Chaînes Bolloré: «L’Arcom a une responsabilité historique : arrêter la machine de la haine»

Published: Jul 08, 2024 Duration: 01:02:58 Category: News & Politics

Trending searches: mediapart
Salut. Bienvenue sur Mediapart. Après les législatives, c'est l'heure du bilan. Bilan politique, bien sûr, mais aussi bilan médiatique et on peut dire qu'il n'est pas fameux. Banalisation du RN au nom de la « neutralité », pilonnage contre la gauche sur nombre d'antennes, gauche finalement arrivée en tête des élections, score du Rassemblement national en résonance avec l'emprise sur les cerveaux de millions de Français des médias d'extrême droite de l'empire Bolloré. Médias en guerre culturelle, mais aussi en guerre contre les faits, tandis que l'Arcom, le gendarme de l'audiovisuel, semble bien peu décidé à agir vraiment. « Médias à l'heure des comptes », c'est « À l'air libre », l'émission en accès libre de Mediapart. « Victoire de la gauche, déroute des sondagiers, éditorialistes toutologues, défaite aussi des bots russes et des millions de Bolloré, la question médiatique est centrale. Merci aux médias indépendants qui ont dû aller puiser au fin fond de leurs forces. » Ce tweet, c'est vous, David Dufresne, qui l'avez posté dimanche soir à 21h55. Il résume bien votre analyse. David Dufresne, fondateur d'Au Poste. On va vous représenter tous correctement dans un instant et notre analyse aussi à Mediapart. Contre toute attente, la gauche unie est en effet arrivée en tête des élections législatives et on ne peut pas dire que ce scénario ait été celui des grandes chaînes. Certainement pas de CNews, Europe 1, le JDD, média d'extrême droite du milliardaire Vincent Bolloré, mais pas non plus celui des autres chaînes d'info. Pendant des semaines de campagne, nous nous sommes aussi indignés sur le traitement médiatique du RN, mais aussi de la gauche sur les chaînes d'info. Et on peut faire le pari, malheureusement, que ça risque de continuer. Une bonne raison pour discuter aujourd'hui des enseignements de cette campagne, de ce qu'il faut changer et de ce que les médias indépendants peuvent changer. Message, au passage : abonnez-vous à Mediapart et aux autres médias indépendants. Soutenez-les, soutenez-nous. Avec nous donc, David Dufresne, journaliste, fondateur d'Au Poste. Je l'ai dit, c'est un site, Au Poste. C'est aussi... Vous êtes aussi présent sur YouTube, Twitch, Instagram, TikTok, bref, partout. Merci d'être avec nous. Safia Dahani, vous êtes politiste. Vous étiez avec nous sur Mediapart pour commenter en direct dimanche les résultats de la soirée électorale. Chercheuse, vous travaillez sur le Rassemblement national, notamment, mais il se trouve que vous travaillez aussi sur le traitement médiatique du Rassemblement national, sur les journalistes politiques. On a effleuré le sujet dimanche. On voulait prolonger la discussion. Sylvain Bourmeau, bonjour. Vous êtes journaliste, producteur à Radio France, fondateur du site AOC, qui publie chaque jour plusieurs textes de chercheurs et d'intellectuels sur tous les sujets, en réalité. Et Yunnes Abzouz avec nous. Tu couvres les médias à Mediapart. Et dans un instant, Carine Fouteau, la présidente de Mediapart, nous rejoindra pour conclure cette émission. À tous déjà, peut-être une phrase ou deux ou une formule, quelques mots, pour qualifier le traitement médiatique de cette campagne législative. Sylvain Bourmeau ? À l'habitude. À l'habitude. Comme s'il ne s'était rien passé, ne serait-ce qu'avec les européennes, en fait, on a l'impression que l'information principale de ces européennes, le score très élevé du Rassemblement national, n'a en rien mis en question, suscité des critiques, des interrogations, des autocritiques parmi les journalistes. Yunnes ? Moi, je dirais que le diable a changé de camp, en partie viscéralement raciste. Celui de Jean-Marie Le Pen, multicondamné pour ses saillies antisémites et négationnistes, est devenu, aux yeux de beaucoup d'éditorialistes, plus fréquentable que la gauche. David ? La défaite des grands. La défaite des grands médias, qui ont des moyens, qui fabriquent l'opinion. Je pense aux matinales des radios, je pense aux chaînes d'info en continu. Et je trouve le sursaut d'un certain nombre de titres, qui ne sont pas forcément indépendants, je pense à Libération et je pense aussi évidemment à Mediapart, à StreetPress, à Blast, à tout un tas de gens, c'est-à-dire qu'il y a eu quand même un réveil, mais qui est un petit réveil, même s'il a réussi à imposer quelques petites choses dans l'entre-deux-tours, qui ont eu des répercussions, je pense notamment aux biographies de tel ou tel candidat du RN. Et n'oublions pas aussi le service public, avec les antennes régionales de France Télé, qui ont beaucoup, beaucoup joué leur rôle. Mais ce qui devrait être la norme est exceptionnel. - C'est là où ça ne va pas. - Safia Dahani ? « Amnésie ». Je l'avais déjà rapidement évoqué, mais moi, ce qui me marque, c'est qu'à chaque scrutin électoral, plusieurs titres de presse vont redécouvrir le fait qu'il y aurait des candidatures qu'on va appeler brebis galeuses, candidatures dites problématiques, avec des formes d'euphémisme qui me paraissent... Bardella a lui-même popularisé la formule. On en a dénombré plus d'une centaine, en s'aidant aussi du travail des collègues, dont a parlé David. Pour moi, c'est une forme d'amnésie, puisqu'en fait, si on regarde les élections, la couverture médiatique des élections depuis au moins 2014, il y a systématiquement des articles qui parlent de ces candidatures a priori surprenantes de brebis galeuses, qui auraient des propos antisémites, racistes, xénophobes, sexistes ou encore homophobes. Alors, le premier étage de la fusée de cette catastrophe médiatique, c'est bien entendu l'emprise médiatique de la sphère Bolloré dans les médias, de Pascal Praud sur CNews à Cyril Hanouna, qui a débarqué sur Europe 1, en plus de son émission sur C8. Il y a eu un parti pris clair pour le Rassemblement national. Comment vous qualifieriez ce à quoi ces médias se sont livrés dans cette campagne ? De la propagande, tout simplement. Ça n'a pas d'autre nom, mais à chaque fois, on est de plus en plus surpris, parce qu'ils vont un cran plus loin, la dernière étape en date étant probablement l'émission d'Hanouna sur Europe 1. Et ça, dans une période, on va en reparler, j'imagine, de discussions autour des fréquences à renouveler ou pas. C'est dire qu'ils font des mises en demeure, des avertissements lancés par l'Arcom depuis... 44 sanctions en deux ans, selon le calcul du Monde. Quand on travaille dans un groupe, Radio France, dans lequel on fait attention à la moindre minute, à l'équilibre, où tout le monde est traumatisé à l'idée d'avoir trop invité tel ou tel camp, je dois dire que voir la manière dont, dans une autre radio, en l'occurrence à Europe 1, on se comporte avec les règles du jeu, c'est assez problématique. On a même vu des séquences hallucinantes quand même, par exemple, dans TPMP, l'émission de Cyril Hanouna sur C8, le 13 juin, quatre jours après l'annonce de la dissolution, en direct, Cyril Hanouna a appelé Jordan Bardella, le président du RN. But de l'opération : que Sarah Knafo, la conseillère politique d'Éric Zemmour, qui était sur le plateau, récemment élue députée européenne, si je me trompe pas, lui laisse un message sur son répondeur pour l'appeler à l'union des extrêmes droites. Qu'est-ce que ça vous a inspiré, cette séquence ? Il y a les travaux de Claire Sécail, qui a beaucoup regardé TPMP en dehors de la séquence récente des élections, qui montrait qu'il y avait une ligne éditoriale particulière, en tout cas, particulièrement politisée, dans cette émission, comme dans l'ensemble des chaînes du groupe Bolloré. Ce sur quoi je voudrais insister, c'est qu'effectivement, ces chaînes-là, qui sont plutôt marquées à droite, avec des lignes éditoriales plutôt conservatrices, voire réactionnaires, mais qu'il y a aussi tout un ensemble de médias qui ne sont pas réputés propriétés de milliardaires conservateurs, et qui ont participé, je pense, sur le temps très long, pas vraiment que le dernier mois, à banaliser en fait l'extrême droite en ne disant plus que c'est forcément de l'extrême droite, mais plutôt populisme, droite radicale, etc., en reprenant parfois aussi les mots de l'extrême droite. Moi, je me souviens de séquences sur BFM cette année ou l'an dernier, où on parlait des Français de papiers au premier degré. Ça m'avait marquée, puisque c'est quand même du vocabulaire du FN cher à Jean-Marie Le Pen. Je pense qu'il faut regarder du côté de l'ensemble des autres chaînes et de cette espèce de banalisation un peu quotidienne, routinisée, depuis des dizaines d'années. On va d'ailleurs aller dans ce sens dans un instant, mais d'abord, je voudrais quand même revenir sur ce qui s'est passé au niveau de la sphère Bolloré, parce qu'il y a un ou deux autres éléments, notamment, Yunnes, jusqu'au dernier moment, en réalité, cette propagande, dont nous parle Sylvain Bourmeau, s'est développée avec carrément un faux scoop du Journal du Dimanche vendredi soir, juste avant la période de réserve médiatique, qui était visiblement destiné à influer sur le résultat de l'élection. C'est un épisode très troublant. Est-ce que tu peux nous le résumer ? Il faut dire qu'en fait, les médias de Bolloré se sont livrés bille en tête jusqu'à la dernière heure de la période officielle de campagne, avec un seul mot d'ordre : faire élire le Rassemblement national. Et vendredi soir, donc, à 21h30, à seulement quelques heures de la fin officielle de la campagne, le JDD sort un faux scoop en expliquant, en fait, que le ministère de l'Intérieur allait suspendre les décrets d'application de la loi immigration. Donc c'est une information quand même de première... de premier intérêt, en tout cas, pour un certain nombre d'électeurs. Justement, cette loi immigration, elle a servi de gage au camp macroniste pour afficher un visage de fermeté vis-à-vis de son électorat droitier. Donc c'est une information quand même importante. Et en fait, on se rend compte que cette information, non seulement, elle est très rapidement démentie par le camp macroniste, mais qu'elle est aussi l'auteur, qu'elle est aussi... Sous la plume de cet article, un journaliste, qui s'appelle Alexis Bergeron, dont on a... Dont a priori, on n'a aucune trace numérique de son existence, dont il semblerait qu'il n'existe en fait tout simplement pas. Tu l'as raconté longuement sur un article dans Mediapart. Là-dessus ? Peut-être David ? Sur l'idée de la dernière cartouche, qu'à la dernière minute... C'est peine perdue. La preuve, les résultats n'ont pas... ne sont pas allés dans le sens de Bolloré. Et d'ailleurs là-dessus, j'aimerais atténuer un peu non pas les critiques, mais la portée de Bolloré. Félicien Faury, que vous avez reçu... Chercheur, spécialiste du Rassemblement national. Voilà, qui a passé six ans dans une ville du sud-est de la France, explique très bien, à la recherche de l'électorat FN, que vous connaissez aussi, évidemment, à la recherche de l'électorat du Front national, du Rassemblement national, ce qu'il explique bien, c'est que le vote, c'est avant tout une succession de sociabilité, c'est-à-dire la famille, les voisins, les collègues de bureau, etc., avant d'être les médias. En revanche, là où il y a un problème terrible avec Bolloré, c'est la bollorisation d'atmosphère, on va dire, ce que vous disiez tout à l'heure. C'est-à-dire le fait que ça se soit lâché absolument partout, absolument partout. C'est-à-dire que tout est repris avec des guillemets, comme vous avez fait tout à l'heure, ou sans guillemets. Et c'est là où il y a une défaite généralisée. C'est-à-dire qu'aujourd'hui, plus personne ne prend le moindre gant en liant dans la même phrase « immigration » et « sécurité ». Plus personne. Il y a 20 ans, il pouvait y avoir des engueulades sur l'idée de faire une relation de cause à effet aussi facile. Et Bolloré accélère ça. Les chaînes d'info, c'est aussi, pour prendre un exemple que je connais, c'est la police. Pendant très longtemps, à la préfecture de police, en salle de commandement, il y avait une télé. Aujourd'hui, vous avez un mur de télévisions. Le maintien de l'ordre, et c'est la même chose dans les ministères, se fait avec les télévisions, avec les télévisions éteintes, mais les bandeaux criards, c'est ça, la bollorisation d'atmosphère. C'est les bandeaux, c'est-à-dire une espèce de simplification. Et ça, ça déteint sur l'intelligence collective. En fait, ça déteint sur l'intelligence collective. Sylvain, pour autant, on peut dire... La question, vous en avez parlé, d'ailleurs, dans un article récent, c'est de savoir... En même temps, on a reçu plein de gens ici qui faisaient la campagne, qui nous disaient : « Quand on rencontre des électeurs du Rassemblement national quand on fait du porte à porte, on ne sait pas sur qui on va tomber. On toque à la porte et tout de suite, on a ce qu'on entend sur CNews qui vient en premier lieu si on ne pose pas d'autres questions pour savoir de quoi les gens ont envie dans leur vie quotidienne ou dans leur vie très concrète. » Ça, c'est très important, ce qu'on appelle la bollorisation de l'ambiance. Mais j'aimerais ajouter autre chose. Je pense que ces médias servent aussi, ont aussi pour effet d'influer considérablement sur ce qui fabrique l'offre politique. Or, on a bien vu à la faveur de cette élection que l'offre est quelque chose de décisif. Un électeur, par définition, ne sait pas dans l'absolu pour qui il va voter. D'ailleurs, il n'a pas le choix, ça dépend des candidats dans sa circonscription, par exemple. Et l'offre politique, entendue au sens large, c'est-à-dire qui a le droit d'être candidat, qui sera Premier ministre, qui sera présidentiable, mais aussi de quels thèmes on a le droit de parler, tout ça est vraiment fabriqué par ce type de médias, comme par tous les médias en règle générale. Mais ces médias-là ont pris une importance décisive dans la fabrication de l'offre, c'est-à-dire qu'en fait, ce n'est pas tant l'effet qu'ils auraient directement sur les électeurs, c'est une mauvaise question de savoir si la télévision fait l'élection. En fait, elle la fait de façon très indirecte en participant à la structuration de l'offre. Si on reprend l'exemple de la manipulation avec cette couv', cette une du JDD au dernier moment, en fait, on voit, l'argument a été soulevé par Yunnes, l'effet sur la manière dont ça affaiblit éventuellement la macronie, mais ça vient aussi percuter l'intérieur de la gauche où, rappelons-le, dans le programme du Nouveau Front populaire figure l'abrogation de la loi immigration. Alors, qu'est-ce que ça veut dire, en fait ? Finalement, on a là une offre politique de gauche qui propose de se débarrasser de cette loi, mais le simple fait de retoucher un tout petit peu cette loi provoque un gigantesque scandale. Donc, ça a des effets considérables sur des formes d'autocensure à gauche, y compris par exemple sur : « Vous vous rendez compte, on ne peut pas arriver au pouvoir et immédiatement abroger cette loi », par exemple. Question d'actualité aujourd'hui. Si le Nouveau Front populaire accède d'une manière ou d'une autre au gouvernement de ce pays, les priorités vont devoir être établies, il y a des choses très claires dans leurs engagements et ça, ça y figure. Et de ce point de vue-là, les médias Bolloré auraient ou auront peut-être contribué au fait de considérer le fait d'abroger cette loi comme quelque chose de pas forcément urgent ou d'un peu dangereux pour la gauche, par exemple. Voilà les types d'effets. On installe déjà des récits pour la suite. Safia Dahani, vous vouliez réagir là-dessus ? Oui, surtout sur ce qui a été dit un peu avant sur la question des effets des médias. Je pense que c'est intéressant de parler de représentation médiatique au sens large, mais on sait depuis au moins les années 40 que les effets médias n'ont pas d'effet direct et puissant sur les électeurs, que ce soient des électeurs du RN ou d'autres types d'électeurs. En fait, généralement, on s'expose de manière sélective aux médias. On a plutôt tendance à s'exposer à des médias avec lesquels on est plutôt d'accord. Par contre, ce qui peut se passer, et c'est pour ça que j'invite à regarder sur le temps très long de la médiatisation de l'extrême droite et comment les mots pour la dire et la faire parler ont évolué, ça peut créer des représentations nationales, des effets de mise à l'agenda, des effets de cadrage particuliers, mais il n'y a pas d'effet massif et direct sur les électeurs. J'imagine que quand on a une chaîne qui pousse très loin vers la droite jusqu'à faire de la propagande, ça ouvre la fenêtre de ce qui est dicible ou de ce qui est dit dans l'espace public. Ça peut confirmer quelque chose qu'on pensait avant. « Si quelqu'un d'aussi important à la télévision le dit comme moi, ça m'autorise moi aussi à le dire. » Mais il y a quand même des dispositions qui arrivent avant qui ne sont pas liées vraiment aux médias. Juste, je voudrais ajouter une chose pour dire à quel point, vous avez dit des décennies, c'est très ancien, c'est-à-dire qu'on n'a pas attendu Bolloré pour ça. Je me souviens avoir remarqué un drôle de montage d'articulations qui existait il y a plus de 20 ans dans le paysage médiatique français. Un hebdomadaire, Marianne, avait pour fonction, entre autres choses, d'opérer la « blanchisserie », j'appelle ça comme ça, la blanchisserie du vocabulaire de l'extrême droite, en parlant d'immigrationnisme, en parlant de droit de l'hommisme, en parlant d'européisme, tous ces mots qui venaient de l'extrême droite et qui ont été popularisés dans l'espace public. Et puis, après la blanchisserie, il y avait le pressing de luxe, et c'était la revue Le Débat. Vous vous rendez compte que c'était les mêmes auteurs, parfois. Aujourd'hui, beaucoup écrivent dans Causeur. Mais l'origine de ça et cette activité, il y a des organes de presse qui étaient plutôt perçus comme de gauche à l'époque, d'ailleurs, qui ont joué un rôle décisif dans ces transformations de vocabulaire, et c'est très ancien. Le score du RN aujourd'hui, il est également le produit de choses qui se sont déroulées il y a 20 ans, il y a 30 ans. Je suis un peu en désaccord avec vous. Bien sûr, il faut regarder le passé. Alors, regardons-le. Quand il y avait Hersant, il y avait Le Monde, en face, il y avait Libération, en face. Quand il y avait Bouygues, il y avait le service public. Le paysage est beaucoup plus fragmenté, aujourd'hui. Là, aujourd'hui, on a un Bolloré milliardaire qui possède toute la chaîne d'information, y compris des boîtes d'influenceurs. Qui ont mené une guerre d'influence contre Reporters sans frontières. Voilà. Donc ça va d'Europe 1, le JDD, CNews, C8, etc... Je pense qu'on parlera tout à l'heure des auditions à l'Arcom. - On en parle juste après. - C'est ça. Et donc là, il y a quand même un effet de volume et surtout, en face, il n'y a pas de répondant ou alors, c'est faible. Je sais bien, Mediapart, bravo, vous êtes là, c'est top, vous êtes troisième quotidien national. Mais en fait, on parle de 200 000 personnes, 200 000 abonnés, ce qui est considérable aujourd'hui, mais si on compare... Un peu plus, aujourd'hui. Oui, 220, 230, on sait jamais avec vous, c'est toujours un peu ténébreux, le nombre d'abonnés chez vous. - Chaque année, c'est publié. - Je rigole. Ce que je veux dire, vous n'êtes pas en cause, c'est qu'il n'y a pas de répondant. Et on avait notamment le service public qui était un peu l'arbitre des élégances, on va dire, qui aujourd'hui ne l'est pas. - C'est ça le problème de Bolloré. - Pour la télévision. La radio, c'est autre chose, elle n'a jamais été aussi puissante qu'aujourd'hui, la radio publique. Je pense... J'ai lu un article de Yunnes cette semaine dans Mediapart, vénérable institution... Je parle de nombre, là. Oui, mais... Je pense que je vais laisser Yunnes expliquer les informations qu'il a recueillies, mais quand les patrons de l'information de France Inter, si je ne m'abuse, expliquent qu'il ne faut pas parler d'extrême droite ou des choses comme ça... Je propose qu'on en finisse sur, justement, les auditions à l'Arcom en ce moment et qu'on revienne sur cette banalisation, normalisation dans l'ensemble du paysage médiatique. Ça tire tout le monde vers le bas. C'est ça, le problème. C'est que c'est tellement puissant que ça tire... Quand je dis que ça tire vers le bas, c'est-à-dire que ça tire vers, justement, ce que tu as appelé l'abaissement des standards, la construction. Safia voulait dire un petit mot. Rapidement, sur la question du temps long, j'ai beaucoup travaillé sur les premiers pas de Marine Le Pen en politique, notamment toute la séquence en 2010-2011 pendant laquelle elle va être amenée à diriger le FN, et j'ai travaillé sur ses invitations à la télévision, en comptant systématiquement où elle passait,, où elle était invitée, en comparaison notamment avec Bruno Gollnisch, je ne sais pas si on se rappelle de lui aujourd'hui, qui était son concurrent en 2011. Et en fait, déjà en 2009-2010, Marine Le Pen est testée dans des instituts de sondage pour la présidentielle de 2012, alors qu'elle n'est pas encore présidente du FN, et il y a aussi beaucoup le poids des chaînes d'info en continu, qu'on voit déjà à cette période-là, puisque Marine Le Pen, par exemple, elle peut déjà passer à la télévision, diffuser ses conférences de presse, alors qu'elle n'est pas encore présidente d'une organisation. Donc, il y a aussi toute une restructuration de l'espace de la production de l'information avec cette information en continu qui a aussi besoin d'inviter et de produire des images et qui va concourir aussi à augmenter la visibilité des porte-parole du FN, notamment de Marine Le Pen. Venons-en donc sur les médias Bolloré à ce qui se passe en ce moment, c'est-à-dire qu'aujourd'hui ont commencé les auditions de l'Arcom, l'ancien CSA, pour réattribuer notamment les fréquences TNT de C8, CNews et BFMTV. Il y en a plus, en réalité, mais c'est celles-là qui nous intéressent particulièrement. Et la réponse doit être donnée très vite, à la fin du mois. L'enjeu, c'est quand même de savoir si l'Arcom va sévir, et même couper le robinet. C'est ça, l'enjeu. Yunnes, hier, tu as publié sur Mediapart un parti pris pour dire que l'Arcom, qui a infligé de nombreuses sanctions à CNews et C8 dans le passé, on en a parlé tout à l'heure, doit agir, assainir le débat public et donc retirer les fréquences aux chaînes Bolloré. Je pense qu'il faut vraiment saisir ce qui s'est joué. C'est ce qu'on a dit pendant cette campagne, on a des médias d'information dont on savait qu'ils ont été transformés en médias d'opinion pendant toutes ces années, dont l'objectif était de faire monter et de mettre à l'agenda les thématiques-phares de l'extrême droite. Donc, faire monter le sentiment d'insécurité, le sentiment d'une immigration incontrôlée qui, pendant trois semaines, se sont complètement transformées non plus en traitant la campagne, mais en faisant campagne pour l'extrême droite, pour un parti. Et on arrive à un moment historique dans l'histoire de l'audiovisuel où, jusqu'à présent, l'Arcom s'est relativement fait marcher dessus, s'est fait rouler dessus, n'a prononcé que des sanctions qui n'ont eu aucun effet, en tout cas, particulièrement financier, sur un groupe Bolloré qui n'a aucun mal... Qui s'est même assez vanté, d'une certaine façon. Bolloré n'a aucun mal à remettre au pot dès que ses émissions sont sanctionnées. C'est 7,5 millions d'euros au total d'amendes, c'est-à-dire rien à l'échelle de ce groupe. Sylvain Bourmeau, vous, comment vous voyez ça ? Est-ce que vous vous dites : « Là, moi, en tant que patron de presse, en tant que responsable d'un média indépendant, il faut arrêter les fréquences de ces chaînes » ? Je pense que la liste des condamnations et des écarts par rapport aux engagements qui sont pris, aux documents qui ont été signés par ces chaînes, suffisent, normalement, devraient suffire au non-renouvellement. Je pense que L'Arcom prend les choses à l'envers, et plus grave, a été invité par le Conseil d'État à prendre les choses à l'envers en se focalisant sur le contrôle du pluralisme interne des chaînes, ce qui me semble une très mauvaise idée, une idée très dangereuse à vrai dire, parce que ça implique de catégoriser qui parle, de compter, on ne sait pas très bien comment. Pour moi, c'est extraordinairement dangereux. En revanche, jouer sur ce qu'on appelle le pluralisme externe, c'est-à-dire regarder combien il y a de fréquences disponibles et faire en sorte que ces fréquences ne soient pas toutes détenues par des propriétaires dont les idées politiques vont dans la même direction, parce que c'est quand même grosso modo le cas aujourd'hui. Et donc, à mon sens, le raisonnement que devrait avoir l'Arcom, ce n'est pas juste un raisonnement de gens qui disent : « Vous présentez vos dossiers, nous on va juger. » C'est un raisonnement qui partirait du principe que s'il y a trois fréquences pour des chaînes de télévision d'information continue, « alors l'Arcom, nous devrions faire en sorte que ces chaînes appartiennent à des gens qui ont des sensibilités et qui défendent des projets éditoriaux politiquement différents. » Je ne suis pas aussi persuadé qu'on puisse faire simplement la distinction entre les opinions et les informations, je pense qu'il y a beaucoup d'opinions déguisées dans le travail d'information et je ne pense pas que ce soit sans danger de vouloir mettre en place des mécanismes qui permettent de trier entre les informations et les opinions. David Dufresne, qu'en pense le fondateur d'Au Poste, faut-il couper le robinet ? Ce matin, justement, au Poste, on a regardé l'audience, l'audition, pardon, l'audition de... Je dis l'audience parce qu'il ne parlait que de ça. En gros, il disait... Donc l'audition de Maxime Saada, le patron de Canal+. Ça peut être devant un tribunal, l'audience. Oui, mais ça, ils s'en foutent. Il faut savoir, pour ceux qui ne l'ont pas vu, c'était un peu interminable, ils étaient tendus. Maxime Saada était très tendu. Peut-être parce que le RN n'étant pas au pouvoir, tout le pari en amont qui est de dire : « On fait du Europe 1, du truc, du machin », là, ils sont dans une situation un peu délicate et franchement, à l'Arcom, il y a eu des positions, des questions qui étaient assez tranchantes, assez incisives. On n'a pas l'habitude dans ce genre d'institution d'entendre ça. La réponse en face était nulle et non avenue. On nous propose... On nous dit deux choses sur Cyril Hanouna, qui était l'objet central de tout ça. On nous dit : « Si vous nous retirez la fréquence, de toute façon, Cyril ira ailleurs. » Bon, OK, super argument. Et deuxième truc : « On invente le time delay. » Le time delay, c'est du direct qui n'est pas en direct, qui est en différé. Et là, ils se sont emmêlé les pinceaux. À partir de combien de temps ? 15 minutes ? 45 minutes. Ils ont dit 15, après 45. Ils n'étaient pas d'accord ensemble. Qu'est-ce qu'on coupe ? Bardella, on coupe le coup de fil ? « Oui, bien sûr. » Pour les résultats des élections, c'est pratique d'avoir l'info 15 minutes après tout le monde. On imagine très bien qu'ils feront ça. De mon point de vue, ce qui était dingue, c'est que ces gens étaient totalement incompétents ou ont joué à l'incompétence. Dans les deux cas, il y a un problème et ça répond à votre question. Ben oui, on coupe. Des gens qui ont autant d'amendes depuis autant d'années et qui se foutent de la gueule du monde, qui sortent le lapin du chapeau et qui s'en vantent, avec un peu de nervosité, je vous assure, c'était assez étonnant. Je sais pas, Yunnes, vous avez dû regarder aussi. C'est juste pour reprendre un peu, ce qui était hyper intéressant, c'est qu'ils ont cru s'en tirer à bon compte en mettant sur la table ce truc de « on va différer l'émission ». Mais la question que l'Arcom a soulevée, de manière très pertinente, d'ailleurs, c'est : « Est-ce que différer l'émission, ça va résoudre le problème d'une émission qui est consubstantiellement conçue pour être problématique, pour créer du buzz, y compris en invitant des gens qui crient, qui vont venir expliquer sur un plateau télé que les élites de ce pays s'alimentent de sang d'enfants torturés pour rajeunir ? » Il y a eu ça dans l'émission de Cyril. Il y a eu ça, effectivement. Y compris aussi une émission qui s'est fait le creuset aujourd'hui de toutes les idées hyperconservatrices et radicales. Il y a un projet éditorial qui est au cœur de ce dont l'Arcom devrait discuter. Je vous donne la parole, David, mais juste, Safia voulait réagir. C'est intéressant d'avoir votre regard de chercheur. On n'a pas le temps de discuter, mais ça renvoie à toute une histoire de comment est-ce qu'on contrôle ou pas les médias, le journalisme. Je voudrais aussi dire que là, la séquence politique, elle est intéressante puisqu'il me semble que la vice-présidence de l'Assemblée participe à nommer une partie des gens de l'Arcom. Donc là aussi, peut-être qu'on verra qui est nommé et comment est-ce que la composition de l'Arcom peut changer et peut-être participer à proposer des éléments pour contrôler... Les idées du Rassemblement national. Tout à fait. Je ne sais pas ce qui va se passer, mais ça peut participer... Il y en a trois qui sont effectivement nommés par... Tout à l'heure, je parlais de la puissance de Bolloré. Il y avait quand même un autre argument qui était sous-jacent, c'était : « Si vous nous attaquez, c'est le groupe Canal+. » Et Canal+ finance le cinéma, notamment. Notamment. Et on sait aujourd'hui, c'est un peu un secret de polichinelle, qu'aujourd'hui, Canal+ a gelé les discussions qui ont lieu tous les trois ans avec le monde du cinéma. Les questions sont gelées et on nous a mis en avant à deux ou trois reprises que C8 finançait quelques films de cinéma. Sous-entendu, « si vous nous enlevez cette petite chose...» - Chantage. - Voilà, c'est du chantage. Et c'est là, la puissance. C'est là, le danger. C'est-à-dire qu'on ne discute pas avec une chaîne, on discute avec une industrie, un groupe industriel. Je voudrais qu'on en vienne, on navigue, on était déjà rentrés dans ce thème de la banalisation de l'extrême droite par les médias, mais on va vous montrer des exemples de ce qui s'est passé ces dernières semaines. Safia Dahani, on en parlait déjà, notamment cette question des extrêmes renvoyés dos à dos. Ça a été un argument du discours politique, notamment de la droite dans son ensemble, c'est-à-dire de Gabriel Attal à plus à droite. Et ça a été repris partout dans cette campagne. On va revenir un peu sur cette banalisation historique, mais là, c'est une manifestation de ça, quand même. Le terme le plus intéressant dans votre question, c'est la question de la reprise. C'est comme la dédiabolisation, c'est une stratégie. Et en fait, si vous n'avez aucun groupe qui reprend la stratégie en face, ça aura peu d'effet ou de force sociale. Et donc là, ce qui se passe, c'est qu'il y a quand même une forme de circulation, circulaire, quasiment, entre services politiques de différentes chaînes de télé et parfois de la presse, où on va reprendre des arguments entre journalistes, éditorialistes, sondeurs, experts politiques dont on ne connaît pas trop d'où vient leur expertise ni s'ils donnent leur opinion ou des faits objectifs et hommes et femmes politiques qui vont reprendre à leur compte ce discours. Donc moi, ce sur quoi j'essaie d'insister, c'est qu'il n'y a pas de responsabilité individuelle de journalistes politiques, etc., c'est un écosystème entre différentes rédactions, différents acteurs du champ journalistique qui ne sont pas que des journalistes politiques détenteurs de la carte de presse et des hommes et des femmes politiques qui reprennent aussi ce discours, qui est entretenu sur plusieurs plateaux et par plusieurs groupes. Petit passage par Sylvain. C'est intéressant, cette question des extrêmes. Elle est démentie par la sociologie, par la sociologie politique. Ça me rappelle la remarque de mon papy, paix à son âme, qui disait que les extrêmes finissent par se toucher, le fer à cheval. Dans l'élection récente, si on regarde les rapports de force, comment ça s'est passé, c'est pas le cas. C'est pas le cas dans le vote, c'est pas le cas politiquement. Ça, c'est un fait établi par la recherche depuis longtemps. Mais je crois que pour compléter ce qu'a dit Safia, il y a effectivement ce mécanisme qu'on connaît bien de dissémination des cadrages, du vocabulaire, des lexiques, mais il y a quelque chose de supplémentaire, à mon avis, là, qui est l'œuvre d'Emmanuel Macron et qui permet d'ailleurs de comprendre le succès d'Emmanuel Macron dès 2017. C'est une stratégie rhétorico-géométrique, on peut dire, ou si on préfère d'autres types de maths, on peut dire que c'est de l'algèbre booléen, c'est-à-dire que le premier Macron, c'était et de droite et de gauche. Donc, c'est une manière de se positionner au milieu en absorbant la gauche et la droite et en tentant d'effacer le clivage droite/gauche. Or, ce discours-là, il a, à mon sens, eu du succès dans les médias parce qu'il est complètement congruent avec la manière de faire principale des journalistes, c'est-à-dire que les journalistes, ils passent leur temps à prendre un silex, un autre silex, à les frotter et à produire des étincelles de vérité. C'est-à-dire qu'en frottant des opinions antagonistes, si possible les plus antagonistes possibles, les plus orthogonales possibles, ils ont l'impression de produire de l'objectivité. Ce discours politique macronien, il a été servi comme aucun autre discours politique par les médias, parce que l'idéologie professionnelle des journalistes, qui repose en grande partie sur cette manière de travailler, s'est retrouvée, en fait, dans ce discours politique. Ce discours politique, à mesure qu'Emmanuel Macron s'est déplacé vers la droite, il a été remplacé par l'autre formule de l'algèbre booléenne. Ce n'est pas « et-et ». C'est « ni-ni », c'est-à-dire « ni l'extrême droite, ni l'extrême gauche », mais c'est toujours la même stratégie géométrico-rhétorique qui consiste à se mettre au milieu et qui marche de la même manière avec les journalistes. En fait, on a vu ce discours repris, sans qu'ils s'en rendent compte, par tous les journalistes, parce que c'est le bon sens. C'est-à-dire que ça renvoie exactement à leur façon de travailler, les uns les autres, les journalistes politiques, ceux qui font autre chose que de la politique... Tout le monde comprend cette manière de produire quelque chose qui relève du bon sens, en fait. Alors, il y a le bon sens, mais il y a aussi le mimétisme. Dans une autre vie, j'étais rédacteur en chef d'une chaîne d'info, iTélé, qui n'avait rien à voir avec ce que c'est devenu. Quand BFM est arrivée, ça a été la révolution. Il y avait déjà LCI. Il y avait iTélé. Après, il y avait BFM. BFM, c'était le modèle Fox News. Il y a un sujet par jour. On le traite et on ne traite pas les autres. Ça a amené les deux autres chaînes à faire la même chose. Ça a amené les deux autres chaînes à être mimétiques. Plus on a des chaînes d'information - aujourd'hui, il y a CNews, etc. - plus on a ce phénomène. C'est-à-dire que, dans ces rédactions, la hantise, c'est le ratage, donc tout le monde se colle - au même sujet... - Y compris le ratage des étincelles dont parle Sylvain. ...au même moment. Il y a ces deux mouvements. C'est-à-dire que, alors qu'on pourrait se dire que c'est incroyable, qu'il y a un grand nombre de chaînes d'information, donc on devrait avoir une pluralité de points de vue, à l'inverse, on a quelque chose d'extrêmement homogène. Quand vous étiez dans la presse écrite, il y a 20 ans, chacun faisait son journal dans son coin. L'épreuve de vérité, c'était le lendemain matin, dans le kiosque. Les journaux étaient différents. - Aujourd'hui, ils se ressemblent. - Il y a 15 ans, ça avait changé, parce qu'il y avait déjà, dans les locaux des directions de la rédaction des journaux quotidiens, BFM en permanence, que l'on appelait à l'époque tous « BFN ». On l'a oublié depuis, du fait du repositionnement en partie de cette chaîne, par rapport à l'évolution de CNews. Yunnes, un mot. Après, tu vas nous quitter - et Carine va nous rejoindre. - Ce qui est intéressant, c'est d'expliquer aussi comment ça fonctionne en interne, dans ces grosses machines que sont les chaînes d'information en continu. Elles sont aussi constamment branchées sur les concurrentes. Par exemple, à BFMTV, on a un Marc-Olivier Fogiel tout-puissant qui a une manière d'administrer les choses - extrêmement verticale. - Dont tu as dit d'ailleurs que, pendant cette campagne, très précisément... - Tu as fait un article là-dessus. - Incroyable. Marc-Olivier Fogiel, qui dirige la chaîne, avait passé une consigne pour avoir, je cite, « plus d'invités de droite et droite plus ». - Autrement dit, d'extrême droite. - Exactement. Et pourquoi fait-il cela, justifie-t-il ? Pour qu'aucun Français ne se sente délaissé. - L'enjeu, c'est ça. - Ça veut dire quoi ? S'il y a 40 % de votes pour le Rassemblement national et ses alliés, il faut 40 % de voix sur la chaîne qui sont d'extrême droite ? Enfin, « de droite plus », comme dit Marc-Olivier Fogiel. C'est ce que me racontent les journalistes en interne. La crainte, c'est de se laisser distancer par CNews. CNews est passée, depuis deux mois, première chaîne d'information en continu. Plutôt que de marquer la différence avec CNews, de faire de la vraie information, de mettre un peu de côté les débats et de s'appuyer sur la force de BFMTV, qui est une rédaction où il y a beaucoup de journalistes de terrain, en fait, non. Le choix que fait Marc-Olivier Fogiel, c'est de s'inscrire dans les pas de CNews et de faire du débat en permanence, quitte à reprendre, en fait, ce qui était déjà un peu le cas... Reprendre les thèmes de prédilection de CNews, de l'extrême droite, etc., mais aujourd'hui, c'est carrément reprendre les éditorialistes phares de CNews et des gens qui étaient cantonnés à la marge du débat politique. Des gens de Valeurs actuelles, notamment, du JDD, on les retrouve aujourd'hui de plus en plus sur BFMTV. Dernier exemple en date : on a un certain Arnaud Stephan, qui est un ancien communicant du RN, qui est quasiment tous les jours sur BFMTV. Vraiment tous les jours. Il est devenu un récurrent de la chaîne, quitte parfois à ne même plus être présenté en faisant mention de ses liens avec le parti d'extrême droite. Il devient chroniqueur, commentateur. Ou comme conseiller en communication. - Sylvain ? - J'ajoute une chose. C'est très important, la question de l'audience, du marché, des modèles économiques. Les deux manières dont on explique habituellement un certain nombre de choses dans les médias, les deux facteurs sur lesquels la critique des médias s'arrête, c'est à qui appartiennent les médias et l'idéologie politique des journalistes qui auraient un agenda caché. Je ne dis pas que ces choses ne sont pas importantes. Elles comptent, mais il y a aussi deux autres facteurs. Il y a celui de l'idéologie professionnelle, qui n'est pas politique, qui sont des manières de faire, une culture professionnelle, et il y a la question des modèles économiques qui est fondamentale. On voit parfois des gens aller contre leurs propres idées, en fait, par ces logiques, qu'elles soient commerciales ou professionnelles. C'est très important de le prendre au sérieux, parce que, sinon, je pense qu'on s'interdit de comprendre véritablement ce qui se passe. Merci beaucoup, Yunnes. On lit tes articles, évidemment, sur Mediapart. Carine Fouteau, présidente de Mediapart, va venir s'asseoir. Pendant qu'elle s'assoit, on va voir quelque chose en acte, un moment de cette campagne. Ça se passait sur France Info, au sujet de la banalisation, de la normalisation des idées du RN. On est le 24 juin sur le service public, France Info, la chaîne. Jordan Bardella, ce jour-là, le matin, vient de confirmer à la presse qu'il va expulser les délinquants étrangers s'il arrive à Matignon, supprimer le droit du sol, interdire des emplois à certains binationaux. Un invité commente en plateau. Écoutez la question, la question assez stupéfiante du journaliste Patrice Romedenne. C'est faire croire que les étrangers, qui sont 5 millions en France, ce qui représente 7 % de la population... 7 % de la population en France seraient le problème de 93 % des Français. C'est ce que veut faire croire ce parti depuis très longtemps. Le sujet de revenir sur le droit du sol... L'enjeu, c'est quand... L'enjeu, c'est aussi... Il faut aussi dire les choses. Enfin, détrompez-moi, si je dis une bêtise, mais l'enjeu, avec cette histoire de droit du sang et de droit du sol, c'est que, quand vous avez quelqu'un qui, ensuite, potentiellement - ça peut arriver à tout le monde - devient délinquant, si vous voulez l'expulser, c'est beaucoup plus facile s'il n'est pas français. S'il a bénéficié initialement du droit du sol, il est français. Dans ce cas-là, c'est un délinquant français et il reste en France. - On ne peut pas l'expulser. - C'est une erreur flagrante, parce que quelqu'un qui est né en France... On devient français avec le droit du sol. - Avec le droit du sol. - À 18 ans, vous le renvoyez où ? - Comment ? - À 18 ans, vous le renvoyez où, s'il est délinquant ? - Dans quel pays ? - Celui dont il a la nationalité. - Qu'il n'aura jamais connu. - Ça, c'est un autre problème. « C'est pas mon problème. Il faut dire les choses. » C'est ce que dit ce journaliste. Carine Fouteau, présidente de Mediapart, nous a rejoints. On parlait de la banalisation du Rassemblement national. Cet extrait-là - tu connais très bien ces sujets - qu'est-ce que ça nous dit ? C'est à l'image de ce qu'on a vécu pendant cette campagne, c'est-à-dire un moment total de renversement des valeurs, un moment orwellien, comme on peut le lire dans « 1984 », où plus rien n'a de sens, où on marche sur la tête, où les chômeurs sont responsables du chômage, où les femmes sont responsables du sexisme, où les personnes victimes de violences policières sont responsables des coups qui leur sont infligés... Voilà. Plus rien n'a de sens. Je pense qu'il y a urgence à redonner du sens, à remettre les faits au centre, les faits documentés, vérifiés, les faits qui font l'objet de vérifications, oui, de traces. Je pense qu'il y a une urgence véritable à faire face, alors peut-être un peu en distance, par rapport à ce que tu disais tout à l'heure, à remettre quand même une frontière entre les opinions et les faits, même si, je suis bien d'accord, à des moments, les frontières sont perméables. Ce que l'extrême droite a fait et ce que Bolloré et sa galaxie de médias ont fait, c'est quand même... Et ce qu'il a réussi. C'est effacer, faire disparaître la frontière entre la vérité des faits et le faux. C'est cette propagande-là qui a irradié tous les médias, qui a fait, comme ça a été très bien dit, cadrer les débats... L'espace politico-médiatique a été cadré en fonction des obsessions de ces personnes et l'ensemble du paysage médiatique s'est déporté progressivement sur la droite et l'extrême droite. Je pense vraiment qu'il y a urgence à faire du journalisme. J'ai envie de dire que ça marche. Ça a été dit aussi. Quand on fait du journalisme... Ça a été fait dans l'entre-deux-tours de manière très forte par différents médias qui ont donné à voir le vrai visage des candidats de l'extrême droite, donc en évoquant des candidats racistes, xénophobes, antisémites, suprémacistes, royalistes, complotistes, j'en passe et des meilleurs. Eh bien, je crois que ça a eu de l'impact, donc il faut nous faire confiance dans notre savoir-faire, non pas dans la neutralité, mais l'honnêteté journalistique, et faire confiance aux faits pour produire des résultats et influer un tant soit peu sur ce que peuvent comprendre les citoyens et peut-être les électeurs. Je partage entièrement l'analyse de Carine à propos du renversement des valeurs, du fait qu'on s'est mis à marcher sur la tête encore plus que d'habitude dans cette période. Je voudrais juste ajouter à tes remarques sur les faits la nécessité de les hiérarchiser, parce que, en fait, très souvent, ce qui se passe dans ces opérations de manipulation qui sont mises en œuvre par la propagande de médias du type Bolloré, ce n'est pas simplement qu'ils sont des chaînes d'opinion qui vont déblatérer leurs opinions. C'est que, eux aussi, ils ont recours aux faits. Simplement, ils ne choisissent pas les mêmes faits. Parfois, ils les tordent. On l'a souvent montré sur Mediapart. Parfois, ils n'ont même pas besoin de les tordre. La question est de savoir pas seulement quels sont les faits, mais quelles sont les récurrences des faits. Imaginons, par exemple, que, parmi tous les candidats du RN, il y ait eu une brebis galeuse. L'expression générale, c'est ça. Une brebis galeuse, ça peut arriver à tout le monde. Ça n'aurait pas été représentatif des 577 candidats du RN. En fait, c'est pas le fait sur cette personne qui aurait pu être utilisé. C'est le fait qu'il y a - une récurrence. - Que c'est une centaine de candidats racistes, antisémites, - xénophobes, homophobes. - Au-delà des petits faits vrais... Je pense que le journalisme a trop souvent tendance à se réfugier derrière l'idée que les petits faits vrais vont venir barrer la route aux idées dangereuses. Je pense qu'il y a un travail qui ressemble davantage à celui des sociologues, qui consiste à prendre en compte la récurrence ces petits faits vrais pour mesurer leur poids, en fait. Ça renvoie à un travail fondamental du journalisme. À Mediapart, on en sait quelque chose. C'est celui de la hiérarchie de l'information. Il ne suffit pas de dire les faits. Quels faits ? - Et du sens qu'on donne aux faits. - Et du sens qu'on leur donne. Je crois qu'il y a, d'ailleurs, un réflexe professionnel de défense des faits qui me paraît insuffisant pour lutter contre le type de journalisme de mauvaise foi auquel on est confrontés - avec ces chaînes-là. - On l'a beaucoup rappelé. On n'est pas les seuls, mais ça a été beaucoup rappelé - on l'a prouvé avec des extraits dans des émissions précédentes - qu'il y a d'authentiques manipulations des faits - à l'antenne, décidées... - Ça existe aussi, bien sûr. ...sur cette chaîne, sur CNews en l'occurrence. On montre un deuxième extrait et je vous donne la parole, Safia Dahani. Pareil, sur cette banalisation. Vous allez me dire comment on l'appelle. Émission du soir de Julie Hammett sur BFMTV. On est le 1er juillet, quelques jours avant le second tour, juste après les très nombreux désistements. Là encore, la séquence est parlante. L'essayiste conservateur, mais qui appelle à barrer la route au Rassemblement national, Charles Consigny, rappelle des faits historiques sur l'histoire du RN. Géraldine Woessner, rédactrice en chef du magazine Le Point, s'indigne. Ce qu'il soulève comme question intéressante, Jordan Bardella, c'est si ces alliances contre-nature, auxquelles on assiste au travers de ces désistements, ne vont pas finalement profiter au Rassemblement national. Est-ce que les électeurs, en constatant ces alliances de circonstance... C'est pas des alliances, puisque c'est des désistements. Non, mais vous voyez très bien ce que je veux dire. En tout cas, je trouve ça intéressant de voir que, aujourd'hui, le mainstream, c'est devenu le Rassemblement national. C'est-à-dire que, là, moi, je dis une chose qui est une vérité factuelle, à savoir que le RN est l'héritier des pétainistes. C'est une vérité factuelle. Ça a été fondé par des gens qui étaient fondamentalement pétainistes, anti-gaullistes ! Vous ne pouvez pas avoir une grille de lecture - qui a 70 ans ad vitam æternam. - Non, mais c'est génial. - C'est grotesque. - Maintenant... - C'est ridicule. - ...dans les médias français... Vous réalisez à quel point vous êtes déphasé, par rapport à 11 millions d'électeurs - que vous traitez de fascistes ? - Je ne les traite pas de fascistes. - C'est grotesque. - Je donne la filiation historique. Mais on la connaît ! Et alors ? Vous en concluez quoi ? Voilà. Charles Consigny rappelle l'histoire du RN, sa fondation notamment. Géraldine Woessner lui dit : « C'est grotesque. » Lui dit : « Le mainstream, c'est devenu le RN. » Oui. Il a, je crois, pas tort. Moi, ce que je voudrais relever sur les deux derniers magnétos... BFM, c'est pas du public, mais France Info, c'est quand même une chaîne publique. C'est le service public, chaîne sur laquelle on a l'impression que le journaliste est à la limite un membre du RN, un communicant qui va, pour apporter de la contradiction, aller dans le sens du RN. On sent qu'il est embêté. Il ne sait plus très bien. Il s'est embarqué dans quelque chose et il ne sait plus comment atterrir. Tout à fait. Je pense que c'est une toile de fond importante pour comprendre l'espèce d'air du temps médiatique plutôt propice à l'extrême droite. On le voit dans le second extrait. Rappeler les origines d'un parti, c'est pas anodin. Scientifiquement, on le fait. On ne va pas dire que c'est l'équivalent du régime de Vichy, mais on essaye de travailler des continuités, des formes de politisation. Vous parliez des candidatures. Retrouver des candidatures plutôt marquées à l'extrême droite, d'un point de vue scientifique, ce n'est pas très surprenant. Du coup, ça interroge aussi du côté de la formation des journalistes, notamment des journalistes de premier plan, qui passent souvent dans des écoles dites reconnues du journalisme et dont on sait, au regard des collègues qui ont mené des travaux sur ces écoles, qu'il y a aussi des choses à faire en termes de formation, qui est très tournée vers la technique, avec des journalistes qui ne sont pas forcément au fait des sciences sociales, historiques et humaines. En tout cas, d'un point de vue... Pour quelqu'un qui travaille sur le RN depuis 10 ans, je suis assez surprise de voir que, rappeler des faits sociologiques somme toute assez banals dans le champ académique, ce soit aussi surprenant et ça suscite autant de réactions sur des plateaux de télévision. David, qu'est-ce que ça veut dire ? Je suis tout à fait d'accord sur les écoles de journalisme qui fabriquent des techniciens et pas de la réflexion. Les premières victimes, ce sont les étudiants et les étudiantes qui sortent de ces écoles, parce qu'on les forme pour le marché, qui est exactement ça. C'est de faire du desk. Voilà. C'est de l'abattage, en gros. C'est de l'abattage d'informations. Passons. Dans les deux scènes qu'on a vues, dans les deux magnétos, on voit en fait la même chose. Public ou privé, on voit du commentariat. On voit des gens qui ne donnent pas d'informations, mais qui donnent leur avis. Consigny, tout d'un coup, donne une information et, là, ça devient compliqué. On vous explique que ça a 70 ans d'âge. D'abord, ça n'a pas 70, mais 50. Ensuite, il n'a pas tort. Quelques jours après ou quelques jours avant, il y a cette jeune fille, candidate dans le Calvados, avec une casquette de la Luftwaffe. Je ne dis pas qu'elle est nazie. Je dis juste que ça ne lui pose pas de problème. Ça ne lui pose pas de problème, parce que le parti vient de ça. Il vient de l'Algérie. Enfin, des nostalgiques de l'Algérie française, etc. C'est important de rappeler ça, mais Consigny, malheureusement, lui aussi, il est dans le commentaire. Lui aussi, il est là tous les soirs pour dire n'importe quoi. Alors, là, c'est bien. Tout à l'heure, ce sera nul. Ça n'a aucune espèce d'importance. Tout ça fabrique du bruit. Et le bruit - je ne veux pas faire un mauvais jeu de mots - profite à la fureur. - Safia, vous voulez répondre ? - Juste, peut-être, prolonger sur la question des formats des émissions, qui se sont beaucoup développés. Il y a à la fois l'infotainment, où on va traiter, par exemple, les porte-parole du FN-RN sur un mode que des collègues appellent « le journalisme Arlequin ». Si on compare comment Jean-Marie Le Pen était présenté à la télévision dans les années 90 à comment Marine Le Pen est présentée à partir de la fin des années 2000, on a quand même un gros gap. Ou Jordan Bardella, aujourd'hui. Une image lisse. C'est ça. Que font-ils dans leur vie privée ? Combien de chats elle a ? Est-ce qu'elle est sympa ? Comment elle élève ses enfants ? Il y a un changement en termes de cadrage et, je pense aussi, en termes de format d'émission. Le fait de développer des émissions de débat avec cet idéal de débat démocratique, où on a deux porte-parole de parti qui vont débattre terme à terme et échanger un peu des petits coups politiques, ça a participé aussi à relégitimer l'extrême droite et le Front national. Pendant la campagne pour les européennes, il y a quand même eu un débat entre Gabriel Attal, Premier ministre, et Jordan Bardella, président du Front national, en tête-à-tête. Ce qui se passe, c'est quand même qu'on a un transfert de légitimation, au moins en termes de représentation. Un Premier ministre va débattre en duel, avant une élection, avec le président d'un parti d'extrême droite. Tout le monde veut réagir. Réagissez rapidement, David, Carine et Sylvain. Le Rassemblement national aussi a changé vis-à-vis des journalistes. Il est toujours aussi sectaire envers les journalistes critiques, mais dans ses rangs, il a des journalistes, des anciens journalistes, un ancien présentateur de LCI... Caroline Parmentier, qui était à la droite ou à la gauche de Marine Le Pen dans l'hémicycle, est députée. Elle a été pendant 20 ou 30 ans à Présent, le quotidien d'extrême droite Présent. Il y a aussi tous les coachings qu'ils font, le media training, donc ils ont aussi évolué de ce point de vue-là. L'image lisse, elle est aussi fabriquée en interne. Ils ont compris un système médiatique - qui leur est favorable. - En tout cas, sur une partie des députés, parce qu'on voit bien que, quand on élargit et qu'on regarde l'ensemble du personnel, c'est là où on trouve une centaine de candidatures problématiques. Ne nous faisons pas avoir. Ce ne sont pas des brebis galeuses. 100 sur 500, ce ne sont pas des brebis galeuses. Ça veut dire que, le fond de sauce, il est là. Il est là, le fond de sauce. Ceux qui sont presque pires, ce sont ceux qui se présentent comme présentables. Les autres ne mentent pas sur la marchandise. C'est épouvantable, mais ils ne mentent pas sur la marchandise. Carine, tu voulais réagir. Oui. On a pas mal parlé de l'audiovisuel. Je remarque aussi cette banalisation dans la presse mainstream, notamment la PQR. Il n'y a pas si longtemps, on voyait des éditos pour faire face à l'extrême droite, - pour combattre le RN... - Yunnes parlait de La Voix du Nord, notamment. - ...ou le FN, auparavant. Ce n'est plus le cas, aujourd'hui. C'est là qu'on voit, effectivement, que la propagande Bolloré a gagné tous les esprits, propagande dont il faut quand même souligner qu'elle a gagné en très peu de temps et que, finalement, ce milliardaire a pris le pouvoir en un temps record. On ne l'a pas dit encore, mais la responsabilité d'Emmanuel Macron et de François Hollande auparavant, dans cette affaire, est considérable. Ils ont laissé faire tout simplement ce rouleau compresseur, sans jamais l'arrêter avec les moyens qu'ils auraient pu avoir. Peut-être qu'on reparlera de l'Arcom à un moment, - mais c'est... - Vas-y, justement. Là, je pense que l'Arcom a... C'est un enjeu historique. Elle a la responsabilité d'arrêter la machine. Il ne s'agit pas d'interdire ces chaînes. En fait, Bolloré a les moyens de mettre en place ses propres fréquences. On parle là d'un bien commun, d'un bien public, les fréquences de la TNT, qui nous appartiennent, nous, nous, citoyens. Donc, la question, c'est : jusqu'à quand on va laisser l'État accepter que des chaînes déversent de la haine, de la division, de la xénophobie à plein tube sans rien dire ? En fait, c'est ça, la question. La TNT, c'est un équipement public, c'est un bien commun, donc avec des obligations qui vont avec. Toutes les obligations, en termes de pluralisme et d'honnêteté de l'information, sont rompus. Il est temps que ça cesse et donc que l'Arcom ne renouvelle pas, évidemment, ces chaînes. J'en reviens à la question dont on discutait, celle du cordon sanitaire. Je sais pas si cette expression est bonne, d'ailleurs. Peut-être que Géraldine Woessner nous dirait que, justement, c'est fâcher les électeurs du Rassemblement national. Est-ce que c'est ça qui a sauté ? Carine nous disait par exemple : « On n'a plus ces prises de position de journaux, de la presse quotidienne régionale » ? En tous les cas, il y a un vrai hiatus, un vrai fossé entre ce qui se passe du côté des électeurs et ce qui se passe du côté des médias. On l'a vu au second tour. Le fait majeur du second tour, c'est quand même le fait qu'une très grande majorité de Français a considéré que le Rassemblement national ne devait pas être considéré comme un parti comme les autres, a accepté de voter pour des candidats aux idées opposées aux leurs. Je pense aux gens sur la question des retraites. On a eu beaucoup d'exemples selon les circonscriptions. C'est extrêmement coûteux. On a l'habitude de ça. On l'a fait en 2002, en 2017, en 2022, on vient de le refaire à nouveau. On a cette 60 %, enfin deux tiers, deux tiers du monde politique français, que ce soit les partis politiques, que ce soit les électeurs, qui considèrent, quand il y a un front républicain, que ce parti ne doit pas être considéré comme les autres. Qu'est-ce qui se passe pendant ce temps-là dans les médias ? On a 95 % des médias qui traitent ce parti exactement comme les autres. C'est ça, l'impartialité ? Je veux dire, on pourrait demander à l'Arcom d'appliquer les règles, d'appliquer la loi et de faire en sorte que, dans les médias, on ne traite pas le Rassemblement national comme un parti comme les autres. En tous les cas, 66 % du temps au moins. Là, ce serait une manière d'être un peu plus impartial. Enfin, on ne prend pas en compte cette réalité politique qui est une réalité politique majeure, qui est une réalité politique liminaire. Je veux dire, ce front républicain, c'est ce dont on parle avant de parler du reste, en fait. Ça définit le jeu, les frontières du jeu politique à l'intérieur duquel on va accepter de former un gouvernement, des majorités, des oppositions. D'ailleurs, de la même façon, l'Assemblée nationale devrait considérer que tous ces sièges-là, on n'en tient pas compte et on raisonne uniquement à partir de majorités sur les autres sièges. Dans les médias, on pourrait faire la même chose. C'est une position qui, non seulement philosophiquement mais juridiquement, se défend. Est-ce qu'il n'y a pas aussi autre chose, la difficulté de nommer des journalistes ? Il y a plusieurs exemples, Je veux dire, le Conseil d'État dit que le Rassemblement national, c'est l'extrême droite et dit par ailleurs que La France insoumise, puisqu'il y a souvent eu ce parallèle qui a été fait, c'est la gauche. Ça, c'est le Conseil d'État. Mais il y a aussi eu par exemple, dans le service public, David Dufresne, cinq journalistes de France 3, je crois, sanctionnés pour avoir appelé à se positionner contre l'extrême droite au nom de la neutralité de l'audiovisuel public et plus largement de la position de journaliste. Qu'est-ce que ça nous dit, cette difficulté ? Quand vous nommez, c'est prendre un risque. D'abord, sur le Conseil d'État, je ne suis pas sûr que ce soit la référence. On n'a pas besoin du Conseil d'État, il suffit de regarder le programme du Front national. Il a, chevillée au corps, depuis sa naissance dans les années 70, la préférence nationale. Ça, c'est l'extrême droite, c'est tout. Il n'y a pas besoin d'aller chercher le Conseil d'État. Très bien s'il s'en est rendu compte, mais ce que je veux dire, c'est que le Conseil d'État peut aussi avoir des drôles de décisions donc... Je précise juste : « Motifs racistes dans le programme du Rassemblement national », raison pour laquelle nous n'invitons jamais de représentants du Rassemblement national en raison de ce programme raciste sur ce sujet. Après, il y a un vrai problème, mais qui dépasse, me semble-t-il, le Rassemblement national, au sein du monde médiatique, c'est que voilà un métier qui est un métier intellectuel où il semblerait que la discussion ne soit plus possible. Voilà, il semblerait que les chefs décident de la ligne, que ce soit Delphine Ernotte à France Télévisions, si j'en crois l'article de Yunnes, que ce soit les directeurs de rédaction de France Inter, si j'en crois l'article de Yunnes. Donc, ce métier, dont la base est la discussion, la négociation ou l'engueulade, l'empoignade, - ça, c'est pas possible. - Je voudrais dire qu'à France Culture, on peut se parler, on se parle, on s'engueule. On n'est pas forcément d'accord, mais il y a des discussions, il y a probablement des experts. Il y a des brebis galeuses chez France Culture. Mais vous êtes aux programmes et pas à la rédaction, c'est pas pareil. Non mais on a des réunions communes où on réfléchit à la manière dont on va traiter l'actualité. C'est difficile, comme je le disais, de tirer individuellement sur un ou une journaliste. C'est pas des responsabilités individuelles. Un journaliste, en fonction de la rédaction où il travaille, travaille pas de la même manière. Il y a des contraintes temporelles et hiérarchiques. Il faudrait aller faire des observations dans les rédactions et dans les services politiques pour voir comment se constituent des sujets sur l'extrême droite... - J'ai fait il y a longtemps. - Il faudrait le refaire - pour voir si ça a évolué. - Ça n'a pas changé. L'article de Yunnes montre qu'il y a des questionnements dans les rédactions, mais que tout le monde témoigne de façon anonyme, que c'est compliqué de témoigner. Les sanctions contre ces journalistes montrent qu'il y a un prix à payer. Ça, ça m'a choqué, pas de la part de Yunnes, mais que les journalistes, hormis ceux qui ont un mandat syndical, si j'ai bien lu l'article, il a parlé en leur nom, tous sont anonymes. C'est là que je parle de courage. Il faudrait avoir un peu de courage. Alors, je ne parle pas des petits rédacteurs ou des petites rédactrices, des petits reporters. Je ne parle pas d'eux mais des cadres. Un peu de courage, les enfants, un peu de courage. Faites votre métier. Si le journalisme, ce n'est que l'accompagnement du pouvoir ou raconter la conquête du pouvoir, on n'en a pas besoin. Je veux dire, on comprend que Bardella soit sur TikTok. Il a compris, lui. C'est très, très important, ce que dit David. L'indépendance, c'est pas un statut, c'est pas une carte bleu-blanc-rouge, j'en ai jamais eu, qui nous donne notre indépendance de journaliste. C'est le fait et la capacité de prendre la parole dans des collectifs et d'affirmer à quel point on est indépendant. En prenant en compte évidemment la précarité. Je ne parle pas là des pigistes, je ne parle pas de ça, on est bien d'accord ? Carine et Safia, pour poursuivre cette discussion, peut-être ? L'indépendance des médias, ça me semble effectivement être un élément central pour l'avenir. On l'a vu, la manière dont les médias indépendants se sont mobilisés dans cet entre-deux-tours, assumant leur rôle d'acteur dans la société civile à un moment déterminant pour nous tous et toutes, je pense qu'on a vu là, effectivement que, quand on n'a pas de fil à la patte, quand on n'a pas d'actionnaire milliardaire, quand on n'a pas de pub, quand on ne reçoit pas d'aides publiques, ou le moins possible, on se sent d'autant plus libre de prendre la parole, de s'exprimer, de s'exposer aussi, puisque c'est aussi un sport de combat, le journalisme. Il faut faire face à l'adversité, quand on dérange. C'est ce qu'assume Mediapart : c'est un journal qui veut déranger. On assume aussi de prendre des coups, d'une certaine manière, de manière symbolique, mais on fait face à l'adversité. Mais c'est vrai qu'on peut le faire quand on est libre de tous les pouvoirs. - Safia ? - Oui. Un dernier mot, peut-être, sur aussi... Moi, je pense qu'il faut aussi le dire : il y a certains journalistes dans des rédactions politiques qui, je pense, souscrivent à cette vision dédiabolisée, normalisée de l'extrême droite. Ça peut expliquer certains cadrages qui sont privilégiés. Je veux pas dire que ce sont des journalistes qui sont pro-RN, c'est pas ça du tout, bien au contraire, mais qui, quand même, souscrivent à cet air du temps. D'ailleurs, j'avais noté ça, on ne l'a pas passé en extrait, mais par exemple, il y a quelques jours, Jean-Michel Aphatie, éditorialiste, a dit que les médias avaient normalisé le Rassemblement national. En face de lui, Anne-Claire Coudray, présentatrice du journal de TF1, a pu dire : « Attendez, ce sont les politiques qui, pendant des années, n'ont pas voulu parler d'immigration et d'insécurité. » CQFD. C'est ce que je disais. Après, il y a aussi des manières... Bon, là, je suis devant des journalistes. Renvoyer quelqu'un à sa responsabilité, ça peut créer - des formes de violence. - Mais les journalistes sont pas obligés, quand ils sont interpellés, - de se sentir concernés. - Exactement. Il y a effectivement une partie de la profession qui souscrit à cette vision, « ce n'est plus de l'extrême droite, il faut travailler avec eux comme avec les autres ». C'est aussi en lien avec la manière dont les journalistes travaillent, avec des sources. Au FN, maintenant, on a professionnalisé, aussi, le service presse : on fait des off comme les autres, on a une conférence de presse tous les mardis à l'Assemblée. Mais on interdit toujours certains journalistes d'y accéder. - On facilite, voilà. - Par ailleurs, à Mediapart, on n'a jamais interviewé de représentants de ces partis, il n'y a pas que le RN, dans nos colonnes ni dans nos émissions. Ça ne vous a jamais empêché d'avoir des sources. Je ne dis pas le contraire. Il y a différentes contraintes professionnelles dans différentes rédactions. Pour finir, peut-être vous deux. Carine, tu peux faire un rebond... Carine a parlé de l'importance de la presse indépendante, tous, chacun avec notre façon de travailler. C'est ça qu'on défend aussi. Comment vous voyez, vous, le rôle de la presse indépendante, vous autres et nous, dans cette période-là qui s'ouvre ? Parce que ce dont on parle là ne va pas s'arrêter là, tout de suite. Il n'y a pas de raison que ça s'arrête, en réalité. Donc, comment vous voyez ça ? L'un des axes, peut-être, à mettre en avant maintenant, c'est celui d'une critique des médias telle qu'on a pu l'exprimer ce soir, parce qu'elle ne concerne pas que les journalistes. Elle concerne au premier chef les lectrices, les lecteurs et les citoyens de ce pays. Je crois qu'on a trop longtemps laissé cette critique des médias à des professionnels de la chose. Je pense que c'est important que les gens puissent regarder la télévision en ayant à l'esprit des doutes, qu'ils se posent des questions. C'est en fait un travail de tous les instants. Je pense qu'il fonctionne pas en partageant des grands principes ou des grandes théories mais plutôt à partir de cas d'école. C'est pour ça que c'est intéressant de voir des séquences, de les démonter. De ce point de vue-là... On va peut-être pas citer le travail de « Arrêt sur images » aussi. Toute cette manière de faire me semble plus nécessaire que jamais. On ne peut pas réduire le journalisme à ça parce qu'il y a quelque chose d'un peu mortifère aussi, mais je pense qu'il faut lui accorder une part vraiment importante. Si le Nouveau Front populaire arrive au pouvoir, si un Premier ministre est nommé, je serai parmi les premiers à les pousser à appliquer leur programme, limiter strictement la concentration dans les industries culturelles et les médias dans les mains de quelques propriétaires, exclure des aides publiques les médias condamnés pour incitation à la haine, défendre l'indépendance des rédactions face à leurs propriétaires. Ça, c'est très important, très urgent. Alors, c'est pas urgent, parce qu'ils ont fait ça en 3... Il y a 15 jours urgent, 100 jours et les quelques mois après. C'est dans les quelques mois. On va faire en sorte que ce soit... Pour bien comprendre, ce que vous nous citez, c'est quoi ? C'est le programme du Nouveau Front populaire, c'est le fond. Je m'étonne que vous vous demandiez. C'est parce que je pense que les gens n'ont pas forcément compris. Parce que je l'ai mal dit. C'est de ma faute. Ce que je veux dire : c'est le fond. Il faut parler du fond. Le fond, c'est ça. Là, il y a le Nouveau Front populaire qui dit : indépendance des médias. On doit inscrire ça dans le marbre. Je dirais que, quel que soit le résultat des courses au gouvernement dans les prochaines semaines, il faut obtenir ça quoi qu'il arrive. Absolument. Droite comme gauche, en finir avec la concentration des médias et indépendance des rédactions. Merci à vous tous. Ça fait plus d'une heure qu'on est ensemble. Merci pour cette émission. Au Poste et AOC sont des médias indépendants, soutenez-les, abonnez-vous, faites des dons à eux comme à d'autres médias indépendants. Cette émission est en accès libre, elle n'est possible que grâce à vos abonnements, donc si vous le pouvez, abonnez-vous à Mediapart. Merci. Bonne soirée.

Share your thoughts

Related Transcripts

CETTE RÉVÉLATION DE MEDIAPART SUR GABRIEL ATTAL ET STÉPHANE SÉJOURNÉ @Charbofficiel2 thumbnail
CETTE RÉVÉLATION DE MEDIAPART SUR GABRIEL ATTAL ET STÉPHANE SÉJOURNÉ @Charbofficiel2

Category: News & Politics

Et ben alors gaby qu'est-ce qu'ils viennent de balancer sur toi mdiapart mais ils te foutent jamais la paix sérieux mais ouais mais heureusement vous me dirait que pendant la révolution française on a aboli les privilèges bah ouais vous savez ah ça ira ça ira les aristos à la lanterne je sais pas quoi... Read more

Témoignage : « L’abbé Pierre, c’était une entité, une aura. Personne ne m’aurait crue » thumbnail
Témoignage : « L’abbé Pierre, c’était une entité, une aura. Personne ne m’aurait crue »

Category: News & Politics

Salut. bienvenue sur mediapart. c'est un séisme depuis le mois de juillet. 24 femmes, à ce stade, font état de violences sexuelles infligées par l'abbé pierre, la figure de la lutte contre l'exclusion en france, longtemps personnalité préférée des français, la plupart majeures au moment des faits rapportés,... Read more

Le Nouveau Front populaire au bord de l'implosion ? Avec Sandrine Rousseau et Aurélie Trouvé thumbnail
Le Nouveau Front populaire au bord de l'implosion ? Avec Sandrine Rousseau et Aurélie Trouvé

Category: News & Politics

Salut. bienvenue sur mediapart. ça fait neuf jours que le nouveau front populaire est arrivé en tête des élections législatives anticipées, neuf jours pendant lesquels les dirigeants de la gauche n'ont pas réussi à se mettre d'accord sur un nom pour matignon, ni sur un gouvernement, alors qu'emmanuel... Read more

Gaza : « Le crime le plus odieux est de s'habituer et de se taire » thumbnail
Gaza : « Le crime le plus odieux est de s'habituer et de se taire »

Category: News & Politics

Salut bienvenue sur mediaaps il y a la politique en france les jos les élections américaines en novembre avec le retour possible de donald trump le climat qui continue de dérailler mais dans cette actualité nous ne pouvons pas nous ne devons pas oublier ce qui se passe à gaza gaza bombardé continuement... Read more

« Elle déshonore la France » : dimanche 21 janvier, une marche contre la loi immigration thumbnail
« Elle déshonore la France » : dimanche 21 janvier, une marche contre la loi immigration

Category: News & Politics

Sophie binet (cgt), jacques toubon (ancien défenseur des droits) : pourquoi avoir signé le texte d'appel à manifester le 21 janvier ? salut. bienvenue sur mediapart. la loi darmanin sur l'immigration, inspirée de certaines propositions historiques de l'extrême droite, a été votée le 19 décembre. elle... Read more

Sophie Binet (CGT) au NFP : « Que chacun laisse de côté ses intérêts partisans et personnels ! » thumbnail
Sophie Binet (CGT) au NFP : « Que chacun laisse de côté ses intérêts partisans et personnels ! »

Category: News & Politics

La faute à qui ? bonsoir, sophie binet. - bonsoir. - vous êtes secrétaire générale de la cgt, qui a appelé à voter pour le nfp, qui a énormément mobilisé de son côté avec d'autres. on est 5 jours après le second tour. il n'y a toujours pas de gouvernement. la faute à qui ? eh bien d'abord à emmanuel... Read more

Mobilisation permanente ! Quand la société s’organise thumbnail
Mobilisation permanente ! Quand la société s’organise

Category: News & Politics

Introduction et présentation des invité·es salut. bienvenue sur mediapart. ils sont des milliers, des dizaines de milliers peut-être, qui se sont mobilisés comme jamais après l'annonce de la dissolution, bien souvent en dehors des partis, souvent pour la première fois. le nfp est arrivé en tête des... Read more

Le vol Malaysian 370 vient d'envoyer ce NOUVEAU message EFFRAYANT en retour ! thumbnail
Le vol Malaysian 370 vient d'envoyer ce NOUVEAU message EFFRAYANT en retour !

Category: Education

Le vol 370 d'asia airlines reste probablement le  plus grand mystère de l'aviation de l'histoire il   y a plus de 10 ans un vol a quité la malaisie  en direction de pékin en chine malheureusement   le voyage a été tragiquement interrompu car  l'avion aurait apparemment sombré dans la mer   entraînant... Read more

La députée RN Christine Engrand épinglée pour avoir utilisé son enveloppe à des fins personnelle thumbnail
La députée RN Christine Engrand épinglée pour avoir utilisé son enveloppe à des fins personnelle

Category: News & Politics

La députée rn christine engrand épinglé pour avoir utilisé son enveloppe à des fins personnelles christine engrand député rn du pas de calais sous le feu des critiques pour ses dépenses des frais personnels inclu une pension pour chien et un abonnement à un site de rencontre miap révèle des détournements... Read more

'Digital battlefield': Embattled app Telegram offers academics 'incredible insight' into conflicts thumbnail
'Digital battlefield': Embattled app Telegram offers academics 'incredible insight' into conflicts

Category: News & Politics

Well there are more questions than answers at the stage about the arrest of dv and to shed some light on this story i'm pleased to be joined on the program now by dr melanie garon she works on cyber policy at the tony blair institute for global change and at university college london good afternoon... Read more

Maggie Haberman Reveals Shocking Details About Trump's Arlington Visit thumbnail
Maggie Haberman Reveals Shocking Details About Trump's Arlington Visit

Category: News & Politics

If you don't like surprises but love staying informed then buckle up for the latest twist in trump's arlington visit former president donald trump's recent visit to arlington national cemetery has stirred up a storm maggie haberman a prominent political analyst has uncovered new details that deepen... Read more