Salut.
Bienvenue sur Mediapart. Après les législatives,
c'est l'heure du bilan. Bilan politique, bien sûr,
mais aussi bilan médiatique et on peut dire
qu'il n'est pas fameux. Banalisation du RN
au nom de la « neutralité », pilonnage contre la gauche
sur nombre d'antennes, gauche finalement arrivée
en tête des élections, score du Rassemblement national
en résonance avec l'emprise sur les cerveaux
de millions de Français des médias d'extrême droite
de l'empire Bolloré. Médias en guerre culturelle, mais aussi en guerre
contre les faits, tandis que l'Arcom,
le gendarme de l'audiovisuel, semble bien peu décidé
à agir vraiment. « Médias à l'heure des comptes »,
c'est « À l'air libre », l'émission en accès libre
de Mediapart. « Victoire de la gauche,
déroute des sondagiers, éditorialistes toutologues,
défaite aussi des bots russes et des millions de Bolloré,
la question médiatique est centrale. Merci aux médias indépendants
qui ont dû aller puiser au fin fond de leurs forces. »
Ce tweet, c'est vous, David Dufresne, qui l'avez posté
dimanche soir à 21h55. Il résume bien votre analyse. David Dufresne,
fondateur d'Au Poste. On va vous représenter tous
correctement dans un instant et notre analyse aussi à Mediapart. Contre toute attente, la gauche unie
est en effet arrivée en tête des élections législatives
et on ne peut pas dire que ce scénario ait été celui
des grandes chaînes. Certainement pas de CNews,
Europe 1, le JDD, média d'extrême droite
du milliardaire Vincent Bolloré, mais pas non plus celui
des autres chaînes d'info. Pendant des semaines de campagne,
nous nous sommes aussi indignés sur le traitement médiatique du RN, mais aussi de la gauche
sur les chaînes d'info. Et on peut faire le pari,
malheureusement, que ça risque de continuer. Une bonne raison
pour discuter aujourd'hui des enseignements de cette
campagne, de ce qu'il faut changer et de ce que les médias indépendants
peuvent changer. Message, au passage :
abonnez-vous à Mediapart et aux autres médias indépendants.
Soutenez-les, soutenez-nous. Avec nous donc, David Dufresne,
journaliste, fondateur d'Au Poste. Je l'ai dit, c'est un site,
Au Poste. C'est aussi... Vous êtes aussi présent
sur YouTube, Twitch, Instagram, TikTok, bref, partout.
Merci d'être avec nous. Safia Dahani, vous êtes politiste.
Vous étiez avec nous sur Mediapart pour commenter en direct dimanche les résultats
de la soirée électorale. Chercheuse, vous travaillez sur le Rassemblement national,
notamment, mais il se trouve
que vous travaillez aussi sur le traitement médiatique
du Rassemblement national, sur les journalistes politiques.
On a effleuré le sujet dimanche. On voulait prolonger la discussion. Sylvain Bourmeau, bonjour. Vous êtes journaliste,
producteur à Radio France, fondateur du site AOC, qui publie
chaque jour plusieurs textes de chercheurs et d'intellectuels
sur tous les sujets, en réalité. Et Yunnes Abzouz avec nous.
Tu couvres les médias à Mediapart. Et dans un instant, Carine Fouteau,
la présidente de Mediapart, nous rejoindra pour conclure
cette émission. À tous déjà, peut-être
une phrase ou deux ou une formule, quelques mots, pour qualifier
le traitement médiatique de cette campagne législative.
Sylvain Bourmeau ? À l'habitude. À l'habitude. Comme s'il ne s'était rien passé, ne serait-ce
qu'avec les européennes, en fait, on a l'impression
que l'information principale de ces européennes, le score très élevé
du Rassemblement national, n'a en rien mis en question, suscité des critiques,
des interrogations, des autocritiques
parmi les journalistes. Yunnes ? Moi, je dirais que
le diable a changé de camp, en partie viscéralement raciste. Celui de Jean-Marie Le Pen, multicondamné
pour ses saillies antisémites et négationnistes, est devenu, aux yeux
de beaucoup d'éditorialistes, plus fréquentable que la gauche. David ? La défaite des grands. La défaite des grands médias,
qui ont des moyens, qui fabriquent l'opinion.
Je pense aux matinales des radios, je pense aux chaînes d'info
en continu. Et je trouve le sursaut
d'un certain nombre de titres, qui ne sont pas forcément
indépendants, je pense à Libération et je pense aussi évidemment
à Mediapart, à StreetPress, à Blast, à tout un tas de gens,
c'est-à-dire qu'il y a eu quand même un réveil,
mais qui est un petit réveil, même s'il a réussi à imposer quelques petites choses
dans l'entre-deux-tours, qui ont eu des répercussions, je pense notamment aux biographies
de tel ou tel candidat du RN. Et n'oublions pas aussi
le service public, avec les antennes régionales
de France Télé, qui ont beaucoup,
beaucoup joué leur rôle. Mais ce qui devrait être la norme
est exceptionnel. - C'est là où ça ne va pas.
- Safia Dahani ? « Amnésie ».
Je l'avais déjà rapidement évoqué, mais moi, ce qui me marque, c'est qu'à chaque scrutin électoral, plusieurs titres de presse
vont redécouvrir le fait qu'il y aurait des candidatures
qu'on va appeler brebis galeuses, candidatures dites problématiques, avec des formes d'euphémisme
qui me paraissent... Bardella a lui-même popularisé
la formule. On en a dénombré
plus d'une centaine, en s'aidant aussi du travail
des collègues, dont a parlé David. Pour moi, c'est une forme
d'amnésie, puisqu'en fait, si on regarde les élections, la couverture médiatique
des élections depuis au moins 2014, il y a systématiquement des articles
qui parlent de ces candidatures a priori surprenantes
de brebis galeuses, qui auraient des propos antisémites,
racistes, xénophobes, sexistes ou encore homophobes. Alors, le premier étage de la fusée
de cette catastrophe médiatique, c'est bien entendu
l'emprise médiatique de la sphère Bolloré
dans les médias, de Pascal Praud sur CNews
à Cyril Hanouna, qui a débarqué sur Europe 1,
en plus de son émission sur C8. Il y a eu un parti pris clair
pour le Rassemblement national. Comment vous qualifieriez
ce à quoi ces médias se sont livrés dans cette campagne ? De la propagande,
tout simplement. Ça n'a pas d'autre nom,
mais à chaque fois, on est de plus en plus surpris,
parce qu'ils vont un cran plus loin, la dernière étape en date
étant probablement l'émission d'Hanouna sur Europe 1. Et ça, dans une période,
on va en reparler, j'imagine, de discussions autour
des fréquences à renouveler ou pas. C'est dire qu'ils font
des mises en demeure, des avertissements lancés
par l'Arcom depuis... 44 sanctions en deux ans,
selon le calcul du Monde. Quand on travaille dans un groupe, Radio France, dans lequel on fait
attention à la moindre minute, à l'équilibre, où tout le monde
est traumatisé à l'idée d'avoir trop invité tel ou tel camp, je dois dire que voir la manière
dont, dans une autre radio, en l'occurrence à Europe 1, on se comporte
avec les règles du jeu, c'est assez problématique. On a même vu
des séquences hallucinantes quand même, par exemple,
dans TPMP, l'émission de Cyril Hanouna sur C8,
le 13 juin, quatre jours après l'annonce
de la dissolution, en direct, Cyril Hanouna a appelé
Jordan Bardella, le président du RN. But de l'opération :
que Sarah Knafo, la conseillère politique
d'Éric Zemmour, qui était sur le plateau,
récemment élue députée européenne, si je me trompe pas, lui laisse
un message sur son répondeur pour l'appeler à l'union
des extrêmes droites. Qu'est-ce que ça vous a inspiré,
cette séquence ? Il y a les travaux de Claire Sécail,
qui a beaucoup regardé TPMP en dehors de la séquence récente
des élections, qui montrait qu'il y avait
une ligne éditoriale particulière, en tout cas,
particulièrement politisée, dans cette émission, comme dans l'ensemble
des chaînes du groupe Bolloré. Ce sur quoi je voudrais insister,
c'est qu'effectivement, ces chaînes-là,
qui sont plutôt marquées à droite, avec des lignes éditoriales
plutôt conservatrices, voire réactionnaires, mais qu'il y a
aussi tout un ensemble de médias qui ne sont pas réputés propriétés
de milliardaires conservateurs, et qui ont participé, je pense,
sur le temps très long, pas vraiment que le dernier mois, à banaliser en fait l'extrême droite
en ne disant plus que c'est forcément
de l'extrême droite, mais plutôt populisme,
droite radicale, etc., en reprenant parfois aussi
les mots de l'extrême droite. Moi, je me souviens de séquences
sur BFM cette année ou l'an dernier, où on parlait des Français
de papiers au premier degré. Ça m'avait marquée, puisque
c'est quand même du vocabulaire du FN cher à Jean-Marie Le Pen. Je pense qu'il faut regarder
du côté de l'ensemble des autres chaînes
et de cette espèce de banalisation un peu quotidienne, routinisée,
depuis des dizaines d'années. On va d'ailleurs aller dans ce sens
dans un instant, mais d'abord, je voudrais
quand même revenir sur ce qui s'est passé
au niveau de la sphère Bolloré, parce qu'il y a un ou deux autres
éléments, notamment, Yunnes, jusqu'au dernier moment,
en réalité, cette propagande,
dont nous parle Sylvain Bourmeau, s'est développée
avec carrément un faux scoop du Journal du Dimanche
vendredi soir, juste avant la période
de réserve médiatique, qui était visiblement destiné à influer
sur le résultat de l'élection. C'est un épisode très troublant.
Est-ce que tu peux nous le résumer ? Il faut dire qu'en fait,
les médias de Bolloré se sont livrés bille en tête
jusqu'à la dernière heure de la période officielle
de campagne, avec un seul mot d'ordre : faire élire
le Rassemblement national. Et vendredi soir,
donc, à 21h30, à seulement quelques heures
de la fin officielle de la campagne, le JDD sort un faux scoop
en expliquant, en fait, que le ministère de l'Intérieur
allait suspendre les décrets d'application
de la loi immigration. Donc c'est une information
quand même de première... de premier intérêt, en tout cas,
pour un certain nombre d'électeurs. Justement, cette loi immigration, elle a servi de gage
au camp macroniste pour afficher un visage de fermeté
vis-à-vis de son électorat droitier. Donc c'est une information
quand même importante. Et en fait, on se rend compte
que cette information, non seulement,
elle est très rapidement démentie par le camp macroniste,
mais qu'elle est aussi l'auteur, qu'elle est aussi...
Sous la plume de cet article, un journaliste, qui s'appelle
Alexis Bergeron, dont on a... Dont a priori, on n'a aucune trace
numérique de son existence, dont il semblerait qu'il n'existe
en fait tout simplement pas. Tu l'as raconté longuement
sur un article dans Mediapart. Là-dessus ? Peut-être David ? Sur l'idée de la dernière cartouche,
qu'à la dernière minute... C'est peine perdue. La preuve,
les résultats n'ont pas... ne sont pas allés
dans le sens de Bolloré. Et d'ailleurs là-dessus,
j'aimerais atténuer un peu non pas les critiques,
mais la portée de Bolloré. Félicien Faury,
que vous avez reçu... Chercheur, spécialiste
du Rassemblement national. Voilà, qui a passé six ans dans une ville du sud-est
de la France, explique très bien,
à la recherche de l'électorat FN, que vous connaissez aussi,
évidemment, à la recherche
de l'électorat du Front national, du Rassemblement national,
ce qu'il explique bien, c'est que le vote, c'est avant tout
une succession de sociabilité, c'est-à-dire la famille,
les voisins, les collègues de bureau, etc.,
avant d'être les médias. En revanche, là où il y a un problème terrible
avec Bolloré, c'est la bollorisation d'atmosphère,
on va dire, ce que vous disiez tout à l'heure. C'est-à-dire le fait
que ça se soit lâché absolument partout,
absolument partout. C'est-à-dire que tout est repris
avec des guillemets, comme vous avez fait tout à l'heure,
ou sans guillemets. Et c'est là où il y a
une défaite généralisée. C'est-à-dire qu'aujourd'hui, plus personne
ne prend le moindre gant en liant dans la même phrase
« immigration » et « sécurité ». Plus personne. Il y a 20 ans,
il pouvait y avoir des engueulades sur l'idée de faire une relation
de cause à effet aussi facile. Et Bolloré accélère ça. Les chaînes d'info, c'est aussi, pour prendre un exemple
que je connais, c'est la police. Pendant très longtemps,
à la préfecture de police, en salle de commandement,
il y avait une télé. Aujourd'hui,
vous avez un mur de télévisions. Le maintien de l'ordre, et c'est la même chose
dans les ministères, se fait avec les télévisions,
avec les télévisions éteintes, mais les bandeaux criards, c'est ça,
la bollorisation d'atmosphère. C'est les bandeaux, c'est-à-dire
une espèce de simplification. Et ça, ça déteint
sur l'intelligence collective. En fait, ça déteint
sur l'intelligence collective. Sylvain, pour autant,
on peut dire... La question, vous en avez parlé,
d'ailleurs, dans un article récent, c'est de savoir...
En même temps, on a reçu plein de gens ici
qui faisaient la campagne, qui nous disaient : « Quand on rencontre des électeurs
du Rassemblement national quand on fait du porte à porte,
on ne sait pas sur qui on va tomber. On toque à la porte
et tout de suite, on a ce qu'on entend sur CNews
qui vient en premier lieu si on ne pose pas d'autres questions
pour savoir de quoi les gens ont envie dans leur vie quotidienne
ou dans leur vie très concrète. » Ça, c'est très important, ce qu'on appelle
la bollorisation de l'ambiance. Mais j'aimerais ajouter autre chose. Je pense que ces médias
servent aussi, ont aussi pour effet d'influer considérablement sur
ce qui fabrique l'offre politique. Or, on a bien vu à la faveur
de cette élection que l'offre est quelque chose
de décisif. Un électeur, par définition,
ne sait pas dans l'absolu pour qui il va voter. D'ailleurs, il n'a pas le choix,
ça dépend des candidats dans sa circonscription,
par exemple. Et l'offre politique,
entendue au sens large, c'est-à-dire qui a le droit
d'être candidat, qui sera Premier ministre,
qui sera présidentiable, mais aussi de quels thèmes
on a le droit de parler, tout ça est vraiment fabriqué
par ce type de médias, comme par tous les médias
en règle générale. Mais ces médias-là ont pris
une importance décisive dans la fabrication de l'offre,
c'est-à-dire qu'en fait, ce n'est pas tant l'effet qu'ils auraient directement
sur les électeurs, c'est une mauvaise question de savoir si la télévision
fait l'élection. En fait, elle la fait
de façon très indirecte en participant
à la structuration de l'offre. Si on reprend l'exemple
de la manipulation avec cette couv', cette une du JDD au dernier moment, en fait, on voit,
l'argument a été soulevé par Yunnes, l'effet sur la manière dont ça affaiblit éventuellement
la macronie, mais ça vient aussi percuter
l'intérieur de la gauche où, rappelons-le, dans le programme
du Nouveau Front populaire figure l'abrogation
de la loi immigration. Alors, qu'est-ce que
ça veut dire, en fait ? Finalement, on a là
une offre politique de gauche qui propose de se débarrasser
de cette loi, mais le simple fait de retoucher
un tout petit peu cette loi provoque un gigantesque scandale. Donc, ça a des effets considérables sur des formes d'autocensure
à gauche, y compris par exemple sur :
« Vous vous rendez compte, on ne peut pas arriver au pouvoir et immédiatement abroger
cette loi », par exemple. Question d'actualité aujourd'hui.
Si le Nouveau Front populaire accède d'une manière ou d'une autre
au gouvernement de ce pays, les priorités
vont devoir être établies, il y a des choses très claires
dans leurs engagements et ça, ça y figure. Et de ce point de vue-là,
les médias Bolloré auraient ou auront peut-être
contribué au fait de considérer le fait
d'abroger cette loi comme quelque chose
de pas forcément urgent ou d'un peu dangereux
pour la gauche, par exemple. Voilà les types d'effets. On installe déjà des récits
pour la suite. Safia Dahani,
vous vouliez réagir là-dessus ? Oui, surtout sur ce qui a été dit
un peu avant sur la question
des effets des médias. Je pense que c'est intéressant de parler de représentation
médiatique au sens large, mais on sait
depuis au moins les années 40 que les effets médias
n'ont pas d'effet direct et puissant sur les électeurs,
que ce soient des électeurs du RN ou d'autres types d'électeurs. En fait, généralement, on s'expose
de manière sélective aux médias. On a plutôt tendance
à s'exposer à des médias avec lesquels
on est plutôt d'accord. Par contre, ce qui peut se passer, et c'est pour ça que j'invite
à regarder sur le temps très long de la médiatisation de l'extrême
droite et comment les mots pour la dire et la faire parler
ont évolué, ça peut créer
des représentations nationales, des effets de mise à l'agenda,
des effets de cadrage particuliers, mais il n'y a pas d'effet massif
et direct sur les électeurs. J'imagine que quand on a une chaîne
qui pousse très loin vers la droite jusqu'à faire de la propagande,
ça ouvre la fenêtre de ce qui est dicible ou de ce qui est dit
dans l'espace public. Ça peut confirmer
quelque chose qu'on pensait avant. « Si quelqu'un d'aussi important
à la télévision le dit comme moi, ça m'autorise moi aussi à le dire. » Mais il y a quand même
des dispositions qui arrivent avant qui ne sont pas liées
vraiment aux médias. Juste, je voudrais ajouter une chose
pour dire à quel point, vous avez dit des décennies,
c'est très ancien, c'est-à-dire qu'on n'a pas attendu
Bolloré pour ça. Je me souviens avoir remarqué
un drôle de montage d'articulations qui existait il y a plus de 20 ans
dans le paysage médiatique français. Un hebdomadaire, Marianne, avait pour fonction,
entre autres choses, d'opérer la « blanchisserie »,
j'appelle ça comme ça, la blanchisserie du vocabulaire
de l'extrême droite, en parlant d'immigrationnisme,
en parlant de droit de l'hommisme, en parlant d'européisme,
tous ces mots qui venaient de l'extrême droite et qui ont été
popularisés dans l'espace public. Et puis, après la blanchisserie,
il y avait le pressing de luxe, et c'était la revue Le Débat. Vous vous rendez compte que c'était
les mêmes auteurs, parfois. Aujourd'hui, beaucoup écrivent
dans Causeur. Mais l'origine de ça
et cette activité, il y a des organes de presse
qui étaient plutôt perçus comme de gauche à l'époque,
d'ailleurs, qui ont joué un rôle décisif dans
ces transformations de vocabulaire, et c'est très ancien. Le score du RN aujourd'hui, il est également le produit
de choses qui se sont déroulées il y a 20 ans, il y a 30 ans. Je suis un peu en désaccord
avec vous. Bien sûr, il faut regarder le passé.
Alors, regardons-le. Quand il y avait Hersant,
il y avait Le Monde, en face, il y avait Libération, en face. Quand il y avait Bouygues,
il y avait le service public. Le paysage est beaucoup
plus fragmenté, aujourd'hui. Là, aujourd'hui,
on a un Bolloré milliardaire qui possède
toute la chaîne d'information, y compris des boîtes d'influenceurs. Qui ont mené une guerre d'influence
contre Reporters sans frontières. Voilà. Donc ça va d'Europe 1,
le JDD, CNews, C8, etc... Je pense qu'on parlera tout
à l'heure des auditions à l'Arcom. - On en parle juste après.
- C'est ça. Et donc là, il y a quand même
un effet de volume et surtout, en face,
il n'y a pas de répondant ou alors, c'est faible. Je sais bien, Mediapart, bravo,
vous êtes là, c'est top, vous êtes troisième
quotidien national. Mais en fait, on parle de 200 000
personnes, 200 000 abonnés, ce qui est considérable aujourd'hui,
mais si on compare... Un peu plus, aujourd'hui. Oui, 220, 230,
on sait jamais avec vous, c'est toujours un peu ténébreux,
le nombre d'abonnés chez vous. - Chaque année, c'est publié.
- Je rigole. Ce que je veux dire,
vous n'êtes pas en cause, c'est qu'il n'y a pas de répondant. Et on avait notamment
le service public qui était un peu l'arbitre
des élégances, on va dire, qui aujourd'hui ne l'est pas. - C'est ça le problème de Bolloré.
- Pour la télévision. La radio, c'est autre chose,
elle n'a jamais été aussi puissante qu'aujourd'hui,
la radio publique. Je pense...
J'ai lu un article de Yunnes cette semaine dans Mediapart,
vénérable institution... Je parle de nombre, là. Oui, mais... Je pense que je vais
laisser Yunnes expliquer les informations
qu'il a recueillies, mais quand les patrons
de l'information de France Inter, si je ne m'abuse,
expliquent qu'il ne faut pas parler d'extrême droite
ou des choses comme ça... Je propose qu'on en finisse sur,
justement, les auditions à l'Arcom
en ce moment et qu'on revienne sur
cette banalisation, normalisation dans l'ensemble
du paysage médiatique. Ça tire tout le monde vers le bas.
C'est ça, le problème. C'est que c'est tellement puissant
que ça tire... Quand je dis que ça tire
vers le bas, c'est-à-dire que ça tire vers,
justement, ce que tu as appelé l'abaissement
des standards, la construction. Safia voulait dire un petit mot. Rapidement, sur la question
du temps long, j'ai beaucoup travaillé
sur les premiers pas de Marine Le Pen en politique, notamment toute la séquence
en 2010-2011 pendant laquelle elle va être amenée
à diriger le FN, et j'ai travaillé
sur ses invitations à la télévision, en comptant systématiquement où elle passait,,
où elle était invitée, en comparaison notamment
avec Bruno Gollnisch, je ne sais pas si on se rappelle
de lui aujourd'hui, qui était son concurrent en 2011. Et en fait, déjà en 2009-2010,
Marine Le Pen est testée dans des instituts de sondage
pour la présidentielle de 2012, alors qu'elle n'est pas encore
présidente du FN, et il y a aussi beaucoup le poids
des chaînes d'info en continu, qu'on voit déjà à cette période-là,
puisque Marine Le Pen, par exemple, elle peut déjà passer
à la télévision, diffuser ses conférences de presse, alors qu'elle n'est pas encore
présidente d'une organisation. Donc, il y a aussi
toute une restructuration de l'espace
de la production de l'information avec cette information en continu
qui a aussi besoin d'inviter et de produire des images et qui va concourir aussi
à augmenter la visibilité des porte-parole du FN,
notamment de Marine Le Pen. Venons-en donc
sur les médias Bolloré à ce qui se passe en ce moment,
c'est-à-dire qu'aujourd'hui ont commencé les auditions
de l'Arcom, l'ancien CSA, pour réattribuer notamment
les fréquences TNT de C8, CNews et BFMTV.
Il y en a plus, en réalité, mais c'est celles-là qui
nous intéressent particulièrement. Et la réponse doit être donnée
très vite, à la fin du mois. L'enjeu, c'est quand même
de savoir si l'Arcom va sévir, et même couper le robinet.
C'est ça, l'enjeu. Yunnes, hier, tu as publié
sur Mediapart un parti pris pour dire que l'Arcom, qui a infligé
de nombreuses sanctions à CNews et C8 dans le passé,
on en a parlé tout à l'heure, doit agir, assainir le débat public et donc retirer les fréquences
aux chaînes Bolloré. Je pense qu'il faut vraiment saisir
ce qui s'est joué. C'est ce qu'on a dit
pendant cette campagne, on a des médias d'information dont on savait qu'ils ont été
transformés en médias d'opinion pendant toutes ces années,
dont l'objectif était de faire monter
et de mettre à l'agenda les thématiques-phares
de l'extrême droite. Donc, faire monter
le sentiment d'insécurité, le sentiment d'une immigration
incontrôlée qui, pendant trois semaines,
se sont complètement transformées non plus en traitant la campagne,
mais en faisant campagne pour l'extrême droite,
pour un parti. Et on arrive à un moment historique
dans l'histoire de l'audiovisuel où, jusqu'à présent, l'Arcom s'est
relativement fait marcher dessus, s'est fait rouler dessus, n'a prononcé que des sanctions
qui n'ont eu aucun effet, en tout cas,
particulièrement financier, sur un groupe Bolloré
qui n'a aucun mal... Qui s'est même assez vanté,
d'une certaine façon. Bolloré n'a aucun mal
à remettre au pot dès que ses émissions
sont sanctionnées. C'est 7,5 millions d'euros
au total d'amendes, c'est-à-dire rien
à l'échelle de ce groupe. Sylvain Bourmeau, vous,
comment vous voyez ça ? Est-ce que vous vous dites : « Là, moi,
en tant que patron de presse, en tant que responsable
d'un média indépendant, il faut arrêter les fréquences
de ces chaînes » ? Je pense que la liste
des condamnations et des écarts par rapport aux engagements
qui sont pris, aux documents qui ont été signés
par ces chaînes, suffisent, normalement, devraient suffire
au non-renouvellement. Je pense que L'Arcom
prend les choses à l'envers, et plus grave,
a été invité par le Conseil d'État à prendre les choses à l'envers
en se focalisant sur le contrôle du pluralisme interne des chaînes, ce qui me semble
une très mauvaise idée, une idée très dangereuse
à vrai dire, parce que ça implique
de catégoriser qui parle, de compter,
on ne sait pas très bien comment. Pour moi,
c'est extraordinairement dangereux. En revanche, jouer sur ce
qu'on appelle le pluralisme externe, c'est-à-dire regarder combien
il y a de fréquences disponibles et faire en sorte que ces fréquences
ne soient pas toutes détenues par des propriétaires dont les idées politiques
vont dans la même direction, parce que c'est quand même
grosso modo le cas aujourd'hui. Et donc, à mon sens, le raisonnement
que devrait avoir l'Arcom, ce n'est pas juste un raisonnement
de gens qui disent : « Vous présentez vos dossiers,
nous on va juger. » C'est un raisonnement
qui partirait du principe que s'il y a trois fréquences pour des chaînes de télévision
d'information continue, « alors l'Arcom,
nous devrions faire en sorte que ces chaînes appartiennent
à des gens qui ont des sensibilités
et qui défendent des projets éditoriaux
politiquement différents. » Je ne suis pas aussi persuadé qu'on puisse faire simplement
la distinction entre les opinions
et les informations, je pense qu'il y a beaucoup
d'opinions déguisées dans le travail d'information
et je ne pense pas que ce soit sans danger
de vouloir mettre en place des mécanismes
qui permettent de trier entre les informations
et les opinions. David Dufresne, qu'en pense
le fondateur d'Au Poste, faut-il couper le robinet ? Ce matin, justement, au Poste,
on a regardé l'audience, l'audition, pardon, l'audition de... Je dis l'audience
parce qu'il ne parlait que de ça. En gros, il disait... Donc l'audition de Maxime Saada,
le patron de Canal+. Ça peut être devant un tribunal,
l'audience. Oui, mais ça, ils s'en foutent. Il faut savoir,
pour ceux qui ne l'ont pas vu, c'était un peu interminable,
ils étaient tendus. Maxime Saada était très tendu. Peut-être parce que le RN
n'étant pas au pouvoir, tout le pari en amont
qui est de dire : « On fait du Europe 1,
du truc, du machin », là, ils sont dans une situation
un peu délicate et franchement, à l'Arcom,
il y a eu des positions, des questions qui étaient
assez tranchantes, assez incisives. On n'a pas l'habitude dans ce genre
d'institution d'entendre ça. La réponse en face
était nulle et non avenue. On nous propose... On nous dit deux choses
sur Cyril Hanouna, qui était l'objet central
de tout ça. On nous dit :
« Si vous nous retirez la fréquence, de toute façon,
Cyril ira ailleurs. » Bon, OK, super argument. Et deuxième truc :
« On invente le time delay. » Le time delay, c'est du direct
qui n'est pas en direct, qui est en différé. Et là, ils se sont emmêlé
les pinceaux. À partir de combien de temps ?
15 minutes ? 45 minutes.
Ils ont dit 15, après 45. Ils n'étaient pas d'accord ensemble.
Qu'est-ce qu'on coupe ? Bardella, on coupe le coup de fil ?
« Oui, bien sûr. » Pour les résultats des élections,
c'est pratique d'avoir l'info 15 minutes après tout le monde. On imagine très bien
qu'ils feront ça. De mon point de vue,
ce qui était dingue, c'est que ces gens
étaient totalement incompétents ou ont joué à l'incompétence. Dans les deux cas,
il y a un problème et ça répond à votre question.
Ben oui, on coupe. Des gens qui ont autant d'amendes
depuis autant d'années et qui se foutent
de la gueule du monde, qui sortent le lapin du chapeau
et qui s'en vantent, avec un peu de nervosité, je vous assure,
c'était assez étonnant. Je sais pas, Yunnes,
vous avez dû regarder aussi. C'est juste
pour reprendre un peu, ce qui était hyper intéressant, c'est qu'ils ont cru
s'en tirer à bon compte en mettant sur la table ce truc
de « on va différer l'émission ». Mais la question
que l'Arcom a soulevée, de manière très pertinente,
d'ailleurs, c'est : « Est-ce que différer l'émission,
ça va résoudre le problème d'une émission
qui est consubstantiellement conçue pour être problématique,
pour créer du buzz, y compris en invitant
des gens qui crient, qui vont venir expliquer
sur un plateau télé que les élites de ce pays s'alimentent de sang
d'enfants torturés pour rajeunir ? » Il y a eu ça
dans l'émission de Cyril. Il y a eu ça, effectivement. Y compris aussi une émission qui s'est fait le creuset
aujourd'hui de toutes les idées
hyperconservatrices et radicales. Il y a un projet éditorial qui est au cœur de ce dont l'Arcom
devrait discuter. Je vous donne la parole, David,
mais juste, Safia voulait réagir. C'est intéressant d'avoir
votre regard de chercheur. On n'a pas le temps de discuter,
mais ça renvoie à toute une histoire de comment est-ce qu'on contrôle
ou pas les médias, le journalisme. Je voudrais aussi dire que là,
la séquence politique, elle est intéressante
puisqu'il me semble que la vice-présidence
de l'Assemblée participe à nommer
une partie des gens de l'Arcom. Donc là aussi, peut-être qu'on verra
qui est nommé et comment est-ce que la composition
de l'Arcom peut changer et peut-être participer à proposer
des éléments pour contrôler... Les idées du Rassemblement
national. Tout à fait. Je ne sais pas ce qui va se passer,
mais ça peut participer... Il y en a trois
qui sont effectivement nommés par... Tout à l'heure, je parlais
de la puissance de Bolloré. Il y avait quand même un autre
argument qui était sous-jacent, c'était : « Si vous nous attaquez,
c'est le groupe Canal+. » Et Canal+ finance le cinéma,
notamment. Notamment.
Et on sait aujourd'hui, c'est un peu
un secret de polichinelle, qu'aujourd'hui, Canal+
a gelé les discussions qui ont lieu tous les trois ans
avec le monde du cinéma. Les questions sont gelées et on nous a mis en avant
à deux ou trois reprises que C8 finançait
quelques films de cinéma. Sous-entendu, « si vous nous enlevez
cette petite chose...» - Chantage.
- Voilà, c'est du chantage. Et c'est là, la puissance.
C'est là, le danger. C'est-à-dire qu'on ne discute pas
avec une chaîne, on discute avec une industrie,
un groupe industriel. Je voudrais qu'on en vienne,
on navigue, on était déjà rentrés dans ce thème de la banalisation de l'extrême
droite par les médias, mais on va vous montrer
des exemples de ce qui s'est passé
ces dernières semaines. Safia Dahani,
on en parlait déjà, notamment cette question
des extrêmes renvoyés dos à dos. Ça a été un argument
du discours politique, notamment de la droite
dans son ensemble, c'est-à-dire de Gabriel Attal
à plus à droite. Et ça a été repris partout
dans cette campagne. On va revenir un peu
sur cette banalisation historique, mais là, c'est une manifestation
de ça, quand même. Le terme le plus intéressant
dans votre question, c'est la question de la reprise. C'est comme la dédiabolisation,
c'est une stratégie. Et en fait,
si vous n'avez aucun groupe qui reprend la stratégie en face, ça aura peu d'effet
ou de force sociale. Et donc là, ce qui se passe,
c'est qu'il y a quand même une forme de circulation,
circulaire, quasiment, entre services politiques
de différentes chaînes de télé et parfois de la presse, où on va reprendre des arguments
entre journalistes, éditorialistes, sondeurs, experts politiques
dont on ne connaît pas trop d'où vient leur expertise ni s'ils donnent leur opinion
ou des faits objectifs et hommes et femmes politiques qui vont reprendre
à leur compte ce discours. Donc moi, ce sur quoi
j'essaie d'insister, c'est qu'il n'y a pas
de responsabilité individuelle de journalistes politiques, etc., c'est un écosystème
entre différentes rédactions, différents acteurs
du champ journalistique qui ne sont pas
que des journalistes politiques détenteurs de la carte de presse et des hommes et des femmes
politiques qui reprennent aussi ce discours, qui est entretenu
sur plusieurs plateaux et par plusieurs groupes. Petit passage par Sylvain. C'est intéressant,
cette question des extrêmes. Elle est démentie par la sociologie,
par la sociologie politique. Ça me rappelle la remarque
de mon papy, paix à son âme, qui disait que les extrêmes finissent par se toucher,
le fer à cheval. Dans l'élection récente, si on regarde les rapports de force,
comment ça s'est passé, c'est pas le cas.
C'est pas le cas dans le vote, c'est pas le cas politiquement. Ça, c'est un fait établi
par la recherche depuis longtemps. Mais je crois que pour compléter
ce qu'a dit Safia, il y a effectivement ce mécanisme
qu'on connaît bien de dissémination des cadrages,
du vocabulaire, des lexiques, mais il y a quelque chose
de supplémentaire, à mon avis, là, qui est l'œuvre
d'Emmanuel Macron et qui permet d'ailleurs
de comprendre le succès d'Emmanuel Macron
dès 2017. C'est une stratégie
rhétorico-géométrique, on peut dire, ou si on préfère
d'autres types de maths, on peut dire
que c'est de l'algèbre booléen, c'est-à-dire que le premier Macron,
c'était et de droite et de gauche. Donc, c'est une manière
de se positionner au milieu en absorbant la gauche et la droite et en tentant d'effacer
le clivage droite/gauche. Or, ce discours-là,
il a, à mon sens, eu du succès dans les médias parce qu'il est complètement
congruent avec la manière de faire principale
des journalistes, c'est-à-dire que les journalistes,
ils passent leur temps à prendre un silex, un autre silex,
à les frotter et à produire
des étincelles de vérité. C'est-à-dire qu'en frottant
des opinions antagonistes, si possible
les plus antagonistes possibles, les plus orthogonales possibles, ils ont l'impression
de produire de l'objectivité. Ce discours politique macronien,
il a été servi comme aucun autre discours politique
par les médias, parce que
l'idéologie professionnelle des journalistes,
qui repose en grande partie sur cette manière de travailler, s'est retrouvée, en fait,
dans ce discours politique. Ce discours politique,
à mesure qu'Emmanuel Macron s'est déplacé vers la droite,
il a été remplacé par l'autre formule
de l'algèbre booléenne. Ce n'est pas « et-et ».
C'est « ni-ni », c'est-à-dire « ni l'extrême droite,
ni l'extrême gauche », mais c'est toujours
la même stratégie géométrico-rhétorique
qui consiste à se mettre au milieu et qui marche
de la même manière avec les journalistes.
En fait, on a vu ce discours repris, sans qu'ils s'en rendent compte,
par tous les journalistes, parce que c'est le bon sens.
C'est-à-dire que ça renvoie exactement
à leur façon de travailler, les uns les autres,
les journalistes politiques, ceux qui font autre chose
que de la politique... Tout le monde comprend cette
manière de produire quelque chose qui relève du bon sens, en fait. Alors, il y a le bon sens,
mais il y a aussi le mimétisme. Dans une autre vie,
j'étais rédacteur en chef d'une chaîne d'info, iTélé, qui n'avait rien à voir
avec ce que c'est devenu. Quand BFM est arrivée,
ça a été la révolution. Il y avait déjà LCI.
Il y avait iTélé. Après, il y avait BFM.
BFM, c'était le modèle Fox News. Il y a un sujet par jour.
On le traite et on ne traite pas les autres.
Ça a amené les deux autres chaînes à faire la même chose.
Ça a amené les deux autres chaînes à être mimétiques.
Plus on a des chaînes d'information - aujourd'hui, il y a CNews, etc. -
plus on a ce phénomène. C'est-à-dire que,
dans ces rédactions, la hantise, c'est le ratage,
donc tout le monde se colle - au même sujet...
- Y compris le ratage des étincelles
dont parle Sylvain. ...au même moment.
Il y a ces deux mouvements. C'est-à-dire que,
alors qu'on pourrait se dire que c'est incroyable,
qu'il y a un grand nombre de chaînes d'information,
donc on devrait avoir une pluralité de points de vue,
à l'inverse, on a quelque chose
d'extrêmement homogène. Quand vous étiez
dans la presse écrite, il y a 20 ans, chacun faisait son journal
dans son coin. L'épreuve de vérité,
c'était le lendemain matin, dans le kiosque.
Les journaux étaient différents. - Aujourd'hui, ils se ressemblent.
- Il y a 15 ans, ça avait changé, parce qu'il y avait déjà,
dans les locaux des directions de la rédaction
des journaux quotidiens, BFM en permanence, que l'on appelait à l'époque
tous « BFN ». On l'a oublié depuis,
du fait du repositionnement en partie de cette chaîne,
par rapport à l'évolution de CNews. Yunnes, un mot.
Après, tu vas nous quitter - et Carine va nous rejoindre.
- Ce qui est intéressant, c'est d'expliquer aussi
comment ça fonctionne en interne, dans ces grosses machines
que sont les chaînes d'information en continu. Elles sont aussi constamment
branchées sur les concurrentes. Par exemple, à BFMTV, on a un Marc-Olivier Fogiel
tout-puissant qui a une manière
d'administrer les choses - extrêmement verticale.
- Dont tu as dit d'ailleurs que, pendant cette campagne,
très précisément... - Tu as fait un article là-dessus.
- Incroyable. Marc-Olivier Fogiel,
qui dirige la chaîne, avait passé une consigne
pour avoir, je cite, « plus d'invités de droite
et droite plus ». - Autrement dit, d'extrême droite.
- Exactement. Et pourquoi fait-il cela,
justifie-t-il ? Pour qu'aucun Français
ne se sente délaissé. - L'enjeu, c'est ça.
- Ça veut dire quoi ? S'il y a 40 % de votes pour le Rassemblement national
et ses alliés, il faut 40 % de voix sur la chaîne
qui sont d'extrême droite ? Enfin, « de droite plus »,
comme dit Marc-Olivier Fogiel. C'est ce que me racontent
les journalistes en interne. La crainte, c'est de se laisser
distancer par CNews. CNews est passée,
depuis deux mois, première chaîne
d'information en continu. Plutôt que de marquer
la différence avec CNews, de faire de la vraie information,
de mettre un peu de côté les débats et de s'appuyer
sur la force de BFMTV, qui est une rédaction
où il y a beaucoup de journalistes de terrain,
en fait, non. Le choix que fait
Marc-Olivier Fogiel, c'est de s'inscrire
dans les pas de CNews et de faire du débat
en permanence, quitte à reprendre, en fait,
ce qui était déjà un peu le cas... Reprendre les thèmes
de prédilection de CNews, de l'extrême droite, etc.,
mais aujourd'hui, c'est carrément reprendre
les éditorialistes phares de CNews et des gens qui étaient cantonnés
à la marge du débat politique. Des gens de Valeurs actuelles,
notamment, du JDD, on les retrouve aujourd'hui
de plus en plus sur BFMTV. Dernier exemple en date :
on a un certain Arnaud Stephan, qui est un ancien communicant du RN,
qui est quasiment tous les jours sur BFMTV.
Vraiment tous les jours. Il est devenu
un récurrent de la chaîne, quitte parfois
à ne même plus être présenté en faisant mention de ses liens
avec le parti d'extrême droite. Il devient chroniqueur,
commentateur. Ou comme conseiller
en communication. - Sylvain ?
- J'ajoute une chose. C'est très important,
la question de l'audience, du marché,
des modèles économiques. Les deux manières
dont on explique habituellement un certain nombre de choses
dans les médias, les deux facteurs sur lesquels
la critique des médias s'arrête, c'est à qui appartiennent les médias et l'idéologie politique
des journalistes qui auraient un agenda caché. Je ne dis pas que
ces choses ne sont pas importantes. Elles comptent, mais il y a aussi
deux autres facteurs. Il y a celui
de l'idéologie professionnelle, qui n'est pas politique,
qui sont des manières de faire, une culture professionnelle,
et il y a la question des modèles économiques
qui est fondamentale. On voit parfois des gens aller
contre leurs propres idées, en fait, par ces logiques,
qu'elles soient commerciales ou professionnelles. C'est très important
de le prendre au sérieux, parce que, sinon,
je pense qu'on s'interdit de comprendre véritablement
ce qui se passe. Merci beaucoup, Yunnes.
On lit tes articles, évidemment, sur Mediapart.
Carine Fouteau, présidente de Mediapart,
va venir s'asseoir. Pendant qu'elle s'assoit, on va voir quelque chose en acte, un moment de cette campagne.
Ça se passait sur France Info, au sujet de la banalisation,
de la normalisation des idées du RN. On est le 24 juin
sur le service public, France Info, la chaîne. Jordan Bardella,
ce jour-là, le matin, vient de confirmer à la presse
qu'il va expulser les délinquants étrangers
s'il arrive à Matignon, supprimer le droit du sol,
interdire des emplois à certains binationaux. Un invité commente en plateau.
Écoutez la question, la question assez stupéfiante
du journaliste Patrice Romedenne. C'est faire croire
que les étrangers, qui sont 5 millions en France, ce qui représente 7 %
de la population... 7 % de la population en France
seraient le problème de 93 % des Français. C'est ce que veut faire croire
ce parti depuis très longtemps. Le sujet de revenir
sur le droit du sol... L'enjeu, c'est quand... L'enjeu, c'est aussi...
Il faut aussi dire les choses. Enfin, détrompez-moi,
si je dis une bêtise, mais l'enjeu, avec cette histoire de droit du sang
et de droit du sol, c'est que, quand vous avez quelqu'un qui,
ensuite, potentiellement - ça peut arriver à tout le monde -
devient délinquant, si vous voulez l'expulser,
c'est beaucoup plus facile s'il n'est pas français.
S'il a bénéficié initialement du droit du sol, il est français.
Dans ce cas-là, c'est un délinquant français
et il reste en France. - On ne peut pas l'expulser.
- C'est une erreur flagrante, parce que quelqu'un
qui est né en France... On devient français
avec le droit du sol. - Avec le droit du sol.
- À 18 ans, vous le renvoyez où ? - Comment ?
- À 18 ans, vous le renvoyez où,
s'il est délinquant ? - Dans quel pays ?
- Celui dont il a la nationalité. - Qu'il n'aura jamais connu.
- Ça, c'est un autre problème. « C'est pas mon problème.
Il faut dire les choses. » C'est ce que dit ce journaliste.
Carine Fouteau, présidente de Mediapart,
nous a rejoints. On parlait de la banalisation
du Rassemblement national. Cet extrait-là
- tu connais très bien ces sujets - qu'est-ce que ça nous dit ? C'est à l'image de ce qu'on a vécu
pendant cette campagne, c'est-à-dire un moment total
de renversement des valeurs, un moment orwellien, comme on peut le lire dans « 1984 », où plus rien n'a de sens,
où on marche sur la tête, où les chômeurs sont
responsables du chômage, où les femmes sont
responsables du sexisme, où les personnes victimes
de violences policières sont responsables des coups
qui leur sont infligés... Voilà. Plus rien n'a de sens. Je pense qu'il y a urgence
à redonner du sens, à remettre les faits au centre, les faits documentés, vérifiés, les faits qui font l'objet
de vérifications, oui, de traces. Je pense qu'il y a
une urgence véritable à faire face,
alors peut-être un peu en distance, par rapport à ce que tu disais
tout à l'heure, à remettre quand même une frontière
entre les opinions et les faits, même si, je suis bien d'accord, à des moments,
les frontières sont perméables. Ce que l'extrême droite a fait et ce que Bolloré
et sa galaxie de médias ont fait, c'est quand même...
Et ce qu'il a réussi. C'est effacer,
faire disparaître la frontière entre la vérité des faits
et le faux. C'est cette propagande-là
qui a irradié tous les médias, qui a fait,
comme ça a été très bien dit, cadrer les débats... L'espace politico-médiatique
a été cadré en fonction des obsessions
de ces personnes et l'ensemble
du paysage médiatique s'est déporté progressivement
sur la droite et l'extrême droite. Je pense vraiment qu'il y a urgence
à faire du journalisme. J'ai envie de dire que ça marche.
Ça a été dit aussi. Quand on fait du journalisme... Ça a été fait
dans l'entre-deux-tours de manière très forte
par différents médias qui ont donné à voir le vrai visage des candidats de l'extrême droite, donc en évoquant
des candidats racistes, xénophobes, antisémites,
suprémacistes, royalistes, complotistes,
j'en passe et des meilleurs. Eh bien, je crois que
ça a eu de l'impact, donc il faut nous faire confiance
dans notre savoir-faire, non pas dans la neutralité,
mais l'honnêteté journalistique, et faire confiance aux faits
pour produire des résultats et influer un tant soit peu sur ce que peuvent
comprendre les citoyens et peut-être les électeurs. Je partage entièrement
l'analyse de Carine à propos du renversement
des valeurs, du fait qu'on s'est mis
à marcher sur la tête encore plus que d'habitude
dans cette période. Je voudrais juste ajouter à tes remarques sur les faits la nécessité de les hiérarchiser,
parce que, en fait, très souvent, ce qui se passe
dans ces opérations de manipulation qui sont mises en œuvre
par la propagande de médias du type Bolloré,
ce n'est pas simplement qu'ils sont des chaînes d'opinion
qui vont déblatérer leurs opinions. C'est que, eux aussi,
ils ont recours aux faits. Simplement, ils ne choisissent pas
les mêmes faits. Parfois, ils les tordent.
On l'a souvent montré sur Mediapart. Parfois, ils n'ont même pas
besoin de les tordre. La question est de savoir
pas seulement quels sont les faits, mais quelles sont
les récurrences des faits. Imaginons, par exemple, que,
parmi tous les candidats du RN, il y ait eu une brebis galeuse.
L'expression générale, c'est ça. Une brebis galeuse,
ça peut arriver à tout le monde. Ça n'aurait pas été représentatif
des 577 candidats du RN. En fait, c'est pas le fait
sur cette personne qui aurait pu être utilisé.
C'est le fait qu'il y a - une récurrence.
- Que c'est une centaine de candidats racistes,
antisémites, - xénophobes, homophobes.
- Au-delà des petits faits vrais... Je pense que le journalisme
a trop souvent tendance à se réfugier derrière l'idée
que les petits faits vrais vont venir barrer la route
aux idées dangereuses. Je pense qu'il y a un travail
qui ressemble davantage à celui des sociologues,
qui consiste à prendre en compte la récurrence ces petits faits vrais
pour mesurer leur poids, en fait. Ça renvoie à un travail fondamental
du journalisme. À Mediapart,
on en sait quelque chose. C'est celui de la hiérarchie
de l'information. Il ne suffit pas de dire les faits.
Quels faits ? - Et du sens qu'on donne aux faits.
- Et du sens qu'on leur donne. Je crois qu'il y a, d'ailleurs,
un réflexe professionnel de défense des faits
qui me paraît insuffisant pour lutter contre
le type de journalisme de mauvaise foi
auquel on est confrontés - avec ces chaînes-là.
- On l'a beaucoup rappelé. On n'est pas les seuls,
mais ça a été beaucoup rappelé - on l'a prouvé avec des extraits
dans des émissions précédentes - qu'il y a d'authentiques
manipulations des faits - à l'antenne, décidées...
- Ça existe aussi, bien sûr. ...sur cette chaîne,
sur CNews en l'occurrence. On montre un deuxième extrait
et je vous donne la parole, Safia Dahani.
Pareil, sur cette banalisation. Vous allez me dire
comment on l'appelle. Émission du soir
de Julie Hammett sur BFMTV. On est le 1er juillet,
quelques jours avant le second tour, juste après
les très nombreux désistements. Là encore,
la séquence est parlante. L'essayiste conservateur,
mais qui appelle à barrer la route au Rassemblement national,
Charles Consigny, rappelle des faits historiques
sur l'histoire du RN. Géraldine Woessner,
rédactrice en chef du magazine Le Point,
s'indigne. Ce qu'il soulève
comme question intéressante, Jordan Bardella,
c'est si ces alliances contre-nature,
auxquelles on assiste au travers de ces désistements,
ne vont pas finalement profiter au Rassemblement national.
Est-ce que les électeurs, en constatant ces alliances
de circonstance... C'est pas des alliances,
puisque c'est des désistements. Non, mais vous voyez très bien
ce que je veux dire. En tout cas,
je trouve ça intéressant de voir que, aujourd'hui,
le mainstream, c'est devenu
le Rassemblement national. C'est-à-dire que, là,
moi, je dis une chose qui est une vérité factuelle, à savoir que le RN est
l'héritier des pétainistes. C'est une vérité factuelle.
Ça a été fondé par des gens qui étaient fondamentalement
pétainistes, anti-gaullistes ! Vous ne pouvez pas
avoir une grille de lecture - qui a 70 ans ad vitam æternam.
- Non, mais c'est génial. - C'est grotesque.
- Maintenant... - C'est ridicule.
- ...dans les médias français... Vous réalisez à quel point
vous êtes déphasé, par rapport
à 11 millions d'électeurs - que vous traitez de fascistes ?
- Je ne les traite pas de fascistes. - C'est grotesque.
- Je donne la filiation historique. Mais on la connaît ! Et alors ?
Vous en concluez quoi ? Voilà. Charles Consigny
rappelle l'histoire du RN, sa fondation notamment. Géraldine Woessner lui dit :
« C'est grotesque. » Lui dit : « Le mainstream,
c'est devenu le RN. » Oui. Il a, je crois, pas tort. Moi, ce que je voudrais relever
sur les deux derniers magnétos... BFM, c'est pas du public,
mais France Info, c'est quand même
une chaîne publique. C'est le service public,
chaîne sur laquelle on a l'impression que
le journaliste est à la limite un membre du RN,
un communicant qui va, pour apporter de la contradiction,
aller dans le sens du RN. On sent qu'il est embêté.
Il ne sait plus très bien. Il s'est embarqué dans quelque chose
et il ne sait plus comment atterrir. Tout à fait. Je pense que
c'est une toile de fond importante pour comprendre
l'espèce d'air du temps médiatique plutôt propice à l'extrême droite.
On le voit dans le second extrait. Rappeler les origines d'un parti,
c'est pas anodin. Scientifiquement, on le fait.
On ne va pas dire que c'est l'équivalent
du régime de Vichy, mais on essaye de travailler
des continuités, des formes de politisation.
Vous parliez des candidatures. Retrouver des candidatures
plutôt marquées à l'extrême droite, d'un point de vue scientifique,
ce n'est pas très surprenant. Du coup, ça interroge aussi du côté
de la formation des journalistes, notamment des journalistes
de premier plan, qui passent souvent
dans des écoles dites reconnues du journalisme
et dont on sait, au regard des collègues qui ont mené
des travaux sur ces écoles, qu'il y a aussi des choses à faire
en termes de formation, qui est très tournée
vers la technique, avec des journalistes
qui ne sont pas forcément au fait des sciences sociales,
historiques et humaines. En tout cas, d'un point de vue...
Pour quelqu'un qui travaille sur le RN depuis 10 ans,
je suis assez surprise de voir que, rappeler des faits sociologiques
somme toute assez banals dans le champ académique,
ce soit aussi surprenant et ça suscite autant de réactions
sur des plateaux de télévision. David, qu'est-ce que ça veut dire ? Je suis tout à fait d'accord
sur les écoles de journalisme qui fabriquent des techniciens
et pas de la réflexion. Les premières victimes,
ce sont les étudiants et les étudiantes
qui sortent de ces écoles, parce qu'on les forme
pour le marché, qui est exactement ça.
C'est de faire du desk. Voilà. C'est de l'abattage, en gros. C'est de l'abattage d'informations.
Passons. Dans les deux scènes qu'on a vues,
dans les deux magnétos, on voit en fait la même chose.
Public ou privé, on voit du commentariat.
On voit des gens qui ne donnent pas d'informations,
mais qui donnent leur avis. Consigny, tout d'un coup,
donne une information et, là, ça devient compliqué. On vous explique
que ça a 70 ans d'âge. D'abord, ça n'a pas 70, mais 50.
Ensuite, il n'a pas tort. Quelques jours après
ou quelques jours avant, il y a cette jeune fille,
candidate dans le Calvados, avec une casquette de la Luftwaffe.
Je ne dis pas qu'elle est nazie. Je dis juste que
ça ne lui pose pas de problème. Ça ne lui pose pas de problème,
parce que le parti vient de ça. Il vient de l'Algérie. Enfin, des nostalgiques
de l'Algérie française, etc. C'est important de rappeler ça,
mais Consigny, malheureusement, lui aussi,
il est dans le commentaire. Lui aussi, il est là tous les soirs
pour dire n'importe quoi. Alors, là, c'est bien.
Tout à l'heure, ce sera nul. Ça n'a aucune espèce d'importance.
Tout ça fabrique du bruit. Et le bruit
- je ne veux pas faire un mauvais jeu de mots -
profite à la fureur. - Safia, vous voulez répondre ?
- Juste, peut-être, prolonger sur la question
des formats des émissions, qui se sont beaucoup développés. Il y a à la fois l'infotainment,
où on va traiter, par exemple, les porte-parole du FN-RN
sur un mode que des collègues appellent
« le journalisme Arlequin ». Si on compare
comment Jean-Marie Le Pen était présenté à la télévision
dans les années 90 à comment
Marine Le Pen est présentée à partir de la fin des années 2000,
on a quand même un gros gap. Ou Jordan Bardella, aujourd'hui.
Une image lisse. C'est ça.
Que font-ils dans leur vie privée ? Combien de chats elle a ? Est-ce qu'elle est sympa ?
Comment elle élève ses enfants ? Il y a un changement
en termes de cadrage et, je pense aussi,
en termes de format d'émission. Le fait de développer
des émissions de débat avec cet idéal
de débat démocratique, où on a deux porte-parole de parti
qui vont débattre terme à terme et échanger un peu
des petits coups politiques, ça a participé aussi
à relégitimer l'extrême droite et le Front national.
Pendant la campagne pour les européennes,
il y a quand même eu un débat entre Gabriel Attal,
Premier ministre, et Jordan Bardella,
président du Front national, en tête-à-tête.
Ce qui se passe, c'est quand même qu'on a
un transfert de légitimation, au moins en termes
de représentation. Un Premier ministre va débattre
en duel, avant une élection, avec le président
d'un parti d'extrême droite. Tout le monde veut réagir. Réagissez rapidement,
David, Carine et Sylvain. Le Rassemblement national aussi
a changé vis-à-vis des journalistes. Il est toujours aussi sectaire
envers les journalistes critiques, mais dans ses rangs,
il a des journalistes, des anciens journalistes,
un ancien présentateur de LCI... Caroline Parmentier,
qui était à la droite ou à la gauche de Marine Le Pen dans l'hémicycle,
est députée. Elle a été pendant 20 ou 30 ans
à Présent, le quotidien d'extrême droite
Présent. Il y a aussi
tous les coachings qu'ils font, le media training,
donc ils ont aussi évolué de ce point de vue-là. L'image lisse,
elle est aussi fabriquée en interne. Ils ont compris
un système médiatique - qui leur est favorable.
- En tout cas, sur une partie des députés,
parce qu'on voit bien que, quand on élargit
et qu'on regarde l'ensemble du personnel,
c'est là où on trouve une centaine
de candidatures problématiques. Ne nous faisons pas avoir.
Ce ne sont pas des brebis galeuses. 100 sur 500, ce ne sont pas
des brebis galeuses. Ça veut dire que,
le fond de sauce, il est là. Il est là, le fond de sauce. Ceux qui sont presque pires, ce sont ceux qui se présentent
comme présentables. Les autres ne mentent pas
sur la marchandise. C'est épouvantable, mais ils ne mentent pas
sur la marchandise. Carine, tu voulais réagir. Oui. On a pas mal parlé
de l'audiovisuel. Je remarque aussi cette banalisation
dans la presse mainstream, notamment la PQR.
Il n'y a pas si longtemps, on voyait des éditos
pour faire face à l'extrême droite, - pour combattre le RN...
- Yunnes parlait de La Voix du Nord, notamment.
- ...ou le FN, auparavant. Ce n'est plus le cas, aujourd'hui. C'est là qu'on voit, effectivement, que la propagande Bolloré a gagné tous les esprits, propagande dont il faut
quand même souligner qu'elle a gagné en très peu de temps
et que, finalement, ce milliardaire a pris le pouvoir
en un temps record. On ne l'a pas dit encore, mais la responsabilité
d'Emmanuel Macron et de François Hollande auparavant,
dans cette affaire, est considérable.
Ils ont laissé faire tout simplement
ce rouleau compresseur, sans jamais l'arrêter avec les moyens
qu'ils auraient pu avoir. Peut-être qu'on reparlera
de l'Arcom à un moment, - mais c'est...
- Vas-y, justement. Là, je pense que l'Arcom a... C'est un enjeu historique.
Elle a la responsabilité d'arrêter la machine. Il ne s'agit pas
d'interdire ces chaînes. En fait, Bolloré a les moyens
de mettre en place ses propres fréquences. On parle là d'un bien commun,
d'un bien public, les fréquences de la TNT, qui nous appartiennent, nous, nous, citoyens. Donc, la question, c'est : jusqu'à quand
on va laisser l'État accepter que des chaînes déversent
de la haine, de la division, de la xénophobie
à plein tube sans rien dire ? En fait, c'est ça, la question.
La TNT, c'est un équipement public, c'est un bien commun, donc avec des obligations
qui vont avec. Toutes les obligations,
en termes de pluralisme et d'honnêteté de l'information,
sont rompus. Il est temps que ça cesse
et donc que l'Arcom ne renouvelle pas,
évidemment, ces chaînes. J'en reviens à la question
dont on discutait, celle du cordon sanitaire. Je sais pas si cette expression est bonne, d'ailleurs. Peut-être
que Géraldine Woessner nous dirait que, justement,
c'est fâcher les électeurs du Rassemblement national. Est-ce que c'est ça qui a sauté ?
Carine nous disait par exemple : « On n'a plus ces prises
de position de journaux, de la presse
quotidienne régionale » ? En tous les cas, il y a un vrai hiatus, un vrai fossé
entre ce qui se passe du côté des électeurs et ce qui se passe
du côté des médias. On l'a vu au second tour. Le fait majeur du second tour, c'est quand même le fait qu'une très grande
majorité de Français a considéré
que le Rassemblement national ne devait pas être considéré
comme un parti comme les autres, a accepté de voter
pour des candidats aux idées opposées aux leurs.
Je pense aux gens sur la question des retraites. On a eu beaucoup d'exemples
selon les circonscriptions. C'est extrêmement coûteux.
On a l'habitude de ça. On l'a fait en 2002,
en 2017, en 2022, on vient de le refaire à nouveau. On a cette 60 %,
enfin deux tiers, deux tiers du monde politique français,
que ce soit les partis politiques, que ce soit les électeurs,
qui considèrent, quand il y a un front républicain, que ce parti ne doit pas être
considéré comme les autres. Qu'est-ce qui se passe
pendant ce temps-là dans les médias ?
On a 95 % des médias qui traitent ce parti
exactement comme les autres. C'est ça, l'impartialité ? Je veux dire, on pourrait demander
à l'Arcom d'appliquer les règles, d'appliquer la loi et de faire
en sorte que, dans les médias, on ne traite pas
le Rassemblement national comme un parti comme les autres. En tous les cas,
66 % du temps au moins. Là, ce serait une manière d'être un peu plus impartial. Enfin, on ne prend pas en compte
cette réalité politique qui est une réalité politique majeure, qui est une réalité
politique liminaire. Je veux dire,
ce front républicain, c'est ce dont on parle
avant de parler du reste, en fait. Ça définit le jeu, les frontières du jeu politique
à l'intérieur duquel on va accepter de former un gouvernement,
des majorités, des oppositions. D'ailleurs, de la même façon, l'Assemblée nationale devrait
considérer que tous ces sièges-là, on n'en tient pas compte
et on raisonne uniquement à partir de majorités
sur les autres sièges. Dans les médias, on pourrait
faire la même chose. C'est une position qui, non seulement philosophiquement
mais juridiquement, se défend. Est-ce qu'il n'y a pas aussi
autre chose, la difficulté de nommer
des journalistes ? Il y a plusieurs exemples, Je veux dire, le Conseil d'État
dit que le Rassemblement national, c'est l'extrême droite
et dit par ailleurs que La France insoumise,
puisqu'il y a souvent eu ce parallèle qui a été fait,
c'est la gauche. Ça, c'est le Conseil d'État. Mais il y a aussi eu par exemple,
dans le service public, David Dufresne,
cinq journalistes de France 3, je crois,
sanctionnés pour avoir appelé à se positionner
contre l'extrême droite au nom de la neutralité
de l'audiovisuel public et plus largement
de la position de journaliste. Qu'est-ce que ça nous dit,
cette difficulté ? Quand vous nommez,
c'est prendre un risque. D'abord,
sur le Conseil d'État, je ne suis pas sûr
que ce soit la référence. On n'a pas besoin du Conseil d'État, il suffit de regarder
le programme du Front national. Il a, chevillée au corps, depuis sa naissance
dans les années 70, la préférence nationale. Ça, c'est l'extrême droite,
c'est tout. Il n'y a pas besoin d'aller
chercher le Conseil d'État. Très bien
s'il s'en est rendu compte, mais ce que je veux dire, c'est que le Conseil d'État
peut aussi avoir des drôles de décisions donc... Je précise juste :
« Motifs racistes dans le programme
du Rassemblement national », raison pour laquelle nous n'invitons
jamais de représentants du Rassemblement national
en raison de ce programme raciste sur ce sujet. Après, il y a un vrai problème,
mais qui dépasse, me semble-t-il, le Rassemblement national,
au sein du monde médiatique, c'est que voilà un métier
qui est un métier intellectuel où il semblerait que la discussion
ne soit plus possible. Voilà, il semblerait que les chefs décident de la ligne, que ce soit Delphine Ernotte
à France Télévisions, si j'en crois l'article de Yunnes, que ce soit les directeurs
de rédaction de France Inter, si j'en crois l'article de Yunnes.
Donc, ce métier, dont la base est la discussion, la négociation ou l'engueulade,
l'empoignade, - ça, c'est pas possible.
- Je voudrais dire qu'à France Culture,
on peut se parler, on se parle, on s'engueule. On n'est pas forcément d'accord,
mais il y a des discussions, il y a probablement des experts. Il y a des brebis galeuses
chez France Culture. Mais vous êtes aux programmes et pas à la rédaction,
c'est pas pareil. Non mais on a
des réunions communes où on réfléchit à la manière
dont on va traiter l'actualité. C'est difficile, comme je le disais, de tirer individuellement
sur un ou une journaliste. C'est pas
des responsabilités individuelles. Un journaliste, en fonction de la rédaction
où il travaille, travaille pas de la même manière. Il y a des contraintes temporelles
et hiérarchiques. Il faudrait aller faire
des observations dans les rédactions
et dans les services politiques pour voir comment se constituent
des sujets sur l'extrême droite... - J'ai fait il y a longtemps.
- Il faudrait le refaire - pour voir si ça a évolué.
- Ça n'a pas changé. L'article de Yunnes montre qu'il y a des questionnements
dans les rédactions, mais que tout le monde témoigne
de façon anonyme, que c'est compliqué de témoigner.
Les sanctions contre ces journalistes montrent qu'il y a un prix à payer. Ça, ça m'a choqué,
pas de la part de Yunnes, mais que les journalistes, hormis ceux qui ont
un mandat syndical, si j'ai bien lu l'article,
il a parlé en leur nom, tous sont anonymes. C'est là que je parle de courage. Il faudrait avoir un peu de courage.
Alors, je ne parle pas des petits rédacteurs
ou des petites rédactrices, des petits reporters. Je ne parle pas d'eux
mais des cadres. Un peu de courage, les enfants,
un peu de courage. Faites votre métier. Si le journalisme, ce n'est que
l'accompagnement du pouvoir ou raconter
la conquête du pouvoir, on n'en a pas besoin. Je veux dire,
on comprend que Bardella soit sur TikTok.
Il a compris, lui. C'est très, très important, ce que dit David.
L'indépendance, c'est pas un statut, c'est pas une carte
bleu-blanc-rouge, j'en ai jamais eu, qui nous donne notre indépendance
de journaliste. C'est le fait et la capacité
de prendre la parole dans des collectifs et d'affirmer
à quel point on est indépendant. En prenant en compte évidemment la précarité. Je ne parle pas là des pigistes,
je ne parle pas de ça, on est bien d'accord ? Carine et Safia, pour poursuivre
cette discussion, peut-être ? L'indépendance des médias,
ça me semble effectivement être un élément central
pour l'avenir. On l'a vu, la manière
dont les médias indépendants se sont mobilisés
dans cet entre-deux-tours, assumant leur rôle d'acteur dans la société civile
à un moment déterminant pour nous tous et toutes, je pense qu'on a vu là,
effectivement que, quand on n'a pas de fil
à la patte, quand on n'a pas
d'actionnaire milliardaire, quand on n'a pas de pub, quand on ne reçoit pas
d'aides publiques, ou le moins possible, on se sent d'autant plus libre
de prendre la parole, de s'exprimer, de s'exposer aussi, puisque c'est aussi un sport
de combat, le journalisme. Il faut faire face à l'adversité, quand on dérange. C'est ce qu'assume Mediapart :
c'est un journal qui veut déranger. On assume aussi de prendre
des coups, d'une certaine manière, de manière symbolique,
mais on fait face à l'adversité. Mais c'est vrai
qu'on peut le faire quand on est libre
de tous les pouvoirs. - Safia ?
- Oui. Un dernier mot, peut-être,
sur aussi... Moi, je pense
qu'il faut aussi le dire : il y a certains journalistes
dans des rédactions politiques qui, je pense, souscrivent à cette vision
dédiabolisée, normalisée de l'extrême droite. Ça peut expliquer certains cadrages
qui sont privilégiés. Je veux pas dire que ce sont des journalistes qui sont pro-RN, c'est pas ça du tout,
bien au contraire, mais qui, quand même,
souscrivent à cet air du temps. D'ailleurs, j'avais noté ça,
on ne l'a pas passé en extrait, mais par exemple,
il y a quelques jours, Jean-Michel Aphatie, éditorialiste,
a dit que les médias avaient normalisé
le Rassemblement national. En face de lui, Anne-Claire Coudray,
présentatrice du journal de TF1, a pu dire : « Attendez,
ce sont les politiques qui, pendant des années, n'ont pas voulu parler d'immigration
et d'insécurité. » CQFD.
C'est ce que je disais. Après, il y a aussi des manières... Bon, là, je suis devant
des journalistes. Renvoyer quelqu'un à sa responsabilité,
ça peut créer - des formes de violence.
- Mais les journalistes sont pas obligés,
quand ils sont interpellés, - de se sentir concernés.
- Exactement. Il y a effectivement
une partie de la profession qui souscrit à cette vision,
« ce n'est plus de l'extrême droite, il faut travailler avec eux
comme avec les autres ». C'est aussi en lien avec la manière
dont les journalistes travaillent, avec des sources.
Au FN, maintenant, on a professionnalisé, aussi,
le service presse : on fait des off
comme les autres, on a une conférence de presse tous
les mardis à l'Assemblée. Mais on interdit toujours certains journalistes d'y accéder. - On facilite, voilà.
- Par ailleurs, à Mediapart, on n'a jamais interviewé
de représentants de ces partis, il n'y a pas que le RN, dans nos colonnes
ni dans nos émissions. Ça ne vous a jamais empêché
d'avoir des sources. Je ne dis pas le contraire.
Il y a différentes contraintes professionnelles
dans différentes rédactions. Pour finir, peut-être vous deux.
Carine, tu peux faire un rebond... Carine a parlé de l'importance
de la presse indépendante, tous, chacun avec notre façon
de travailler. C'est ça qu'on défend aussi. Comment vous voyez, vous,
le rôle de la presse indépendante, vous autres et nous,
dans cette période-là qui s'ouvre ? Parce que ce dont on parle là ne va pas s'arrêter là,
tout de suite. Il n'y a pas de raison
que ça s'arrête, en réalité. Donc, comment vous voyez ça ? L'un des axes, peut-être,
à mettre en avant maintenant, c'est celui
d'une critique des médias telle qu'on a pu l'exprimer
ce soir, parce qu'elle ne concerne
pas que les journalistes. Elle concerne
au premier chef les lectrices, les lecteurs
et les citoyens de ce pays. Je crois qu'on a
trop longtemps laissé cette critique des médias à des professionnels de la chose. Je pense que c'est important que les gens puissent
regarder la télévision en ayant à l'esprit des doutes, qu'ils se posent des questions. C'est en fait un travail
de tous les instants. Je pense qu'il fonctionne pas en partageant des grands principes
ou des grandes théories mais plutôt à partir de cas d'école. C'est pour ça que c'est intéressant
de voir des séquences, de les démonter.
De ce point de vue-là... On va peut-être pas citer le travail
de « Arrêt sur images » aussi. Toute cette manière de faire me semble plus nécessaire
que jamais. On ne peut pas réduire
le journalisme à ça parce qu'il y a quelque chose
d'un peu mortifère aussi, mais je pense
qu'il faut lui accorder une part vraiment importante. Si le Nouveau Front populaire arrive au pouvoir, si un Premier ministre
est nommé, je serai parmi les premiers à les pousser
à appliquer leur programme, limiter strictement la concentration
dans les industries culturelles et les médias dans les mains
de quelques propriétaires, exclure des aides publiques les médias condamnés
pour incitation à la haine, défendre l'indépendance
des rédactions face à leurs propriétaires. Ça, c'est très important,
très urgent. Alors, c'est pas urgent, parce qu'ils ont fait ça en 3...
Il y a 15 jours urgent, 100 jours
et les quelques mois après. C'est dans les quelques mois.
On va faire en sorte que ce soit... Pour bien comprendre,
ce que vous nous citez, c'est quoi ? C'est le programme du Nouveau
Front populaire, c'est le fond. Je m'étonne
que vous vous demandiez. C'est parce que je pense que les gens
n'ont pas forcément compris. Parce que je l'ai mal dit.
C'est de ma faute. Ce que je veux dire :
c'est le fond. Il faut parler du fond. Le fond, c'est ça. Là, il y a le Nouveau
Front populaire qui dit : indépendance des médias. On doit inscrire ça dans le marbre. Je dirais que, quel que soit le résultat
des courses au gouvernement dans les prochaines semaines, il faut obtenir ça
quoi qu'il arrive. Absolument. Droite comme gauche, en finir avec la concentration
des médias et indépendance des rédactions. Merci à vous tous. Ça fait plus d'une heure
qu'on est ensemble. Merci pour cette émission. Au Poste et AOC sont
des médias indépendants, soutenez-les, abonnez-vous, faites des dons à eux comme à d'autres
médias indépendants. Cette émission est en accès libre, elle n'est possible
que grâce à vos abonnements, donc si vous le pouvez,
abonnez-vous à Mediapart. Merci.
Bonne soirée.
Et ben alors gaby qu'est-ce qu'ils viennent de balancer sur toi mdiapart mais ils te foutent jamais la paix sérieux mais ouais mais heureusement vous me dirait que pendant la révolution française on a aboli les privilèges bah ouais vous savez ah ça ira ça ira les aristos à la lanterne je sais pas quoi... Read more
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