussi. Qu'est-ce que vous avez envie
de dire, ce soir, vous qui avez mobilisé
avec beaucoup d'autres sur cet instant,
à ces gens qui, pour certains, ne veulent pas
d'un gouvernement NFP et d'autres qui sont vraiment
en train de discuter - et ça prend du temps ?
- Je suis hyper inquiète en fait, parce que j'ai l'impression
qu'Emmanuel Macron ne se rend pas compte
de ce qu'il est en train de faire et de l'impact
que ça pourrait avoir de piétiner, comme ça, le vote. On a mené une campagne inédite.
On s'est engagés comme jamais. Franchement... Enfin... Mes gosses se sont pas lavés
pendant une semaine, parce que je vérifiais pas
s'ils se lavaient, tellement on était à fond
dans la campagne. Enfin, on était à fond.
Il y a des gens qui ne mangeaient pas,
ne dormaient pas. On a tout donné
pour faire gagner la gauche, pour qu'elle arrive en tête.
Elle n'a pas complètement gagné, mais elle est arrivée en tête,
notamment grâce à nous. Si elle n'est pas foutue
de se mettre d'accord cette nuit, on va avoir un problème.
Il faut changer de gauche. Je sais pas quoi faire.
C'est pas possible. Emmanuel Macron prend
un risque majeur de fracasser la démocratie
en piétinant notre vote. C'est très dangereux pour la suite. Et la gauche...
Franchement, on se concentre, là. On a une nuit
pour se mettre d'accord. Vous nous trouvez
un chef du gouvernement. - Vous vous démerdez.
- C'est là, maintenant ? Il faut qu'ils se bougent.
Il faut qu'ils se décident. Donc, sérieusement, on n'a pas fait tout ce taf
pendant quatre semaines pour que vous continuiez
à vous embrouiller. - Ça, c'est pas possible.
- Le message est clair, d'autant plus venant
de quelqu'un qui a mobilisé, justement, comme vous tous, plutôt hors des partis.
C'était une aide extérieure aux partis.
Maintenant, c'est à eux de trouver les solutions.
Nous ont rejoints, sur ce plateau, Comment les primo militants se sont-ils organisés ? trois nouveaux invités.
Geoffrey Mariany, bonsoir. Vous êtes membre
de Victoires Populaires. Vous avez travaillé, vous, sur les procurations.
C'était votre premier vrai engagement
dans une campagne, même si vous êtes plutôt proche
des écologistes. En tout cas, dans une campagne,
c'était la première fois. Elvire Duvelle-Charles,
votre mobilisation à vous, c'était au téléphone, notamment et d'abord,
d'ailleurs, auprès de vos amis,
auprès des proches. C'est intéressant.
Je pense que beaucoup de gens se reconnaîtront
dans votre témoignage. On a tous envoyé
des messages WhatsApp à nos amis et à notre famille.
Aude Nyadanu, bonsoir. Vous avez organisé une énorme,
énorme, énorme campagne de flyers. Des centaines de milliers de flyers
ont été distribués partout en France.
Vous les avez là. Vous allez nous les montrer.
Ils disaient, d'un côté... Vous pouvez nous les montrer,
nous dire... Voilà. « Qui vote quoi ? » On les a vus beaucoup
sur les réseaux sociaux. - Vous les avez distribués.
- Exactement. D'un côté, on a « Qui vote quoi ? »,
sur les dernières propositions de loi passées
à l'Assemblée nationale, pour avoir vraiment la réalité
des différents partis, quelles positions ils ont prises
dans les mois qui précédaient les élections. « L'extrême droite au gouvernement,
ça donne quoi ? » On a beaucoup entendu : « On n'a jamais essayé
l'extrême droite. » D'autres pays ont essayé.
Qu'est-ce que ça donne ? Voilà. C'était vraiment aussi
des informations factuelles sur ces deux questions-là. Il y a eu 300 lieux en France
où ils ont été distribués en trois semaines,
si je ne me trompe pas. Oui, 300 diffusions de flyers
ont été organisées. Des gens se sont mis ensemble
et ont décidé de se donner rendez-vous
dans un certain lieu, à une certaine heure,
et, ensemble, d'aller diffuser ces flyers. On avait, nous,
mis en place une plateforme qui permettait vraiment
de rendre ça très simple, puisque les gens n'avaient
qu'à cliquer sur une carte interactive, regarder près de chez eux
si une diffusion était organisée et la rejoindre,
ou créer eux-mêmes une diffusion. C'était hyper simple.
Il fallait remplir trois cases et créer un groupe WhatsApp.
En fait, on avait aussi un espace où on les aidait,
où on avait des tutoriels. On a vraiment abaissé très bas la première marche à franchir
pour pouvoir le faire. Donc 300 groupes se sont,
comme ça, constitués et ont organisé des diffusions
un peu partout - pendant cette campagne.
- L'idée, c'est pas juste de dire : « Votez contre l'extrême droite.
Votez Nouveau Front populaire. » C'est faire aussi
de l'éducation populaire, donner des arguments factuels,
en l'occurrence. Exactement. Personnellement,
c'est la première fois que je participe
à une campagne électorale. J'ai, à vrai dire, un peu peur
de la politique politicienne. Je ne serais jamais allée toquer
à la porte d'un parti. J'aurais jamais fait ça.
Quand j'ai vu que c'était une initiative
de la société civile qui était lancée
par Caroline De Haas et Camille Étienne,
je me suis dit : « Là, ça me parle.
Là, je me sens, effectivement,
d'aller informer les gens avec des faits. »
Je me serais pas sentie d'aller montrer un flyer
avec la tête d'une personne que je ne connais pas,
un candidat pour être député. Déjà, il y avait cet élément. On vient pour vous informer.
Là, je me sentais déjà plus à l'aise.
Et puis, aussi, il y a eu un gros effort qui a été fait, de la part de pas mal de personnes
qui sont passées sur ce plateau, pour nous légitimer,
nous, les primo-militants. « OK, vous ne connaissez pas
par cœur les programmes, vous n'avez jamais fait ça,
mais vous pouvez y aller. » Je me suis retrouvée à organiser
une diffusion de flyers pour la première fois
un dimanche soir. J'ai rencontré des personnes
qui s'étaient mises sur mon groupe WhatsApp,
que je ne connaissais pas. Je leur ai dit :
« Alors, j'ai jamais fait ça, mais j'ai regardé la vidéo
de Lumir Lapray. Apparemment,
il faut qu'on aille voir les gens. On leur tend le flyer. On leur demande
ce qu'ils font dimanche. Selon ce qu'ils répondent,
on parle de nous. Je connais pas tout le programme,
mais c'est pas grave, on y va. » Voilà.
Donc il y a vraiment eu ce... Ce déblocage-là. « Oh, bah c'est accessible.
Je suis légitime. » En fait, ça a permis aussi, pour moi, personnellement,
et pas mal de gens, de canaliser complètement
toute la colère face à la situation, toute l'angoisse aussi :
« Mais c'est la catastrophe... » Il y a vraiment ce côté
où on transforme l'angoisse et la colère
en joie militante. On se rassemble.
On est heureux d'être là. Je repartais des diff' de flyers
avec le sourire jusque-là, - malgré la situation.
- Elvire Duvelle-Charles, c'est ça, probablement.
On découvre les uns les autres qu'on a du pouvoir.
On pense toujours qu'on n'en a pas, que c'est très compliqué.
C'est ce que disait Caroline. On découvre qu'on en a,
qu'on peut agir. On découvre qu'on peut agir.
Ce qui était intéressant dans la campagne de Caroline,
c'est que, en effet, on a vu plein de personnes
militer pour la première fois. C'est assez... Alors, c'est enrichissant
pour les militantes de... Toi, tu es encore
plus vieille militante que moi. Tu allais dire « de longue date ». Pour les personnes qui militent
depuis plus de 10 ans, comme Caroline et moi,
c'est toujours... Comment dire ?
C'est toujours... Ça fait des...
Ça donne des forces, en fait, d'avoir le relais.
Surtout, j'ai l'impression qu'il y a eu un manque
de transmission de savoir militant, d'une part, mais, aussi, peut-être
qu'on a un peu trop eu des réflexions politiques
basées sur... le fait de voter pour...
Enfin, partisanes. C'est-à-dire
« telle candidate, tel candidat », sans donner vraiment
des outils pédagogiques. Vous parliez d'éducation populaire.
Elle est très importante, cette éducation.
On a brandi le racisme et le fascisme
comme étant la menace numéro 1 que représentait l'extrême droite, mais on a très peu d'éducation
sur les questions racistes. C'est des questions qu'on a brandies
comme un épouvantail, mais personne ne s'intéresse à ça.
Quasiment aucun média, de la télé à...
Au 20 heures, ces deux dernières semaines,
on n'a pas entendu parler des deux gamins
qui ont failli être noyés... Des deux gamins d'origine arabe
qui ont failli être noyés par des quinquagénaires, etc. On comprend peu
les questions racistes, donc, forcément, puisqu'on est une génération...
Nous sommes des générations qui vivent beaucoup
sur les réseaux sociaux. On a tendance à ne pas forcément
vérifier les informations. Il y a des informations
qui sont vérifiables en deux secondes, du type : « On peut faire des économies
sur l'immigration. » Non. Il y a un rapport
de l'OCDE qui dit qu'on ne fait pas d'économies
sur l'immigration. Elle ne coûte rien.
Elle rapporte presque un peu. Du coup, je pense
qu'il y a un vrai travail à faire pour donner des outils pédagogiques
d'éducation populaire pour se faire son propre avis. L'idée, c'est pas de convaincre
d'aller voter pour un candidat ou pour un autre,
mais d'avoir les outils de compréhension
et de regard critique sur les programmes des candidats. Geoffrey, vous,
c'était la procuration. Dit comme ça,
c'est pas le truc le plus sexy, mais c'était super important,
puisque période de vacances. Par ailleurs,
plein de gens voulaient voter. C'était pas forcément simple. Il y a eu plus de 3,5 millions
de procurations sur les deux tours, je crois. Racontez-nous un petit peu.
Travail ingrat, j'imagine, mais nécessaire. Travail ingrat, oui,
parce que beaucoup de temps et de bénévoles investis
pour, au final, un chiffre de procurations
qu'on a traitées pour le Nouveau Front populaire
qui, au regard des 3,5 millions dont vous parliez à l'instant,
était plus faible. - Quelques dizaines de milliers.
- 35 000 mises en relation, mais ça a été des mises en relation
pour des personnes qui n'avaient pas
de solution simple et qui se sont retrouvées
dans des situations très anxiogènes, au soir du 9 juin,
de ne pas pouvoir voter, de voir l'extrême droite
aux portes du pouvoir et de ne pas pouvoir de se retourner
vers quelqu'un de la famille ou des proches
qui pouvaient voter pour elles. Ouais, ça a été
un petit travail de fourmi de trouver,
pour ces 35 000 personnes, quelqu'un pour voter pour elles,
proches d'elles géographiquement,
qu'elles ne connaissaient pas. On a été 200 personnes
à travailler sur le sujet - et ça a été une belle réussite.
- Oui. Qu'est-ce qui, pour vous... Est-ce que,
la réussite de tout ça, même si ça aurait pu être plus,
on aurait pu avoir plus de temps... C'est ce que vous avez dit,
Caroline. Est-ce que, pour vous...
C'est quoi, le secret ? Qu'est-ce que les partis doivent
apprendre de tout ça ? Qu'est-ce que les gens
qui nous regardent peuvent apprendre de tout ça,
d'une certaine façon, pour peut-être le faire aussi ?
On a parlé de la joie, tout à l'heure. Est-ce que c'est, finalement, qu'il faut varier
l'action de terrain ? Aussi de l'éducation populaire
sur les réseaux sociaux. En fait, on ne fait plus
des campagnes comme avant, mais on ne fait pas non plus
que des campagnes sur TikTok, qui sont juste de la com, comme le fait le RN.
C'est quoi, les enseignements, - pour vous, de tout ça ?
- Pour moi, un des enseignements, c'est ce qui a été dit un peu ici. C'est-à-dire que
c'est une des dernières chances. On a été cherché
et on a mobilisé des personnes qui avaient perdu foi
en la politique, qui ont arrêté de voter
ou qui n'ont jamais voté. Vous avez vu beaucoup,
beaucoup de cas. On l'a senti
quand on a appelé les gens, quand on a fait le marché, quand on a été chercher
nos cousins, nos cousines. On a eu ces discussions.
Moi-même, je les comprends. À chaque élection, je me dis que
c'est la dernière fois que je vote. Du coup, je pense que, là,
ce qui peut être un peu rageant... On a quand même eu
des années très dures. Je pense à l'affaire Nahel,
l'été dernier. En fait, on a l'impression que
les colères ne sont pas entendues et que, cette fois-ci, on nous dit :
« Ta voix compte. Cette fois-ci, chaque voix compte.
Ta voix compte. « Ta voix va compter. »
On mobilise un électorat avec des arguments
pour le séduire et, 48 heures plus tard,
plus personne n'en parle. C'est ça, en fait, qui est rageant. Quand on arrive à faire un travail tel que le travail
qui a été fait collectivement, ces trois dernières semaines,
de mobiliser, de donner de l'espoir,
d'apporter de la joie et de montrer qu'on peut le faire, si on s'arrête...
Si, au final, c'est les politiques, les hommes et les femmes politiques
qui nous déçoivent, - on ne peut plus rien pour eux.
- C'est en train de se passer ? Ça se passe depuis toujours
et c'est en train de se passer. Le maître mot,
c'est de dire qu'on n'a pas besoin de les attendre
pour continuer à se mobiliser et pour imposer
notre agenda politique, imposer notre programme. On ne peut pas se permettre
de relâcher la pression, parce que, à l'évidence,
ils ne font pas le travail. Ça ne peut pas juste dépendre
de Jean-Luc Mélenchon, - Olivier Faure, Marine Tondelier...
- Non. Je vais être peut-être
un peu déprimante, mais il y a des enjeux d'ego
et de carrière qui vont bien au-delà
de l'intérêt général du peuple. Il y a des calculs.
Il y a une méconnaissance du terrain de la part de certains
et certaines candidates, tous bords confondus. En fait, c'est tout à fait normal,
étant donné l'agenda d'un député ou d'une députée,
mais, par ailleurs, il faut que, nous, société civile,
on arrive à faire remonter à la fois
nos problématiques et des solutions concrètes
qu'on a pensées, venant d'expériences empiriques - et pas juste théoriques.
- Je pense que c'est important de se rendre compte
de l'impact qu'on a avec peu de personnes.
Ça demande du temps. Bien sûr, ça prend du temps.
C'est du temps libre. En termes de coût, c'est rien, si ce n'est une volonté
de s'engager. Sur les procurations,
on était 200 personnes. On a aidé plus de 35 000 personnes.
Au niveau de Victoires Populaires, au global,
plus de 1 000 bénévoles ont appelé 270 000 personnes
pour les sensibiliser sur l'importance de l'élection,
leur rappeler d'aller voter, de porter une procuration.
En fait, il faut vraiment voir qu'on est
les meilleurs ambassadeurs. Les gens qui sont acteurs
de ce militantisme, on est les meilleurs ambassadeurs
pour convaincre d'autres gens. Plus on va parler à d'autres gens, plus on va convaincre nos amis
de s'engager, plus on a de chances de toucher
un grand nombre de personnes et d'avoir
un vrai mouvement de fond. Ouais, et puis, moi...
Après Aude. Vas-y, Aude. Je rebondis sur ce que tu as dit.
On n'a pas beaucoup de temps. Une des clés,
ça a été de proposer des actions qui pouvaient se faire
en très peu de temps. Vous pouvez y passer cinq minutes.
Vous pouvez y passer une heure. Vous pouvez y passer une journée. Tout ça, c'est valable
et c'est important. Là aussi, ça a abaissé la barrière
de se dire : « Je vais juste faire une diff',
une fois, pendant une heure. C'est pas grave si j'ai pas le temps
de faire autre chose. » Ça permet de passer le pas. Je trouve aussi qu'il y a eu
une autre chose importante, dans la communauté
pour la diffusion des flyers, qui était la bienveillance.
On se sentait à l'aise. On se sentait en sécurité
dans cet espace. Je parle au passé,
mais je vais aussi parler au futur,
parce qu'on va continuer à travailler
sur les sujets d'information, d'éducation populaire...
Sur l'information. On a fait des flyers qui informent. Il faut continuer à informer
les gens dans la rue, si les médias traditionnels
ne veulent pas le faire. Ça ne se passera pas juste
sur les réseaux sociaux. C'est dans la rue aussi. Sur les réseaux sociaux,
on est chacun dans sa bulle. C'est largement insuffisant. Les personnes
qu'on a été voir dans la rue n'avaient pas du tout
les mêmes informations que nous, donc c'était hyper important
qu'on puisse amener l'information jusqu'à eux.
Moi, je travaille dans la santé. On parle de « l'aller vers ».
On va prendre la santé et elle va aller vers les gens
dans le domaine de la santé. Là, il faut qu'on fasse
de « l'aller vers » informationnel. Je pense qu'il y a vraiment
un impact très fort aussi sur ce sujet-là. C'est important qu'on garde
ces espaces bienveillants, où tout le monde se sent légitime,
où tout le monde se sent accueilli et où chacun peut trouver sa place,
même s'il a peu de temps, même s'il a peu de connaissances
sur certains sujets. Mot de la fin, Caroline De Haas. Je voudrais revenir sur les partis. Moi, j'ai senti parfois,
dans la campagne, qu'ils n'étaient pas toujours
très, très contents qu'on arrive en masse.
Parfois, ils étaient un peu surpris. J'ai reçu des messages.
« Vous auriez pu nous prévenir ! 300 personnes sont arrivées
sur la boucle. On n'était pas prêts. »
J'étais là : « Sorry. Désolée. » Et puis, des fois, ils n'avaient pas
trop envie qu'on arrive. Qu'est-ce que ça montre ? Ça montre que
la société civile politique, quand elle s'organise,
peut établir un rapport de force. Je ne pense pas
que les partis politiques et les institutions vont
changer gentiment. Ça ne va pas se passer gentiment. Alors, je ne dis pas que
ça va se passer violemment, mais ça va se passer
avec une confrontation, avec du rapport de force. Plus on sera nombreuses
et nombreux, plus on aura du rapport de force. Aujourd'hui,
au lendemain de l'élection, au lendemain du second tour,
il y a 10 000 personnes qui nous ont rejoints sur la carte
pour continuer l'aventure ensemble. Si on est 100 000 ou 200 000,
ça change un peu la donne dans notre capacité
à imposer aux partis politiques de s'intéresser aux sujets qui nous concernent
et qui nous intéressent, de ne pas faire l'impasse,
hors période électorale, sur les questions de racisme,
par exemple, et de présenter des candidates
et des candidats qui ressemblent à la société. Merci beaucoup à toutes et tous
d'être passés par ce plateau. On va approfondir cette question :
comment continuer ce travail ? Sur quoi vous n'allez pas
lâcher la gauche, qu'elle soit au gouvernement ou pas
dans quelques jours ? Parce que, derrière, ce sont d'autres élections
à très haut danger, dans un contexte
où la gauche a souvent déçu. Voilà.
C'est le manège des invités. Encore de nouveaux invités.
Je vous les présente, pendant qu'ils s'assoient.
Elle s'assoit, Camille Marguin. « On se mobilise pour nous, pas pour vous » : les quartiers populaires, les minorités ne sont pas des cartes électorales uniquement au moment des élections pour sauver la France. Vous êtes responsable
des opérations de mobilisation au sein de Victoires Populaires. On en a parlé avec Geoffrey. - Féris Barkat, bonsoir.
- Bonsoir. Cofondateur de Banlieues Climat,
vous avez mobilisé à fond à Strasbourg,
ces dernières semaines. Blanche Sabbah, bonsoir.
Vous êtes autrice de BD, activiste féministe. Votre mobilisation est passée,
pas seulement, mais beaucoup
par les réseaux sociaux. Émilie Serpossian, bonsoir. Activiste féministe,
vous avez mobilisé à la campagne, près de Nantes, la campagne
où le RN rafle souvent la mise, et vous ne vous y résignez pas
avec beaucoup d'autres gens. Camille Marguin, on a parlé un peu
de Victoires Populaires. Il a parlé, Geoffrey,
de beaucoup, beaucoup d'actions, donc je propose
qu'on n'y revienne pas vraiment, mais le cœur,
c'était vraiment, pour vous, le vote, en fait. La question du vote est
quand même assez centrale. On a découvert, tous,
y compris dans nos entourages - j'imagine que, dans les campagnes,
on le découvrait vraiment - que, les gens, des fois,
ils ne votent pas, parce qu'ils sont déçus,
parce qu'ils sont en colère contre les partis,
contre les politiques, mais aussi parce que
l'information sur le vote - est très mauvaise en France.
- Tout à fait. Nous, notre cœur d'action,
c'est de réunir les orphelins de la gauche.
Le vote, c'est une partie. Je vais en parler. Victoires Populaires,
c'est un mouvement citoyen qui a pour objectif
de mettre en action les gens qui veulent voir arriver
des idées de justice sociale et d'écologie au pouvoir.
Du coup, on est un trait d'union entre la société civile
et la politique. Un des enjeux, en effet, de notre travail,
c'est cette question autour des procurations,
comme le disait Geoffrey, et autour, plus généralement,
de l'information autour des élections.
On a beaucoup travaillé sur la question de la lutte contre
la mal-inscription électorale. C'est un sujet assez peu connu.
Là, on l'a re... Nous, on avait agi là-dessus
en 2022. Là, on a redécouvert,
pendant la campagne sur le terrain, des gens qui nous disent : « Là, j'ai peur.
Comment je vote ? » « Comment ça ? Vous ne savez pas
où est votre bureau de vote ? » « Non, je ne sais pas. »
OK. Premier frein. Concrètement, sur le terrain, ça veut dire ouvrir son téléphone
et aller vérifier le bureau de vote des personnes. Beaucoup de personnes ne savent
pas où elles sont inscrites ou ne sont plus inscrites
sur les listes électorales. Il y a 7,8 millions de personnes
qui sont inscrites dans le mauvais bureau de vote. - On appelle ça la mal-inscription.
- 8 millions de personnes ? 8 millions de personnes
qui sont inscrites dans un autre bureau de vote
que celui où ils vivent, et c'est 40 % des moins de 25 ans. Aujourd'hui, quand on nous dit :
« Les jeunes ne votent pas... » Par erreur de l'administration
ou parce qu'ils n'ont pas... Ils ont déménagé.
Quand on déménage, c'est une procédure.
Il faut soi-même aller - déclarer son déménagement.
-En mairie. C'est bon à savoir. On peut le faire en ligne.
Il n'y a pas besoin de se déplacer. Vous allez sur Internet.
Vous mettez votre justificatif de domicile,
votre carte d'identité, une attestation
si vous êtes hébergé ou en coloc, et c'est fini.
Ça prend cinq minutes. En fait, plein de gens ont réalisé,
le jour ou la veille du vote, une semaine avant,
qu'ils étaient mal inscrits. Ce qui s'est passé
et ce qui est dramatique et scandaleux,
c'est qu'il y a eu un décret d'Emmanuel Macron
le dimanche soir. Il a annoncé la dissolution
et, à minuit, on ne pouvait s'inscrire
sur les listes électorales, ni changer son adresse
de bureau de vote. Cette campagne a été carjackée.
Elle a été... On nous a volé la campagne
pour 8 millions d'électeurs mal inscrits, plus... 3 millions
qui ne sont même pas inscrits. Ça fait 10 millions de personnes
sur 48 millions dans le corps électoral.
C'est énorme. C'est énorme. J'arrête avec mes chiffres,
mais il y a quand même, parmi les mal-inscrits,
40 % des moins de 25 ans, 30 % des moins de 35 ans, donc l'abstention des jeunes
s'explique en partie, grandement, par ça.
Plein de sociologues l'ont démontré. Ça divise par trois
les chances de se déplacer pour aller voter.
C'est un frein administratif énorme. Il y avait ce premier point.
Le deuxième qu'on nous a beaucoup demandé,
qui est une non-information sur la question
du droit électoral, c'est : « Est-ce que la carte électorale
est obligatoire ? » On a fait énormément d'actions
dans les quartiers populaires, auprès des jeunes,
parce que ce sont deux populations qui s'abstiennent beaucoup, deux groupes sociaux - pardon -
qui s'abstiennent beaucoup. Ils nous disent :
« Je ne savais pas qu'il ne fallait pas
la carte électorale. Je l'ai perdue.
On me l'a pas envoyée. » En fait, il n'y a pas besoin
de sa carte électorale pour aller voter.
Ça, on l'a répété tous les jours sur le terrain.
Vraiment, c'était presque - dramatique.
- J'imagine que, du coup, rapidement, la suite pour vous,
c'est de dire : « Là, il faut urgemment,
dans cette période, faciliter les choses,
faciliter l'information pour des millions de gens. » D'ailleurs, relancer peut-être
ces processus d'inscription, - inscrire les gens au bon endroit.
- Tout à fait. Déjà, il faut, en effet,
faire de l'éducation populaire, expliquer aux gens
comment s'inscrire, les accompagner.
J'ai mené une expérimentation, l'année dernière, en décembre. On a tapé à 800 portes
dans les quartiers populaires, - là où j'habite.
- L'État ne le fait pas, ça. L'État ne fait pas
et les mairies ne le font pas. En fait, c'est la responsabilité
de personne. C'est le ministère de l'Intérieur
qui est censé gérer ça. En fait, c'est un peu
un vide juridique. Les mairies peuvent être
accusées de faire ça pour remporter la mairie.
Vous voyez ? - Personne ne le fait ?
- Donc, personne ne le fait. Si les collectifs citoyens
ne s'emparent pas du sujet... Donc, y a Victoires Populaires,
y a l'ONG A Voté, il y a des gens qui le font,
mais c'est un vrai sujet. En fait, il faut élargir
le corps électoral. Statistiquement,
quand on regarde les sondages, les Français ont envie
de justice sociale, ils ont envie d'écologie, mais beaucoup
ne s'expriment pas dans les urnes et ce n'est pas
que de la colère. C'est parfois
des freins administratifs. Oui, puis les sites en question
sont quand même rédigés dans une langue très administrative
qui n'aide pas à comprendre. Oui, il faut se connecter
avec FranceConnect : il faut de l'accompagnement
mais c'est légal d'accompagner les citoyens
à faire cette démarche et les mairies peuvent le faire.
Vous pouvez les renvoyer vers leur mairie.
C'est important. Féris Barkat, vous avez mobilisé
à Strasbourg et votre message, au début de la campagne,
il y a une vidéo qui a tourné, c'était « on se mobilise pour nous,
pas pour vous » parce que vous disiez : « On n'est pas
des cartes électorales » on ne va pas
nous chercher comme ça au moment des élections
pour sauver la France, alors que le reste du temps, la France,
elle ne nous sauve pas vraiment. Exactement,
je pense que c'était un message qu'il fallait absolument
qu'on fasse passer, mais ce qui m'a un peu désolé
là-dedans, c'est qu'on était dans une forme
de réaction permanente. On parlait de mobilisation,
mais nous, on était en réaction,
en réaction aux débats, aux actions qui n'étaient pas en accord
avec ce qu'on voulait porter. On se retrouve
dans un moment où, forcément, on est en réaction au RN.
Bardella, il fait un discours : « les binationaux,
les étrangers, machin. » Bien sûr, on va venir,
on va faire une projection sur l'Assemblée nationale,
on va projeter des chibanis, des tirailleurs,
on va faire une action pour répondre au RN.
Ça, c'est normal, vis-à-vis d'eux.
Ce qui était moins normal, c'est qu'on soit en réaction
vis-à-vis de nos propres alliés. C'est-à-dire qu'il y avait
des gens avec qui on était censés mener la lutte
qui viennent dire : « Ce serait bien
que vous alliez voter. » Ils nous prenaient
pour des cons : « Vous savez que si le RN passe,
il va se passer ça. » Oui, on sait.
Le racisme, on le vit tout le temps. Juste,
vous allez le vivre avec nous. C'est le paternalisme
dont parlait Kevin. C'est ça,
un peu une logique néocoloniale : « Vous êtes au courant ? »
Oui, c'est pour ça qu'on vote pas. Donc il y avait ce truc.
À la base, on est venus dire : « Vous parlez de vote mais
sans parler de misère sociale. » Ça marche pas. C'est pour ça
qu'on a fait une vidéo, on est venus
sur le terrain faire des trucs pour essayer de dire : on va mobiliser les jeunes sur le terrain
en parlant de politisation et pas dans une forme
de paternalisme en leur disant d'aller voter.
Ça marche pas comme ça. Et donc, ce discours-là,
on a essayé de l'avoir. C'était désolant de se dire
qu'on doit être en réaction vis-à-vis de nos propres alliés.
Il y a un autre exemple, c'est sur la mobilisation même
des réseaux sociaux. On avait des Blancs
qui, avec une manière de Blancs, parlaient à d'autres Blancs
qui avaient déjà prévu de voter : « C'est trop bien,
on est allés appeler à voter. » Mais frérot,
tu as appelé à voter des gens qui étaient déjà convaincus,
c'est pas... C'est les bulles dont on parlait.
Ça tourne en rond. C'est ça. On est dans une situation
où on était en train de délirer. On se disait : « À quel moment
on voit les premiers concernés ? » Et, bien sûr,
on peut s'enorgueillir d'avoir fait telle ou telle campagne,
mais la finalité reste le terrain. Les réseaux sociaux,
c'est un nouvel outil, mais parler aux gens,
ça remplacera jamais rien du tout. Et donc,
on s'est retrouvés à aller... Tu en parlais, il y a un groupe
qui est parti en Allemagne et qui a rencontré Billel,
qui est un jeune qui a vécu les attentats de 2020
à Hanau, en Allemagne, sur un militant d'extrême droite
qui est venu et qui a fusillé
huit personnes devant lui. Et donc, il y a ses potes
qui sont littéralement morts. On s'est dit, au bout d'un moment,
il faut qu'on visibilise ces récits un maximum, parce que
c'est les premiers concernés. On est tous dans la même merde
avec le RN, mais certains plus que d'autres. On peut pas faire comme si
ça faisait 20 ans qu'ils avaient pas un discours,
un discours, un discours. Pour essayer de le contrer,
on essaie de mobiliser au mieux avec un collectif de jeunes
sur Strasbourg. Blanche Sabbah,
vous vous êtes beaucoup exprimée sur l'antiracisme
dans cette campagne. Sur les antiracismes,
en réalité, puisque, sur ce plateau y compris,
vous avez pris la parole en tant que femme juive
qui soutient le NFP. Vous disiez :
« Il y a beaucoup d'efforts à faire à gauche pour penser
l'antisémitisme, mais pour penser ensemble
la lutte contre tous les racismes. » Quel écho ça fait,
ce que dit Féris sur le fait d'entendre les voix
des premiers concernés ? On parlait des partis,
tout à l'heure, qui sont très, très loin
de tout ça. Vous, qu'est-ce que vous avez tiré
comme enseignement de cette campagne ? Moi, je rejoins complètement
ce que vient de dire Féris. Je trouve que les premiers concernés
n'ont pas beaucoup été entendus dans cette campagne,
alors qu'on n'a fait que parler d'antisémitisme. « On parle tout le temps
de nous, mais... » Voilà, c'est ma petite BD,
je reviens là-dessus. C'est-à-dire que l'extrême droite,
la gauche, mais même le président, le parti macroniste, etc, tournaient
en boucle sur l'antisémitisme. Tout le monde en parlait,
personne ne parlait aux juifs, et surtout, il y avait donc
une instrumentalisation. Ça, il faut absolument
le dénoncer. Que le RN instrumentalise
la lutte contre l'antisémitisme, se revendique comme
des défenseurs des juifs, c'est une aberration totale.
On parle d'un parti qui a été cofondé par des collabos
et des Waffen SS. Dans le registre de l'absurde, on est quand même vraiment
très, très haut. Et on a vu
que beaucoup des candidats, on l'a vu dans le deuxième tour,
notamment grâce à Mediapart, mais d'autres médias aussi,
que beaucoup de candidats... - Étaient néonazis !
- ...homophobes, antisémites. Tout à fait. Une librairie...
Il a été élu, en plus, ce député-là, qui tenait
une librairie négationniste. Enfin, je veux dire,
c'est vraiment pas... Quand on dit
« Oui, le RN, c'est des nazis », ce n'est pas un euphémisme,
c'est vraiment des gens qui se revendiquent,
qui vont à des réunions néonazies, qui ont des tatouages
de croix gammée. On est sur ce registre-là. Et de l'autre côté,
on avait notre camp politique, comme disait Féris aussi,
qui ne parlait que de l'instrumentalisation,
qui ne parlait pas, du coup, de l'antisémitisme
qui existe, réel, et qui a un impact
sur la vie des juifs et juives. Ils ne faisaient que dénoncer
l'instrumentalisation. Il y avait une instrumentalisation
de l'instrumentalisation, du coup. On passe notre temps à dire
« Non, c'est pas nous, les antisémites, c'est vous »,
chacun se renvoie la balle, mais du coup,
les juifs qui parlent d'eux et le quotidien des juifs,
il est réellement impacté, en fait, par ces discours,
et du coup... Voilà, ça, c'est pour, en gros,
les « fautes » de notre camp politique,
qui en fait se mobilise quand c'est un argument
de campagne, quand c'est un enjeu électoral,
mais qui ne fait pas le travail au quotidien pour parler
aux communautés juives et pour faire des vraies politiques
de sensibilisation, de formation à l'antiracisme, notamment la lutte
contre l'antisémitisme. C'est parce que c'est
un des points faibles de la gauche que la droite et l'extrême droite
se sont engouffrées dedans. Ils ont pas essayé de se prétendre
défenseurs des musulmans, ils ont pas essayé
de se prétendre... Au contraire, toute leur campagne
était sur la xénophobie, leur refus de la binationalité, etc.
Ils se sont dit : « Bon, vas-y, on a été identifiés
sur ce racisme-là, donc on va tout donner.
Par contre, la gauche, elle est pas très solide
sur la lutte contre l'antisémitisme, donc on va y aller à fond,
on va donner tout ce qu'on a. » Et ça a fait beaucoup de mal. Ça a fait beaucoup de mal
à cette campagne et ça a fait beaucoup de mal
à la gauche. Les gens qui ont été
le plus dans l'abnégation, dans le dialogue
et dans, vraiment, « on s'engueulera plus tard »,
c'est les juifs de gauche. Qu'est-ce qu'ils ont pas eu
comme force morale et psychologique,
les juifs de gauche, pour justement dire :
« OK, on va vraiment mettre en sourdine les désaccords
qu'on a avec notre camp politique pour permettre
au moins pire de passer et pour qu'on se retrouve pas
avec des néonazis littéralement au gouvernement
en tant que Premier ministre. » - Et...
- Pardon. Non, enfin juste...
Je voulais dire aussi qu'en fait, il y a une...
Il faut recorréler les discours,
la réalité matérielle et les actes. Et c'est-à-dire qu'en fait,
il ne suffit pas de dire « je condamne
fermement l'antisémitisme » pour que ça ait un effet performatif sur ce qui se passe réellement
dans la vie des juifs et juives. Mais ça, ça vaut aussi
très fortement pour la macronie et pour le fameux barrage
à l'extrême droite. C'est-à-dire qu'en fait,
pendant les sept années de barrage, de vote anti-extrême droite,
l'extrême vote n'a fait qu'augmenter et les crimes antisémites
n'ont fait qu'augmenter. C'est-à-dire qu'en fait,
les droites ne sont pas du tout des protecteurs et des protectrices
de la communauté juive parce qu'en fait, les actes
antisémites ont explosé, mais explosé,
ils ont rarement été aussi hauts. Je lisais juste avant
d'entrer sur le plateau un rapport de la CNCDH.
C'était affligeant. Les juifs, c'est une des plus
petites minorités en France et ils concentrent plus de la moitié
des actes racistes. C'est quand même hallucinant. Et en fait... Désolée,
après, je termine. Non, pas de souci, c'est bien. Et en fait, du coup, dire
« je condamne l'antisémitisme », c'est bien beau,
mais ça n'est pas efficace. Il faut des mesures efficaces pour que la lutte
contre l'antisémitisme ne se résume pas à des discours, ne se résume pas
à des arguments de campagne et ait des conséquences
concrètes sur le terrain, la baisse de l'antisémitisme. Et là, on est
dans une explosion exponentielle. Féris Barkat, ça rejoint
beaucoup de militants, en ce moment,
qui disent justement : « Même si vous arrivez
à former un gouvernement, le Nouveau Front populaire... » On verra dans quelles conditions.
Ce n'est pas gagné, visiblement. « Là, en fait, faites mieux
quand même et rapidement
sur l'antiracisme... » Même seulement uniquement... Et le but, c'est de sauver
la vie des gens et d'améliorer le quotidien
de tout le monde. « Mais même y compris si vous voulez
que la prochaine fois, on vote pour vous, en fait. » Là, ça va être compliqué. Il va falloir expliquer aux gens
à qui on a demandé d'aller voter pourquoi il va rien se passer. Donc, là, bonne chance.
Et en l'occurrence... C'est important de leur dire ça.
Vous pouvez développer ça. Ben oui, je pense que là,
s'il n'y a pas de changement... Parce que c'est
l'Assemblée nationale, c'est des jeux politiques peut-être
qu'on maîtrise pas totalement, mais en vérité,
il ne va pas se passer grand-chose. Et cette mobilisation que nous,
on a faite sur le terrain, elle a une forme de crédibilité
quand on va voir les gens. Quand tu vas voir les gens,
les yeux dans les yeux, que tu leur dis « va voter »
et que le city, trois ans après, il a toujours pas été rénové,
tu perds ta crédibilité. C'est pour ça que les éducateurs
et ceux qui font les intermédiaires avec les quartiers populaires,
ils ont du mal à être embarqués. Tu leur as déjà demandé
il y a trois ans de faire barrage, comme si c'était des castors. Et maintenant,
tu leur redemandes à nouveau. Ils te disent :
« Mais attends, le jeune, il ne va pas voir le politique,
il va venir me voir, moi. Il va me demander
pourquoi je lui ai menti quand j'ai dit
que cette chose allait être faite, que l'ascenseur allait être
réparé, machin. » Donc, il y a une crédibilité
qui est à reconquérir. Et puis, je pense
que le deuxième aspect, c'est l'effacement
dans l'espace public, dans l'espace médiatique. C'est-à-dire que là,
on est à Mediapart. Il faut faire une enquête,
Faites un truc, c'est votre métier. Mais comment ça se fait qu'il y a à ce point
si peu de représentation ? Dimanche soir, BFM Alsace,
ils m'appellent et me disent : « Ce serait bien que t'ailles
en plateau parler des élections. » Je leur dis : « Ça n'a pas de sens.
Votre plateau, c'est sur le vote. Je vais vous envoyer
un jeune, Tourpal, réfugié politique
qui vient de Tchétchénie. Il va venir vous expliquer son parcours à lui,
son histoire à lui. » Si on veut contrer le récit
de l'extrême droite, il faut proposer
un récit alternatif... Qu'on voie les gens concernés. Les gens concernés,
des gens, des réfugiés, ceux qui sont issus d'immigration,
de 1re, 2e, 3e génération, mais qui vont raconter
leurs parcours de vie. Mais vous imaginez même pas
la galère que ça a été juste pour qu'ils acceptent. Donc, là,
j'ai été confronté à me dire : « Comment on va réussir
à changer le récit ? » Parce que, aujourd'hui,
on voit qu'il y a un problème sur la criminalisation
de l'immigration dangereuse, etc. Si on regarde les Italiens,
dans les années 1890, ils étaient criminalisés de fou. On parlait des Italiens, on faisait
des chasses aux Italiens, ceux qui avaient le couteau facile.
Ils étaient vraiment criminalisés. Maintenant, les représentants
politiques disent : « L'immigration italienne
s'est bien intégrée, parce que c'était
des catholiques. » On voit qu'il y a
un changement dans le récit et que c'est l'islam,
l'immigration aussi, la question de l'antisémitisme, ou des minorités de manière générale
qui sont ciblés. Comment on fait
un récit alternatif ? Juste en visibilisant
ces personnes. Donnez-leur la parole,
et après, ça va changer. Je donne la parole à Émilie,
mais, pour poursuivre cette idée-là, quand vous voyez
des responsables politiques qui n'arrivent pas
à se mettre d'accord, de gauche, sur un gouvernement,
5 jours après tout ça, qu'est-ce que vous avez envie
de leur dire, ce soir ? Moi, je ne tiens pas... J'en ai plus rien à foutre,
s'ils se mettent d'accord ou pas. C'est pas mon problème. Mon problème, ce n'est pas
qui se met d'accord avec qui. Le problème, c'est, concrètement,
la crédibilité des acteurs de terrain,
est-ce que la vie des gens change ? Ce n'est pas encore le cas. La question
qu'il me reste, à moi, c'est : comment on visibilise
un maximum ? Donc, c'est l'effacement
dans l'espace public, quand on parle... Je me suis posé la question :
nos parents, mon père, 25 ans
dans la même usine, et je pense que les parents
de 2e génération, c'est à peu près tous le cas, il y avait une forme de pudeur :
on reste discret, on reste à notre place,
on ne parle pas trop. Donc, on ne va pas trop
nous donner la parole, mais on ne va pas forcément
aller la chercher, car on ne va pas oser réussir
à prendre une place qui... On est un peu conditionné
à rester à notre place. J'ai l'impression
que ce conditionnement commence à changer.
Quand on regarde, je pense que la politisation
des banlieusards parisiens et des banlieusards en province,
c'est pas la même chose, mais, de manière générale,
il y a une évolution. On a envie de s'émanciper,
de prendre la parole. Il y a des assos de terrain
qui font un travail incroyable. Je pense qu'il y a quelque chose
qui commence à faire peur, dans la manière dont, nous,
on prend la parole, et je pense que, même, que ce soit
des alliés ou des ennemis, une peur qui s'installe
en disant : « On n'a pas trop envie
de les entendre, ces gens-là. » C'est ça qu'on refuse. Un des autres combats
qui est le vôtre, Blanche, c'est le féminisme,
et Émilie, vous aussi, sauf que vous ne l'exercez pas
au même endroit, dans les mêmes cercles, d'une certaine façon. C'est intéressant, ce dialogue.
C'est-à-dire que, Blanche, vous écrivez beaucoup,
vous dessinez et vous parlez beaucoup
de féminisme aussi sur les réseaux sociaux, et vous, Émilie,
vous vivez à la campagne, une région où le RN est très fort, je l'ai dit, et vous avez
une pratique féministe, en réalité, qui permet aussi de tisser
des liens politiques. Est-ce que vous pouvez
nous raconter ? On parlait avec Blanche,
la dernière fois, sur un autre plateau,
de « politique féministe ». Là, on parle de ce qui peut faire
en sorte que, assez rapidement, ça change
et que la gauche fasse évoluer ses pratiques.
C'est aussi la discussion avec Féris. Oui, en effet,
j'habite dans un milieu rural du nord
de la Loire-Atlantique, dans une commune
de 2000 habitants. Donc, voilà. Mais je n'y vis
que depuis une quinzaine d'années, Donc, je viens parler
du territoire rural dans lequel je me suis inscrite
depuis 15 ans, mais il y a des ruralités
comme il y a des quartiers : il n'y a pas une uniformité. Donc, en fait, oui, le féminisme rural
est très inspirant, en ce moment, parce qu'il n'existait pas du tout
il y a quelques années, et qu'aujourd'hui il est florissant,
qu'il y a des collectifs qui émergent un peu partout,
qui se mettent en réseau, qui fabriquent des outils
pour faire de la culture politique et de l'éducation populaire
dans nos campagnes, et aussi ouvrir des espaces d'entraide et d'appui aux femmes et aux minorités
qui auraient besoin d'aide. Du coup,
au jour d'aujourd'hui, ce sont des choses dont on s'inspire
pour s'organiser, suite aux élections européennes
et à tout ce qui se passe. Il y a eu, évidemment,
par chez nous, plusieurs groupes WhatsApp
incroyables, qui ont émergé en deux jours. Il ne se passait rien
et d'un seul coup, hop, des groupes
où il y a 600 personnes, avec un foisonnement d'idées
et de choses à faire, - et ça a été un moyen...
- Très loin de cette image de dire :
« Il se passe rien en ruralité, et quand il se passe
quelque chose, c'est que les gens
votent massivement RN », quoi. Voilà, c'est ça.
C'est ça. Moi, je suis vraiment heureuse qu'on puisse faire le parallèle
entre ce qui se passe en ruralité et dans les quartiers populaires.
J'ai grandi en quartier populaire, maintenant,
je fais partie des ruralités. Ça fait un pont qui me touche
particulièrement. Et aussi parce qu'on a
des réalités qui se rejoignent, par rapport à la médiatisation et à la manière
dont on parle de nous. La ruralité, on n'en parle jamais,
ou alors sous une forme folklorique, ou, voilà,
parce qu'on y vote RN. Donc, ce n'est pas une image
qui est formidable et qui renvoie quand même un mépris des populations rurales
très fort, qui, malheureusement, va se traduire
pour un certain nombre de personnes - par un vote-sanction RN.
- On a parlé de mépris, tout à l'heure,
au début de ce plateau. Oui, tout à fait.
C'est une réalité, et ce mépris,
il n'est pas forcément conscientisé, mais il est réel
et il est intériorisé. Il fait aussi qu'il empêche
d'entrer dans l'action et d'entrer dans la revendication
d'une vision peut-être différente, parce qu'une autre
des caractéristiques de vivre en milieu rural, c'est qu'on n'a pas
d'anonymat. Donc, en fait,
on n'est pas méga-nombreux, on n'a pas énormément d'endroits
dans lesquels on se croise et donc, on est visibles,
on se rencontre, et dès qu'on déroge un peu
de la norme ou des façons de faire
un peu classiques, - ben voilà...
- On s'expose. Voilà, on s'expose. Donc, il y a une vraie nécessité
pour pouvoir le faire, d'être dans des espaces
où on est en sécurité et, du coup,
d'avoir des réseaux. Et ensuite,
que ces réseaux grossissent. Donc, là, à l'occasion
des élections, on a soutenu la campagne... On était tout un paquet de gens
à avoir jamais milité, à ne pas être encartés,
pas syndiqués, militants pour certains,
pas du tout pour d'autres, à faire du porte-à-porte et quand c'est
faire du porte-à-porte, c'est dans sa commune
ou sa commune voisine, c'est des gens qu'on va revoir,
qu'on va recroiser. Donc, c'est absolument nécessaire
d'être accompagné, d'être à plusieurs et, aussi, de travailler
sur le long terme comment on recrée du lien. Parce que 30 à 50 % de gens
qui votent RN, dans mon territoire... Après le choc et la phase parano,
où on regarde, on se dit :
« C'est lui, c'est elle... » Voilà, ou ça met quand même
un gros malaise, pour ne pas sombrer dans une mollesse apathique
ou une grosse déprime, il a fallu faire,
entrer dans l'action, qu'on ait de l'expérience
ou pas d'expérience là-dedans. Du coup,
ce qui est intéressant, c'est qu'il y a 3 grosses stratégies
qui se dessinent. La première,
c'est d'avoir des espaces pour prendre soin de nous et prendre soin
des personnes en vulnérabilité, des personnes
qui ne sont pas blanches, des personnes
qui ne sont pas hétéros, des personnes
qui ne sont pas françaises. Comment on fait, déjà,
pour accueillir ce qui se passe et toute la violence
qu'elles se prennent dans la face, par les médias
et puis par les propos qui, maintenant,
sont OK à la fête du village et dans le bourg,
qui ne l'étaient pas il y a 10 ans, et comment on crée
des espaces d'entraide très concrets quand il y a besoin
d'hébergement, quand il y a besoin de transport,
parce que c'est une grosse problématique aussi,
chez nous, la mobilité. Moi, j'habite à quatre kilomètres
du moindre commerce, des moindres choses,
donc sans voiture, en vrai, dans le quotidien,
c'est pas possible, - et avec le prix de l'essence...
- Donc, on peut s'entraider. Voilà, absolument, s'entraider, et, donc, avec des plateformes
et des espaces pour discuter. Vous allez peut-être développer, mais qu'est-ce que ça produit, ça ?
C'est-à-dire, politiquement, qu'est-ce que ça produit
qui peut nous intéresser, pour la discussion de ce soir,
c'est-à-dire : comment on... On parlait de dialogue,
tout à l'heure, on parlait
de ce qui est bon à retenir, si, comme le disait Sophie Binet,
des élus nous écoutent, ce soir, ou des gens qui militent, etc. Apparemment,
ils sont dans un hôtel, en train de discuter,
donc on ne sait pas, mais qu'est-ce que vous leur diriez
pour, finalement, arrêter ce truc qui consiste à aller,
à chaque élection, en urgence,
taper aux portes et puis, le reste du temps, on a le sentiment que le travail
n'est pas fait par les partis, en réalité,
il est fait par d'autres. Tout à fait. Alors,
je vais quand même terminer sur l'histoire des stratégies, le truc d'avoir des espaces
pour prendre soin de nous, prendre de la force,
y aller, se former, de cultiver le lien impératif
avec nos voisins, les gens qu'on croise. On ne peut pas
faire l'économie de dire : « Les gens qui votent RN,
on ne va pas les côtoyer. » On ne peut pas, c'est nos voisins,
avec qui on s'organise, quand il y a une inondation,
quand il y a besoin. On compte sur eux,
ils comptent sur nous. Donc, il y a un vrai travail aussi
de comment on réinvestit les espaces qui existent déjà
dans nos campagnes. Alors, l'association
de parents d'élèves, la cantine solidaire...
Enfin, que sais-je. C'est-à-dire que la politique,
ça passe par le lien. Ça passe par le lien,
pour ensuite pouvoir se parler vrai et se dire : « OK, en fait,
toi, tu dis que tu votes RN, tu as le droit,
tu fais ce que tu veux, mais voilà ce que ça me fait,
voilà ce que ça fait à ma pote, avec qui on a fait
du jardin toute la journée, la fois dernière,
qui n'est pas française, voilà ce que ça a fait
à mon pote qui est gay, et à ma copine qui es trans. » On rentre
dans un espace de discussion. Voilà, parce que, aussi,
on est dans un truc de respect, on se rencontre, on se connaît
et on n'est pas à parler de trucs théoriques
qui nous dépassent. Justement, c'est là
que je reviens sur votre question de quoi dire
aux partis politiques, mais j'ai envie de m'adresser aussi
aux milieux militants, aux milieux intellectuels,
qui, en fait, se désintéressent totalement
de nous et ne s'adressent
quasiment jamais à nous. C'est très important de nommer
et de théoriser pour comprendre les systèmes de domination
qui opèrent dans notre société. N'empêche que la manière
dont c'est explicité ou c'est amené, c'est souvent avec des vocabulaires
qui ne sont pas du tout de chez pas du tout
accessibles à tout le monde. On est, je ne veux pas du tout dire
que c'est comme ça en milieu rural et dresser un portrait
qui est vraiment très caricatural, mais dans notre collectif féministe,
les Mégères, qu'on mène
depuis un petit bout de temps, il y en a plein parmi nous
qui ne sont pas du tout à l'aise avec le fait
de se taper des bouquins des gros bouquins,
des essais, des gros articles ou d'écouter 12 000 podcasts, quoi. Donc, il y a aussi ce travail
d'éducation populaire qu'on fait entre nous,
et c'est là où les partis, les collectifs militants,
les intellectuels, peut-être, pourraient faire un travail,
au-delà de nommer et théoriser : comment on produit
des outils d'éducation populaire où, nous,
on peut s'emparer de ça et qu'on adapte
à nos contextes. Blanche voulait réagir.
Féris, après. - J'ai dit : « Les artistes. »
- Et les artistes ! Bien sûr ! Parce que c'est un truc,
c'est quelque chose, c'est un qualificatif qu'on donne
souvent à la bande dessinée, d'avoir cette capacité
de faire la jonction entre un contenu théorique
un peu aride, un peu inaccessible et une manière de raconter
qui le rend ludique et sympa pour des gens qui sont fâchés
avec la lecture ou qui n'ont pas envie de se taper
un pavé de socio de 500 pages, ce que je comprends totalement. Donc, je trouve
que c'est un bon outil pour ça et je trouve
que les réseaux sociaux, on les a pas mal décriés,
aussi, pendant la campagne. Effectivement, c'est isolant,
ça met dans une bulle, il y a des biais de confirmation
qui sont nourris par l'algo, mais c'est aussi
un formidable outil de vulgarisation
et d'éduc pop. Je sais qu'il y a beaucoup,
beaucoup de personnes qui ont appris
du vocabulaire féministe, du vocabulaire,
des concepts de socio. Maintenant, ça parle de transfuge
de classe dans tous les sens. C'est pas du tout des choses
qui existaient en dehors d'un petit sérail universitaire
parisien, il y a quelques années,
donc... Sur notre territoire,
pour avoir accès à ça, il faut que tu sois connecté
avec des personnes qui ont elles-mêmes
une habitude de consommation de ça
ou de lien avec ça. Du coup, ça veut dire qu'il faut
sortir d'un entre-soi. C'est un peu
la leçon de ce soir ! C'est ça !
Mais c'est une absolue nécessité. Féris, vous voulez réagir
à cette conversation ? Je pense qu'une
des portes d'entrée, aussi, pour faire commun... Parce qu'un truc que je me fais
comme remarque, beaucoup, c'est : est-ce que moi, dans ma manière
de mettre en mouvement, je n'alimente pas, quelque part,
le nous-contre-eux ? Ces identités sociales
qui vont nous opposer, que ce soit la ruralité,
les gens qui votent extrême droite, ceux qui votent à gauche... Comment on fait pour recréer
du commun ? Je ne sais pas si c'est forcément
mon rôle et ma capacité à faire ça, parce que j'ai peut-être d'autres enjeux de représentation
à tenir. Par contre, je me dis qu'il y a
des portes d'entrée formidables, quand on prend des prétextes.
Je donne un exemple : l'écologie. Quand on parle de Banlieues Climat, quand on va sur le terrain,
je ne suis pas connu pour parler de vote ou quoi,
à la base. À la base,
on a fait Banlieues Climat, ça veut dire qu'on est là
en train de parler des ours polaires qui sont en galère de Mister Freeze.
C'est un peu ça, la caricature. En vrai de vrai,
c'est parce qu'on fait un lien entre écologie et social :
écologie-social, social-politique. Donc, on peut politiser
plus facilement. « C'est le gars du climat ?
Tu as quoi à nous dire ? » Et là, on peut parler de politique.
Donc, il y a une politisation à travers la question de l'écologie,
qui peut se faire. Je pense qu'il y a un pont
qui peut se créer. Il y a un mois, on était
sur une place à Strasbourg, il y a un jeune, il aime bien
faire un peu l'intéressé. Il dit : « Il y a Féris Barkat,
de Banlieues Climat, machin. » Il y a un couple de vieux
qui s'arrête et qui dit : « C'est quoi ? Qu'est-ce que
vous avez à nous raconter ? C'est quoi, Banlieues Climat ? » On commence à discuter
de la question climatique. Et ce couple qui s'est arrêté,
je ne sais pas ce qu'ils votent, mais je ne pense pas
qu'ils se seraient arrêtés si j'étais venu en disant : « Les chibanis et les tirailleurs,
on est chez nous. » Je ne pense pas que ce discours-là
les aurait touchés. Ce discours-là, il est important.
On a été les premiers à le porter, parce que c'était nécessaire
de ne pas demander l'autorisation pour dire qu'on est chez nous,
on connaît notre histoire. Mais d'un point de vue
purement stratégique, si on veut créer du commun, je pense que prendre un prétexte
comme l'écologie, ça a permis à des gens
de venir créer une discussion. Et à la fin, je me suis dit :
« Peut-être que je me trompe, mais ces gens-là, je ne pense pas, après la discussion qu'on a eue,
qu'ils vont aller voter... » Peut-être qu'ils vont mettre
tous les bulletins RN, il va voter Bardella, il est motivé
de zinzin, mais moi, je pense pas. Je pense qu'après la discussion,
il va se dire : « Il y a des points
de comment ça peut être... » Je parle du climat, mais ça peut
être la santé, les étoiles, ce que tu veux, mais il y a
des trucs pour rassembler les gens. Elle est intéressante,
cette discussion sur le commun et comment on recrée des liens
comme ça. Oui, je voulais rebondir là-dessus,
et notamment ce que tu disais, sur le côté :
« on croise nos voisins », etc. En fait, pour moi aussi, un des grands apprentissages
de cette campagne, mais aussi, ça fait quand même
quelques années qu'on parle de cette conversation. Je sais que vous en avez parlé
tout à l'heure. On n'est plus
à distribuer des tonnes de tracts et puis « Votez pour nous, voilà,
il faut le Smic à 1600, etc. » Là, en tout cas, nous, et c'est ce qui s'est passé aussi
avec les autres initiatives qu'on a portées sur le terrain, pour nous, l'enjeu c'était
de faire faire de la « politique », c'est pas un gros mot,
à des citoyens ordinaires, qui ont besoin de se réapproprier
leur environnement, qui ont besoin
de défendre leur cause et qui avaient des conversations
avec les voisins, avec les passants,
avec la boulangère, etc. Cette conversation,
la première chose c'est l'écoute, je vais citer Lumir Lapray, qui a beaucoup fait de formations
chez nous, j'adore cette phrase : « On a deux oreilles et une bouche, il faut s'en servir
dans ces proportions. » En fait, pour que les gens
nous fassent confiance et recroient au commun,
en fait, il faut leur dire : « Qu'est-ce qui est important,
pour toi ? Qu'est-ce que tu changerais,
demain ? » Franchement, sur le terrain,
80 % des gens nous disent : « Mais l'école !
L'hôpital ! Les services publics ! » Elle dit souvent que ça permet
d'effacer, justement, le bruit médiatique ou les sujets
qui sont sur les chaînes d'info. Exactement.
Les gens ne vont pas, après, dire : « Oui, j'ai entendu,
l'antisémitisme... » Il y en a aussi, ils vont dire :
« Ce que j'ai envie de changer, c'est que je suis victime
de racisme. » On l'entend et on est
d'accord avec eux. Ça n'efface pas
toutes ces questions, mais... Et à la campagne, je pense même
qu'on peut se retrouver là-dessus. J'habite en quartier populaire, mais à la sortie
de l'école publique, ben oui, on est tous d'accord.
Du coup, j'embraye là-dessus. Une autre chose
que je voulais dire, c'est que les femmes
ont été très importantes dans cette campagne. Nous, on a eu 10 000 bénévoles,
énormément de femmes. Énormément. Parce que la menace
du Rassemblement national, et on sait très bien
ce que ça veut dire pour le féminisme
et pour nos droits. Mais franchement,
ça a été un réveil, c'est une autre forme
de militantisme, beaucoup plus à l'écoute. J'ai trouvé qu'il y avait
quelque chose qui s'est passé pendant cette campagne,
nous, en tout cas, qu'on va faire perdurer,
qu'on va structurer pour la suite parce que le but n'est pas,
et je rebondis sur ce que tu disais, les politiques,
on dit qu'ils viennent une fois quand il y a des élections.
Mais en fait, on n'y est plus. Nous, on n'y est pas,
on n'est pas membres. Ils n'ont plus personne,
ils nous le disent : « Rejoignez-nous. Ne nous
regardez pas, rejoignez-nous. » Moi, je veux vraiment
qu'on reste sur un... Il y a des choses
à leur reprocher, ils ont des choses à nous reprocher,
faisons un pas l'un vers l'autre, ils ont besoin de nous,
on a besoin d'eux. Et là, on a besoin
qu'ils se mettent d'accord. Ils ont besoin de temps.
Écoutons-le, ça. Ils viennent de formations
politiques tellement différentes, c'est déjà un miracle. Mais il y a aussi besoin de travail
à partir de maintenant pour préparer aussi la suite
et changer l'avis des gens. Ils sont bien partis pour le faire,
mais ils ont besoin de nous. Un mot rapide, Blanche. Après, il faut qu'on passe
au plateau suivant. Ouais. Moi, je vais apporter
une toute petite dissonance sur ce dialogue qu'il faut renouer, y compris avec des gens
qui parfois s'adressent à nous avec une très grande violence et assument de vouloir nous tuer ou nous expatrier,
nous expulser. Je pense que c'est pas forcément
aux minorités, qui sont les premières victimes
de ces discours-là, de faire cet effort d'abnégation
encore une fois, d'aller renouer du dialogue avec des personnes qui peuvent être
extrêmement oppressantes. On recommande à nos électeurs
de ne pas faire ça. S'il y a de la violence
qui s'instaure, il faut partir. Dans le dialogue,
ça peut aussi être une discussion. Une discussion,
c'est proche de la dispute. Ça peut être aussi
une discussion conflictuelle. Là, ce que vous venez de dire,
c'est inacceptable et je veux bien discuter avec vous
de pourquoi c'est inacceptable et on en parle,
puisque ça me concerne. Mais... Je suis désolée, j'insiste un peu
sur cette rediabolisation parce qu'on a beaucoup conseillé
pendant cette campagne, aussi, aux personnes qui étaient
les premières victimes du RN de les traiter comme si c'étaient des petites personnes perdues
sans défense. C'est pas ce qu'on voulait dire. Je le sais bien
et je ne vous accuse pas. Mais je trouve
que c'est difficile à entendre et c'est surtout très difficile
à mettre en place quand en face, on a des discours très violents
et qu'on enlève la question du racisme et de l'antisémitisme
du discours, alors que c'est la moelle épinière
du discours de ceux qui appellent
à voter pour eux. Merci beaucoup.
On va avancer puisqu'on a encore d'autres invités
qui vont venir s'installer. Merci à vous d'être passés
par le studio. La lutte continue. Nous aurons ces discussions
prolongées très vite sur Mediapart. Ils peuvent venir s'installer. Arnaud Bontemps,
fondateur et co-porte-parole de Nos services publics Les questions autour du travail, des salaires et du service public sont les questions les plus importantes pour les Français, pourtant ces sujets ont été hacké par le RN. Agathe Le Berder,
du collectif Nos retraites et de l'Ugict-CGT,
la CGT des cadres, et Elliot Lepers, activiste.
On va conclure avec vous. Rapidement,
pour conclure, voilà, poursuivre aussi
sur d'autres sujets, je voulais parler d'abord avec vous,
Arnaud et Agathe. Vous luttez chaque jour
pour des sujets majeurs : les services publics accessibles
et pas privatisés, les retraites,
pour vous, Agathe, plus largement, les questions
autour du travail, des salaires. C'est hyper important
pour les citoyens, Camille a dit : « C'est ce qui
arrive en premier, ces sujets, qu'on soit en ville,
dans l'hypercentre, dans les quartiers populaires
des grandes villes, à la campagne,
dans les zones périurbaines. » Ce sont ces sujets-là. Pourtant, c'est des sujets
que le Rassemblement national a d'une certaine façon hackés,
ces dernières années, avec succès, en réalité, même si quand on regarde
de près leurs propositions, la réalité est moins rose,
en tout cas, en façade, ça fait partie
de leurs propositions principales. Beaucoup de gens, aussi, même s'il peut y avoir
d'autres raisons, votent pour eux pour ça. Qu'est-ce qui a été raté ? Et surtout,
qu'est-ce qu'on peut faire là, sachant qu'on a bien compris
qu'il y avait urgence ? Donc du coup,
comment vous répondez à ça ? En fait, c'est en effet un paradoxe. À la fois le Rassemblement national
prospère sur le sentiment d'abandon qui est laissé
après le recul des services publics. On le sait, et on l'a beaucoup vu
dans cette campagne, c'est à mettre à son crédit. Son programme, en réalité, ne ferait qu'aggraver
cette situation, définancer encore,
aggraver le vide, le trou des caisses
des services publics, et il nous présente
la préférence nationale comme une solution en disant :
« Si on enlève un étranger de la file d'attente de l'hôpital,
ça irait mieux », tout en oubliant qu'en réalité,
ce serait surtout enlever 1 médecin sur 10 qui est aujourd'hui
né et diplômé à l'étranger. Donc, il y a eu un gros travail
de pédagogie dans cette campagne et c'est à mettre à son crédit. Je pense qu'il y a aussi
un deuxième point d'appui qu'on a construit
dans le mois dernier. Parmi les 6 millions
d'agents publics, il y en a une immense majorité
d'entre eux qui se sont posé la question : « Qu'est ce qui se passerait
si demain, le Rassemblement national
arrivait au pouvoir ? » Ici, on dit : « Je désobéis,
je fais pas les consignes. » En fait, je pense
que ce questionnement-là, il a une prémisse : « Le projet
du Rassemblement national est complètement contraire aux valeurs pour lesquelles
je me suis engagé au quotidien. » Et surtout,
ça crée un point d'appui, c'est une sorte de rééquilibrage au sein du cerveau
de chaque fonctionnaire. Vous avez un hémisphère... Je comprends,
mais ça ne nous dit pas comment la gauche réussit à dire : « Écoutez, franchement... » Et c'est peut-être la preuve
par le gouvernement, ça nous ramène
à la question de ce soir, de savoir s'il faut
un gouvernement ou pas. Quoi qu'en pense Emmanuel Macron,
leurs propres dynamiques pourraient être plus importantes. Mais la question,
c'est de savoir comment la gauche
réussit à convaincre que les services publics,
ceux qui peuvent les réparer, c'est la gauche.
On n'en a pas fait la preuve. Je crois qu'il y a un élément
qu'il ne faut pas oublier, c'est que dans les 6 millions
d'agents publics, il y en a pas mal qui ont voté
pour le Rassemblement national. C'est une question qui a traversé
les collectifs de travail, les salles des profs,
les salles de soignants, de savoir ce qu'on pourrait faire et ce que ça changerait
sur notre métier. C'est un point d'appui, ça. Parce que tout le monde
s'est posé la question d'un point de vue
extrêmement concret. Et toutes les personnes
qui pouvaient peut-être vivre avec l'hypothèse très lointaine du Rassemblement national
au pouvoir, même s'ils comprenaient
que c'était un projet radical, c'est devenu concret. Et donc, ça a construit une place
citoyenne dans notre métier beaucoup plus importante, qui précipite la création
de collectifs de travail. On a parlé à nos collègues,
on s'est organisés, il y a eu des afflux dans
les collectifs, dans les syndicats, et je crois que c'est
un point d'appui énorme que de pouvoir construire
sur cette dynamique de la campagne non seulement
une dynamique de décryptage, mais aussi une dynamique
de construction de collectifs de travail,
qui sont en l'occurrence construits sur le rejet du projet
du Front national ou les questionnements
autour des contradictions, et qu'il faut qu'on arrive
à déplacer vers le projet des services publics parce que c'est un sacré projet
de société de mettre en commun, de chacun selon ses moyens
vers chacun selon ses besoins, extrêmement concret, incarné
par des soignants, par des profs, par des travailleuses sociales. Et je crois qu'on a les prémisses sur lesquelles il faut
qu'on continue à construire. Agathe Le Berder,
vous avez ces dernières années développé un certain nombre
d'objets, d'outils. Vous avez développé
des outils très concrets quand il y a eu deux réformes
des retraites, la retraite à points avortée
d'Emmanuel Macron, enfin d' Édouard Philippe,
abandonnée, et puis la réforme récente
des retraites. À chaque fois, au sein du collectif,
vous avez finalement matérialisé, créé un outil pour voir :
« Vous nous annoncez une retraite mais voilà
les conséquences concrètes pour telle ou telle personne,
telle ou telle situation. » Ça, c'est une façon aussi,
peut-être, de traduire très clairement
les enjeux au-delà des discours politiques et de la bataille politique
traditionnelle. Oui, c'était l'enjeu, c'était la mission de décryptage
du collectif Nos retraites quand on a monté ce collectif
en 2019, au moment de la première réforme,
parce qu'elle était volontairement rendue incompréhensible
par le gouvernement de l'époque, on n'avait même pas les vraies
données puisqu'à l'époque, Jean-Paul Delevoye,
qui menait le projet et a été débarqué parce qu'il avait
lui-même des intérêts dans le secteur assurantiel, avait publié un rapport
qui mentait sur les cas types. C'est-à-dire : « Quel va être
l'effet concret de la réforme sur ma vie
en tant que futur retraité ? » Et donc, on a été obligés de fournir
des simulations alternatives pour expliquer aux gens
quel allait être concrètement l'effet de cette réforme
des retraites et expliquer aussi concrètement
l'enjeu derrière. Et l'enjeu de la réforme,
c'était la question du financement. On a vu que
dans la campagne électorale, très vite, l'imposture sociale
du Rassemblement national et de Bardella
sur sa proposition de revenir sur la réforme des retraites Macron
et de proposer la retraite à 60 ans, s'est fracassée sur la réalité de la nécessité
de financer les retraites et donc de s'attaquer
à ceux qui peuvent financer, y compris les entreprises,
d'aller chercher l'argent, les milliards d'euros qui manquent. Là, il y a des choses qui ont été
pour vous un peu gagnées de ce point de vue-là
dans la campagne, sur la comparaison
entre les deux programmes, NFP et Rassemblement national,
sur cette question-là. Tout à fait. Très vite,
on a vu Bardella dire : « Oui, en fait... Mais non,
il y aura un audit financier », et on a vu que cette réalité
du financement se posait de façon très claire
dans cette campagne-là. Ce qui est intéressant,
c'est que la campagne, la question des retraites, pardon, était aussi centrale
très tôt dans la campagne, parce que les gens
ne sont pas passés à autre chose. Il y a eu la mobilisation de 2023,
mais aussi celle de 2019 et en fait,
les deux se sont accumulées, la colère reste très forte, le sentiment d'injustice aussi, le sentiment de s'être fait voler
deux ans de vie par la réforme des retraites Macron
de façon totalement injuste pour faire des économies
sur les finances publiques, parce que c'est bien de ça
dont il s'est agi avec cette réforme des retraites, c'était de faire quelques dizaines
de milliards d'économies qu'on redonnait par ailleurs
aux entreprises sous forme de suppression d'impôts. L'idée, c'est de continuer
cette bataille ? Tout à fait, et de remettre
cette question des retraites au centre des débats.
C'est ce qu'on a essayé de faire avec le collectif Nos retraites
à l'époque, c'était de décrypter des choses qui sont volontairement rendues
techniques par les gouvernements, mais aussi les discours économiques, et de rappeler le côté sensible
des retraites. Les retraites, c'est de l'intime,
c'est des histoires de famille. C'est comment aujourd'hui, ma grand-mère est autonome
avec sa retraite, mes parents aussi et n'ont pas à dépendre de moi
pour financer leurs vieux jours. Elliot Lepers, vous êtes activiste,
graphiste, militant politique. A propos de la gauche qui n’est pas toujours audible, qui peut être méprisable et qui tend à être un vote urbain, des classes favorisées. Vous avez participé à la carte
dont parlait Caroline De Haas pour déployer la mobilisation
partout en France. Mais vous réfléchissez beaucoup
en ce moment sur l'imaginaire de la gauche,
la façon dont elle peut décevoir, parfois parler d'une façon
qui n'est pas complètement audible ou entendable, parfois un peu
méprisante, d'une certaine façon, pour beaucoup de Français,
peut-être pour de mauvaises raisons, mais en tout cas,
le c'est le cas, vous allez nous dire
ce que vous en pensez. Et c'est vrai que par ailleurs,
le vote de gauche, aujourd'hui, il tend de plus en plus,
j'ai pas dit seulement, mais de plus en plus
vers un vote urbain de classes sociales plus favorisées
par rapport au passé. Du coup, comment on casse ça ? D'abord, quel est le constat, rapidement,
et comment on casse ça ? La question, c'est :
est-ce qu'on a un plafond de verre et est-ce qu'on est en mesure
d'avoir une majorité si on atteint le second tour
d'une élection présidentielle ? Parce que ça ne nous est pas arrivé depuis maintenant quelques mandats,
quelques quinquennats. Est-ce qu'on est en mesure
de gagner une présidentielle pour prendre le pouvoir ?
Ça doit rester notre objectif. Avec aujourd'hui 30 % des voix,
à peu près. Est-ce qu'on arrive à faire plus
que ces 30, 32, 34 ? Et ce qu'on observe,
c'est que les Français, quand on leur demande
comment ils se sentent, ils sont épuisés
de la situation politique, de la situation de l'information.
Ils n'en peuvent plus. Et avec les mois qu'on vient
de vivre, ça ne s'arrange pas. Et quand on regarde les discours après le premier tour
des législatives, il n'y a que deux discours
qui mentionnent l'apaisement et la réconciliation
à 20h, c'est Bardella et Le Pen. Donc,
comment est-ce qu'on arrive, nous, à redevenir une promesse, non seulement
de transformation radicale, qu'on impose une vision parce que
les enjeux sont radicaux et imposent qu'on ne doive pas modérer
là-dessus, mais que cette transformation-là,
elle amène à l'apaisement ? Qu'elle n'amène pas simplement
au chaos, à la déstabilisation. Il faut qu'on arrive,
peut-être pas à incarner l'ordre, qui est une valeur importante et qui n'est pas forcément celle
de la culture de la gauche, mais peut-être la stabilité. Comment,
en augmentant le Smic, non seulement on arrive à améliorer
la vie de millions de personnes, mais on ne crée pas, parce que
c'est ça aujourd'hui qui existe, une inquiétude
de déstabilisation économique qui va nous conduire
à un nouveau chaos ? Comment on arrive
à faire les deux ? Je pense que ça,
c'est effectivement la clé. Arnaud Bontemps,
vous vouliez réagir. Tout à fait. Quand on entend « stabilité »
ou quand j'entends Agathe parler de « décrypter le discours », il y a un sujet sur lequel
c'est frappant, c'est les services publics. Qu'est-ce qui incarne le quotidien,
la stabilité, un point de référence
dans toutes les villes de ce pays ? C'est la mairie-école. Il y a les deux,
d'un côté et de l'autre. Et juste en face, il y a la gare.
Et potentiellement, à côté, il y a le cabinet du médecin.
Et un peu plus loin, peut-être dans une ville
un peu plus moyenne, il y a l'hôpital,
plus proche, il y a La Poste, etc. Il y a une réalité matérielle
des services publics dans le pays. Qui montre que l'État est là,
qu' il y a une présence. Qui montrait. C'est clairement
un recul depuis des années et c'est un enjeu assez massif, on l'a dit, qui nourrit
le sentiment d'abandon, mais qui est une préoccupation
très concrète des gens à laquelle ne répond pas
le Rassemblement national et donc en fait, déplacer
les questions que se posent les gens sur ce terrain-là, c'est gagner
énormément de terrain. Nous, dans la campagne, on a monté un comparateur
de programmes, mais qui partait
de questions concrètes : « Est-ce que ça va faire revenir
un médecin près de chez moi ? Est-ce qu'il y aura un prof
devant la classe de mon enfant ? Est-ce que je pourrai louer
un logement ? » C'est des questions
hyper concrètes, c'est remettre la politique
au niveau de la vie des gens. Ça a été constitué
par plus de 120 000 personnes, ce comparateur, et c'est à la fois
quelque chose de très concret sur lequel pas grand monde
n'apporte de réponses. On a vu qu'il y avait plutôt deux
grands choix dans cette campagne : ceux qui proposaient
de remettre de l'argent dans les services publics et ceux qui proposaient
de continuer à vider les caisses. D'abord, c'est un choix très clivant et ensuite, ça articule deux choses
très importantes, à la fois un quotidien ancré
dans la vie des gens, l'école, la santé, etc., et un horizon politique. C'est un projet,
les services publics. C'est mettre en commun de l'argent pour répondre à des besoins
d'intérêt général en dehors du marché, géré démocratiquement
avec un principe d'égalité. Et c'est un projet qui est incarné,
qui parle à des gens et qui, et j'insiste,
parce que je pense que c'est un point important,
y compris des trois années à venir, qui peut rassembler
toute la société civile, Les activistes pour le climat, les syndicalistes
du privé et du public... Enfin, on peut se rassembler autour d'éléments qui font projet, mais encore une fois,
projet incarné, incarné par des personnes,
incarné par des situations, et qui répond très concrètement aux problèmes de la population. Je sais pas qui veut réagir
à ce qu'a dit Arnaud. - Vous avez pris des notes.
- Oui. Non, sur la question
des décryptages, parce qu'on en a fait aussi, et là,
je prends ma casquette plus de CGT, des ingénieurs,
cadres, techniciens, on en a fait
sur la question des salaires. Elliot a parlé du Smic,
mais une autre... En fait, la question des salaires
est un peu ressortie dans le débat des législatives,
mais beaucoup autour du Smic, et assez peu autour
des autres niveaux de salaire. Or, c'est quand même
un enjeu très important - pour des millions de salariés.
- Si on augmente le Smic, il faut aussi,
d'une certaine façon, augmenter l'échelle des salaires,
faire des négociations dans les branches
pour que ça augmente par ailleurs. C'est ça,
et répondre au gros problème qu'ont vécu les salariés
ces 3-4 dernières années, c'est le niveau d'inflation
très fort qui a fait que les autres niveaux
de salaire n'ont pas suivi. Alors que le Smic
est indexé sur les prix, ce n'est pas le cas
de tous les salaires. Ce qu'il faut, maintenant, pouvoir
faire ressortir dans le débat, c'est la responsabilité
des employeurs et du patronat, y compris organisé, dans cette situation
que l'on connaît, avec un déclassement
qui est très, très fort. Je voudrais insister,
là, ce soir, sur une catégorie
socioprofessionnelle du salariat dont on parle assez peu, qui sont
les professions intermédiaires. On a beaucoup parlé des ouvriers,
on parle très souvent des cadres, mais assez peu
des professions intermédiaires, qui sont pourtant
quasiment 25 % du salariat. Qui sont
les professions intermédiaires ? C'est les techniciens,
agents de maîtrise, les chefs de cuisine,
chefs de chantier, mais aussi beaucoup
de métiers du soin et du lien, type infirmières, enseignantes,
assistantes sociales. C'est la catégorie
socioprofessionnelle qui a le plus perdu en pouvoir d'achat
ces dernières années, notamment à cause des politiques
salariales qui sont menées. Donc il faut repolitiser
tout ça aussi. La question du salaire,
le fait que le salaire soit devenu totalement
individualisé... À la CGT des ingénieurs, cadres,
techniciens, on pose la question aux professions intermédiaires
sur leur situation salariale. Il y en a la moitié qui nous disent
qu'ils ont une part variable. Sauf que la part variable,
ça ne permet pas, aujourd'hui, de maintenir son salaire avec le niveau d'inflation
qu'on connaît. Et on a, juste pour finir, une offensive patronale
organisée de déclassement de ces catégories
socioprofessionnelles et de l'ensemble du salariat, avec un gros choc qu'il y a eu
cette année, en 2024, dans un gros secteur
de l'industrie, qui est la métallurgie, où on a entièrement modifié le système de classification
des emplois qui conduit
à un déclassement généralisé de ces professions-là. Elliot Lepers,
peut-être le mot de la fin. On voit que là, il y a... Quelles sont les perspectives et urgences futures dans le temps imparti ? Déjà, notre conversation
le prouve. Dans ce contexte, on ose presque
se reposer des questions pour un horizon de gauche. C'est-à-dire qu'en fait,
on se dit : « Voilà, là, il y a une victoire étrange, presque,
mais victoire. » On ne sait même pas
comment elle va se matérialiser... - Un répit.
- Un répit, voilà, à la fois contre l'extrême droite, mais aussi le NFP
qui arrive en tête. Maintenant, la question
est plus compliquée. C'est-à-dire
qu'est-ce qui se passe après ? On a l'impression
qu'il y a une petite fenêtre où on peut reparler
des salaires, du Smic, où c'est porté par une coalition, où on peut reparler
des services publics, et peut-être se dire
que ça peut évoluer. En même temps, on n'a pas
tant de temps que ça, donc vous, comment vous vous voyez
dans ce répit-là ? Les urgences, en fait,
pour la gauche, si elle veut avancer assez vite dans les prochains mois ? Déjà, on peut tabler sur l'idée
qu'on a un an, parce que dans un an,
il y a de nouveau la possibilité d'une dissolution,
donc tablons là-dessus. Qu'est-ce qu'on peut faire
en un an ? On a beaucoup parlé
luttes et batailles. Effectivement,
ça va être très difficile parce qu'en plus,
on voit qu'en face, les armes de nos opposants
sont chaque année de plus en plus puissantes. On est ici, chez Mediapart,
et on n'est pas ailleurs, et effectivement,
le paysage médiatique nous rend la tâche
de plus en plus difficile, mais il ne faut pas
simplement parler de lutte, parce que quand on interroge, et c'est des chiffres de l'Adres,
des chiffres d'agences publiques, il y a plus de 8 Français sur 10 qui sont pour encadrer les salaires, qui sont pour taxer
les superprofits, qui sont pour augmenter
le Smic de 200 euros, donc on a aussi
une majorité de projets dans l'opinion
qui est très forte. On ne doit pas simplement
se penser en tant que minorité agissante qui devrait aller évangéliser
des foules. Améliorer la vie
de millions de Français, - on a un consensus.
- C'est populaire, d'une certaine façon. Donc la question,
c'est comment est-ce qu'on évite d'être moteur de rejet
autant qu'on l'est aujourd'hui ? Parce qu'effectivement,
aujourd'hui, on a des leaders,
nos leaders principaux, qui sont parmi ceux qui génèrent
le plus de rejet dans la société, mais c'est aussi
une illusion d'optique. Quand on regarde
en détail la population, on a souvent l'impression d'avoir une France
qui est extrêmement polarisée - il faut regarder les travaux
de Destin Commun pour ça - qui est extrêmement divisée
entre deux blocs qui sont très antagonisés, mais quand on regarde en détail,
c'est une illusion d'optique. Ce sont deux blocs
qui sont, effectivement, ceux qui ont le plus la parole,
ceux qu'on entend le plus à travers, notamment,
des déformations algorithmiques, des déformations médiatiques,
et qui nous font voir, plus que de raison,
le clash et l'affrontement, mais il y a une majorité
de la population, qui aspire simplement
à une forme de réconciliation, d'apaisement et d'union collective. D'ailleurs, on a les JO, là,
dans quelques semaines. Les JO, par exemple,
les grands événements sportifs, à gauche, on a vu qu'on s'oppose
massivement aux JO pour plein de raisons légitimes. On avait la Coupe du Monde de rugby,
où on se souvient de la cérémonie d'ouverture
qui avait été amplement critiquée par tous les commentateurs
de gauche. Mais alors que quand on voit
dans l'opinion, il y a une attente à ce qu'il y ait
une forme de cohésion et de ferveur collective
autour de ces moments-là. Donc je pense que c'est là-dedans
qu'on peut s'interroger sur savoir comment
est-ce qu'on arrive à refaire une société massive, majoritaire,
où la gauche est centrale, où nos idées, notre transformation
radicale de la société restent centrales
et restent capables d'emmener toute la France ensemble,
parce qu'effectivement, on l'a dit, et Sophie Binet l'a dit
place de la République : « La liberté, c'est nous,
l'égalité c'est nous, la fraternité c'est nous,
la France, c'est nous. » Il faut notamment se réapproprier
nos emblèmes, la République, pour que tout le monde puisse
se rassembler derrière notre projet. - Merci beaucoup à tous les trois.
- Merci. Merci beaucoup aux autres invités
qui sont passés par cette émission. Cette émission, vous le savez, elle est en accès libre possible
grâce à vos abonnements, donc si vous le pouvez,
abonnez-vous, et je crois que vous avez compris
la leçon de cette émission. Si vous le pouvez,
engagez-vous, aussi. On n'a pas beaucoup
de temps, voilà. À bientôt sur Mediapart.
Et ben alors gaby qu'est-ce qu'ils viennent de balancer sur toi mdiapart mais ils te foutent jamais la paix sérieux mais ouais mais heureusement vous me dirait que pendant la révolution française on a aboli les privilèges bah ouais vous savez ah ça ira ça ira les aristos à la lanterne je sais pas quoi... Read more
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sur mediapart. c'est un séisme
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