-Quand la politique se penche
sur des notions aussi fondamentales que la vie et la mort,
la souffrance et la dignité, comment faire la loi ? Dans le cadre des débats
sur la fin de vie, nous recevons les députés
en première ligne sur ce sujet. Aujourd'hui, Charles de Courson,
député de la Marne. Générique ... Bonjour, Charles de Courson. -Bonjour.
-Nous allons tenter de comprendre votre position. Vous êtes opposé à l'aide à mourir,
que ce soit par le suicide assisté
ou l'euthanasie. Mais vous plaidez pour un développement
des soins palliatifs face aux souffrances
de fin de vie. Votre visage est connu puisque vous êtes député
depuis plus de 30 ans mais on vous connaît plus
sur les questions budgétaires et moins sur les questions
de société. Pourquoi intégrer
la commission spéciale et "monter" en première ligne
sur cette question ? -J'ai toujours été intéressé
par les questions de bioéthique, parce qu'à travers
les questions de bioéthique se posent des questions
fondamentales sur la vie de son commencement
jusqu'à sa fin. Et donc, je suis le seul député
à avoir participé aux quatre lois sur la bioéthique dans lesquelles
je me suis impliqué, y compris... la loi, en supplément,
Claeys-Leonetti, j'ai toujours appuyé... -On va les voir.
Vous êtes député depuis 1993, donc vous avez suivi
à la fois la loi de 1999 qui ouvre l'accès
aux soins palliatifs, la loi Kouchner de 2002 qui autorise
le refus de traitement, la loi Leonetti de 2005 qui interdit
l'acharnement thérapeutique et introduit
les directives anticipées, et la loi Claeys-Leonetti
de 2016 qui autorise une sédation
profonde et continue. Je voudrais avoir votre regard. Le point commun, c'est la volonté
de soulager la douleur mais ça nous a emmené chaque fois
un peu plus loin. -Je ne dirais pas plus loin. Je dirais à appliquer
une idée simple et très humaniste de la vie, c'est d'accompagner la vie
et d'aider nos concitoyens en difficulté, mais en respectant
la volonté de nos concitoyens - moi, je suis un libéral, donc j'ai toujours défendu
"les" libertés sous toutes leurs formes - et de trouver le juste équilibre. Les progrès que vous situez,
ils sont à plusieurs niveaux. Il y a tout d'abord
l'idée que... la vie appartient
à celui qui la porte et pas à des tiers
qui décident pour lui - la loi Kouchner a,
de ce point de vue-là, été un progrès - et d'avoir une approche humaine
et équilibrée dans le respect
de la dignité humaine, de la dignité
de l'être humain. Et aussi d'un des trois principes
de la République dont on parle peu, celui de fraternité. -Comment définissez-vous ce mot ?
Il est aussi utilisé
par ceux qui défendent l'aide à mourir.
-Pour moi, la fraternité, c'est que les plus fragiles,
les plus en difficulté, on se doit de les aider. Ce n'est pas simplement
un problème médical. C'est aussi de les entourer, de les accompagner. Parce que la vie et la fin de vie,
ce n'est pas la même chose de la vivre tout seul
ou de la vivre accompagné par les membres de sa famille,
ses amis. -Qu'est-ce qui, dans l'aide à mourir
qui pourrait être instaurée, marque une rupture par rapport à cette filiation
des lois d'éthique ? -Eh bien, vous savez, dans... le droit français, chacun est libre
de mettre fin à sa vie. Là, on demande à... à un tiers
et on demande un cadre légal pour cet acte. C'est que vous aidez à mourir, si vous voulez,
et donc il faut articuler les droits du malade et de toute personne humaine, avec aussi la conciliation avec ceux qui s'occupent
des malades, c'est-à-dire les médecins,
les infirmières, ceux dont on parle moins,
les ASH et tout le personnel de santé.
-Alors, vous défendez l'idée de la loi Claeys-Leonetti, par là.
Vous aviez voté pour, en 2016.
Voici ce que disait Jean Leonetti à l'époque
pour s'opposer à l'euthanasie, à ce moment-là. *-Malraux disait
que toute civilisation est hantée par ce qu'elle pense
de la mort. Elle peut aussi être jugée à la façon dont elle traite
ses membres les plus vulnérables, en particulier
ceux qui vont mourir. Il faut soulager la souffrance
de ceux-là sans les abandonner, en les considérant vivants
jusqu'au dernier instant. -Vous êtes d'accord ?
C'est la sensibilité dans laquelle vous vous situez ?
-Absolument. Ma thèse, c'est :
la 1re chose à faire, c'est d'appliquer
la loi Claeys-Leonetti. Je suis frappé. Récemment, des médecins
m'ont demandé de faire un exposé
sur le droit existant et les discussions
- je faisais partie du groupe des parlementaires qui,
avec la ministre de l'époque, Mme Firmin-Le Bodo, actuelle
présidente de la commission - des discussions
de "qu'est-ce qu'il fallait faire". Et tout le monde est d'accord
sur le premier volet de la loi qui est de mettre vraiment en place
la loi Claeys-Leonetti. Quand vous pensez qu'actuellement, il n'y a qu'à peu près 40 %
de nos compatriotes qui auraient besoin
de soins palliatifs qui bénéficient
de la loi Claeys-Leonetti, de la méconnaissance, y compris d'une partie
du personnel de santé, de cette loi.
-La Cour des comptes estime que 50 % des besoins
de soins palliatifs ne sont pas pourvus en France. Le gouvernement promet
un plan sur 10 ans. D'un point de vue
budgétaire, est-ce que ça vous semble crédible ?
-Oui, je trouve que le plan qu'a exposé Catherine Vautrin,
l'actuelle ministre de la Santé... C'est l'ordre de grandeur. Actuellement, on dépense
1,6 à 1,7 milliard sur les soins palliatifs. D'augmenter de 100 millions
par an pour arriver à peu près à 1 milliard supplémentaire,
de façon à pouvoir couvrir la France
d'unités de soins palliatifs. Il y a encore une vingtaine
de départements dénués d'unité de soins
palliatifs. Ils n'ont que des équipes mobiles
de soins palliatifs, mais pas d'unité
de soins palliatifs. La formation, cela me paraît
quelque chose d'essentiel dans la formation des médecins,
des infirmiers et des ASH, mais aussi du personnel
des structures médico-sociales et en particulier des EHPAD. -Je vous interromps,
on parlait de Jean Léonetti. Je vous ai demandé avant l'entretien
si une figure politique vous avait marqué,
vous m'avez dit non. Votre conviction sur le sujet,
m'avez-vous dit, s'est faite dans une construction
plus intime, avec des expériences de vie. Pouvez-vous nous en parler ? Comment s'est fait votre avis
sur la question ? -Oui. Comme tout le monde,
si vous voulez. Moi, je n'ai plus mes parents. Mon père est mort il y a déjà
très, très longtemps. Il y a maintenant... 30... plus de 35 ans.
Voilà. Mon père a eu un cancer.
Il était très particulier puisqu'il ne voulait pas
se soigner. Et quand il a fini par accepter
de passer à l'hôpital, il a été très bien soigné. Et le chef de service nous a dit, puisque nous sommes six frères
et soeurs : "Voilà, il est perdu. "Il n'en a plus
que pour quelques jours." Et... Moi, j'ai demandé à un ami cancérologue. Je pourrais le nommer puisqu'il
est maintenant mort, qui était célèbre, c'était
le professeur Schwartzenberg. "Accepteriez-vous de venir
dans son hôpital examiner mon père ? "Est-ce qu'il y a encore
quelque chose à faire, "ou pas ?" Et... le Dr Schwarzenberg a accepté, car j'avais été trésorier de la Ligue
contre le cancer, enfin bon... C'est comme ça
qu'on s'était connus. Il a examiné mon père,
il nous a dit : "On peut tenter une chose "et, s'il ne réagit pas
sous 2 jours, il faut arrêter." Je lui ai dit : "Mais est-ce que
ça fera souffrir mon père ?" Il m'a dit non. On a essayé. Il n'a pas réagi et donc,
tous les enfants ont dit : "Dans ces conditions, "laissez notre père mourir
de sa mort naturelle." C'est ce qu'il aurait souhaité. -Est-ce que ça veut dire,
pour vous, que l'hypothèse de la mort
ne peut survenir que lorsque tout a été tenté ?
C'est ça ? -Je pense que c'est la fonction
des médecins. Et la médecine n'est pas
une science exacte. On en parlera peut-être tout à l'heure,
sur les critères d'éligibilité au nouveau dispositif proposé. Et ma mère est morte
de sa mort naturelle, chez elle, comme elle le souhaitait. Elle s'est endormie.
Voilà. -Et elle souhaitait... mourir ?
-Elle était atteinte d'une maladie neurodégénérative, comme beaucoup de personnes
très, très âgées puisqu'elle avait
presque 95 ans et elle me disait,
tant qu'elle avait encore sa conscience : "Tu sais,
pourquoi je suis encore sur terre ? "Je suis une charge pour vous. Et je lui disais :
"Mais maman, "nous avons été une charge
pour vous." -En tant qu'enfants ?
-Voilà. "Vous avez la chance d'avoir
tous vos enfants autour de vous, "vos petits-enfants.
Voilà... "Et donc, ce n'est pas un problème. "Vous n'êtes pas une charge." -C'est le rôle de l'entourage,
aussi, qui joue beaucoup dans l'expérience
que vous avez de ces questions ? -Bien sûr. De l'entourage,
de la famille, mais aussi des gens
qui s'occupent de soigner ces personnes.
D'avoir de l'humanité. Voilà, de l'humanité. Et c'est pour moi une forme
de l'un des trois principes de la République française,
la fraternité, dont on parle peu en France.
-Vous parliez du professeur Léon Schwarzenberg.
Il était partisan de l'euthanasie,
l'un des premiers en France. Voici ce qu'il disait en 1984. *-Quand vous êtes confronté
à ce problème, de toute façon, la réponse est mauvaise. Si vous n'accordez pas la dist... la disparition
de l'existence, impossible, vous êtes sauvage,
vous êtes cruel. Et si vous l'accordez, vous n'êtes pas en accord
avec votre métier. Alors vous répondez
le moins mal possible. Certains répondent
que le moins mal possible, c'est de laisser la Vie
se poursuivre malgré tout, d'autres, dont je ferais partie,
pensent qu'au contraire il faut respecter jusqu'au bout
la vie et le désir de liberté
de la malade ou du malade et lui permettre de décider
lui-même avant que la mort, qui avait déjà rongé
ce malheureux visage, fasse son oeuvre. -Comment vous réagissez
à ces propos ? -Je trouve que ce sont
des propos pleins d'humanité. Tout le monde sait que
beaucoup de médecins, ils vous le disent, pratiquent des aides à mourir. De fait. Mais, de là, si vous voulez en faire
un texte de loi, je pense que ce n'est pas
la bonne solution. Pour moi, il fallait aller jusqu'au bout
de la loi Claeys-Leonetti, c'est-à-dire
la mettre vraiment en oeuvre. Dans le plan Vautrin, il y en a pour 10 ans. Après, on fait le point
et on voit ce qu'il faut faire évoluer.
-Léon Schwarzenberg estimait que, tout en étant
favorable à l'euthanasie, il ne voulait pas de loi. Il disait : "C'est un problème
entre deux consciences "qui ne peut se régler
qu'à ce niveau. "Il faut savoir courir le risque." Vous seriez tenté de dire
que c'est un des rares domaines ou la loi, peut-être,
devrait fermer les yeux ? -Bah, dans les faits, c'est ce qui se passe,
actuellement. Voilà. Et moi, ma grande crainte,
si vous voulez, c'est... d'ouvrir la voie,
vous voyez. Et quand on regarde
les expériences étrangères, on voit qu'une fois
qu'on a mis le doigt là-dedans, eh bien la grande tentation,
on le voit dans beaucoup de pays : on élargit,
on élargit, on élargit... -Merci, Charles de Courson, d'avoir été notre invité. SOUS-TITRAGE : RED BEE MEDIA Générique ...
-mon invité a longtemps été à la tête d'un magasin familial
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sans aucune expérience politique, il est devenu député. il est aujourd'hui coprésident
du groupe liot à l'assemblée. générique ... bonjour, christophe naegelen. -bonjour.... Read more
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